Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Le crime du comte Neville d’Amélie Nothomb

Posté : 28 décembre, 2015 @ 7:15 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Le crime du comte NevilleGenre : Contemporaine

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2015

Nombre de pages : 135

Synopsis : « Ce qui est monstrueux n’est pas nécessairement indigne. »

 

Avis : Une petite cure d’Amélie Nothomb en ce moment, ça fait du bien ! Le titre m’intriguait, j’avais hâte de voir ce que le roman pouvait donner !

Toujours une couverture qui en jette, un peu insolite, une photo où l’auteure pose de façon originale. J’ai découvert, à ma grande surprise que, comme Barbe bleue, lu il y a peu, ce livre est une réécriture. Cette fois, c’est un mythe que l’auteure reprend, celui des Atrides, et j’ai adoré l’idée, que j’ai trouvé assez originale. J’aime beaucoup la mythologie, l’Antiquité, les légendes, et cette reprise m’a enchanté. J’avais hâte de voir ce que cela donnerait finalement ! Ici, le comte Neville rencontre une voyante qui lui prédit qu’il tuera un de ses invités pendant la fête qu’il donnera le 4 octobre. Cela va bouleverser le héros ; le lecteur va ainsi suivre ses réactions face à cette prophétie. C’est ainsi que l’on se rend compte de l’impact que peut avoir une prédiction sur la vie de quelqu’un : on finit par y croire, par se persuader que cela va arriver, par tenter de contrôler ce qui n’est pas contrôlable, par frôler la folie. Les prénoms ont encore une signification lourde : le destin s’y accroche, le lecteur sent le poids de ces noms, et s’attend à du tragique.

Le comte Neville est le personnage principal du roman ; criminel potentiel et annoncé, il ne comprend pas comment il peut tuer un de ses invités, ni lequel sera sa victime. Torturé par l’idée de perdre sa réputation et sa noblesse, il ne fait que penser en boucle à la prophétie de la voyante ; elle le hante et le transforme, il se voit capable de tout, et le jouet de forces qui le dépassent. Une demande horrible va lui être formulée, et sa réaction m’a choqué ! Cela montre le pouvoir d’un sort sur la conscience de quelqu’un : il est prêt à tout, et ce qui a été dit doit se réaliser. Alexandra, la femme du comte, m’a semblé très douce, parfaite, et m’a un peu fait penser à Oona O’Neill, héroïne de Oona & Salinger. Malgré le peu de pages, je me suis attachée à elle : elle m’a donné la vision d’une vie parfaite, d’un couple qui s’aime et que les années n’altèrent pas. Elle est heureuse dans sa vie de femme, d’épouse, de mère, et ne se laisse pas toucher par le malheur. J’ai aimé le passage où l’auteure décrit sa façon de changer de sujet quand celui-ci traite de problèmes. Les deux premiers enfants du comte Neville, dont je tairai les noms pour la petite surprise, ont l’air aussi parfait que leur mère. Ils sont beaux, talentueux, ont quelque chose que les autres n’ont pas. Quant à la dernière enfant du comte Neville, dont le nom dévie, et défie, le destin, elle est étrange, et tout à fait différente de ses frère et sœur. Quelque chose s’est passé en elle, quelque chose a changé, et personne n’y peut rien. Elle souffre de sa situation, sans que personne ne s’en rende compte. Elle m’a touché, quand elle aurait pu m’agacer ; j’ai ressenti de la compassion pour elle. Sa crise d’adolescence se double d’un autre problème, plus profond, plus grave. Le lecteur croise d’autres personnages dans ce livre : des nobles, comme le père du comte Neville, qui nous montrent la face cachée de la noblesse, Louise, que l’on découvre et que l’on aime tout de suite, malgré le fait qu’elle soit un personnage du passé, Béatrice, qui m’a fait mal au cœur pour le peu de temps pendant lequel elle apparaît.

L’auteure nous montre une noblesse différente de celle que l’on imagine habituellement. Ici, leurs privilèges sont des poids, et les empêchent de vivre comme tout le monde - et même de vivre tout court parfois. Le paraître est ce qui est le plus important pour eux, d’où les fêtes, les secrets. Ils doivent toujours se cacher derrière les apparences, doivent montrer qu’ils vivent une vie qu’en réalité, ils n’ont pas. Je n’avais jamais vu la noblesse de cette façon, et je dois dire que cela m’a un peu choqué. Surtout, l’histoire de Louise ; mais aussi la réaction du comte Neville sur les précédents, et son  »acceptation » de ce qu’il croyait ne jamais pouvoir faire, pour préserver les apparences, mais aussi pour ne pas détonner dans le paysage noble. Comment peut-on laisser faire tout ça ? La famille devient secondaire par rapport à la noblesse, à la vie que l’on doit sembler mener, à ce que les autres pensent de nous. Ce doit être horrible de vivre de cette façon, même – et surtout – si c’est dans un château ! Finalement, il est mieux de voir la vie du bon côté et de se dire que beaucoup ont moins que nous : il nous manque peut-être certaines choses, mais elles ne sont pas nécessaires, et ce que l’on a est déjà très bien.

La fin m’a surprise, elle est tout à fait différente de celles des autres livres d’Amélie Nothomb. Elle est très abrupte, ce qui est un peu décevant peut-être, mais qui peut aussi montrer la brutalité du changement de situation. J’ai ri du renversement, peut-être un peu soulagée aussi. C’est une bonne surprise en tout cas ! J’ai eu un peu l’impression d’un conte de fées, contrairement à une tragédie.

 

En définitive, un très bon roman, que j’ai beaucoup aimé, et que j’ai trouvé assez différent des autres ! Une bonne réécriture originale, et des personnages qui montrent un autre aspect de la noblesse, que l’on pense connaître sans savoir.

Barbe Bleue d’Amélie Nothomb

Posté : 23 décembre, 2015 @ 3:34 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Barbe BleueGenre : Contemporaine

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2012

Nombre de pages : 170

Synopsis : « La colocataire est la femme idéale. »

 

Avis : Cela faisait un moment que je n’avais pas lu de livre d’Amélie Nothomb, et j’avais envie de me replonger dans son univers !

Déjà, j’aime beaucoup la couverture ; en général, celles des livres de l’auteure sont originales, et ont ce petit quelque chose qui fait qu’on les aime. C’est le cas ici. Rien qu’en lisant le titre, le lecteur comprend qu’il a affaire à une réécriture du conte, Barbe bleue, l’homme qui tue ses femmes, pour schématiser. On entre donc dans l’histoire avec l’a priori d’être face à un meurtrier. L’idée d’une colocation pour choisir l’élue m’a semblé originale. C’est une bonne transposition de l’histoire à notre époque, tout en gardant un côté ancien avec le personnage de Don Elemirio. La reprise du conte est elle aussi ingénieuse : l’héroïne, Saturnine, ne sait rien de Don Elemirio et de ce qu’on dit de lui. Elle n’est attirée ni par l’homme, ni par son histoire, et veut simplement un logement à Paris. Mais quand elle apprend que huit femmes ont disparu après avoir vécu chez lui, elle est persuadée qu’il les a tuées. Son attitude alors est celle de la rébellion et du rejet : elle ne tombera pas amoureuse de Don Elemirio comme les autres femmes. L’intrigue m’a peu à peu fasciné : Saturnine entre dans le quotidien de Don Elemirio et tente de découvrir ce qui est arrivé aux huit femmes. Les couleurs sont importantes dans ce livre : elles sont une partie de nous et nous caractérisent profondément. Le champagne est très présent : il est un lien entre les deux personnages. J’ai retrouvé Hygiène de l’assassin, que j’ai adoré, dans les dialogues, dans la relation des deux personnages, dans la surprise de la fin. Le côté « conte » du récit m’a semblé se concentrer à la fin, dans la dernière phrase. La religion est également présente dans ce livre : Don Elemirio est catholique pratiquant, et même un peu fanatique peut-être. Elle lui permet de justifier certains de ses actes, même si cela semble absurde. Enfin, j’ai adoré le jeu d’onomastique de l’auteure sur les noms qui apparaissent dans l’œuvre, notamment celui des femmes, dont celui de Saturnine ; l’on fait référence à son étymologie au début et à la fin du livre.  

J’ai vraiment beaucoup aimé le personnage de Saturnine. C’est une jeune femme indépendante, qui n’a jamais connu l’amour, et qui est certaine de ne jamais tomber amoureuse du « Barbe bleue » moderne, qui l’a dégoute, et qu’elle accuse sans vergogne d’avoir assassiné les huit femmes précédentes. Elle lui parle comme elle le désire, et semble prendre l’ascendant sur lui dans la mesure où il ne lui fait pas peur, et qu’elle se permet tout. Peu à peu, elle découvre Don Elemirio, son quotidien, son passé qu’il lui raconte, son secret, la photographie qui le passionne. C’est une jeune femme intelligente et elle tente de percer à jour son mystérieux hôte. Aussi, le logement qu’elle a trouvé ressemble à un rêve, et il semble qu’elle ne pourra plus se passer du luxe qu’elle y découvre. De ce point de vue, c’est Don Elemirio qui a l’ascendant sur elle. Il est espagnol, noble, et a des positions bien arrêtées sur à peu près tout. Il semble parler par énigmes, ou Saturnine ne pose pas les bonnes questions à cause de l’idée toute faite qu’elle a de lui. Il semble avoir une haute opinion de lui-même, et m’a un peu fait penser à Prétextat Tach, en beaucoup moins cynique. C’est un reclus, il déteste la société, et n’y est pas adapté. Les huit femmes qu’il a connues font partie de son mystère : son histoire d’amour m’a fait penser à Journal d’Hirondelle par son étrangeté. Dans le livre, Saturnine prend la place du lecteur pour poser toutes ses questions à Don Elemirio. On ne sait que ce qu’elle apprend. D’autres personnages apparaissent ici : les huit femmes précédentes, Corinne, l’amie de Saturnine, Mélaine, l’homme de service de Don Elemirio, le chauffeur et les femmes qui viennent répondre à l’annonce pour la colocation : elles sont obsédées par le noble Espagnol, sont attirées par sa réputation sulfureuse et veulent le découvrir.

Le thème du secret est central ici : Don Elemirio cache celui-ci dans une pièce interdite pour la femme qui vit avec lui ; mais il précise que cette porte n’est pas fermée à clé pour une question de confiance. Il considère que son secret doit être respecté, et qu’elles n’ont pas à vouloir le découvrir. Cela peut faire référence au jardin secret que l’on garde pour soi, que l’on ne révèle à personne. Pour autant, les hommes sont toujours curieux, et lorsqu’on leur montre un endroit interdit, mais accessible, il est pratiquement certain qu’ils y entreront. Cette curiosité est aussi au centre du livre : Saturnine veut finalement savoir ce qui se cache derrière la porte, veut savoir ce qu’il est advenu des femmes, ce qui mène à une scène étrange, de nuit, où menaces et questions fusent. Le lecteur lui aussi veut connaître la vérité, et tourne les pages aussi rapidement que possible pour savoir.

La fin est surprenante, à la fois pour ses révélations et pour l’événement qui survient ; elle m’a encore fait penser au premier livre de l’auteure, même si c’est tout de même différent. Elle est aussi abrupte, sans doute pour refléter la rapidité de la décision de Saturnine. J’ai eu mal au cœur, même si cela devait se passer de cette façon. L’amour est toujours étrange dans les livres d’Amélie Nothomb, et c’est peut-être ce qui les rend uniques et aussi passionnants. Seul bémol : j’ai trouvé l’œuvre trop courte.

 

En définitive, un très bon roman, une bonne reprise du conte Barbe bleue, et des retrouvailles avec le style d’Hygiène de l’assassin, que j’adore.

Les Combustibles d’Amélie Nothomb

Posté : 25 août, 2015 @ 3:18 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Les Combustibles Genre : Théâtre

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2001

Nombre de pages : 89

Synopsis : La ville est assiégée. Dans l’appartement du Professeur, où se sont réfugiés son assistant et Marina, l’étudiante, un seul combustible permet de lutter contre le froid : les livres …
Tout le monde a répondu une fois dans sa vie à la question : quelle livre emporteriez-vous sur une île déserte ?
Dans ce huit clos cerné par les bombes et les tirs des snipers, l’étincelante romancière du sabotage amoureux pose à ses personnages une question autrement perverse : quel livre, quelle phrase de quel livre vaut qu’on lui sacrifie un instant, un seul instant de chaleur physique ?
Humour, ironie et désespoir s’entretissent subtilement dans cette parabole aux résonances singulièrement actuelles.

 

Avis :Il me semble qu’Amélie Nothomb n’a écrit qu’une seule pièce de théâtre, et j’ai eu envie de la lire, histoire de voir ce que cela donnait !

Rien qu’à l’idée de brûler un livre, je me sens mal : c’est vous dire le malaise que j’ai ressenti parfois en lisant ! Bien que certains considèrent que les livres ne soient que du papier et de l’encre, c’est beaucoup plus pour les lecteurs qui ne parviennent plus à s’en passer. L’importance de la littérature est mise en valeur ici par sa destruction : en détruisant les œuvres qui lui sont chères, l’homme se détruit lui aussi, détruit l’humanité en lui, sa dignité, et ce qui lui reste face à la guerre. Certes, la vie est plus importante, car si l’on meurt, on ne peut plus lire de toute manière ; mais sa préservation amène à son annihilation. Le froid tue lentement, mais l’immolation de ce que l’on aime aussi. L’auteure a inventé les noms des écrivains et des livres qu’elle cite, ce qui nous permet de ne pas imaginer totalement la destruction des œuvres que l’on aime, ou que l’on connaît : cela nous permet une certaine distance avec ce qui arrive dans le livre. J’ai eu énormément de mal à m’imaginer à la place des personnages, je ne me suis pas du tout identifiée à eux : que ce soit par leurs comportements, ou par leur façon de penser. En tout cas, j’ai retrouvé dans ce livre l’écriture très spécifique d’Amélie Nothomb, un écriture que j’aime toujours autant, à la fois cynique, sérieuse, poétique.

Les personnages, comme dans la plupart des romans de l’auteure, sont étranges pour le lecteur, qui a du mal à s’imaginer à leur place. Le professeur, d’abord : il nous montre une facette du métier d’universitaire qui est assez surprenante, même si elle n’est pas forcément vraie pour tous. Il semble une véritable contradiction, et pourtant, le lecteur comprend pourquoi il agit de la sorte. Il est un peu loufoque, et peut sembler assez pervers. Les livres ne semblent finalement pas avoir une grande importance pour lui, ou l’on peut penser qu’il a sombré dans la folie. Daniel est le personnage avec lequel le lecteur peut le plus facilement s’identifier : il garde ses principes et ses idéaux jusqu’au bout, et ne comprend pas que les autres ne fassent pas de même. Il veut les défendre bec et ongles, veut rester humain coûte que coûte, veut protéger les livres, sans rien pouvoir faire pour les sauver. Enfin, Marina est celle qui est la plus surprenante, et en même temps, la plus banale peut-être. Je ne me suis pas du tout identifiée à elle : elle réagit selon l’instinct animal, l’instinct de conservation semble-t-il. Elle ne pense qu’à se réchauffer, et les livres ne semblent plus compter que comme des combustibles, c’est d’ailleurs elle qui donne l’idée de les brûler.

La fin est évidente : après avoir détruit la littérature, l’homme s’autodétruit. Il y a un dernier espoir qu’un livre survive, et les hommes avec lui.

 

En définitive, j’ai trouvé que ce livre montrait bien l’importance de la littérature dans la vie de l’homme, et l’insignifiance de celle-ci si les livres disparaissaient. Une bonne œuvre, qui fait réfléchir, même si je préfère les romans de l’auteure.

La nostalgie heureuse de Amélie Nothomb

Posté : 22 août, 2015 @ 2:56 dans Avis littéraires | 2 commentaires »

La nostalgie heureuseGenre : Contemporaine, Autobiographie

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2013

Nombre de pages : 152

Synopsis : « Tout ce que l’on aime devient une fiction. »

 

Avis : J’ai acheté ce livre le jour de la séance de dédicace d’Amélie Nothomb pour Pétronille, que j’ai acheté en même temps. Je trouve que cette couverture est la plus belle de toutes celles qui sont déjà sorties auparavant. Il s’en dégage une espèce de sérénité, et une beauté que je ne sais pas décrire.

Cela faisait longtemps que j’avais lu Amélie Nothomb, mais je n’avais pas oublié son écriture. Je l’aime toujours autant ! A la fois poétique, sérieuse et pleine d’humour, elle est un mélange que l’on ne rencontre pas partout, authentique et sincère. Ses mots nous font quelque chose, nous touchent ou nous indignent, dans tous les cas, ne nous laissent pas indifférents. J’ai ri parfois de la spontanéité de l’auteure face à une situation ou à une personne ! Cette autobiographie raconte le retour de l’auteure au Japon à l’occasion d’un documentaire à propos de son enfance dans ce pays, un endroit qui lui est très cher, et qu’elle n’avait pas revu depuis seize ans. Les réalisateurs en font un parcours de mémoire, initiatique ; ce parcours va provoquer chez l’auteure une nostalgie qu’elle a ressentie dès qu’elle a quitté le pays, à cinq ans, en repensant à ses souvenirs. Toute une réflexion s’installe alors dans le texte sur la mémoire, les retrouvailles, les souvenirs, la nostalgie, et la façon dont elle est appréhendée en Occident et au Japon. Clairement, Amélie Nothomb ne se sent pas Occidentale dans ce livre, mais Japonaise. Elle retrouve les lieux de son enfance transformés, et cela la blesse profondément. Dès qu’elle reconnaît quelque chose, elle semble émue comme une enfant, et les autres ne la comprennent pas, parce qu’ils ne voient rien d’exceptionnel dans ce qu’elle a retrouvé. Je me suis sentie proche d’elle à ce moment-là, parce que, souvent, quand on retrouve des petites choses liées à notre enfance, ou un détail dans un lieu qui a complètement changé, les autres ne comprennent pas l’importance de cette preuve que le passé a bien existé : ils n’y voient rien, quand, pour nous, cela signifie beaucoup. De plus, j’ai trouvé que la modestie et la simplicité d’Amélie Nothomb étaient très visibles dans ce livre. Elle est certaine que le documentaire n’aura pas lieu parce qu’il est sans importance pour France 5 ; elle est aussi horrifiée quand elle se présente comme « un écrivain célèbre ». J’ai eu l’impression qu’elle voulait juste être Amélie. 

On découvre de nouveaux aspects de la culture nippone : l’excentricité des jeunes, la force de résilience des Japonais (que l’on avait déjà vu dans Ni d’Eve ni d’Adam), ce qui a changé depuis Fukushima. L’auteure nous parle de l’explosion de la centrale à plusieurs reprises et se rend même sur les lieux. Elle évoque également le tremblement de terre de Kobé, où elle se rend pour retrouver Nishio-San. A nouveau, quelques mots japonais nous sont expliqués, et l’on comprend le titre du livre. La richesse de la langue est impressionnante, ainsi que ses nuances. Concernant la façon de raconter, j’ai trouvé que cette autobiographie était presque aussi spéciale que Métaphysique des tubes, même si ce n’était pas vraiment la même narration. L’auteure est entourée de caméras et ne peut pas laisser voir sa vie intérieure comme elle le veut ; mais au fond d’elle-même, elle est différente de ce qu’elle montre. Elle panique, ou se replie sur elle-même, elle se plonge dans son âme, où personne ne peut venir la chercher. A un moment, elle parle de vide : elle se sent vide, et je me suis rendue compte qu’à la fin de ma lecture, j’éprouvais la même sensation. C’était assez déroutant : j’étais sceptique et toute retournée à la fois. Cette lecture était comme un moment hors du temps et de l’espace, quelque part dans le vide, au milieu du silence.

En ce qui concerne les autres « personnages », si je peux les appeler de cette façon, j’ai été très contente de retrouver Rinri dans ce livre. Il est toujours aussi sympathique, et il m’a encore fait rire par sa gaucherie en français, et son comportement si différent du nôtre. Il semble vraiment être comme le décrit l’auteure : le plus gentil garçon du monde. Les réalisateurs sont présents pendant tout le livre, et dirigent le périple d’Amélie Nothomb dans son Japon natal. Je ne sais que dire sur eux. Ils sont présents et assistent aux retrouvailles sans interférer, juste en braquant leur caméra pour capturer le moment qui passe. La traductrice japonaise de l’auteure m’a fait sourire : elle a l’air très libre, et ne mâche pas ses mots, même face à un éditeur japonais qui tente de critiquer Stupeur et tremblements. Nishio-san est un « personnage » que j’avais apprécié en lisant Métaphysique des tubes, et je l’apprécie d’autant plus après ce livre. Elle aime Amélie comme sa fille, cela est visible, et l’amour que se vouent les deux femmes est palpable. Le passage de leurs retrouvailles est beau, émouvant, et leur séparation donne un petit pincement au cœur du lecteur. On se demande à ce moment-là si elles se reverront un jour.

La fin est un peu triste : fini le Japon, retour à Paris ! L’auteure montre bien ce que l’on ressent quand l’on rentre chez soi, surtout lorsque c’est à Paris, dans une ville qui finit par vous ronger. La nostalgie est toujours là, et le sera toujours, et elle invite sans doute à l’écriture.

En définitive, un très bon Amélie Nothomb, même s’il ne fait pas partie de mes préférés. Un très bon moment de lecture suspendu, qui donne envie de se plonger encore un peu plus dans un univers à la fois poétique et drôle.

Hygiène de l’assassin d’Amélie Nothomb

Posté : 29 janvier, 2015 @ 10:42 dans Avis littéraires, Coup de cœur | 2 commentaires »

Hygiène de l'assassin Genre : Contemporaine

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2012

Nombre de pages : 222

Synopsis : Prétextat Tach, prix Nobel de littérature, n’a plus que deux mois à vivre. Des journalistes du monde entier sollicitent des interviews de l’écrivain, que sa misanthropie tient reclus depuis des années. Quatre seulement vont le rencontrer, dont il se jouera selon une dialectique où la mauvaise foi et la logique se télescopent. La cinquième lui tiendra tête, il se prendra au jeu. Si ce roman est presque entièrement dialogué, c’est qu’aucune forme ne s’apparente autant à la torture. Les échanges, de simples interviews, virent peu à peu à l’interrogatoire, à un duel sans merci. Dans ce premier roman d’une extraordinaire intensité, Amélie Nothomb manie la cruauté, le cynisme et l’ambiguïté avec un talent accompli.

 

Avis : Cela fait longtemps que je veux lire ce livre, et j’avais vraiment besoin d’une pause après ma dernière lecture : Cosmos, qui m’a vraiment laissé une très mauvaise impression, et une envie irrésistible de lire un livre que j’aimerais vraiment. Et, bien que j’aie un peu peur parfois avec les romans d’Amélie Nothomb, je sais qu’ils sont toujours exceptionnels et surprenants ! La couverture est assez mystérieuse, comme son titre : les deux prennent tout leur sens à un moment donné !

L’idée d’un livre construit exclusivement sur un dialogue m’a vraiment intrigué et donné envie de découvrir Hygiène de l’assassin. Et je peux dire que je n’ai pas été déçue ! L’histoire est simple : un écrivain à succès, prix Nobel de littérature, va bientôt mourir d’une maladie au nom imprononçable, la maladie d’Elzenveiverplatz. Pour cette raison, des tas de journalistes tentent d’obtenir une interview de ce génie condamné. Ainsi, le livre est composé de cinq parties pour les cinq entrevues que Prétextat Tach va accorder à cinq personnes. Les quatre premières sont assez courtes comparées à la dernière, puisque celle-ci fait plus de la moitié du livre. Je me suis beaucoup amusée à lire les premières : j’ai beaucoup ri aux réponses spontanées de l’écrivain, réponses qui montrent la stupidité des journalistes, qui posent tous des questions que Prétextat Tach tourne en dérision. La cruauté et l’ironie de ses réponses m’ont tellement surprise, je ne m’y attendais tellement pas, que j’ai parfois éclaté de rire (et je suis un peu passée pour une folle quand des gens m’entendaient …). Ce livre a été écrit très intelligemment. Et comme pour tous les livres d’Amélie Nothomb, j’ai adoré cette écriture. A la fois poétique, drôle, acerbe, cruelle. J’y ai un peu retrouvé Journal d’Hirondelle, mon livre préféré de l’auteure, à la fois pour la « poésie » et pour l’histoire de Prétextat. C’est un autre genre tout de même ! La dernière interview m’a moins fait rire, mais elle était plus profonde. Tout se dénoue à cet endroit. On découvre le cœur de l’histoire, surtout celui de celle de Prétextat Tach. En fait, ce livre est un de mes préférés de l’auteure, au même titre que Stupeur et tremblements, Ni d’Eve ni d’Adam, un peu moins de Journal d’Hirondelle, qui dépasse tout !

Concernant les personnages, j’ai à la fois apprécié et détesté Prétextat Tach. Apprécié parce qu’il m’a fait rire. Détesté parce qu’il est franchement détestable : misogyne, raciste, pédant, arrogant, imbu de lui-même et j’en passe. Il pense que ce qu’il dit est parole d’évangile, que personne peut ne pas être d’accord avec lui. Il est cruel, et fait plier tous ceux qui croisent son chemin. Je n’ai pas trop réussi à l’imaginer physiquement : il a l’air assez affreux, vu comment il est décrit et comment il se décrit lui-même. Quant aux quatre premiers journalistes, ils sont aussi bêtes les uns que les autres. Ils se font avoir comme des bleus par l’intelligence de l’écrivain qui les balade comme jamais ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas ri d’aussi bon cœur ! Enfin, j’ai apprécié la dernière journaliste, le dernier personnage présent dans le livre. Il est facile de s’identifier à elle parce qu’il est fort probable qu’on pense à peu près comme elle, si pas complètement comme elle ! Elle veut simplement démasquer le grand écrivain, découvrir ce qu’il cache depuis plus de soixante ans. Et je dois avouer que je ne m’attendais pas du tout à cette histoire. La première partie du livre nous met un peu sur une mauvaise piste ; on ne s’attend pas à ce que la deuxième partie va nous offrir, ce qui rend le livre d’autant plus surprenant et intelligent. Après avoir détendu le lecteur, l’auteure lui présente une histoire qui le happe, qui le fascine et le révulse à la fois. Et c’est aussi ce que j’adore chez Amélie Nothomb !

Ce livre m’a aussi fait réfléchir sur la lecture et, notamment celle des auteurs à succès. Prétextat Tach donne une définition effrayante du lecteur, et je me suis posée la question de savoir si je ressemblais à cela, ou si j’étais de l’autre genre, si rare selon lui. Puis, je me suis rendue compte que je faisais tout pour lire attentivement, et même vivre mes livres. Et je ne pense pas que la lecture puisse être catégorisée de cette façon, aussi radicalement. Chacun a sa manière de lire, et il me semble que le texte peut vivre seul : il échappe à son auteur une fois qu’il est publié, c’est la raison pour laquelle il peut parfois être très mal interprété … De plus, quand un auteur à succès sort un livre, celui-ci est forcément génial. On ne remet pas en cause la valeur de ce qu’il écrit, c’est forcément bon. Ce livre semble dire qu’il faudrait parfois remettre en cause ce qui est dit. Ce qui est écrit n’est pas forcément bon parce qu’il porte le nom d’un auteur célèbre. C’est le texte qu’il faut juger, pas l’auteur. En tout cas, c’est ce à quoi ce livre m’a fait penser …

Quant à la fin, elle est assez surprenante ! Je m’attendais à ce qui est révélé, avec toutes les allusions successives (c’est tout de même assez choquant), mais je ne m’attendais pas du tout à l’action finale ! C’était très bien imaginé, et assez logique en fin de compte.

 

En définitive, un excellent livre, à l’histoire simple, mais très intelligent et bourré d’humour, et à l’écriture à la fois cruelle et poétique, ironique et cruelle. Une de mes œuvres préférées d’Amélie Nothomb !

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