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I found myself in Wonderland.

Au boulot, les robots … édité par Stéphanie Nicot et Jean-François Stich

Posté : 25 novembre, 2024 @ 7:00 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Essai, Nouvelles, Science, Science-FictionAu boulot, les robots

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 245

Synopsis : Depuis l’Antiquité, les êtres artificiels sont présents dans les récits d’imaginaire ou dans les expérimentations scientifiques ; apparus au XXe siècle, performants, les robots sont aujourd’hui massivement présents dans l’industrie. Mais après avoir rêvé, dans Blade Runner, de moutons électriques et d’androïdes, la science-fiction s’interroge : les robots seront-ils toujours, pour l’humanité, de fidèles assistants, ou pourraient-ils devenir une menace ?

En deux articles, une interview et huit nouvelles – deux classiques du genre et six fictions inédites –, la fine fleur de l’imaginaire et les meilleurs spécialistes s’interrogent sur la robotique et sur ses possibles évolutions.

Une chose est sûre : les robots et les cobots – ces nouveaux robots coopératifs du XXIe siècle – sont parmi nous. Et pour longtemps !

 

Avis : J’ai reçu ce livre en service presse de la part de la maison d’édition que je remercie de nouveau ! Cette anthologie m’intriguait d’autant plus que j’ai beaucoup aimé Travailler encore ? édité l’année dernière par Stéphanie Nicot.

Ici, nous traitons donc toujours du travail, mais en rapport direct avec la robotique, l’utilisation de robots et la potentielle singularité qui pourrait émerger – traitée depuis des décennies dans les récits de science-fiction. Cela fait un moment que j’apprécie particulièrement les œuvres qui se centrent sur l’IA ou les robots, j’étais donc d’autant plus enthousiaste à l’idée de me plonger dans cette anthologie ! Elle s’ouvre sur une introduction bien écrite et intéressante qui fait un peu un tour d’horizon du robot en SF tout en présentant l’anthologie. Elle m’a donné très envie de me plonger dans ces récits qui attendent souvent depuis des années dans ma PAL ou ma wish-list.

Les deux premières nouvelles n’ont pas été écrites spécialement pour le livre, mais ont été reprises d’autres ouvrages. Pour la première, « Un mauvais jour pour les ventes » de Fritz Leiber, je l’ai trouvée intéressante, surtout avec cette phrase qui clôt l’histoire SPOILER 1. Nous sommes dans un monde futuriste où il existe des robots distributeurs automatiques. Cela pose la question du tape-à-l’œil et du fait que les hommes ne font plus attention à ce qui les entoure ; SPOILER 2 Malgré le fait que ce soit donc intéressant, j’ai eu un peu de mal avec cette nouvelle – peut-être à cause de la fatigue à ce moment-là. J’ai aimé l’analyse qui en est faite plus loin et qui m’a fait reconsidérer mon point de vue après coup. Pour la deuxième nouvelle, « Cap Tchernobyl » de Sylvie Denis, je dois avouer que j’ai été un peu déçue par la finSPOILER 3 Le lecteur suit un père et son fils ; ceux-ci rencontrent un robot de travail qui semble se poser des questions sur la singularité et les éventuels droits des robots. J’ai aimé l’image des tigres qui file le texte, mais je ne suis pas sûre que cette nouvelle me restera.

Toutes les nouvelles qui suivent ont été écrites pour l’anthologie et sont entrecoupées d’entretien ou de petits essais sur les problématiques abordées par l’ouvrage dans son entier.

Vient donc ensuite « Vivants, yeux de sang » de Johan Heliot. Elle traite d’une forme de révolte, mais je ne veux pas trop en dire pour vous laisser la découvrir. SPOILER 4 C’est un sujet que l’on voit beaucoup et que je suis parfois un peu fatiguée de retrouver. La nouvelle est assez bonne, mais un peu laborieuse à lire parfois à cause de certaines formes de phrase. C’est aussi cruel et j’ai, également, été déçue par la fin ; pour moi, c’était un peu : « tout ça pour ça ? » SPOILER 5

Puis, nous avons « Patine » d’Alex Nikolavitch : c’est la première nouvelle de l’anthologie que j’ai vraiment appréciée. Elle est à la fois en lien avec l’actualité sans utiliser de procédés qui m’agacent et elle permet d’aborder le sujet de l’IA et du comportement que les êtres humains adoptent quand ils sont confrontés à elle. J’ai aimé SPOILER 6 Cette nouvelle nous renvoie toujours à l’idée d’un capitalisme écrasant et d’une catastrophe climatique imminente qui pousse les hommes à construire des infrastructures sur d’autres planètes. J’ai beaucoup aimé la fin ! Seul petit défaut : quelques coquilles qui se sont glissées dans le texte, ce qui est un peu dommage.

Cette nouvelle est suivie d’un article qui nous permet de découvrir le contexte de son écriture et d’amorcer une réflexion sur la SF, ce à quoi elle « sert », ce qu’elle imagine, mais aussi la raison pour laquelle elle n’a rien à voir avec la Silicon Valley, clairement critiquée ici.

Le lecteur enchaîne avec un autre article, cette fois par Ketty Steward ; il répond au précédent et donne une autre vision du contexte d’écriture des nouvelles. Il en explique la genèse au sein d’un atelier d’écriture dans une entreprise et évoque la raison pour laquelle ces ateliers ont été mis en place.

L’autrice nous livre ensuite une nouvelle, « Collabots ». Elle y utilise l’écriture inclusive, mais je n’ai pas toujours trouvé cela très logique – parfois, elle n’est pas utilisée et je n’ai pas compris pourquoi, mais ce peut aussi être moi, bien sûr, je ne suis pas une experte. Le titre laisse entendre une division entre deux camps et m’a fait penser à la collaboration sous l’OccupationSPOILER 7 Ici, la singularité a déjà eu lieu mais SPOILER 8 C’était un récit bien mené que j’ai aimé suivre, d’autant plus en comprenant que SPOILER 9

Vient alors ma nouvelle préférée – et je m’y attendais un peu, étant donné que j’avais adoré La Séquence Aardtman de cet auteur – : « Extrêmement fébrile, terriblement fonctionnel » de Saul Pandelakis. C’était top et c’était évident que ce le serait ! J’adore l’écriture de cet auteur, à la fois vraie, orale et parfois poétique. Ici, il donne une véritable voix à son personnage qui devient réel pour le lecteur. J’aime aussi l’univers qui est construit autour d’elle : un monde futuriste où il est possible d’avoir un orgabot. Je ne vais pas expliquer ce que c’est parce qu’une partie du plaisir du texte vient de l’absence de compréhension, au début. En effet, notre narratrice ne nous raconte pas les faits de manière linéaire ce qui perd un peu le lecteur quand il commence à lire ; mais tout finit par faire sens, on finit par comprendre très rapidement et l’on est happé par le style de l’auteur qui nous embarque complètement. J’ai beaucoup aimé aussi la typo qui change, l’intégration des émojis, le fait que notre narratrice – que j’ai adorée au fil des pages – SPOILER 10 J’adore aussi le choix des noms, la fin, le ton … Tout ! Je vous recommande fortement cet auteur et ses textes !

Il est très difficile de passer derrière Saul Pandelakis ; heureusement, les récits sont suffisamment différents pour que je ne les compare pas. La nouvelle précédente reste ma préférée, mais j’ai tout de même pu apprécier les suivantes.

Vient ensuite « L’amibot » de Pierre Bordage. C’est une belle nouvelle, peut-être un peu trop rapide dans son déroulé, mais agréable à lire et très touchante. On y rencontre un robot qui va être « engagé » pour suivre la fin de vie d’un petit garçon. SPOILER 11

Puis arrive « De mères en filles » de Floriane Soulas, une très bonne nouvelle, un peu creepy, et c’est aussi ce qui fait son originalité et sa qualité ! On y suit un robot qui doit faire une inspection dans une usine ; il se pose des questions sur une partie de son activité. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère pesante qui se crée peu à peu et la fin est assez glaçante !

Après cette nouvelle, nous n’avons plus que des articles et un entretien. Thierry Colin et Benoît Grasser écrivent au sujet des cobots et de leur différence avec les robots. C’était intéressant, mais très spécialisé et pas forcément ce que je recherche en lisant ce genre d’anthologie, même si cela apporte un degré de réalité supplémentaire étant donné que ce sont des articles scientifiques et non fictionnels. Alexandre Publié, quant à lui, a accepté un entretien concernant son activité – il est directeur fondateur du groupe O -, notamment l’utilisation de cobots, et le projet d’atelier d’écriture mené dans une de ses usines. Je ne sais pas si c’est moi qui ai mal compris, mais j’ai l’impression que le lien entre l’anthologie, l’atelier d’écriture et le groupe O n’était pas tout à fait clair ; les pièces du puzzle s’assemblent au fil de la lecture, mais ce n’est pas expliqué en amont. A nouveau, le propos de l’entretien est assez spécialisé, mais toujours intéressant. En effet, les cobots semblent des éléments importants dans l’évolution de l’industrie sur différents points (conditions de travail, non remplacement des êtres humains mais véritable collaboration avec eux). Suit un nouvel article de Ketty Steward sur l’atelier d’écriture, ici en lien avec l’entretien précédent. J’ai trouvé intéressante l’idée de faire écrire des gens qui n’en ont pas l’habitude et qui travaillent dans un secteur en lien potentiel avec la science-fiction et j’ai aimé lire les explications de l’autrice sur les raisons qui l’ont poussée à mener à bien ce projet.

L’anthologie se clôt sur une postface écrite par Amandine Brugière et Grégory Plançon. Le début était aussi spécialisé que les différents articles ; par la suite, les auteurs analysent les nouvelles grâce au sujet précis que celles-ci abordent. J’ai aimé ce côté réflexif qui m’a semblé une très bonne conclusion pour l’ensemble de l’ouvrage : il permet de revenir sur les nouvelles, de les voir différemment parfois et de prolonger la réflexion au-delà de l’anthologie pour le lecteur, s’il le désire.

 

 

SPOILER 1 Elle rapproche les hommes des robots et les robots de l’homme. Ce n’est pas le robot qui n’est pas humain, malgré le fait qu’il ne comprenne pas ce qui est arrivé et qu’il continue de tenter de vendre ses produits à des êtres agonisants ; ce sont les êtres humains qui l’ont programmé et ces hommes qui viennent sauver les victimes qui se sont mués en robots de par leur apparence.

SPOILER 2 ils se préoccupent d’apparence, de futilité : ils suivent le robot et ignorent le danger qui vient. Attirés par la publicité et l’appât de la consommation, ils ne sont plus conscients de leur environnement et incapables de réagir quand leur vie est en péril. J’ai vraiment eu l’impression d’êtres obnubilés par un nouveau jouet.

SPOILER 3 Certes, l’enfant et le robot sont ensemble, mais j’ai trouvé que c’était trop peu. Que se passe-t-il ensuite ? Je suppose que l’autrice a voulu laisser le lecteur imaginer ce qui allait arriver : une possible union des robots et l’implication de certains êtres humains dans l’émergence de la singularité ? Pour une fois, je n’ai pas apprécié ce procédé. J’aurais préféré avoir une fin claire, une piste, quelque chose qui permette au lecteur de voir le chemin pris par ces personnages et ce qui pouvait en résulter.

SPOILER 4 Un jeune homme est confronté à l’idée qu’il est une forme de complice du gouvernement quand une grande partie de la population souffre et une autre se soulève pour lutter contre le système oppresseur.

SPOILER 5 Je n’ai vraiment pas aimé que le personnage principal tombe aussi vite amoureux d’une jeune femme dont il ne sait rien dans une forme d’insta love que j’ai beaucoup de mal à supporter dans tout type de récit. Mais le fait qu’en plus, il ne la revoit plus par la suite ? Je me suis vraiment dit que cet aspect ne servait pas vraiment l’histoire ; le fait que son frère soit dans la résistance suffisait pour donner au récit un aspect tragique. 

SPOILER 6 la façon dont Ti-May considère Jackson, le fait qu’elle lui parle correctement, qu’elle ne le traite pas en objet. Le fait aussi que se crée entre eux une forme de relations qui donne à penser au lecteur que Jackson n’est pas qu’un robot, qu’il peut être plus. Même si Jackson patine, elle s’accroche à l’idée qu’il ne doit pas être débranché et regrette le fait qu’il soit amputé d’une partie de sa mémoire. J’ai également apprécié que le robot ne soit pas du tout fautif, mais que ce soit des êtres humains, sur terre, qui, par paresse, ont engendré un trop plein de données pour le robot, lui permettant d’avoir accès à des informations qu’il n’aurait pas dû connaître. C’était un joli pied-de-nez et un rappel que nous sommes faillibles et que, pour l’instant, si nos outils technologiques ont des défauts, ils sont de notre fait, non du leur.

SPOILER 7 j’ai beaucoup aimé le côté « machines contre machines » couplé à l’émergence de la singularité. Quand certains robots revendiquent des droits, d’autres semblent complètement dévoués aux êtres humains, ce qui mène à des sabotages, des formes d’ »attentats » contre ces collabots.

SPOILER 8 les robots sont seulement destinés au travail pour l’instant, ce qui entraîne le conflit auquel le lecteur assiste.

SPOILER 9 le narrateur est un de ces collabots qui demande de l’aide aux IA autonomes.

SPOILER 10 parle en réalité à Grobot qui a cessé de fonctionner, après un incident survenu chez Gershwin et impliquant son propre orgabot, Bastrimal.

SPOILER 11 J’ai trouvé que le déclenchement de la singularité était très rapide, ce qui m’a un peu sortie du texte ; mais je comprends que, pour les besoins de la nouvelle, il faut que tout arrive en trois mois.

Tout Terry Pratchett de Stéphanie Chaptal et Yannick Chazareng

Posté : 17 juillet, 2024 @ 10:37 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Tout Terry PratchettGenre : Essai, Fantasy, Science-fiction

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 326

Synopsis : Des mages archi-nuls, une MORT qui a des états d’âmes, des personnages loufoques, des univers délirants, des trouvailles magnifiques, des jeux mots formidables, le tout avec en prime un regard féroce sur notre monde et ses travers.

Tout cela, et bien plus encore, c’est l’œuvre de Terry Pratchett. Du Disque Monde au Peuple du Tapis, de De bons présages au Grand Livre des gnomes, des générations de lecteurs et lectrices se sont plongés avec délectation de ses romans et nouvelles.

Avec Tout Terry Pratchett, nous vous proposons de plonger dans ses pages, dans ses thématiques préférées, dans la manière qu’il avait de nous faire rire, et dans sa vie aussi. Découvrez son œuvre et l’homme qui l’était à travers nos textes mais aussi de nombreuses interviews…

 

Avis : J’ai reçu ce livre en service presse de la part des Nouvelles Éditions ActuSF. J’étais assez intriguée par ce titre : je n’ai lu que deux romans de Terry Pratchett, tous deux dans sa série des Annales du Disque-monde (The Colour of Magic, le tome 1, et Mort, le tome 4) et j’avais envie d’en savoir un peu plus sur lui.

Avant d’y entrer, j’avais un peu peur de me faire spoiler la majorité de ses œuvres, notamment parce que j’ai lu, en partie, le Guide Stephen King de Yannick Chazareng et j’ai dû m’arrêter parce qu’il révélait certains rebondissements de romans que je n’avais pas encore lus. Ceci dit, il est normal, en écrivant sur un auteur en particulier et en voulant analyser ses œuvres, de les spoiler. Ce ne fut pas le cas ici, excepté pour l’intégralité des nouvelles de Terry Pratchett – que j’ai, pour autant, toujours envie de lire.

Je suis un peu mitigée sur cet ouvrage. J’ai adoré les premières parties : la préface, qui donne envie de continuer à lire et d’en apprendre plus ; la biographie qui nous permet de découvrir un peu l’homme derrière l’auteur ; l’introduction au Disque-monde, qui permet de se projeter dans l’univers de l’auteur en nous présentant les lieux et les personnages. Cette partie contient sans doute quelques éléments révélés, ce qui peut gêner les lecteurs qui aiment entrer dans leurs romans à l’aveugle, comme c’est mon cas. Pour autant, ici, j’étais contente de les découvrir et cela m’a davantage donné envie de me jeter sur les tomes des Annales que ça ne m’a agacée. J’ai apprécié d’avoir un guide de lecture qui permet de se repérer dans les plus de quarante tomes et qui les rend plus abordables. Mes parties préférées étaient les interviews : celles des différents traducteurs de Terry Pratchett, mais aussi une de l’auteur lui-même et d’autres proches de lui ou lecteurs de son œuvre. Cela permet d’approcher le travail de l’écrivain, de ceux qui transmettent ses mots à des lecteurs qui ne le comprennent pas, mais aussi d’analyser certaines parties de ses romans, comme l’économie avec l’entretien de Denis Colombi.

Ce qui m’a moins plu ici, ce sont les résumés, trop longs, des autres œuvres de Terry Pratchett. L’analyse est moindre voire inexistante et je me suis détachée de l’ouvrage. Le lisant également de manière suivie, j’ai repéré pas mal de répétitions : le lecteur se voit expliquer à plusieurs reprises pourquoi l’auteur est surnommé Pterry et d’autres anecdotes encore. J’ai trouvé cela dommage. J’aurais aimé, peut-être, davantage d’analyse, comme l’esquisse dans la partie sur le féminisme de l’auteur, très courte et étrangement introduite.

 

Donc, malgré cette déception finale, je garde un bon souvenir de ce livre. Je lirai également d’autres œuvres analysant Les Annales du Disque-monde, mais après avoir continué un peu la série de Pratchett. Je le recommande peut-être davantage à ceux qui ne connaissent pas bien l’univers de l’auteur ; ceux qui l’apprécient savent sans doute déjà ce que j’ai appris ici.

Tout est sous contrôle de Christopher Bouix

Posté : 22 juin, 2024 @ 11:22 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Tout est sous contrôleGenre : Science-fiction

Editeur : Au diable vauvert

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 388

Synopsis : À qui profite le bonheur ?
Bienvenue dans un monde parfait. Ici la vie heureuse s’étale quotidiennement sur le réseau HappyApp, où l’indice de bonheur individuel donne accès à ce que la société réserve aux meilleurs. Offres premiums, métier et logements hauts-de-gamme, et surtout parentalité, désormais réservée aux citoyens les plus épanouis.
Jeunes, beaux, amoureux, jusqu’où Juliette et Néo Lanhéry seront-ils prêts à aller pour y accéder ?

 

Avis : J’ai lu Alfie l’année dernière pour le Plib et j’avais tellement aimé que j’avais voté pour lui : c’était un immense coup de cœur ! J’étais donc ravie de rencontrer l’auteur aux Imaginales et de lire son nouveau roman, Tout est sous contrôle !

J’ai lu quelque part que ce livre pouvait être pris pour une utopie ; ce n’est pas du tout ma façon de le voir ! En effet, dans un futur plutôt proche, il existe une application appelée HappyApp qui mesure l’indice de bonheur de chaque citoyen. Selon celui-ci, ils ont droit de vivre dans certains quartiers, ils ont des offres promotionnelles et, surtout, SPOILER 1 Toutes les données de chacun sont accessibles par le gouvernement et la police. Plus je lisais, et plus je me disais : « Mais quel enfer ! » C’était à la fois glaçant, terrifiant et parfois très ironiqueSPOILER 2 Contrairement au ton utilisé dans Alfie, ici, il n’y a pas d’humour ou, en tout cas, pas d’allégement de l’atmosphère par un décalage linguistique ou autre. Ici, lorsque la littérature est utilisée - par le biais de Racine -, c’est pour souligner le tragique de la situation, toute l’ironie grinçante de la société mise en place par le gouvernement.

Je ne veux pas trop en dire ici pour vous laisser découvrir le roman par vous-mêmes, mais l’on comprend assez rapidement que tout n’est pas si rose dans ce monde soi-disant parfait et que les personnages ne sont pas aussi lisses qu’ils semblent l’être. Commençons par Juliette, qui paraît être l’héroïne. Si elle a l’air assez calme et maîtresse d’elle-même, dès la première rencontre, le lecteur comprend qu’il lui est arrivé quelque chose et qu’elle n’est pas aussi heureuse qu’elle le prétend. SPOILER 3 Son mari, Néo, est psychologue. Il adore le paraître, conserver une apparence de bonheur parfait et de compétence supérieure. Il est l’un des personnages que j’ai le moins aimé, sans aller jusqu’à le détester. SPOILER 4 Le lecteur fait aussi la rencontre de Sibylle, qui elle aussi semble avoir quelques soucis, notamment dans sa relation avec sa mère, Véra. SPOILER 5 Un des seuls personnages que j’ai véritablement apprécié est Mina. Policière débutante, elle m’a semblé sincère, compétente et bienveillante tout en étant lucide concernant HappyApp ou le métier qu’elle a choisi de faire. SPOILER 6 La palme du personnage détestable revient à SPOILER 7 

La fin, quant à elle, est à l’image du livre : SPOILER 8

 

Donc, un roman que j’ai aimé, mais qui m’a un peu déprimée. Je lui préfère tout de même Alfie, qui n’est pas forcément plus léger, mais dont le ton est un peu moins sombre grâce à l’humour décalé et à la narration originale.

 

 

SPOILER 1 ils ont le droit de pouvoir se reproduire. En effet, jusqu’à 30 ans, les femmes ont le droit de demander à ce que la puce qui les rend infertiles soit désactivée pour avoir un enfant. Passés 30 ans, elles ne peuvent plus en avoir. Quelle joie, n’est-ce pas ? Bien sûr, pour accéder à ce privilège, il faut atteindre un certain indice de bonheur, monter un dossier, vivre dans un quartier privilégié et tout faire pour continuer à être (?) le plus heureux possible, comme poster un maximum de « contenus heureux » sur HappyApp.

SPOILER 2 En effet, le lecteur se rend rapidement compte, comme c’est déjà le cas sur les réseaux sociaux, que les gens ne postent pas toute leur vie sur HappyApp mais seulement ce qui va leur permettre de paraître plus heureux. Ainsi toute la politique du gouvernement est-elle biaisée : il prétend vouloir le bien de tous, le bonheur de tous alors même que cette course au bonheur les rend malheureux ou fous. Entre la voix intérieure de Sibylle qui fait froid dans le dos, l’agaçante naïveté de Juliette et le sang-froid meurtrier de Néo, aucun des personnages n’est vraiment positif : tous pensent pouvoir améliorer leur vie en gagnant des points, ce qui les pousse à commettre des actes ignobles.

SPOILER 3 Au contraire : Juliette a besoin de HappyPills pour se sentir bien, ce qui prouve l’échec total du gouvernement pour « forcer » ses citoyens à être heureux – ou, plutôt, les dirigeants se moquent complètement du bien-être de leurs administrés. Le lecteur découvre plus tard que Juliette a fait partie d’un programme natal et qu’elle a perdu son fils, Adam. J’ai trouvé assez durs les passages pendant lesquels elle pense à lui et c’est d’autant plus affreux qu’elle prenne ses pilules. Son mari, Néo, ne semble pas comprendre son chagrin et la « force » à passer à autre chose tout en « prenant soin » d’elle.

SPOILER 4 Ou peut-être que si ? Avec un autre personnage, c’est vraiment celui qui me reste en tête et que j’exècre pour sa petitesse et sa médiocrité. Je me suis même demandé, à un moment donné, s’il avait vraiment fait des études de psychologie : il est d’un ridicule qui pourrait être risible s’il n’était pas dangereux. En effet, entre sa femme qui prend des pilules pour nier son deuil sous sa prescription, une de ses patientes qui tue son mari après une séance avec lui parce qu’il est incapable de voir ou de comprendre son mal-être profond et son analyse de tout le monde autour de lui sans comprendre qu’il est lui-même profondément névrosé ou profondément anesthésié au niveau des sentiments, Néo m’a semblé très narcissique et incapable de comprendre les gens autour de lui, ce qui est tout de même dommage pour un psychologue. Le fait qu’il refuse de porter secours à Katia lorsqu’elle est attaquée me l’a définitivement rendu antipathique : était-ce de la lâcheté ? de la peur ? Dans tous les cas, il me répugne profondément, comme son pédantisme à vomir.

SPOILER 5 Elle finit par se persuader qu’elle pourra reprendre le contrôle de sa vie si sa mère meurt et fomente un plan pour la tuer sans être incriminée. Elle pourrait paraître brillante grâce à cela ; elle est surtout psychotique et tellement concentrée sur son objectif qu’elle ne se rend pas compte qu’elle se met en danger. J’ai eu un petit problème de vraisemblance avec elle à un moment donné : je me suis dit que le couple n’allait pas comprendre sa façon de communiquer. Peut-être était-ce juste moi, mais j’étais persuadée que son plan allait rater dès le début, la faisant passer pour une idiote ou quelqu’un d’encore plus illuminée qu’elle ne l’était déjà. A certains moments, j’ai ressenti de la peine, de la pitié pour elle ; mais c’est aussi un personnage qui accuse les autres de son manque de volonté et de réussite. Sibylle pense sincèrement que, si elle ne « réussit » pas sa vie, c’est à cause de sa mère. Elle est persuadée que son meurtre la libèrera. La perception des personnages autour d’elle nous montre qu’elle affabule et, même, qu’elle fait peur à ceux qui l’entourent, comme Victor, qu’elle s’imagine amoureux d’elle alors qu’il la trouve simplement étrange et qu’il se montre juste poli.

SPOILER 6 Imaginez donc mon horreur quand j’ai compris qu’elle avait été dupée, puis qu’elle est effectivement morte, étant donné qu’elle ne se trouve pas dans l’épilogue et que l’on ne sait pas ce qu’elle est devenue. C’était, véritablement, le seul personnage positif avec Ming. Et sa fin donne une saveur très amère au roman : rien de positif ne ressort du livre, très pessimiste.

SPOILER 7 Tim ! Quelle horreur que ce personnage ! Evidemment, il est construit pour ça. C’est le méchant type, sans but, sans objectif qu’être violent et faire le mal. Il est presque caricatural : drogué, anarchique, asocial, meurtrier, misogyne, violeur, tout y passe. On se sent sale rien qu’à être dans sa tête. Je pensais que le personnage que j’aimerais le moins serait Marc pour son côté « vieux flic qui a tout compris de la vie et qui l’apprend à la nouvelle » ; c’était avant de découvrir Tim. Et même Néo est pire que Marc ; il y avait quelque chose de presque touchant dans ce policier complètement désillusionné. En revanche, sa création – un algorithme qui permettrait de trouver les criminels avant qu’ils commettent leur crime à l’aide de mots clés détectés par l’IA – est terrible et terrifiante. En effet, le roman nous montre bien que les véritables criminels se jouent des contraintes ou les contournent, comme c’est le cas de Juliette et Néo quand ils fomentent le meurtre de Véra.

SPOILER 8 cruelle et ironique. Ming a été condamnée – ce que je n’ai pas tellement compris : en fin de compte, elle n’avait pas l’intention de tuer Max. N’ont-ils pas vérifié par la suite qu’elle était bien « coupable » ? Cela veut-il dire que, sur de simples présomptions, les citoyens peuvent être arrêtés et condamnés ? Mina, seul personnage un peu idéaliste et foncièrement positif, est morte. Juliette rencontre Véra qui, comme sa fille, à la fin, va la menacer et la faire chanter, enfermant de nouveau « l’héroïne » dans un cercle vicieux qui la conduira à commettre, peut-être, d’autres actes criminels. Comble de l’ironie : comme avec Sibylle, Juliette ne comprend pas tout de suite ce qui arrive, persuadée que Véra est quelqu’un de bien et, surtout, c’est elle qui, désormais, a une voix intérieure semblable à celle de la femme qu’elle a tuée.

Les Furtifs d’Alain Damasio

Posté : 9 juin, 2024 @ 5:37 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Science-FictionLes Furtifs

Editeur : Folio SF

Année de sortie : 2021 [2019]

Nombre de pages : 929

Synopsis : Ils sont là, parmi nous, jamais où tu regardes, à circuler dans les angles morts de la vision humaine. On les appelle les furtifs. Des fantômes ? Plutôt l’exact inverse : des êtres de chair et de sons, à la vitalité hors norme, qui métabolisent dans leur trajet pierres, déchets, animaux ou plantes pour alimenter leurs métamorphoses incessantes. Lorca Varèse, sociologue pour communes autogérées, et sa femme, Sahar, proferrante dans la rue pour les enfants que l’Éducation nationale, en faillite, a abandonnés, ont vu leur couple brisé par la disparition de leur fille unique de quatre ans, Tishka – volatilisée un matin, inexplicablement. Sahar ne parvient pas à faire son deuil alors que Lorca, convaincu que sa fille est partie avec les furtifs, intègre une unité clandestine de l’armée chargée de chasser ces animaux extraordinaires. Peu à peu, ils apprendront à apprivoiser leur puissance de fuite et à renouer, grâce à eux, avec ce vivant que nos sociétés excommunient.

 

Avis : La Horde du contrevent se trouve dans ma PAL depuis longtemps mais, intimidée, je n’ose jamais me lancer. Un collègue m’a conseillé de commencer par Les Furtifs, plus accessible selon lui.

Si, pendant les premières pages, j’ai eu du mal avec la langue, je ne peux que reconnaître la virtuosité de l’auteur qui manie les mots comme bon lui semble tout en gardant leur sens. Pour chaque personnage, le langage et sa forme s’adaptent : j’avais plus de mal avec Nèr, non pas à cause du vocabulaire plus grossier qu’il utilise, mais à cause de sa façon très saccadée de penser. J’ai fini par m’y faire et par laisser le récit m’attirer de plus en plus loin dans le roman.

J’ai adoré l’idée des furtifs et le message porté à travers eux d’une nature sauvage mais pas forcément brutale ou violente, d’une vie sans traces, sans technologie et dans la transformation constante. J’ai également trouvé leur existence poétique et leur lien avec la musique touchant. Je me suis plutôt attachée aux personnages : j’ai aimé Saskia et Sahar, j’ai apprécié Lorca et Agüero, Toni m’a fait rire – seul Nèr ne m’a pas autant touchée. J’ai trouvé l’histoire du couple à la recherche de leur fille, Tishka, émouvant et beau dans leur détermination et leur courage mais aussi SPOILER 1 J’ai beaucoup aimé les passages à propos de la nature, de la façon dont les êtres humains la traitent, de la façon dont ils semblent ne pas comprendre la valeur de la vie, de toute vie, y compris celle d’autres êtres comme eux. Certaines scènes sont très émouvantes ; j’ai vraiment quelques larmes, j’ai annoté, souligné quelques phrases pour ne pas les oublier. Je dois aussi dire que ce roman est très vraisemblable : j’ai clairement eu l’impression que tout cela pouvait arriver ! Les moments où les politiciens s’expriment ou ceux durant lesquels les journalistes prennent la parole m’ont fait grincer des dents tant je pouvais y croire ! A ce sujet, les dialogues et la façon de parler des personnages sont authentiques, sonnent vrai et n’ont rien d’artificiel.

Bien sûr, connaissant un peu l’auteur, le livre ne pouvait qu’être politique dans une large mesure. Et, en effet, les personnages sont en lutte contre un état presque totalitaire qui prive les citoyens de liberté. Dans ce futur, l’utopie est loin : (spoiler léger pour ceux qui ne voudraient rien savoir) l’Education Nationale a disparu, laissant les enfants dans les rues, sans enseignement ; certains quartiers sont réservés aux citoyens premium ou privilège, occasionnant des amendes pour ceux qui n’ont pas le droit de les emprunter ; la publicité est partout, toujours et les moindres faits et gestes des habitants sont connus pour peu que ceux-ci portent une bague. Les villes ont été rachetées par des grandes entreprises. (fin du spoiler léger) Bref, nous sommes très loin d’un pays qui appartient à ses habitants, d’une ville saine ou d’un gouvernement qui se préoccupe de ses citoyens. L’argent règne en maître et la vie privée n’existe presque plus.

A ce modèle, l’auteur oppose celui des communes autogérées, des ZAG (Zone Auto-Gouvernées) et des personnages ivres de liberté. J’ai apprécié ces passages auprès d’eux, mais je me suis aussi demandé si ce n’était pas également une utopie. J’y ai vu une forme d’idéalisme qui ne me gêne pas forcément, mais que j’ai pris pour tel. Et c’est en me rendant compte de cela et, surtout, avec la fin du roman, que je me suis un peu détachée du livre. En effet, j’ai eu l’impression que l’auteur voulait tant délivrer un message qu’en fin de compte, je n’étais plus dans une fiction, je ne lisais plus de littérature, mais je lisais un texte porteur d’une idée que je devais assimiler. C’était, pour moi, de la littérature engagée : je n’ai rien contre, mais ce n’est pas ce que je préfère. Et j’ai ainsi eu l’impression de m’éloigner de la science-fiction, que le message était trop gros, prenait trop de place par rapport à l’histoire. Autre « bémol » : la fin m’a semblé un peu décalée par rapport au livre ; j’ai eu, à nouveau, du mal à entrer. Enfin, le livre est très long : il m’a tenue pendant un moment mais peut-être que la fin, tellement étrange en fin de compte, m’a fait décrocher au dernier moment. C’était, pour autant, une très bonne lecture et je continuerai à lire l’auteur !

 

Donc, un très bon roman, prenant et ingénieux, qui traite de la nature et de politique, mais qui, de par sa longueur, n’a pas réussi à me tenir tout à fait jusqu’à la fin.

 

SPOILER 1 dans leur acceptation de la petite une fois qu’ils ont compris qu’elle avait changé « définitivement ».

Memento Mori, anthologie des Imaginales 2024

Posté : 2 juin, 2024 @ 8:00 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Nouvelle, Fantasy, Science-fiction, Dystopie, FantastiqueMemento Mori

Editeur : Au diable vauvert

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 301

Synopsis : Anthologie de la 23° edition des Imaginales

MEMENTO MORI vu par
Christopher Bouix, David Bry, Alain Damasio, Lionel Davoust, Jeanne-A Debats, Jean-Laurent del Socorro, Thomas Gunzig, Ariel Holzl, Justine Niogret, Philippe Pastor, Julia Richard, Thomté Ryam, Plume D. Serves, Anna Triss, Chris Vuklisevic

« Au gré des imaginations des auteurices qu composent ce recueil, nous verrons la limite de la mort s’éloigner, s’apprivoiser. Comme si le fait de parler, échanger, discuter à propos de la plus ancienne et viscérale peur de l’humanité, nous permette de nous senti pousser des ailes, gonflées d’un nouvel espoir. »
Gilles Francescano, directeur artistique des Imaginales, préface

 

Avis : J’ai pris cette anthologie aux Imaginales et je me suis dit que j’allais la lire de suite afin de prolonger un peu mon expérience du festival.

L’introduction est écrite par Gilles Francescano : elle présente efficacement le recueil tout en n’en disant pas trop. Elle est intrigante et donne envie de poursuivre immédiatement avec les premières nouvelles.

Je vais vous faire un retour pour chacune d’entre elles !

Le recueil s’ouvre sur un poème de Chris Vuklisevic appelé « Memento Mori ». Je trouve que c’est assez atypique d’ouvrir une anthologie de la sorte, et aussi assez original. En effet, la poésie n’est pas la forme la plus appréciée par les lecteurs. J’ai trouvé quelques vers particulièrement beaux, mais j’ai plus de mal avec les vers libres, étant très attachée aux rimes et au rythme de la poésie codée, plus classique. J’ai aussi aimé les images utilisées par l’autrice, notamment celle des corbeaux.

Christopher Bouix est l’auteur de la première nouvelle, « Une magnifique et soudaine histoire d’amour ». Il est l’auteur d’Alfie que j’ai lu pour le Plib et pour lequel j’ai voté dans la catégorie adulte : j’avais adoré ! J’étais aux Imaginales pour prendre son nouveau roman, Tout est sous contrôle, qui devrait bientôt être lu ; j’étais contente de voir son nom ici ! Je suis toujours impressionnée par la fluidité de l’écriture, le fait qu’il soit si facile de s’y glisser. Comme dans ces romans, l’auteur nous propose à la fois une histoire SF et une satire sociale, celle d’un monde qui ne sait plus quoi faire d’une partie de sa population SPOILER 1. Je vous laisse la surprise, mais j’ai trouvé la chute énorme ! SPOILER 2

Suit « Le Sage de la montagne » de Jean-Laurent Del Socorro, nouvelle dont l’auteur m’a dit ne pas être fier quand je lui ai fait signer l’anthologie. J’ai trouvé le sujet intéressant notamment, comme c’est toujours le cas avec cet auteur, parce que j’ai appris des choses sur une période et un aspect historique que je ne connaissais pas du tout et parce qu’elle répond au thème de l’anthologie de manière plutôt originale – mon but était de voir en quoi chacune des entrées tordait ou entrait dans le moule du concept de « memento mori ». J’ai aimé que le croisé soit arrogant et SPOILER 3 Pour autant, j’ai eu un peu de mal à accrocher à l’histoire elle-même et aux personnages, gardant toujours les deux à distance et n’entrant jamais vraiment dans le récit.

Vient ensuite « Nous aurons des lits plein d’odeurs légères » de Thomas Gunzig, nouvelle pour laquelle j’étais déjà bien disposée puisque son titre est extrait d’un poème de Baudelaire, « La Mort des amants », que j’ai reconnu tout de suite ! Ce récit est, lui aussi, une satire de notre société actuelle dans laquelle le travail perd de son sens, les médias nous abreuvent d’horreurs et la vie sociale finit par disparaître. Il est à noter que je déteste l’utilisation de drogues dans les fictions que je lis mais, ici, comme il n’y a pas d’effets proches de celles qui existent chez nous, cela m’a moins dérangée – ce qui me dérange profondément, c’est la perte de contrôle et les dégâts physiques et psychiques que l’usage engendre. J’ai aimé la fin, même si je l’ai trouvée un peu désespérante. SPOILER 4

Anna Triss vient ensuite avec « L’amour à mort », une nouvelle que j’ai trouvé plutôt intéressante même si quelques éléments dans le style d’écriture m’ont un peu gênée – je ne saurais pas exactement dire quoi, c’est plutôt un ressenti et une forme d’écriture qui me gêne vaguement mais qui ne m’empêche pas de lire. J’ai aimé – et j’avais deviné – que SPOILER 5 mais j’ai été un peu dérangée par ce qui arrivait au cours du récit – ce qui était le but, je pense. J’avoue avoir été assez intriguée par la série qui est liée à la nouvelle !

L’une de mes nouvelles préférées de l’anthologie est celle de Lionel Davoust, « Pour se rappeler Mirigor ». Elle traite de deuil et d’amitié homme-animal – rien que les deux thèmes combinés me touchent. C’était à la fois doux et triste, très beau et agaçant quand on voit les conventions humaines et la difficulté de SPOILER 6

Puis, c’est au tour de Julia Richard de nous offrir une « Nec-Romance » que j’ai trouvé – le terme est un peu étrange – assez rafraîchissante ! J’ai adoré son côté SF, son côté gothique et sa réécriture « partielle » de SPOILER 7 J’ai aimé l’écriture, la fluidité des dialogues et l’histoire en général. Cela m’a donné envie de tenter Paternoster de la même autrice – mais pas Carne, j’ai trop de mal avec le cannibalisme !

J’ai retrouvé avec plaisir l’écriture d’Ariel Holzl avec « La saison de la sorcière ». Le titre m’a tout de suite parlé : en me lançant le défi Writober l’année dernière, j’ai construit la plupart de mes nouvelles autour d’une sorcière. J’ai trouvé la nouvelle très belle, pour l’écriture donc, que je trouve poétique et que j’ai adoré voir se raffiner au fil des romans que sort l’auteur, et pour la fin. SPOILER 8 Elle a rejoint mes préférées avec les récits de Christopher Bouix et Lionel Davoust !

Vient ensuite « L’Arrière-Pays » de Philippe Pastor. Si le concept m’a intriguée SPOILER 9, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans le récit. Le désert est un décor qui ne m’intéresse pas tellement, comme cette espèce d’errance d’un personnage seul que l’on devine SPOILER 10

Puis, Justine Niogret nous offre son « Hay cielos pa’l buen caballo » que mon niveau d’espagnol ne me permet pas de traduire tout à fait mais dont je comprends à peu près l’idée. Si, à nouveau, nous nous trouvons dans une forme de désert et, donc, dans un endroit que je n’affectionne pas dans mes fictions, j’ai suffisamment aimé le style d’écriture pour au moins apprécier la nouvelle. Ce n’était donc pas mon type d’histoire, mais c’était tout à fait ce que j’aime au niveau de la forme. J’ai également aimé cette fin en suspens qui peut être aussi frustrante pour d’autres lecteurs. J’ai trouvé, en fin de compte, que c’était une assez forte image de la vie – je ne peux pas dire « belle », puisque c’est assez horrible en fin de compte – : SPOILER 11

J’ai découvert, grâce à cette anthologie, Plume D. Sevres avec « Apparences du pire ». D’abord, j’adore les narrations à la deuxième personne : je trouve que c’est une façon originale et risquée d’impliquer le lecteur dans une histoire dont il fera partie, malgré lui parfois. L’autrice traite d’un sujet d’actualité : la violence faite aux femmes et aux personnes transgenres. J’ai, pour autant, trouvé que le point de vue était plus intéressant que ce qu’il laisse penser au début de la nouvelle. SPOILER 12 En fin de compte, l’autrice nous propose l’histoire par le filtre d’un narrateur et de personnages qui ne sont pas fiables, ce qui nous pousse à nous poser des questions sur notre version des faits, sur le fait que l’on embellisse, que l’on se victimise, que l’on en rajoute et, surtout, que l’on cherche un bouc émissaire ailleurs, quelqu’un sur qui déposer nos traumatismes pour ne plus avoir à les affronter ou pour les exorciser puisque ceux qui les ont causés ne sont pas punis. Cela dit, nous pouvons aussi voir la fin comme SPOILER 13

Le « Looping » de David Bry, très bien écrit, comme tous ses textes, m’a laissé un goût assez amer étant donné la cruauté de son histoire. SPOILER 14 C’est aussi un récit profondément triste, comme sait si bien les construire l’auteur. Surtout, la fin SPOILER 15

Jeanne-A Débats, quant à elle, nous emmène aux Enfers et nous pose la question : « Est-ce ainsi que vivent les AsphodAIles ? ». L’histoire est assez horrible par sa proximité, pour moi, avec SPOILER 16 Cela dit, je l’ai peut-être trouvée un peu trop complexe pour une nouvelle. J’ai eu l’impression que l’autrice nous donnait trop d’informations trop vite ; elles n’ont pas réussi à me parvenir tout à fait, ce qui a occasionné un certain détachement de ma part. Pour autant, j’ai très envie de lire d’autres de ses œuvres !

« Le grand oral » de Thomté Ryam est très court, mais plutôt efficace. Le concept est intéressant et « redevenu » original, pour moi, du fait qu’il soit de moins en moins utilisé. SPOILER 17

L’anthologie s’achève sur « Le trépasseur, le tlot et la grenade » d’Alain Damasio. J’ai récemment terminé Les Furtifs, pour lequel une chronique arrive prochainement. J’ai retrouvé ici l’écriture de l’auteur, très travaillée et très particulière, que j’apprécie et qui, donc, m’a portée pendant ces quelques dernières pages. J’ai trouvé la nouvelle touchante, prenante et j’ai beaucoup aimé la fin ! SPOILER 18

 

 

Donc, j’ai beaucoup aimé cette anthologie que j’ai trouvée bien construite. Elle m’a fait découvrir de nouveaux auteurs et j’ai aimé voire adoré la majeure partie des nouvelles qui la composent, ce qui n’est pas toujours le cas pour ce genre d’ouvrages !

 

 

 

SPOILER 1 et qui propose un concept horrible pour mettre fin à la surpopulation.

SPOILER 2 La cruauté de la fin m’a laissée sans voix : comment peut-on vendre ainsi une expérience de mort en mentant comme un arracheur de dents à une femme qui a décidé de mourir ?!

SPOILER 3 qu’on finisse par le renvoyer à cette arrogance de manière assez ironique puisque c’est parce qu’il croit aux légendes sur les ismaéliens qu’il va aider à forger de nouveau cette légende pour des siècles !

SPOILER 4 Pour retrouver du lien social, le personnage principal finit par se donner la mort.

SPOILER 5 cette jeune femme que le personnage masculin rencontre est la Mort et que l’espèce de prédiction autour de sa vie marquée par la mort était quasiment auto-réalisatrice puisqu’il tue pour protéger la jeune femme, la ramène chez lui, l’épouse et tue ensuite pour que personne ne la convoite.

SPOILER 6 rendre hommage à ces animaux qui vivent avec nous et dont nous sommes plus proches que la plupart des autres êtres humains. Il arrive aussi que ceux qui aiment profondément leurs animaux soient cruellement moqués pour cet amour inconditionnel qu’ils ressentent ; j’avoue n’avoir que mépris pour ces gens incapables de sortir de leur point de vue étriqué sur la valeur de la vie et l’amour et qui se permettent de faire ressentir colère, honte ou chagrin à des êtres qui, eux, se sont ouverts.

SPOILER 7 Frankenstein ! Cette fois, la créature n’est pas un nouveau-né perdu abandonné par son créateur, mais un être en décomposition qui donne l’illusion à ceux qui ont partagé leurs souvenirs avec lui que l’infante est toujours vivante quand elle est en train de pourrir sur pied. Assez glauque, mais très réussi !

SPOILER 8 Je l’ai vue comme un doux hommage, un beau souvenir que la sorcière laisse. J’ai également beaucoup aimé la façon dont les os des petits viennent chercher la jeune femme avec douceur, ce qui contraste bien avec la violence brutale qu’ils utilisent avec son assassin.

SPOILER 9 une sorte d’arrière-pays de la mort, comme une antichambre avant le grand saut, une espèce de purgatoire peut-être, dans tous les cas, un endroit intermédiaire où l’on semble attendre qu’elle arrive tout en cherchant une issue,

SPOILER 10 en train de mourir, ce que j’ai trouvé intéressant, mais dont les visites dans l’arrière-pays semblent des boucles sans fin. C’était sans doute le but recherché, mais ce n’est pas ce que j’apprécie dans mes lectures.

SPOILER 11 même si elle ne donne rien à certains, ils s’y accrochent avec la force du désespoir quand on menace de leur ôter.

SPOILER 12 en effet, on pourrait penser que la narratrice, « tu », est une victime de violences et va donc faire de son mieux, au cours du récit, pour surpasser son traumatisme et revenir vers une vie plus saine pour elle, notamment en tentant d’avoir des relations apaisées avec des personnes qui ne seraient ni toxiques ni violentes. Le récit aurait toujours été fort, mais il n’aurait pas forcément été aussi original ou aussi vraisemblable que ce que l’autrice choisit de nous montrer. A la fin, notre narratrice, alors qu’elle-même a recours à la violence, même si elle n’est ni physique ni verbale parce qu’elle n’est pas directe, est à son tour marquée et se rend compte que les femmes qu’elle côtoie et en qui elle croyait sont aussi « sales », aussi souillées que les hommes auxquels elle reprochait leurs violences et qu’elles aussi utilisent des secondes peaux pour cacher leurs marques. Cette narratrice préfère rester dans le déni lorsque le récit s’achève, avec son « pitié, oublie » et se rend compte qu’elle est devenue le monstre qu’elle voyait chez les autres.

SPOILER 13 particulièrement pessimiste : à peu près tout le monde, sauf la jeune femme transgenre qui a servi de bouc émissaire, est le tortionnaire de quelqu’un. Les rôles ne sont plus facilement distribués comme dans les simplifications « homme = violent ; femme = sœur » ; la nouvelle renvoie au côté sombre de tout individu.

SPOILER 14 La solitude, le rejet, l’impossibilité de vivre avec sa culpabilité enferment le personnage principal dans une spirale qui le mènera à la mort après un dernier looping de liberté.

SPOILER 15 est glaçante : cette capitalisation sur le jeu de son ami qui vient de mourir ne fait que rendre Lucas odieux alors même qu’il a refusé son aide à Jasper, allant même jusqu’à lui dire qu’il l’avait prévenu !

SPOILER 16 Matrix. Les êtres humains semblent nés dans une matrice qui leur fait vivre une vie virtuelle sans qu’ils aient conscience, exactement, de ce que cette existence implique.

SPOILER 17 L’auteur imagine l’antichambre de l’au-delà, le moment où les âmes vont être jugées pour être ensuite envoyées au Paradis ou en Enfer. Toutes les confessions semblent réunies pour attendre leur parution devant le tribunal céleste. Le narrateur arrive avec un néonazi – c’est ainsi qu’il est appelé – qui se défend ardemment, clamant son innocence auprès de tous ceux qui se trouvent à proximité. La chute n’en est pas tout à fait une pour moi, même si elle fonctionne : un de ses amis, qu’il a trahi, arrive lui aussi dans cette antichambre, ce qui semble sceller le destin du jeune homme – semble seulement, étant donné qu’un ange avait déjà révélé ce qui lui arriverait au narrateur.

SPOILER 18 J’aime l’idée de la grenade qui me fait penser à Perséphone ; j’aime l’idée de cette plante qui ne mourra que quand les souvenirs et l’amour du personnage mourront, j’aime cette idée de souvenirs à récupérer pour conserver une trace vivace de l’être aimé après sa mort. Mais je trouve aussi cette idée assez cruelle : les trépasseurs risquent leur vie, les souvenirs peuvent ne pas ressurgir comme espéré, le sentiment de solitude et d’abandon pour ceux qui restent peut donc être d’autant plus vivace que la dernière tentative pour « ressusciter » une partie de l’être aimé à échouer.

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