Genre : Horreur, Fantastique 
Editeur : Actes Sud
Année de sortie : 2022
Nombre de pages : 320
Synopsis : Suzanne, une streameuse survoltée, Saskia, une artiste en proie au découragement, et Anne-Lise, une jeune fille pétrie de spiritualité et en décalage avec son époque, cohabitent au dernier étage d’un immeuble bourgeois. Des apparitions fantomatiques et surnaturelles sèment la peur dans l’appartement.
Avis : J’ai découvert cette autrice avec Peur express, que j’avais beaucoup aimé pour son ambiance, son écriture et ses personnages, mais surtout pour sa troisième partie très intéressante. En voyant ce livre dans la présélection du PLIB, je me suis dit qu’il serait sympa de lire à nouveau un roman de Jo Witek ! La couverture et le titre m’intriguaient aussi ; j’ai donc fini par me lancer !
L’écriture m’a happée dès le début – il faut dire que je lisais un autre roman que je trouvais particulièrement mauvais avant, il est possible que ça ait aidé un peu ! C’était fluide, bien construit, j’avais envie de continuer à lire alors que j’étais fatiguée : c’était bien parti ! Au fil des pages, je me suis beaucoup attachée aux personnages, même Suzanne qui pouvait paraître agaçante à certains moments. Peu à peu s’installe une ambiance glauque, poisseuse, avec des scènes qui font froid dans le dos. Je n’ai pas été terrifiée en lisant ce livre, mais j’ai eu des frissons de dégoût – il faut s’y attendre quand sont mentionnées des scènes avec du sang, quel qu’il soit – et des petits moments d’angoisse ! Le lecteur est entraîné dans une histoire qu’il ne comprend pas totalement, notamment parce que les intrigues n’ont pas l’air d’avoir de lien entre elles. SPOILER 1 Pour autant, j’étais complètement dedans, j’avais envie de savoir, envie de continuer à suivre les filles et je fomentais des théories seule dans mon coin pour essayer de percer le mystère du sixième étage !
J’ai beaucoup aimé que les héroïnes soient si différentes : outre le fait que cela permet d’avoir plus de diversité niveau personnalité, culture et milieu, il est ainsi possible d’aborder différents sujets sans que cela semble trop lourd ou artificiel. Je pense que j’ai une préférence pour Saskia, non seulement parce qu’elle est artiste, mais aussi parce qu’elle m’a paru plus douce et rassurante, alors même que ce qu’elle vit est affreux. SPOILER 2 Suzanne était donc celle avec laquelle j’avais le plus de mal, sans doute à cause de sa façon de parler et de son côté « je suis cool » alors que ce n’est qu’une carapace pour se protéger. En fin de compte, c’est elle qui m’a fait pleurer ! Enfin, Anne-Lise est très touchante : hors du monde, elle est méprisée par ses pairs, incomprise par ses parents et incapable d’entrer dans le moule qu’on force sur elle. Elle m’a fait de la peine, mais le roman nous apprend aussi à voir une autre facette de sa personnalité. SPOILER 3 Ces trois héroïnes permettent donc d’aborder trois thèmes différents : l’art pour Saskia, la religion pour Anne-Lise et un autre sujet que je vous laisse découvrir pour Suzanne. Dans tous les cas, le lecteur se voit embarquer dans l’intrigue tout en apprenant : c’est bien mené, sans grosses ficelles.
Mais ce livre est un coup de cœur surtout pour l’émotion qu’il m’a fait ressentir. Cela fait un moment que je ne me suis pas laissée emporter à ce point par un roman et, surtout, que je n’ai pas pleuré en lisant. C’est donc chose faite ! La fin est très émouvante : SPOILER 4
Donc, j’ai adoré ce roman qui rejoint la liste de mes 25 sélectionnés pour le prix !
SPOILER 1 J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la scène où les filles s’efforcent de trouver des liens entre leurs différentes hantises. C’était à la fois angoissant et réconfortant parce qu’elles sont ensemble dans l’épreuve. Et c’est un des éléments que j’ai ADORE dans ce roman : le fait que les filles soient unies, que, malgré leurs différences, elles s’entraident, même si elles ne se comprennent pas ou que c’est difficile au début. On sent que, peu à peu, une amitié se forme, et c’est, je pense, pour cette raison que je n’ai pas vraiment eu peur pendant ma lecture. Ce groupe, cette espèce de cocon que Saskia forme autour des deux autres filles, m’a donné l’impression qu’elles étaient protégées par leur lien grandissant. J’étais bien avec ces filles, dans le studio de l’artiste, j’avais envie de rester avec elles plus longtemps.
SPOILER 2 Elle est la première à se ressaisir, à faire le lien, à accepter ce qui lui arrive tout en restant lucide et capable de frayer avec la société, de faire des choix cohérents qui ne lui valent pas l’asile ou la prison. Elle est réfléchie et douce. Son éducation lui donne un côté encore plus rassurant avec ces chansons qu’elle fredonne, ses remèdes et sa façon d’aider Suzanne à comprendre ce qui lui arrive. Saskia m’a aussi fait très mal au cœur après sa rencontre avec le galeriste, mais il semblait évident qu’elle ne pouvait pas en rester là. Et, grâce à elle, j’en ai appris davantage sur Hilma af Klint que j’avais croisée dans un livre sur les femmes oubliées de l’histoire !
SPOILER 3 J’ai beaucoup aimé le passage où Saskia la voit en guerrière sans peur alors que, plus tôt, elle ne voyait qu’une adolescente perdue, internée contre son gré par ses parents.
SPOILER 4 Déjà, la mention de Saskia qu’elle voudrait parler à sa grand-mère m’a serré le cœur, mais alors quand Suzanne comprend qui est Odette, c’étaient les grandes eaux ! Pire encore quand, dans l’épilogue, le lecteur découvre Gisèle, son point de vue et le fait que les filles lui envoient des mots, des cadeaux, pensent toujours à elle et accordent de la valeur à cette femme à côté de qui tout le monde est passé … Le fait de découvrir que Saskia est une artiste connue, que Suzanne est une grande influenceuse dans son domaine, qu’Anne-Lise a entrepris des études de théologie : cela ne fait que mêler les pleurs et la joie. C’était une fin saine, une fin dans laquelle on se sent bien, comme dans ce groupe que l’on sent encore soudé malgré la fin de l’aventure.
#ISBN9782330167868