Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Travailler encore ? Sciences et fictions sur le futur de l’emploi édité par Stéphanie Nicot et Jean-François Stich

Posté : 21 juin, 2023 @ 5:32 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Essai, Nouvelle, Science-fiction Travailler encore ?

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2023

Nombre de pages : 451

Synopsis : Contrairement à une idée reçue, la science-fiction ne prédit pas l’avenir, mais elle imagine des futurs possibles ; elle ne parle pas des temps à venir, mais du présent. Et de nous. Et qu’est-ce qui est plus humain – et parfois plus brutal, quand il perd toute finalité éthique – que le travail ? Questionner, bousculer, faire réfléchir, mais aussi faire rêver et distraire – même si c’est parfois sur un ton grave, voire angoissé – c’est le pari (à choix multiples) que font ici chercheurs, essayistes et auteurs de fiction. En neuf articles et autant de nouvelles – et une postface qui en tire les enseignements. Le monde va changer. Quand et comment, nous l’ignorons. Mais cette anthologie, comme la société qui nous entoure, est en travaux !

 

Avis : J’ai reçu cette anthologie en service presse de la part de la maison d’édition. 

C’était la première fois que je demandais un service presse numérique et j’ai d’abord eu un peu de mal avec le format – parce que je n’avais pas encore lu de PDF sur la liseuse, donc elle n’était pas bien réglée pour que le confort de lecture soit optimal. Petit à petit, j’ai trouvé la meilleure configuration possible, rendant la lecture d’autant plus agréable !

J’ai trouvé ce recueil passionnant ! Le sujet est déjà intéressant : la question du travail nous touche d’une manière ou d’une autre et s’interroger sur son avenir, ce qu’il sera dans le futur, peut être source d’espoir ou d’anxiété. Ce mélange était bien présent dans les nouvelles et les essais. J’ai adoré la majeure partie des nouvelles – dont je parlerai un peu plus en détails plus bas – et quelques essais, notamment ceux sur la pleine conscience, la notion d’anarchie, l’analyse de La Nuit des temps et la valeur-travail. Rien qu’avec cette petite liste, il est visible que, même si l’on reste centré sur le travail, les auteurs abordent différents aspects de celui-ci. J’ai eu un peu plus de mal avec les premiers essais : certains me semblaient presque hermétiques en raison du vocabulaire utilisé. J’ai aussi aimé que l’on traite assez abondamment d’IA mais pas seulement : réduire le travail du futur à l’intelligence artificielle aurait pu sembler trop facile.

La postface d’Ariel Kyrou, qui clôt le recueil, est excellente. Il revient sur chacun des essais et certaines nouvelles, analysant les différents points abordés pour se concentrer sur une notion évoquée dans l’anthologie : le sens du travail et, plus particulièrement, sa perte de sens. J’avais déjà lu un de ses essais, Dans les imaginaires du futur, passionnant et qui est sorti, il y a peu de temps, en poche, pour ceux que ça intéresserait !

Je vais revenir maintenant de manière un peu plus précise sur quelques nouvelles qui m’ont particulièrement marquée, tout en n’en révélant pas trop afin de vous laisser le plaisir de les découvrir par vous-mêmes. Dès le début, le ton est donné avec « Amour numérique » de Floriane Soulas, nouvelle qui fait tout de même un peu moins froid dans le dos que d’autres comme « Où se niche l’ambition » de Sylvie Lainé ou « Tomies » de Ketty Steward. En effet, si la première traite de harcèlement au travail, les deux autres montrent une dérive lente de l’emploi vers quelque chose de malsain, puisque les travailleurs sont prêts à de plus en plus de sacrifice ou de don de soi pour obtenir/conserver leur poste ou avancer dans leur carrière. Mes préférées restent « Parallaxe » de Katia Lanero Zamora et « Dysphorie » d’Anne-Sophie Devriese – sans doute en haut du classement d’ailleurs ! La première traite de la situation d’une femme arrêtée pour une raison inconnue du lecteur ; elle travaillait énormément, au point de négliger sa vie personnelle. La seconde porte sur une femme qui peut toucher le code … Cette dernière m’a fait penser à Matrix – j’ai eu, d’ailleurs, un peu peur que ce soit trop similaire (j’avais bien les films en tête, je venais de tous les revoir !) – mais elle reste suffisamment unique pour que ce ne soit pas dérangeant. Petite remarque aussi sur Aurore Dandoy qui écrit à la fois la nouvelle « Bienvenue à Galaxité » et l’essai « Après les dérives du coworking, une pratique anarchiste pour une société viable et durable ? », deux pièces que j’ai beaucoup apprécié également, la première pour son côté test et capacité spéciale, la seconde pour sa définition précise de l’anarchie, l’apport de cette idéologie pour une société plus saine et la découverte du coworking.

Pour finir, je dirais que ce recueil fait aussi du bien dans le sens où je me suis sentie beaucoup moins seule en le lisant. Le travail, comme l’explique Ariel Kyrou dans sa postface, a perdu de sa valeur au fil du temps ; l’impression de ne pas être utile, de ne pas s’inclure dans une société qui a besoin de changer, qui stagne dans un modèle qui ne fonctionne pas/plus provoque une réaction presque épidermique face au travail. Les gens ne sont pas plus fainéants ou faibles : ils ont juste besoin d’avoir un objectif, que leurs actions aient un sens véritable, que leur labeur fasse avancer la société ou rende un réel service. L’appât du gain, l’appel du chiffre, la focalisation sur l’économie font des hommes les engrenages d’une machine dont ils ne veulent plus faire partie. Tout cela est visible, palpable, dans les nouvelles de l’anthologie, empreinte parfois d’un réel désespoir face à une société mécanisée qui voit en l’homme un robot qu’il n’est pas. 

 

Donc, un excellent recueil qui nous divertit autant qu’il nous instruit en abordant le travail du futur de différentes manières.

La Séquence Aardtman de Saul Pandelakis

Posté : 29 avril, 2023 @ 8:41 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Science-Fiction La Séquence Aardtman

Editeur : Hélios

Année de sortie : 2023 [2021]

Nombre de pages : 623

Synopsis : Alors que la Terre devient progressivement inhabitable, les êtres humains restants doivent cohabiter avec des bots post-singularité. Pour faire face à l’effondrement climatique, des navettes spatiales sont envoyées à travers la galaxie, à la recherche de planètes susceptibles d’être terraformées.

Le vaisseau ari-me poursuit cette mission. À son bord, Roz, homme transgenre, est l’un des informaticiens en charge de l’intelligence artificielle navigatrice. Mais quand un problème inattendu sur l’IA survient, il a besoin d’aide pour y faire face. Il la trouve auprès d’Asha, une chercheuse bot transgenre, qui milite sur Terre pour la cause des siens.

Entre Terre et espace, la correspondance entre Roz et Asha va rapidement prendre une importance cruciale. Jusqu’où celle-ci va-t-elle les mener ?

 

Avis : J’ai reçu ce livre de la part de la maison d’édition, ActuSF, que je remercie chaleureusement : sans le mail de l’éditeur, je serais sans doute passée à côté de ce roman et quelle perte !

A la vue de la couverture et du résumé, je ne savais pas trop quoi penser de La Séquence Aardtman. La première est intrigante, mais ne me semblait pas être mon style ; le second m’a interpellée tout en me rendant méfiante – je ne suis pas fan de la mention du genre ou de la sexualité des personnages dans le synopsis, cela donne l’impression d’un argument de vente. Mais la cohabitation humains/bots, l’effondrement climatique, la recherche de planètes à terraformer, la cause des bots : tout cela m’a donné très envie, j’ai donc sauté le pas !

Quand j’ai commencé ce roman, j’hésitais avec un autre, donc je les ai commencés tous les deux le même soir pour voir lequel me conviendrait mieux en me disant que je n’allais lire que le début de chacun, voire le premier chapitre. Dès la première page, j’ai découvert une façon d’écrire que j’ai aimée, qui m’a charmée, et je n’ai pas arrêté de lire le livre jusqu’à ce qu’il soit achevé. C’était une envolée, une prise d’otages sans espoir d’échappée avant la dernière ligne. J’ai été happée par les mots, par les personnages, par l’histoire : j’étais complètement dedans. J’avais envie de ne faire que lire tout en ayant envie de faire durer le roman le plus longtemps possible pour rester avec cette écriture, avec ces bots et ces humains, avec cette intrigue en deux temps. Et c’était, évidemment, un immense coup de cœur ! Mais allons-y point par point !

Le premier élément qui m’a donc séduite, c’est l’écriture. Dans certaines de mes chroniques de romans francophones, je mentionne les problèmes de langue, que ce soit au niveau de la syntaxe, de l’orthographe ou des expressions figées qui ne sont pas écrites correctement. Ici, en plus d’être correcte syntaxiquement, grammaticalement et orthographiquement parlant, la langue était un délice. Les dialogues, écrits en français plus « relâché », oral, sonnent authentiques et la narration reste d’excellente qualité. Pas de froncement de sourcil face à une phrase alambiquée ou un mot mal employé : tout est à sa place. Plus encore, se dégage de ses pages une forme de poésie, une écriture toute particulière que j’ai vraiment adoré lire. C’était fluide, agréable et je me suis retrouvée à surligner certains passages tant ils sonnaient vrais, résonnaient de manière particulière ou étaient simplement beaux.

Puis, sont venus, ensemble, l’intrigue et les personnages. Je commencerai par la première. Nous suivons Roz et Asha, qui se trouvent très éloignés l’un de l’autre : le premier est sur un vaisseau au milieu de l’espace, la seconde est sur Terre. Le lecteur est ici confronté à deux environnements très différents, mais aussi aux lois de la relativité : par exemple, le temps ne s’écoule pas de la même façon pour nos deux protagonistes. Cela permet aussi d’aborder des notions comme la santé mentale dans un espace confiné avec les mêmes personnes, potentiellement pour toute une vie. Le cœur de l’œuvre reste, selon moi, l’altérité. En effet, Asha est une bot et elle vit dans un monde où ses semblables ont enfin des droits - ce monde est donc passé par un état de conscience des intelligences artificielles et par l’incarnat. Rien que cet aspect est passionnant. J’ai d’ailleurs, à un moment donné, préféré les chapitres se centrant sur Asha – avant que Roz ne revienne dans la danse avec force. Sont également évoqués l’extinction probable et approchante de l’humanité et les différents points de vue sur les bots, les humains, leur cohabitation, ce qui, là encore, est passionnant et devient très politique. On passe de la suprématie humaine à la suprématie bot en passant par la cohabitation saine entre les deux « espèces », les jugements des uns sur l’incarnat, des autres sur le manque d’ »humanité » des bots, certains qui tentent de ne pas entrer dans le débat, d’autres encore qui ne se rendent pas compte des remarques anti-bot qu’ils peuvent sortir sans y penser : autant de sujets qui semblent vrais, comme si les bots étaient déjà là. J’avais l’impression que tout cela se passait vraiment quelque part, ce qui rendait le roman actuel, présent. Mais j’ai sans doute aussi eu cette impression parce que « l’altérité » est présente autrement : tous les personnages présentés, ou presque, sont transgenres, gays ou lesbiennes. Dans notre société principalement hétérosexuelle, ces genres ou orientations sont encore perçus comme autres. De là à faire de ce roman une métaphore de la lutte pour les droits LGBT, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas : j’ai lu ce roman pour son côté SF et je n’aimerais pas réduire une œuvre à une interprétation possible. Toujours est-il que j’ai adoré cette diversité non forcée aux antipodes d’œuvres que j’ai pu lire dans lesquelles j’avais l’impression d’une liste à cocher. C’était naturel, évident ici. Le seul élément qui m’a gênée, plutôt vers la fin de l’œuvre : un commentaire sur la bêtise/l’absence de bon sens et d’intelligence des hommes cis hétéros. Cela m’a semblé être une généralité un peu dommageable : pourquoi partir dans un excès inverse ? Je ne dis pas que c’est la pensée de l’auteur, évidemment, puisque c’est un de ses personnages qui le pensait au sein de la narration ; c’est simplement le seul élément qui m’a fait hausser un sourcil sans gâcher ma lecture ni entacher mon coup de cœur. Pour finir sur l’intrigue, je trouve que le synopsis en dit un peu trop : effectivement, une correspondance va se mettre en place entre Asha et Roz, mais cela arrive très tardivement dans le roman, tellement tardivement que j’avais oublié cette partie de l’histoire. Cela permet, par ailleurs, de creuser davantage les personnages individuellement.

Passons donc à ces personnages ! Asha, donc, est une bot qui tente d’écrire sur le corps et d’expliquer son point de vue dans les médias sur la cohabitation humains/bots tout en ne voulant pas tout à fait s’impliquer politiquement, en tout cas, pas au point de certains de ses amis, bots ou humains, comme Clélia ou Zahir. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé qu’elle ne soit pas aussi militante que d’autres personnages, parce que cela la rend, peut-être, plus proche du lecteur « lambda ». J’ai rapidement adoré la suivre, non seulement parce qu’elle est l’incarnation de cette nouvelle entité du futur, mais aussi parce qu’elle est profondément humaine, au sens où elle ressent des émotions, a des relations complexes, vit comme un être humain, mais aussi pas du tout comme eux. Elle est très différente des « machines » qu’imaginent encore certains humains : elle est vivante, consciente, indépendante, autonome, pas seulement des process, un programme, de la ferraille. J’ai adoré découvrir, à travers elle, mais aussi à travers les interludes qui coupent les alternances de chapitres entre Asha et Roz, l’émergence des bots, leur « venue au monde », la lutte pour leurs droitsSPOILER 1 C’était fascinant de découvrir son passé, sa « naissance », comment elle vit et « fonctionne ». Quant à Roz, il se trouve dans un vaisseau très loin de chez lui. SPOILER 2 J’ai trouvé les chapitres le concernant très bons, mais j’étais moins dans son histoire que dans celle d’Asha SPOILER 3 J’ai aimé découvrir, peu à peu, ses compagnons de voyage, les relations qu’il tisse avec eux, qu’elles soient positives ou non, mais aussi le vaisseau, ses différentes pièces, son environnement, son ambiance.

Enfin, un mot sur la fin. J’ai eu très peur qu’elle me déçoive au sens où SPOILER 4 Ce ne fut pas le cas. Je l’ai trouvée belle, même si j’ai quitté le roman à regret. J’avais envie qu’il dure encore, suivre encore les personnages SPOILER 5

 

Donc, un excellent roman et un énorme coup de cœur que je recommande à tous les fans de SF mais aussi à ceux qui veulent imaginer un futur où coexistent bots et humains, porté par une écriture remarquable. 

 

SPOILER 1 La partie sur les bots sexuels m’a horrifiée, même si, malheureusement, je m’y attendais. 

SPOILER 2 Le lecteur comprend rapidement qu’il ne va pas très bien, voire qu’il est déprimé. En effet, il est à des milliers de kilomètres de chez lui, entouré par le vide intersidéral, enfermé avec d’autres êtres humains qu’il apprécie plus ou moins selon les cas, sans grand-chose à faire de ses journées si ce n’est vérifier les logs de l’IA du vaisseau, Alexander, qui n’a pas besoin de lui pour fonctionner. Le problème que va rencontrer le vaisseau va lui donner une nouvelle « raison de vivre », en quelque sorte, puisqu’il va devoir s’assurer qu’Aardtman est viable et le former. J’ai adoré cette partie du roman, le fait qu’il lui faille quelque chose à faire pour aller mieux et qu’il se sente coupable de cela, qu’il en parle à Maman, la personne en charge du suivi psychologique des astronautes. J’ai trouvé cela vraisemblable, je me suis sentie d’autant plus proche de lui, il était d’autant plus vrai pour moi.

SPOILER 3 jusqu’au moment où Alex crashe et le vaisseau s’arrête. 

SPOILER 4 le démantèlement d’Asha semblait une conclusion trop triste à ce roman. J’avais vraiment envie qu’elle continue à vivre, malgré tout. Je ne m’y attendais pas, mais j’ai sangloté lors du démantèlement de Tondo et je ne voulais vraiment pas imaginer ça pour Asha, personnage auquel je me suis rapidement attachée et que j’ai tant aimé. La mort de Clélia était aussi une claque en pleine figure ; le double deuil auquel doit faire face la jeune bot est terrible, d’autant plus qu’elle est encore en train de réfléchir aux différences entre humains et bots, à leurs expériences parallèles, mais qui ne se croiseraient jamais. Ici, elle fait l’expérience de quelque chose que l’on aurait pu imaginer impossible pour les bots : forcément, le backup existe et qui voudrait se faire démanteler alors qu’il peut vivre « éternellement » ? J’ai adoré que ce sujet soit abordé, l’idée d’une fin de vie aussi pour les bots, à la fois voulue pour Tondo et subie pour Clélia, qui connaissait les risques qu’elle encourait et qui a tout de même fait le choix de partir. Sont aussi abordés la question de la douleur et l’aspect « médical » de la vie des bots. 

SPOILER 5 arriver au prochain tie-in et poursuivre la correspondance entre Asha et Roz. Savoir si ari-me a atteint une planète terraformable. Continuer à voir évoluer Asha au milieu de l’extinction humaine. Mais il est logique que le roman s’arrête là, laissant le lecteur suspendu : qu’arrive-t-il à nos personnages après ce dernier message et la décision d’Asha ? 

Into the deep de Sophie Griselle #plib2023

Posté : 11 novembre, 2022 @ 7:20 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Science-fictionInto the deep

Editeur : Snag

Année de sortie : 2022

Nombre de pages : 498

Synopsis : À plus de onze mille mètres de fond, la fosse océanique des Mariannes, au large de l’océan Pacifique : l’endroit le plus profond sur Terre…

C’est là que Sam Luzarche, jeune océanologue, découvre une créature qui pourrait bien remettre en question tout ce qu’il croyait savoir sur la science, sur les fonds marins et, en définitive, sur lui-même.

 

Avis : Into the deep m’a été envoyé par la maison d’édition ; je le lis également dans le cadre du Plib 2023 !

Je ne partais pas très enthousiaste dans la lecture de ce roman ; c’est une amie qui m’a motivée et j’ai fini par me lancer !

J’ai beaucoup aimé l‘histoire générale, l’intrigue en elle-même : tout le mystère autour de l’île et de la fosse par extension, ce qui est arrivé, ce que l’on imagine, comment on peut l’interpréter. J’avais deviné une grande partie des révélations finales, mais cela n’a pas gâché ma lecture ; au contraire, je pense que j’aurais plutôt été déçue si je m’étais trompée ! J’aimais beaucoup la tournure que prenait l’histoire, elle serait retombée comme un soufflet pour moi si elle s’était avérée différente ! J’ai bien sûr adoré qu’on traite des SPOILER 1 J’ai également apprécié le décor, le fait que les personnages se trouvent sur un bateau près des côtes, donc dans une forme de huis-clos un peu moins oppressant que s’ils se trouvaient en pleine mer. Cela crée également un effet de groupe que j’adore toujours autant, même si, ici, il n’est pas tellement exploité.

En revanche, j’ai eu énormément de mal avec les personnages. Seuls quelques-uns d’entre eux ont trouvé grâce à mes yeux, comme Adam et Louis, mais j’ai détesté tous les autres. Je tiens d’abord à dire que le fait qu’un protagoniste soit détestable n’a pas d’impact sur mon appréciation du livre : dans The Secret History, absolument tous les personnages sont à vomir, et c’est un de mes livres préférés. Donc le fait que Sam et Henri soient abominables ne m’a pas forcément dérangée dans ma lecture, là n’est pas le problème. Ce qui m’a beaucoup gênée, c’est le fait que tous les personnages sont des stéréotypes. Sam est le jeune homme ténébreux et torturé qui fait du mal à tout le monde autour de lui mais auquel on pardonne systématiquement parce qu’il a souffert dans son enfance. Cela ne fonctionne pas pour moi : il est juste geignard et j’ai eu énormément de mal avec sa voix narrative, sachant que le roman est écrit à la première personne. Il ne fait que se plaindre et gémir tout en étant incohérent. Combien de fois ai-je levé les yeux au ciel parce qu’il se lamentait une énième fois sur son sort ? Ophélie est la jeune femme douce et belle qui peut et qui veut le faire changer, qui lui est toute dévouée et qui se fait piétiner toutes les cinq minutes. Mais c’est insupportable ! SPOILER 2 Le pire reste Henri. S’il n’était qu’un sombre salaud, tout irait bien. SPOILER 3

D’autres éléments m’ont gênée au cours de ma lecture, par exemple les petites fautes de français qui parsèment le texte et qui sont, notamment, des expressions fautives. Ce n’est pas grand-chose, mais cela m’arrêtait parfois au cours de route. Enfin, Into the deep a souffert de la comparaison avec Into the Drowning Deep de Seanan McGuire que j’ai lu cet été. En effet, le décor est le même, ce sont aussi des scientifiques qui étudient une créature au-dessus de la fosse des Mariannes. L’histoire et le sous-genre littéraire ne sont, en revanche, pas les mêmes : l’autrice américaine en a fait une science-fiction horrifique. 

 

Donc, un bon roman dont l’intrigue est intéressante, mais dont les personnages sont trop stéréotypés pour me plaire.

 

SPOILER 1 sirènes ! Ce sont des créatures fascinantes et j’adore que les auteurs reprennent leurs mythes pour en donner une explication scientifique ! Il n’y avait aucune surprise pour moi quant à l’identité de la créature – sans doute parce que j’avais déjà lu un roman dont l’action se déroulait au niveau de la fosse des Mariannes et qui, justement, traitait des sirènes !

SPOILER 2 Le fait que leur relation perdure, qu’Ophélie ne le lâche jamais, qu’elle continue à souffrir et les descriptions que Sam fait d’elle m’ont tellement agacée ! « Ah, je suis si méchant avec elle, elle mérite tellement mieux … » : MAIS OUI ! J’avais tellement envie qu’elle parte !! Et le fait qu’elle reste encore à la fin a fini par me la rendre antipathique.

SPOILER 3 Mais le fait que lui soit accordé la rédemption parce qu’en fin de compte il sauve son « fils » et sa petite amie de la noyade et qu’il meure en les sauvant ? Non. C’est un des procédés que je ne supporte plus dans la fiction, qu’elle soit écrite ou filmique. Le personnage, par ce trope, n’affronte finalement pas les conséquences de ses actes et fait éprouver de la compassion au lecteur/spectateur. De plus, cela peut ne pas sembler cohérent avec le personnage du père, le stéréotype du scientifique sans scrupules et sans sentiments. A la fin, j’avais l’impression d’un homme bourru, incapable d’exprimer son amour pour son fils adoptif : ce n’était absolument pas le ressenti que j’avais tout le long du roman.

 

#ISBN9782490151783

Un reflet de lune d’Estelle Faye

Posté : 11 février, 2021 @ 6:04 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Science-fictionUn reflet de lune

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2021

Nombre de pages : 321

Synopsis : Paris, un siècle après l’apocalypse. La capitale est plongée dans les pluies de printemps et Chet, dans une affaire qui le dépasse. Des sosies apparaissent pour lui faire porter le chapeau de crimes dont il est innocent. Du lagon du Trocadéro au repaire lacustre des pirates de la Villette, Chet arpente les bords de la Seine en crue à la recherche de ces mystérieux doubles, autant que de lui-même.

 

Avis : J’ai reçu ce livre en service presse de la part des éditions ActuSF que je remercie à nouveau !

J’ai beaucoup entendu parler d’Estelle Faye, notamment pour La Voie des oracles ou Les Seigneurs de Bohen, que j’avais très envie de lire. Je n’aurais donc peut-être pas dû commencer par Un reflet de lune, tome compagnon d’Un éclat de givre, que je n’ai pas lu.

Ce livre n’a pas eu de chance : il est tombé pile au moment où je n’avais pas du tout envie de lire des romans issus des littératures de l’imaginaire, ni SF, ni Fantasy. Je n’ai donc pas réussi à entrer dans l’ambiance postapocalytique proposée : le lecteur se voit embarquer à Paris un siècle après l’Apocalypse. Les habitants de la ville n’ont plus accès à certaines ressources et vivent des temps difficiles pendant lesquels la nature a repris ses droits. C’est cet arrière-plan qui va nourrir l’intrigue principale : Chet se rend compte que quelqu’un a créé des clones et décide de découvrir pourquoi. Le lecteur arpente donc la ville en sa compagnie, (re)découvrant ainsi des lieux emblématiques de la capitale « défigurés » par l’Apocalypse. Paris est ici quasiment un personnage tant Chet en parle avec tendresse ou incompréhension, comme si elle l’avait trahi. C’est une relation qui peut être difficile à comprendre pour qui n’est pas amoureux de sa ville à ce point, mais cela reste intéressant à lire.

En plus de cette absence d’envie d’imaginaire, malheureusement, je n’ai pas réussi à apprécier le style d’écriture d’Estelle Faye et, ce, dès les premières pages. Je ne dis pas que le livre est mal écrit, au contraire : l’écriture est fine et parfois poétique. Mais je n’ai pas réussi à me laisser toucher, à me laisser emporter. C’est sans doute en partie à cause de la narration à la première personne : je n’ai pas apprécié le ton et le personnage de Chet. Le fait qu’il parle souvent de ses déboires amoureux m’a agacée ainsi que sa façon de parler/de penser. Les dialogues ne m’ont pas convaincue non plus. J’ai fini par être si détachée que je ne suis pas parvenue à apprécier l’intrigue qui, pourtant, m’a semblé bien menée. Toutes les pièces du puzzle s’emboîtent parfaitement à la fin pour que le lecteur ait une vue d’ensemble cohérente.

 

Donc, je suis vraiment triste de ne pas avoir apprécier ce roman ; il est sans doute venu au mauvais moment. Je tenterai de lire d’autres livres d’Estelle Faye.

Dans les imaginaires du futur d’Ariel Kyrou

Posté : 7 janvier, 2021 @ 8:36 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Essai, Science-fictionDans les imaginaires du futur

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2020

Nombre de pages : 591

Synopsis : Les deux imaginaires du futur les plus forts aujourd’hui sont la démesure technologique et l’apocalypse environnementale. Ils se conjuguent pour susciter en nous une sidération, un court-circuit de la pensée et de l’action. L’enjeu de cet essai c’est de sortir de cette impasse en traçant des chemins et un horizon pour y arriver : la construction d’utopies politiques, lucides sur le long terme, d’inspiration anarchiste et terrestre, contre l’idéologie dominante et en toute conscience des risques de dystopie. Sa méthode : considérer les séries TV et les films de cinéma, les BD, les romans et les nouvelles de science-fiction comme une extraordinaire source de savoirs et de pistes pour comprendre les impasses actuelles de l’écologie et du tout numérique, puis tenter d’entrouvrir des voies alternatives pour demain.

 

Avis : Quand j’ai lu le résumé de ce livre et que j’ai compris qu’Ariel Kyrou – que je ne connaissais pas alors – avait écrit un essai sur la science-fiction, j’ai sauté le pas et demandé un service de presse aux éditions ActuSF qui, depuis, ont fait de moi une de leurs partenaires ! Merci encore !

Premier point important à noter : l’écriture d’Ariel Kyrou est clairement celle d’un essayiste. Elle est denseriche et le vocabulaire est élaboré. Ce n’est pas une introduction à la SF ou aux réflexions qu’elle peut amener dans nos sociétés : c’est véritablement un essai plein et entier, qui se lit lentement, dont le lecteur doit s’imprégner pour le comprendre et l’assimiler. Les réflexions ne sont pas effleurées mais poussées, avec exemples tirés de romans – parfois de nouvelles ou de films – à l’appui. Certaines œuvres sont même analysées longuement – ce qui peut être problématique pour les lecteurs et lectrices qui ne les ont pas lues au préalable … ou, en tout cas, qui auraient aimé les découvrir sans spoilers. Il va sans dire, je pense, que cet essai est intelligent et ne s’embarrasse pas de raccourcis tous faits, bien au contraire ! Ariel Kyrou descend certains « prophètes » du futur comme Elon Musk ou Jeff Bezos, mais également ceux qui tiennent les rênes du capitalisme et se pensent les grands sauveurs de l’humanité, comme Bill Gates. Autant vous dire que cet essai est donc également très politique : on y traite de notre société actuelle, gangrenée par l’ultracapitalisme, incapable de sortir de ses schémas sclérosés, engluée dans une boue financière qui noie les êtres humains et non-humains. On y traite de la SF qui appuie cette société, qui la renforce et qui montre l’impossibilité de la vie future sur Terre. Et on y traite d’autres œuvres, de chefs-d’œuvre même parfois, qui présentent d’autres modèles, qui s’éloignent de la dichotomie technologie/nature, qui tentent de marier ces deux supposées opposées.

Brillant, cet essai pousse son lecteur à la réflexion, à envisager un avenir différent de celui qui lui est massivement présenté aujourd’hui. A coups de références aussi françaises qu’étrangères, de citations tirées de romans, de nouvelles ou d’autres essais, l’auteur nous montre ce que, peut-être, nous n’avions pas vu dans la SF : un réservoir de possibles, un immense arbre d’avenirs, une vie différente sur Terre et ailleurs. La SF, non comme un genre honni par les « littérateurs »,  non comme un genre de divertissement exclusif, mais comme un genre qui permet de pousser plus loin, de voir plus loin, d’imaginer des mondes qui pourraient être les nôtres tout en restant cohérents, plausibles, réalistes.

Malgré les spoilers dont j’ai parlés plus haut, Ariel Kyrou m’a terriblement donné envie de lire la majorité des oeuvres qu’il cite, entre autres 2312 et les romans d’Ursula K. Le Guin, comme The Dispossessed ou The Word for World is Forest ! Il est maintenant temps pour moi d’ajouter les romans qui ne s’y trouvaient pas encore dans ma wish-list !

 

Donc, un excellent essai qui remet en perspective notre vision du futur, de la science-fiction et ce qu’elle nous apporte !

12345...17
 

Baseball fans gather zone |
Eaudefiction |
Ici même |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Kpg1221gpk
| Elenaqin
| la saltarelle des baronnes