Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir

Posté : 16 juillet, 2018 @ 4:41 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Mémoires d'une jeune fille rangée Genre : Mémoires 

Editeur : Folio 

Année de sortie : 2017 [1958]

Nombre de pages : 473

Synopsis : « Je rêvais d’être ma propre cause et ma propre fin ; je pensais à présent que la littérature me permettrait de réaliser ce vœu. Elle m’assurerait une immortalité qui compenserait l’éternité perdue ; il n’y avait plus de Dieu pour m’aimer, mais je brûlerais dans des millions de cœurs. En écrivant une œuvre nourrie de mon histoire, je me créerais moi-même à neuf et je justifierais mon existence. En même temps, je servirais l’humanité : quel plus beau cadeau lui faire que des livres ? Je m’intéressais à la fois à moi et aux autres ; j’acceptais mon « incarnation » mais je ne voulais pas renoncer à l’universel : ce projet conciliait tout ; il flattait toutes les aspirations qui s’étaient développées en moi au cours de ces quinze années. » 

 

Avis : J’ai lu ce livre pour l’agrégation, mais il était déjà dans ma wish-list depuis longtemps !

Il y a quelques années (trois ans il me semble !), j’ai lu Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir. Il est temps que je le relise, parce que je n’ai pas pris de notes, et que je ne m’en souviens pas dans les détails ; mais ce dont je me souviens, c’est de l’importance que ce livre a eu pour moi à l’époque. Il a réveillé en moi un féminisme encore à moitié dormant. Je pensais le retrouver dans Mémoires d’une jeune fille rangée, et je dois avouer que j’ai été déçue, sur le coup, de constater que ce n’était pas le cas. Ce livre est plus une partie d’autobiographie qu’un mémoire pour moi ; il débute avec la naissance de Simone de Beauvoir et s’achève sur l’obtention de son agrégation, après avoir raconté son enfance et son adolescence jusqu’à l’entrée dans l’âge adulte. On peut y trouver quelques réflexions sociales et féministes, des ébauches de ce qui deviendra l’œuvre de l’auteure ; mais ce n’est pas le centre du livre. L’auteure évoque la Première Guerre mondiale, mais ne donne pas d’avis dessus, et ne s’y attarde pas. Elle signale, au contraire, qu’à l’époque, les idées qui seront les siennes n’ont pas encore mûries en elle, qu’elle n’y pense pas du tout pour certaines, parce qu’elle est concentrée sur sa vie intérieure. En effet, Mémoires d’une jeune fille rangée nous raconte plutôt l’éveil de Simone de Beauvoir, son passage d’enfant à adulte, son évolution spirituelle, mais aussi physique. Ce pourrait être qualifié de roman d’apprentissage si c’était de la fiction : l’auteure s’ouvre à la philosophie, à la littérature, et découvre des théories et des idéologies qui deviendront les siennes ou contre lesquelles elle se battra par la suite. Le livre évoque aussi ses amis, ses études, sa famille, sa perception du monde à l’époque : pour elle, enfant, il n’y a pas de différence entre garçon et fille. Elle ne se sent pas inférieure et n’est pas rabaissée ; c’est par la suite qu’elle comprend que les filles ne peuvent pas « s’amuser » comme les garçons, et qu’elles doivent être mariées vierges. Toute son adolescence, Simone de Beauvoir ne comprend pas la raison de ces différences, et désapprouve fortement les mœurs légères des garçons, notamment à cause de son éducation catholique. Dieu est un guide pour elle, jusqu’à ce qu’elle tombe en désaccord avec lui ; malgré tout, elle reste empêtrée dans des préjugés et des tabous religieux qui l’empêchent de vivre pleinement, et notamment, de développer sa sexualité, ou même de parler de cela autour d’elle. Cela explique sa pudibonderie, et le fait qu’elle juge sans cesse, tout et tout le monde. Il était, en fin de compte, très intéressant de découvrir la jeune fille qu’était la femme que l’on pense connaître, l’adolescente derrière l’image que l’on a forgée de Simone de Beauvoir. 

Ma déception initiale s’est vite dissipée quand je me suis rendu compte que la Simone du livre et moi avions pas mal de points communs. Je me suis fortement identifiée à elle, et j’ai retrouvé mes problèmes dans les siens. C’était assez réconfortant de voir qu’une femme comme elle était passée par les mêmes étapes/épreuves que moi ! (J’arrête de parler de moi maintenant !) L’auteure nous parle beaucoup ici de ses tourments d’adolescente ; tout se fait par cycles répétitifs, entre désespoir et euphorie. Ces cycles sont aussi visibles dans ce qu’elle pense d’elle : tantôt arrogante, tantôt perdue, elle semble fragile. Le moindre événement peut tout remettre en question. La jeune Simone de Beauvoir veut également trouver le sens de sa vie, un but à atteindre ; elle veut servir à quelque chose, accomplir de grandes choses. Elle nous parle de son amour de la littérature, des auteurs qu’elle lit, de ce qu’ils lui apportent ; mais aussi de ses amis. J’ai adoré Zaza : leur amitié semble un peu guindée, étant donné qu’elles se vouvoient, mais la jeune fille tient une place très importante dans la vie de Simone de Beauvoir. Bien que sa présence soit hachée parfois, elle est là du moment de la rencontre à la fin. Je cherchais aussi le moment où l’auteure allait rencontrer Jean-Paul Sartre : de loin, il semble visiblement très snob !

L’écriture était très bonne, et l’auteure se laisse parfois aller à des descriptions poétiques de la nature. Elle nous donne son point de vue sur le mariage, la maternité, l’amour, le couple. Enfin, il était drôle de la voir passer l’agrégation alors que je dois, justement, lire cette œuvre pour le concours – je ne sais pas si ça me fera autant rire une fois que je serai devant ma copie !

 

Donc, un début d’autobiographie qui permet de découvrir une jeune femme en devenir, qui s’éveille intellectuellement mais aussi physiquement. 

How To Be a Woman de Caitlin Moran

Posté : 7 juin, 2018 @ 7:17 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Essai How To Be a Woman

Editeur : Ebury Press

Année de sortie : 2012 [2011]

Nombre de pages : 312

Titre en français : Comment peut-on (encore) être une femme ?

Synopsis : « It’s a good time to be a woman: we have the vote and the Pill, and we haven’t been burnt as witches since 1727. However, a few nagging questions do remain …

Why are we supposed to get Brazilians? Should we use Botox? Do men secretly hate us? And why does everyone ask you when you’re going to have a baby? »

Part memoir, part rant, Caitlin Moran answers the questions that every modern woman is asking. 

 

Avis : J’avais vu ce livre un peu partout, mais c’est Salomé de la chaîne Kissthelibrarian qui m’a vraiment donné envie de le lire !

J’avais entendu dire que How To Be a Woman était drôle et féministe, et j’avoue que je n’ai jamais lu d’œuvre féministe qui soit drôle ! Je me suis dit que ça valait le coup d’essayer, et j’ai ADORE ! Alors, certes, je ne suis pas d’accord sur tout ce que Caitlin Moran écrit, mais je me suis sentie vraiment bien de lire un livre de la sorte, un livre qui explique pourquoi la femme est encore le jouet de la société, pourquoi et comment elle est encore définie par elle, pourquoi elle ne parvient pas vraiment à se faire respecter, et comment tout cela fonctionne. On peut se dire que l’auteure n’est pas une spécialiste, mais elle est une femme, et parle de son expérience en tant que femme, ce qui enrichit considérablement le livre pour moi ! Elle explique ce qu’est véritablement le féminisme, au cas où certains l’auraient oublié ou ne le savent pas. Beaucoup de femmes ne se sentent pas féministes, ou pensent ne pas pouvoir l’être parce qu’elles ne correspondent pas aux autres féministes, ou à l’image que celles-ci renvoient. Pourtant, le concept d’origine est simple, et même les hommes peuvent correspondre : c’est vouloir l’égalité homme/femme. Ce n’est pas de la misandrie, la haine des hommes.  

Son humour m’a parfois pris par surprise ; il apparaît souvent après quelque chose de plutôt sérieux, ou une explication. Je me suis retrouvée à glousser et même à éclater de rire ! Elle démolit chaque préjugé sur la femme : elle est douce et élégante, elle veut forcément des enfants, elle ne regarde pas de porno, ou elle a les mêmes désirs que les hommes, etc ; et explique pourquoi ce n’est pas important d’entrer dans les normes. Elle parle aussi de certaines expériences dans lesquelles je me suis retrouvée ; j’avais le sentiment que ce livre était vraiment écrit pour moi ! Caitlin Moran aborde des sujets polémiques, ou assez lourds, comme l’avortement, ou la chirurgie esthétique ; elle ne prend pas de pincettes, appelle un chat un chat, et ne fait pas semblant en donnant sa véritable opinion sur la question. Ce franc-parler peut sans doute choquer, mais j’ai trouvé qu’il était plutôt rafraîchissant. Pas d’hypocrisie au moins ! Elle évoque aussi la honte dans certaines situations, le fait qu’une femme ne puisse pas parler de tout ce qu’elle vit ou de ses sentiments sous peine d’être mal vue. 

 

Donc, un essai-mémoire coup de cœur, qui rappelle l’essentiel du féminisme, et qui fait rire autant qu’il fait réfléchir ! 

Fun Home: A Family Tragicomic d’Alison Bechdel

Posté : 25 janvier, 2018 @ 7:54 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : BD, Mémoires Fun Home

Editeur : Jonathan Cape

Année de sortie : 2006

Nombre de pages : 232

Titre en français : Fun Home : une tragicomédie familiale

Synopsis : Fun Home is a fresh and brilliantly told memoir marked by gothic twists, a family funeral home, sexual angst and great books. Like Marjane Satrapi’s Persepolis it’s a story exhilaratingly suited to graphic memoir form.

Meet Alison’s father, obsessive restorer of the family’s Victorian home, funeral director, high school English teacher, icily distant parent and closeted homosexual, who, as it turns out, is involved with his male students and a babysitter.

Through a narrative that is alternately heart-breaking and fiercely funny, we are drawn into a daughter’s complex yearning for her father. When Alison comes out as homosexual herself in late adolescence, the denouement is swift, graphic – and redemptive.

 

Avis : J’ai entendu parler de ce livre, le terme « gothique » a été employé, et je n’avais jamais lu de mémoire sous forme graphique : je me suis lancée !!

J’avoue que je ne m’attendais pas à être aussi émue par ce livre ; et en même temps, j’avais entendu pas mal de bonnes choses, alors je m’attendais quand même à quelque chose. Je savais seulement qu’il traitait du père de l’auteure, et de leur maison gothique. En fait, Fun Home est un mémoire, mais aussi une espèce de biographie de Bruce Bechdel, le père. L’auteur écrit sur son enfance, sur le fait qu’elle comprend qu’elle est lesbienne, et, en même temps, sur sa relation avec son père, un parent froid qu’elle aime quand même, sur la vie de celui-ci, sur ce qu’elle sait de lui. J’ai été émue par l’envie de la narratrice d’avoir une simple conversation avec son père, d’avoir une bonne relation avec lui – un peu une façon de recoller les morceaux, ou de rattraper le temps perdu -, de partager quelque chose. C’est déchirant de la voir incapable de l’atteindre – même quand elle se rend compte qu’ils ont quelque chose en commun ! -, incapable de le cerner et de le comprendre, incapable de lui dire son amour, excepté par ce livre qui arrive après sa mort. Ils sont mal-à-l’aise, embarrassés d’être si proches, et pourtant toujours aussi éloignés. Malgré tout, l’auteure/narratrice se souvient des bons moments passés avec son père, de ces moments où il était joyeux, ou aimant. Il est affolant de se rendre compte, au fil de la lecture, à quel point ces deux personnes, si différentes à première vue, se ressemblent. Ils ont évolué, en quelque sorte, de la même façon, mais n’ont pas réagi à la « révélation » de leur vie de la même façon. Je ne sais pas si on peut parler de spoilers pour un mémoire, mais, au cas où, attention spoiler éventuel : le père d’Alison Bechdel est homosexuel, et elle l’apprend seulement une fois qu’elle a compris qu’elle-même était lesbienne. Elle se sent tellement différente de son père ; et pourtant, elle apprend par sa mère qu’ils ont vécu la même chose ; seulement, son père a décidé de « refuser » son homosexualité, de la refouler en quelque sorte, en se mariant avec la mère d’Alison, et en continuant à rester marié, malgré ses multiples aventures avec des garçons (fin du spoiler éventuel). Tout le long du livre, l’auteure/narratrice tente d’écrire ses souvenirs, tout en essayant de comprendre ce père énigmatique, et surtout, de comprendre sa mort. Elle est convaincue qu’il s’est suicidé, et pense avoir des indices/preuves de cela dans les dernières journées de son père. Les phrases qu’elle écrit pour décrire son impression une fois qu’il est mort sont déchirantes : c’est comme si son absence quand il était vivant était définitivement concrétisée.

Je vous disais plus haut que l’auteure/narratrice comprend ici qu’elle est lesbienne. Ce peut être un peu étrange d’utiliser le verbe « comprendre », mais j’ai l’impression que c’est le meilleur dans ce cas. Elle décrit cette découverte comme simplement une façon de désigner quelque chose de naturel chez elle, d’enfin mettre un mot sur quelque chose qui avait toujours existé pour elle et dont elle n’avait pas conscience. Cela ne s’est pas fait à travers une personne, mais à travers un témoignage qui lui a permis de se rendre compte qu’elle ressentait la même chose. J’ai aimé ensuite son parcours à travers des tas d’œuvres traitant de l’homosexualité – notamment Maurice d’E. M. Forster, que je compte lire bientôt !! J’ai aimé sa façon de parler de sa sexualité, sans tabous, et sans question de honte. Cette question se trouve plutôt du côté de son père.

Le livre traite aussi de l’anxiété, représentée ici par des espèces de TOC : l’auteure/narratrice commence par douter de ses souvenirs, puis elle se force à compter les choses, à faire des choses de manière ritualisée – par exemple, le fait que ses chaussures doivent être parfaitement parallèles, et qu’aucune ne doit dépasser l’autre. L’auteure semble analyser ces manifestations anxieuses, puisqu’elle écrit à un moment donné qu’elle doit donner autant d’amour aux deux chaussures, qui représentent en fait ses parents. Honnêtement, il est très difficile d’apprécier le père ou la mère. Bruce est un parent affreux, qui ne donne aucune affection à ses enfants – excepté pendant certains moments de grâce – ; obsédé par la restauration de sa maison, il oblige ses enfants à l’aider, et peut être violent, que ce soit avec eux ou avec sa femme, notamment lors de leur voyage pour voir un de ses amis d’enfance. L’auteure/narratrice ne cache pas ses défauts ; mais elle montre aussi combien elle l’aime. Ce livre n’est pas débordant de haine contre un père tyrannique ou absent ; c’est une déclaration d’amour posthume. Alison dépeint aussi son père dans ses bons moments ; elle tente de comprendre sa façon d’être et d’agir ; à la fin du livre, il en est presque touchant. La mère – dont j’ai oublié le nom -, est aussi très peu appréciable : elle aussi est obsédée par quelque chose, et ce n’est pas ses enfants ! Elle fait une thèse, et est comédienne ; elle doit donc travailler, en plus de faire les tâches ménagères et de répéter pour ses spectacles. Débordée, elle est, en quelque sorte, elle aussi absente. Elle aussi semble gênée quand, une fois, Alison lui parle de ses règles. En fait, l’auteure/narratrice, enfant et adolescente, ne peut parler à personne de ce qui lui arrive, ne peut pas se confier, et garde tout à l’intérieur d’elle, ou dans des petites expressions dans son journal. Sa relation avec ses parents est difficile, source de gêne, et de peur aussi parfois.

Parlons un peu de la maison : il est vrai qu’elle est gothique, et permet à l’auteure, en quelque sorte, de comprendre en partie son père. Ce « manoir » est sa passion ; il l’a restauré à neuf, l’a remeublé comme il l’était avant, et y a installé une bibliothèque/bureau dans un style très aristocratique. Alison déteste cette maison ; l’auteure donne une raison pour cela : son père considère ses meubles comme ses enfants, et ses enfants comme ses meubles. Il se fiche des goûts de sa fille quand il restaure sa chambre : il y met le papier peint qu’il veut, et les objets qu’il veut. Cette maison est, en quelque sorte, son œuvre ; il en est fier, même si elle lui prend absolument tout son temps.

Le lecteur découvre aussi l’origine du titre du mémoire : Fun Home est l’abréviation de funeral home. En effet, Bruce est professeur de littérature, mais il est aussi croque-mort. Alison et ses frères sont donc dans un milieu qui leur permet de découvrir la mort dans son aspect le moins sentimental ; leur père prépare les morts, ce qui implique de les vider – ce qui donne une scène peu sympathique, à la fois pour le lecteur et pour l’auteur/narratrice. Ayant vécu dans une maison funéraire, l’auteure/narratrice est, d’une certaine façon, détachée de la mort, comme son père lorsqu’il s’occupait des corps. On ressent son désespoir à la mort de son père d’une autre manière, pas par ses pleurs, ce qui le rend d’autant plus touchant. 

J’ai aimé les nombreuses références littéraires : l’auteure/narratrice les associe à des situations, à des événements, et même carrément à ses propres parents, à sa relation avec eux. On peut dire que cela lui vient, en quelque sorte, de son père, qui, le lecteur s’en rend compte, faisait la même chose. Le parallèle avec Ulysses de James Joyce est énorme. Sont aussi mentionnées, comme je l’ai dit, des œuvres traitant de l’homosexualité, parmi elle Sodome et Gomorrhe. Les livres ont une place importante dans la vie d’Alison Bechdel et dans celle de son père : ils sont partout, les accompagnent presque constamment ; la narratrice se demande même à un moment donné si un livre particulier que son père lui a prêté n’était pas un message qu’il tentait de lui faire comprendre. Dans tous les cas, les livres permettent des moments de partage entre Alison et Bruce, moments qu’elle chérit et qu’elle veut faire durer le plus longtemps possible. J’ai aussi adoré les références mythologiques !! (Etrange d’ailleurs que j’avais ensuite prévu de lire The Penelopiad ; j’adore quand mes lectures se retrouvent liées d’une façon ou d’une autre !)

La fin est une dernière façon de briser le cœur du lecteur : l’auteure/narratrice se remémore le dernier moment passé avec son père – l’image et la façon de les dessiner tous les deux dans des fenêtres séparées, ce que l’on retrouve à plusieurs moments dans le livre augmentent l’intensité de la scène -, et son dernier souvenir est agréable.

Petite remarque importante : je ne pensais pas être fan de la façon de dessiner d’Alison Bechdel. Et finalement, j’ai adoré. C’est simple, mais efficace ; les expressions et les décors sont facilement représentés. J’ai aussi aimé que les photos que l’auteure/narratrice reproduit soient dessinées d’une façon différente – la scène où elle compare sa photo et celle de son père … et le cœur se brise à nouveau.

 

Donc, un excellent mémoire graphique, proche du coup de cœur, qui sonne comme un cri d’amour.

The Lost Landscape: A Writer’s Coming of Age de Joyce Carol Oates

Posté : 5 novembre, 2017 @ 6:19 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Mémoire The Lost Landscape

Editeur : Fourth Estate

Année de sortie : 2015

Nombre de pages : 353

Titre en français : Paysage Perdu, publié aux éditions Philippe Rey

Synopsis : A momentous memoir of childhood and adolescence from one of the world’s finest and most beloved writers.

In The Lost Landscape, Joyce Carol Oates vividly re-creates the early years of her life in New York State, powerfully evoking the romance of childhood and the way it colours everything that comes afterwards. From her first friendships to her first experiences with death, The Lost Landscape is an arresting account of the ways in which Oates’s life and writing were shaped by early childhood and a tough rural upbringing.

In this candid and moving recounting of her early years, Oates explores the world through the eyes of her younger self and reveals her nascent experiences of wanting to tell stories about the world and the people she meets. Oates renders her memories and emotions with exquisite precision – to transport the reader to the lost landscape of the writer’s past but also to the lost landscapes of our own earliest, and most essential, lives.

 

Avis : J’ai lu quelques romans de Joyce Carol Oates, et, comme Nonfiction November commence, je me suis dit que ce pouvait être intéressant de me tourner vers ces œuvres de non-fiction. Et je me suis aussi dit que, peut-être, cela pouvait m’aider pour le mémoire. Et puis, j’avais envie de découvrir autre chose d’elle, parce que je deviens clairement obsédée par son œuvre !

Difficile de décrire mon expérience de lecture ici ; à la fin, je me sentais vide, comme si le livre m’avait absorbée, puis recrachée. J’ai du mal à commencer, parce que je sais que je ne vais pas tout à fait rendre justice à The Lost Landscape. Mais j’ai envie de tenter. Ici, Joyce Carol Oates raconte – ou plutôt réinvente, comme elle le dit elle-même – son enfance et son adolescence à la ferme de ses grands-parents, des immigrés hongrois qui ne parlent pas, ou peu, anglais. Par la suite, elle nous parle aussi de son passage à l’université, et sa vie avec son mari ; donc, le mémoire déborde sur sa vie d’adulte. J’ai l’impression qu’avec ce livre, il est possible de découvrir de nombreux thèmes souvent présents dans les romans – que j’ai lus – de l’auteur. La violence est présente dans la vie de l’auteur dès son plus jeune âge, pas à cause des personnes avec lesquelles elle vit, mais dans la famille qu’elle n’a pas connue, son grand-père biologique, tué dans un bar ; mais aussi, à cause de son voisinage, notamment avec la famille Judd. Elle se poursuit par la suite, quand elle vit à Chicago avec son mari pendant les émeutes des années 1960 notamment ; ici arrive également le racisme, déjà présent pendant la période à l’université, côte à côte avec le sexisme – le passage de la soutenance m’a tellement exaspérée ! Mais le « thème » principal du mémoire reste l’enfance, et notamment ce que l’auteur appelle la « romance » de l’enfance : son amour pour ses parents, Fred et Carolina Oates. Grâce à eux, elle est capable d’analyser la mentalité de l’Amérique à l’époque : l’homme doit toujours être prêt au combat, il ne doit jamais reculer, doit toujours faire preuve de force, ne jamais paraître faible, et donc, ne jamais pleurer ; la femme, quant à elle, n’est pas vraiment écouter, un peu effacée, un peu à l’écart. La religion est également évoquée ici : elle donne lieu à quelques réflexions très intéressantes. D’autres sujets sont abordés : l’inceste, le suicide, l’amitié – comme je me suis reconnue dans ces passages ! –, l’amour – j’ai été touchée par la sensibilité de l’auteur quand elle parle de son mari, le fait qu’elle ne veuille pas en parler, parce qu’il n’y a pas de mots pour décrire son amour ; l’amour qu’elle porte à sa sœur est également très touchant, et tellement triste … -, la solitude - et surtout la différence entre aloneness et loneliness -, la santé ainsi que l’argent aussi, notamment quand l’auteur raconte la période de l’université : les élèves ne pouvaient pas échouer, sans quoi ils ne pouvaient pas poursuivre leurs études ; ils devaient réussir, parce qu’ils payaient l’université, et parce que l’échec n’était tout simplement pas une option. L’argent est également évoqué parce que l’auteur vivait dans un milieu relativement pauvre, très loin de l’univers de ses amies de lycée ou de fac. Ce mémoire provoque donc différents types d’émotions chez le lecteur : indignation, tristesse, joie. C’est sans doute la raison pour laquelle je me sentais vide à la fin : j’ai eu l’impression d’accompagner l’auteur tout le long du livre, d’avoir ressenti tout ce qu’elle a vécu, jusqu’à la fin. Il sera difficile de concurrencer The Lost Landscape : c’était tellement intense, tellement intéressant !

En fait, je me suis sentie en phase avec l’auteur, je me suis reconnue dans pas mal de situations, ainsi que dans pas mal de réflexions. Je ressentais la même chose qu’elle, ses idées étaient en accord avec les miennes. J’ai même eu l’impression que l’auteur était capable d’exprimer des choses que je ne savais pas dire moi-même, ce qui est un sentiment formidable pendant une lecture, comme une révélation : on se comprend grâce à l’auteur, grâce à son expérience, qui résonne avec la nôtre. C’était tout le contraire quand j’ai lu M Train de Patti Smith ; j’ai comparé mes lectures, étant donné que ce sont deux mémoires. The Lost Landscape est pour moi parfait, il me correspond, il m’apprend des choses sur moi, sur les autres, sur la société américaine de l’époque (un peu d’histoire en quelque sorte) ; je n’étais pas du tout sur la même longueur d’ondes que l’auteur de M Train, ce qui m’a profondément déçue, puisque je me souvenais encore vivement de ma lecture de Just Kids. Petit point sur l’écriture de Joyce Carol Oates : je l’adore dans les romans de l’auteur, et c’est toujours le cas dans ses non-fictions ! On retrouve plusieurs réflexions sur l’écriture de soi, parsemées dans le livre, ainsi que sur le regard de l’écrivain sur la vie. La postface explique également les choix de l’auteur concernant les noms utilisés, les passages sautés, ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas, ce qu’elle met en valeur, et ce qu’elle laisse un peu de côté. Elle explique qu’on ne peut écrire sur soi sans réinventer en partie sa vie : cela rend le livre d’autant plus authentique pour moi.  

 

Donc, un excellent mémoire, qui nous en apprend beaucoup à la fois sur l’auteur, sur la société et sur nous-mêmes. Evidemment un coup de cœur, que je relirai sans doute.

 

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