Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Le roi se meurt d’Eugène Ionesco

Posté : 23 août, 2015 @ 10:43 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Le roi se meurt Genre : Théâtre

Editeur : Folio

Année de sortie : 2009

Nombre de pages : 137

Synopsis : MARGUERITE, se dirigeant vers le Roi : Sire, je dois vous mettre au courant.

MARIE : Non, taisez-vous.

MARGUERITE, à Marie : Taisez-vous.

MARIE, au Roi : Ce n’est pas vrai ce qu’elle dit.

LE ROI : Au courant de quoi ? Qu’est-ce qui n’est pas vrai ? Marie, pourquoi cet air désolé ? Que vous arrive-t-il ?

MARGUERITE, au Roi : Sire, on doit vous annoncer que vous allez mourir.

LE MÉDECIN : Hélas, oui, Majesté.

 

Avis :Je vais normalement étudier cette pièce dans l’année qui vient, donc je l’ai lu, histoire de voir ce que cela donne. J’avoue que j’avais un peu peur de ne pas aimer, surtout que le théâtre de l’absurde n’est pas du tout mon truc !

Dès le début, on comprend que la pièce sera spéciale. La présentation des personnages n’est pas du tout classique, et leur entrée est absurde. Ils entrent et sortent aussitôt. Quand ils sont tous sur scène, ils commencent à parler d’un personnage qui n’est pas encore présent : le Roi, qui se meurt sans le savoir. Derrière l’absurdité de l’histoire d’un roi qui n’accepte pas de mourir et de ne plus rien contrôler, le lecteur peut voir une métaphore du temps qui passe sans qu’on le voit, de l’éphémère existence de l’homme qui ne dure que deux minutes sur une Terre vieille de plusieurs milliards d’années. Sont évoqués le souvenir et la mémoire d’un homme qui meurt : qui se souviendra de lui ? Est-ce qu’il restera quelque chose ? Est-ce qu’il n’y a vraiment rien à faire pour survivre ? Cela fait réfléchir le lecteur, et lui fait prendre conscience, si ce n’est pas déjà fait, de l’insignifiance de la vie humaine comparée à celle de l’univers. Certes, le Roi a accompli de hauts faits : mais il a aussi tout laissé se flétrir, il a tout négligé ensuite, et se retrouve mourant avec un royaume ridicule. Toute la pièce se déroule en huis-clos, avec un décor simple, ce qui intensifie la portée des mots.

Les personnages m’ont semblé bien refléter la nature humaine : le Roi nie la mort aussi fort qu’il le peut. Il passe par toutes les étapes du deuil, ou par toutes celle de la mort, et se rend aussi ridicule que possible. Il refuse de perdre le contrôle qu’il avait sur les choses, et se prend pour un dieu. Il pense que la nature doit lui obéir, et que s’il dit au soleil de se montrer, il apparaîtra comme par magie. Il pense qu’il peut contrôler le moment de sa mort, que c’est lui qui choisira de s’éteindre dans un siècle, deux, dix, quatre-cents, et ne se rend compte que trop tard que la fin est proche. Marguerite, la première femme du Roi, tente de le raisonner comme elle peut et de lui faire comprendre qu’il ne peut rien faire contre la mort. Elle peut passer pour l’oiseau de mauvaise augure, mais je trouve surtout qu’elle est la plus réaliste et la plus terre-à-terre des femmes du roi. Elle a voulu le préparer, mais n’en a pas eu l’occasion, et maintenant, elle veut l’accompagner dans sa descente, et même le forcer à tomber. Marie, la seconde reine, est plus jeune, et beaucoup plus irrationnelle et fleur bleue. Elle influence le Roi en lui montrant qu’elle l’aime toujours, et qu’il peut toujours tout contrôler tant qu’il a assez de volonté pour ça. Elle passe pour l’amoureuse désespérée qui voudrait que son Roi reste éternellement jeune, comme elle. Le Médecin, qui exerce plusieurs métiers assez incompatibles, se range du côté de Marguerite, et tente de forcer le Roi à se rendre à l’évidence. Il constate la décadence du personnage principal et annonce qu’il n’y a rien à faire. Juliette est comme une aide pour les autres personnages : elle sert le Roi, et constate elle aussi qu’il n’est plus le même. Elle est un peu celle qui donne l’avis du peuple en général. Elle est aussi la seule à sortir de scène pour aller dans le monde extérieur, où elle est censée agir, ce que les autres personnages ne peuvent pas faire. Le Garde annonce ce qui se dit dans la pièce, et la répétition que cela engendre est assez comique. Il commente les actions du Roi, comme lorsqu’il tombe, ce qui a un effet (de répétition et de comique de situation) sur le lecteur et le public.

La fin est prévisible, absurde. La disparition est très rapide, tout change en peu de temps, et avant que le lecteur ait pu s’en rendre compte, c’est fini. Finalement, celle qui accompagne le Roi jusqu’à la fin n’est pas la reine à laquelle on peut s’attendre, au vu de la pièce toute entière.

 

En définitive, une pièce du théâtre de l’absurde que j’ai apprécié grâce à la réflexion qu’elle offre au lecteur sur la mémoire, le deuil, l’acceptation de la mort et du peu de temps dont l’homme dispose. Une pièce représentative du théâtre moderne.

The Crucible de Arthur Miller

Posté : 29 juin, 2015 @ 11:45 dans Avis littéraires, Coup de cœur | 2 commentaires »

The CrucibleGenre : Théâtre

Editeur : Penguin Plays

Année de sortie : 1976

Nombre de pages : 152

Synopsis : A classic of the American theater – Arthur Miller’s tense, ingeniously multilayered drama of principle and paranoia. The place is Salem, Massachusetts, in 1692, an enclave of rigid piety huddled on the edge of a wilderness. Its inhabitants believe unquestioningly in their own sanctity. But in Arthur Miller’s edgy masterpiece, that very belief will have poisonous consequences when a vengeful teenager accuses a rival of witchcraft – and then those accusations multiply to consume the entire village. First produced in 1953, at a time when America was convulsed by a new epidemic of witchhunting, The Crucible brilliantly explores the threshold between individual guilt and mass hysteria, personal spite and collective evil. It is a play that is not only relentlessly suspenseful and vastly moving but that compels readers to fathom their hearts and consciences in ways that only the greatest theater ever can.

 

Avis : Je voulais lire cette pièce (elle était dans ma Wish-List), mais sans hâte, ne sachant pas trop à quoi m’attendre. Il m’a été prêté (je ne me suis même pas rendue compte tout de suite que je connaissais ce livre), et j’ai tout de suite adoré la couverture. Elle porte mes couleurs, et je la trouve à la fois très sobre et esthétique. C’est donc avec plaisir que je me suis lancée dans cette lecture.

Le lecteur se trouve donc à Salem en 1692. C’est évidemment une histoire de sorcières (le village est célèbre pour cela), à une période où des tas de gens sont exécutés pour sorcellerie, avec des preuves tellement minces qu’elles font peine à voir. On découvre ici une nouvelle facette de l’histoire, ce qui l’a motivé, comment elle aurait pu se passer. Le lecteur se rend vite compte de l’ignorance des juges, et de leur avidité à vouloir absolument condamner un maximum de personnes pour sorcellerie au nom de Dieu, comme si le fait de les juger coupables leur ouvrait la voie du Paradis. Ils se prennent pour des sauveurs, mais on ne les voit que comme des exécuteurs, des tortionnaires injustes qui se laissent avoir par des gamines. Les preuves sont inexistantes, mensongères ou invisibles, les victimes sont clairement innocentes, ce qui indigne d’autant plus le lecteur. Elles sont bonnes, et n’ont rien à voir avec le Diable. Les accusateurs sont clairement mus par la vengeance ou la peur. C’est révoltant de voir une telle perversité et une telle persévérance dans le mensonge (pour faire souffrir ou par peur de perdre la face) : même quand ils sont découverts, ils arrivent encore à se sortir d’affaire et à faire payer d’autres à leur place. Les juges préfèrent tuer un innocent que de se rendre compte qu’ils ont commis une erreur judiciaire impardonnable. De plus, au début de la pièce, les personnages nous sont présentés : cela semble être un prétexte pour écrire de mini essais sur la religion, et sur son rapport avec la politique. L’opinion de l’auteur est clairement donnée, et l’on se rend vite compte que c’est une espèce de critique de la société de son temps. Ce qu’il dit est entré en écho avec ce que je pense, et je me suis tout de suite dit que j’allais aimer cette pièce. Ces petits essais lui apportent encore plus de réflexion. De plus, elle plonge le lecteur dans un suspense digne d’un policier : jusqu’à la fin, il ne peut pas savoir ce qui va se passer, ce qui va arriver aux personnages. Enfin, l’écriture est très agréable à lire et donne une lecture fluide malgré quelques mots non compris en VO.

Concernant les personnages, le premier à apparaître est Parris, un homme d’église. Il est assez énervant : il ne peut s’empêcher de parler pour sauver sa peau, lui dont la fille pourrait être accusée d’être une sorcière. Il se cache donc derrière le procès pour la sauver, son nom et son honneur avec. Proctor, quant à lui, est un homme qui a ses faiblesses, mais qui ne veut pas que les autres en pâtissent à sa place. Il est responsable, et préfère se dénoncer que de voir souffrir des innocents. De plus, il semble être la base de cette histoire, puisqu’il est directement impliqué dans la vengeance d’Abigail. Celle-ci est une jeune fille qui veut se venger du village en accusant ceux qui l’ont insultée d’être des sorcières et sorciers. J’ai eu un peu pitié d’elle au début, pendant un petit moment, puis j’ai ressenti un grand dégoût pour elle. C’est le genre de personnage qui révulse ou fascine le lecteur. Ce n’est qu’une gamine qui se rend bien compte des conséquences de ses actes, et qui plonge Salem dans une période meurtrière où chacun peut être soupçonné de frayer avec le Diable si elle décide de mentionner son nom. Elle entraîne avec elle ses amies, qui ne semblent pas oser la défier, excepté Mary Warren. Cette jeune fille semble facile influençable et manipulable, faible face aux autres personnages. Elle connaît la vérité, et le lecteur aimerait qu’elle s’affirme pour la déclamer au grand jour. L’âge des jeunes filles (dans les 17 ans) montre aussi l’inconstance des ados qui pensent qu’ils peuvent dire ce qu’ils veulent et faire ce qu’ils veulent, que si c’est pour se venger, la personne l’a bien mérité. Elles font preuve d’une immaturité et d’une malveillance sans nom. Le juge Danforth, quant à lui, ne veut pas perdre la face : il trouve donc un ensemble de stratagèmes pour prouver que les jeunes filles ne mentent pas, qu’il ne s’est pas fait duper. Même si les habitants lui prouvent qu’il a tort et qu’il risque d’exécuter des innocents, il trouve des preuves invisibles ou mensongères pour montrer qu’il y a sorcellerie. Le révérend Hale est un personnage sympathique venu aider Salem avec son histoire de sorcières. Il ne connaît pas les habitants, et a donc un regard plutôt objectif sur la situation. Il se retrouve pourtant à endosser le mauvais rôle et, quand il s’en rend compte, il est déjà trop tard. Il fait ensuite tout pour tout arranger. Le lecteur croise d’autres personnages dans cette pièce, comme Elizabeth, une femme qui respire la douceur et la bonté, Rebecca, qui semble un ange à en croire les descriptions des autres habitants, Giles Corey, malheureux fermier dont la troisième femme est accusée de sorcellerie et qui connaîtra un destin tragique, Francis Nurse, qui prône que sa femme est une sainte, qui apporte des preuves, mais qui n’est pas même écouté, les autres jeunes filles qui suivent Abigail, Betty, Ruth, Mercy, etc, qui m’ont paru beaucoup plus ressembler à des sorcières que les femmes dont elles parlent.

La scène 2 de l’acte 2 a été supprimée par l’auteur ; dans cette édition, elle se trouve à la fin du livre. C’est un dialogue entre Proctor et Abigail où le lecteur se rend compte que la jeune fille, soit pense vraiment qu’elle agit selon Dieu, soit veut absolument convaincre Proctor du bien-fondé de ce qu’elle fait. Elle pense même qu’il est d’accord avec elle. Sa vengeance n’est en réalité vraiment dirigée que vers une seule personne, et les autres en pâtissent parce qu’ils l’ont insulté après ce qu’elle a fait avant la pièce.

Dieu est évidemment très important dans cette pièce, mais l’on se rend compte aussi des horreurs que l’on peut faire en son nom. Le fanatisme des jeunes filles, leurs mensonges mènent à la destruction et à la mort d’innocents. Elles disent agir pour la religion, elles disent être des saintes, et les juges les croient en fermant les yeux sur la vérité et la réalité. Je n’ai pas pu m’empêcher de trouver un écho de cette situation de mensonge religieux dans l’actualité.

La fin n’est pas vraiment une surprise, même si elle est très triste et révoltante. Il semble évident que le personnage concerné ne pouvait pas agir autrement, par honneur, mais aussi pour ses amis qui vont mourir. Ainsi, à la fin, les morts se sont enchaînées, mais le triomphe est partagé entre les deux camps : ceux des menteurs qui gagnent, quoi qu’il arrive, et ceux des innocents qui perdent la vie en gagnant le Paradis.

 

C’est donc une excellente pièce, que je relirais sans doute, qui nous transporte à Salem et nous fait réfléchir sur la religion et les hommes.

Faust de Goethe

Posté : 28 mars, 2015 @ 1:10 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

FaustGenre : Théâtre, Classique

Editeur : Librio

Année de sortie : 1995

Nombre de pages : 155

Synopsis : Méphisto rend parfois visite au Seigneur; qui ne dédaigne pas de parler au diable. Surtout s’il s’agit de Faust, ce savant, ce magicien … Satan aimerait tellement le tenter, le faire trébucher, gagner son âme pour l’éternité. Et Dieu y consent. Car c’est le rôle du démon d’aiguillonner l’homme pour l’empêcher de sombrer dans la paresse. Méphisto approche alors Faust sous la forme d’un chien noir. Entre eux deux, c’est le grand marchandage. Le Malin offre au docteur la jeunesse, la puissance et la gloire. Celui-ci promet de se donner au diable si d’aventure quelque chose sur cette terre le retient ! Pari téméraire ! Lorsqu’après avoir bu le philtre de la sorcière, Faust découvre Marguerite dans sa beauté parfaite, il est prêt à se damner …

 

Avis :  Ce livre m’avait l’air intéressant, et j’avais envie de le lire pour aborder un peu la littérature allemande, que je n’ai pas encore vraiment découverte.

L’œuvre commence par un prologue sur le théâtre : il nous donne une certaine vision de celui-ci, du dramaturge, mais aussi du public, que l’auteur doit satisfaire avant tout. Je ne me suis pas vraiment attardée dessus, j’avais surtout hâte de lire la pièce en elle-même. Tout commence avec, comme le dit le synopsis, une visite de Méphistophélès à Dieu : ceux-ci parlent de Faust, et le Seigneur consent à ce que Satan tente de le séduire et de lui faire oublier la voie de la lumière. A ce moment, l’on ne connaît pas encore le docteur, qui apparaît ensuite seul en scène, inquiet, désespéré, et invoquant un esprit. Comme d’ordinaire, quand je lis des pièces de théâtre, j’ai su m’imaginer les lieux dans lesquels se déroulaient les actions, les personnages, et les scènes. Mais le texte, tout en subtilité et en images, m’a parfois un peu bloquée. L’écriture est très belle, mais chargée, et y transpire le romantisme de l’époque. Il n’est pas toujours évident de comprendre où l’auteur veut en venir. La nature est très présente, ainsi que la plainte et le désespoir pour Faust de se voir assigner comme compagnon le diable. L’on assiste ici à la manipulation du docteur par le diable ; Faust ne se rend compte que trop tard qu’il a été utilisé. Les différents lieux où se situe l’action sont tour à tour démoniaques et ordinaires : on passe de l’antre d’une sorcière au jardin de Marthe, de la nuit du sabbat à la chambre de Marguerite. C’est assez décousu, et peut-être un peu confus pour le lecteur.

Concernant les personnages : tout en sachant à qui il a à faire, Faust ne se méfie pas assez de Méphistophélès. Il le juge à son service, et se pense incorruptible. Il le suit dans les endroits que celui-ci veut lui montrer pour le débaucher : une taverne, la demeure d’une sorcière, la nuit du sabbat. Il ne soupçonne pas que c’est dans un être pur qu’il va trouver sa perdition. Faust est le représentant du romantisme dans l’œuvre : c’est par lui que Goethe fait montre de son lyrisme, évoque la nature et la perte. Le personnage de Méphistophélès est le corrupteur, le démon tentateur envoyé par Dieu vers Faust pour le tester et voir s’il restera dans le chemin du Seigneur. Il use de toutes les ruses dont il est capable pour berner le docteur, et notamment le philtre de la sorcière, que Faust accepte de boire, et qui le mènera à sa perte. Marguerite semble l’incarnation de la pureté, la rose virginale corrompue par le mal. Douce et vulnérable, elle reconnaît le diable en Méphistophélès, mais se laisse charmer par Faust, qu’elle aime au point de tout faire pour lui. Cet amour pour le docteur la conduira à sa perte. Les autres personnages sont moins prépondérants, mais jouent tout de même un rôle important : Marthe sera utilisée par le diable, Valentin sera une pièce du puzzle de ce qui arrivera à Marguerite, les démons et sorcières sont les compagnons de Faust quand il est auprès du diable.

La fin est mêlée d’espoir et de désespoir. Le premier concerne Marguerite, notamment avec ce que dit une voix qui vient du ciel. Le second concerne Faust, berné et manipulé, qui n’a pas le temps de se repentir, et qui est emmené loin de Marguerite.

Je viens de découvrir que Nerval était le traducteur, et je dois dire que, dans le lyrisme des monologues de Faust, cela se voit. J’aime beaucoup l’écriture de cet auteur, c’est sans doute pour cela que j’ai particulièrement aimé celle-ci, plus que l’histoire, un peu confuse.

 

En définitive, une pièce intéressante, qui nous relate la corruption d’un homme qui pense pouvoir résister au diable, mais qui se retrouve pris dans les filets de l’amour.

La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux

Posté : 7 février, 2015 @ 9:04 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

La guerre de Troie n'aura pas lieuGenre : Théâtre

Editeur : Larousse (Classiques)

Année de sortie : 1959

Nombre de pages : 111

Synopsis : Hélène, enlevée par Pâris, est réclamée par les Grecs. Mais la plupart des Troyens, fascinés par sa beauté, refusent de la rendre. D’âpres négociations s’ensuivent. Les partisans de la paix l’emporteront-ils ? Avec cette relecture de la mythologie antique, Giraudoux s’adresse aussi à ses contemporains : en 1935, la Première Guerre mondiale est encore dans les mémoires. Et la pièce, qui interroge le caractère éternel des conflits armés, fait surgir la menace d’une nouvelle tragédie, peut-être imminente.

 

Avis : J’ai déjà lu ce livre une première fois il y a trois ans, et je me souviens avoir adoré, mais je ne pensais pas que la seconde lecture me ferait le même effet !

Ce livre raconte les négociations entre Hector et son peuple, puis Hector et les Grecs pour éviter la guerre avec la Grèce, et pour rendre Hélène, enlevée par Pâris, à Ménélas. Rien que le titre nous fait comprendre le suspense qui va peser sur toute la pièce : dans la véritable histoire, la guerre a lieu ; avec ce titre, on peut penser qu’elle ne sera pas. Mais chaque réplique, ou presque, nous fait douter. J’ai aimé parfois la poésie des répliques, comme celle d’Ulysse avec les battements de cils d’Andromaque et Pénélope, mais j’ai aussi pesé l’ironie et le cynisme d’autres répliques, qui montrent l’absurdité de la situation mais aussi d’une guerre que les Troyens désirent du fond du cœur, sans vraiment savoir ce qu’elle signifie vraiment il semble – ou pire encore, s’ils le savent, puisqu’ils vont au-devant de la mort en souriant, et pour aucune raison vraiment valable.

Concernant les personnages, depuis que je connais la légende de Troie, je suis très attachée au couple Hector/Andromaque. Ils m’ont encore ému ici. Ils sont sincèrement amoureux, et ne désirent que la paix pour vivre l’un avec l’autre, surtout avec le petit Astyanax qui n’est même pas encore né. J’ai espéré avec eux. Ils m’ont semblé qu’ils représentaient ici l’amour et la lucidité : ils savent que la guerre ne leur apportera rien de bon. Andromaque, à un moment, prône même la lâcheté en disant que seuls les courageux meurent à la guerre, et qu’il faut avoir plier les genoux ou baisser la tête pour vivre encore. En revanche, en opposition totale avec le couple Hector/Andromaque, je n’ai jamais apprécié celui de Pâris et Hélène. Ils incarnent la fausseté et, dans la mythologie, la faute. Cela ferait meilleure impression s’ils ressentaient l’un pour l’autre un amour passionné : il n’en est rien. Hélène ne semble absolument pas attachée à Pâris : elle est là, elle bouge, elle parle, voilà tout. Pâris, lui, semble être le jeune inconséquent qui fait ce qu’il veut sans penser aux autres. Encore une fois, cela aurait pu être beau si l’amour avait effectivement été présent. Mais il ne se passe rien sentimentalement parlant entre eux. J’ai aimé le personnage d’Hécube, qui m’a souvent fait sourire de par les répliques qu’elle lance aux personnages comme Démokos ou Abnéos. Elle est cynique, et aussi lucide que son fils Hector. Elle est accompagnée de la petite Polyxène, qui incarne l’innocence. Elle pose les questions d’une enfant, comme « Qu’est-ce que c’est la guerre ? ». Les autres personnages sont à genoux devant Hélène, qu’il voit comme l’incarnation de la beauté. Ils prônent la guerre, et veulent qu’elle ait lieu, comme, semble-t-il, tous les autres Troyens. Le personnage d’Ulysse est porteur d’un message du destin semble-t-il : si la guerre doit avoir lieu, même si Hector et Ulysse étaient frères, elle aurait lieu. Les hommes n’y peuvent rien, c’est le hasard et les dieux qui la décident. Oiax est celui qui fera tout basculer. Cassandre, un des personnages que j’apprécie le plus dans la mythologie grecque, est également présente, et, avec Hélène, elle parle de l’avenir de Troie, qu’elles voient à peu près de la même façon. La fatalité pèse sur Troie rien que par la présence de la prêtresse maudite.

Cette année, j’étudie la Troisième République en France, et, forcément, je passe par la Première Guerre mondiale. Or, notre professeur d’histoire nous a parlé de La guerre de Troie n’aura pas lieu dans ce contexte, et, relue avec cet éclaircissement, la pièce prend une tout autre dimension. Elle montre l’exaltation absurde d’une guerre qui ne fait que séparer des familles, faire tuer des hommes qui n’ont rien demandé. De plus, de par les chants écrits par les poètes, l’auteur montre que les intellectuels étaient pour la guerre, la montrer comme bonne, et encourager les hommes à partir combattre. Cela montre aussi qu’ils exaltent quelque chose qu’ils ne connaissent pas et qu’ils stimulent sans savoir ce qu’elle est vraiment, et surtout, ce qu’elle peut faire. Le fait que la guerre prenne le visage d’Hélène pour Démokos montre aussi comment les hommes de l’époque voyaient la guerre : belle, honorable parce que les hommes sont courageux, braves, des héros. Hector, Andromaque et Hécube ne font que contredire ses éloges sans que ceux qui la prônent ne se remettent en question.

La fin est terrifiante. Elle a lieu d’un coup, comme ça, abruptement. On n’a vraiment pas le temps de s’y attendre. Cela m’a donné des frissons, parce que l’on sait ce que cela signifie.

 

Une pièce excellente que je recommande fortement ! Elle met en scène des personnages mythologiques et une histoire très connus tout en la colorant du contexte de l’époque de son écriture.

Hedda Gabler de Henrik Ibsen

Posté : 14 janvier, 2015 @ 11:54 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : ThéâtreHedda Gabler

Editeur : Le Livre de poche

Année de sortie : 2014

Nombre de pages : 187

Synopsis : Hedda Gabler est plus qu’un personnage, c’est la figure emblématique d’un romantisme devenu impossible, la métaphore d’une époque révolue. Elle est l’un des grands personnages féminins du théâtre européen, au même titre qu’Antigone ou Andromaque.

 

Avis : Cela faisait un moment que je n’avais pas lu de théâtre : cela m’a fait du bien ! La couverture est déjà assez représentative de la pièce : une femme à un balcon qui regarde vers l’extérieur, mais elle est aussi un peu tournée vers l’intérieur, enfermée dans son monde et n’accédant pas à celui qui est en face d’elle.

La pièce est divisée en quatre actes, qui, eux, ne sont pas divisés en scènes. Ils sont assez rapides à lire, et le fait qu’il n’y ait pas de « pause » à l’intérieur ne m’a pas paru gênant. Les descriptions de lieu sont assez longues, cela m’a un peu fait penser à l’irruption d’un roman dans la pièce. Cela permet de très bien s’imaginer l’endroit où l’action se déroule, endroit qui est le même tout le long de la pièce. On s’y habitue facilement, et les différentes atmosphères donnent l’impression que l’on change de lieu sans en changer. Cette pièce se déroule en deux jours, il me semble, deux jours où beaucoup de choses se passent dans la vie des personnages. Hedda et Tesman viennent de rentrer de voyage et découvrent leur nouvelle demeure alors que deux de leurs vieux « amis » arrivent en ville et se rendent chez eux. Commence alors un entrelacement de secrets et de révélations subtiles que j’ai pris plaisir à découvrir. En effet, on comprend vite qu’Hedda cache quelque chose, un secret qui ne nous est révélé qu’à demi-mots. Tout est vraiment fait en subtilité dans cette pièce. On doit lire entre les lignes pour bien comprendre ce qui est arrivé aux personnages, mais aussi ce qu’il est en train de se passer. Les répliques d’Hedda, notamment, sont peuplées d’images, de métaphores qui montrent son point de vue sur la vie.

Les didascalies sont très présentes dans cette pièce, et j’ai trouvé qu’elles aidaient vraiment à comprendre l’intériorité des personnages. Cela est beaucoup plus compliqué dans une tragédie de Shakespeare où il n’y a pratiquement pas de didascalies, en tout cas, aucune sur le ton des personnages ou l’expression de leur visage, ce qui les rend un peu difficiles à cerner. Ici, au contraire, c’est très simple. En effet, Hedda semble vraiment arrogante et au-dessus de tout le monde dans cette pièce. Elle vient d’un milieu aisé qu’elle ne retrouve pas dans sa nouvelle demeure et cela la gêne. Elle semble, à première vue, assez superficielle. Mais par la suite, le personnage prend une certaine profondeur. Hedda réfléchit sur la vie qu’elle va mener, sur la vie qu’elle a menée : j’ai pu le constater dans ses conversations avec le juge Brack. La jeune femme est aussi un personnage très manipulateur et, cela m’a un peu surpris, assez violent (sur certaines éditions, on comprend cette violence dès le synopsis avec la mention des pistolets du général Gabler, le père d’Hedda). C’est un être passionné aux prises avec sa propre vie. Elle se préoccupe peu de la vie des autres, qui ne semble pas lui importer, et ne pense qu’à la Beauté, ainsi qu’à son niveau de vie qu’elle voudrait supérieur. Tesman, quant à lui, m’a semblé assez ridicule ; en tout cas, lorsqu’il est avec Hedda. Elle le rabaisse constamment sans qu’il s’en rende compte, et cela donne parfois des situations un peu comiques. Il n’est pas très original, il est assez classique, et ne se préoccupe que de la culture et de ses vieux livres. Il ne connaît absolument pas Hedda, et je me suis demandée tout le long du livre ce qu’ils pouvaient bien faire ensemble ! Le personnage de Ejlert Lövborg est plus original, et sans doute plus propre à plaire aux lecteurs et aux autres personnages eux-mêmes. Lui est original, même avant-gardiste, et plaît aux femmes, c’est indéniable. Il est un peu l’élément perturbateur de la pièce, puisque c’est son arrivée qui déclenche tout ce qui va arriver. Thea Elvsted m’a plu, et m’a fait pitié en même temps. Elle semble très influençable, et très peu intelligente lorsqu’on la découvre pour la première fois ; en tout cas, Hedda me l’a fait voir de la sorte. Elle semble passionnée mais incertaine de la marche à suivre, ce qui refroidit complètement sa passion, et la fait paraître assez ridicule parfois (encore une fois, surtout à cause d’Hedda). Elle se laisse manipulée par le personnage principal et ne réagit jamais (comme Tesman et Lövborg). Quant au juge Brack, je n’ai pas apprécié ce personnage. Il profite de la situation pour obtenir ce qu’il désire et se sert lui aussi des autres personnages. Il est la cause de la fin de la pièce.

Je pense que la fin ne pouvait pas être différente. En ce qui concerne Lövborg, elle était évidente après ce qu’Hedda a fait pour lui. Pour Tesman et Thea, je trouve que cela les rend d’autant plus méprisants pour le personnage principal puisqu’ils rendent complètement inutile ce qu’a fait Hedda. Concernant celle-ci, la fin est aussi évidente après avoir pris du recul. Un personnage aussi passionné ne peut finir autrement.

J’ai lu quelques avis où Hedda était désignée comme un mélange de Madame Bovary et d’Antigone. Après réflexion, c’est vrai que ce mélange peut convenir (elle s’ennuie comme Emma, et cherche une échappatoire comme Antigone), mais j’ai trouvé Hedda plus « masculine« . Sa façon d’agir, de parler, et la manière dont finit la pièce pour elle m’ont fait penser aux grands personnages tragiques masculins plus que féminins. Emma est fleur bleue : Hedda n’a rien à voir avec un quelconque sentimentalisme, au contraire, elle est très froide et distante. Antigone, elle, cherche à agir pour son frère : il semble qu’Hedda n’agisse que pour elle-même. J’ai trouvé que la fin le prouvait bien.

 

En définitive, une pièce que j’ai appréciée, où il faut lire entre les lignes. J’ai particulièrement apprécié le personnage d’Hedda, passionné et violent. 

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