Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Histoire de la laideur d’Umberto Eco

Posté : 11 novembre, 2016 @ 12:41 dans Avis littéraires | 2 commentaires »

Histoire de la laideur Genre : Essai, Art

Editeur : Flammartion

Année de sortie : 2007

Nombre de pages : 439

Synopsis : En apparence, beauté et laideur sont deux concepts qui s’impliquent mutuellement, et l’on comprend généralement la laideur comme l’inverse de la beauté, si bien qu’il suffirait de définir l’une pour savoir ce qu’est l’autre. Mais les différentes manifestations du laid au fil des siècles s’avèrent plus riches et plus imprévisibles qu’on ne croit.

Or voici que les extraits d’anthologie ainsi que les extraordinaires illustrations de ce livre nous emmènent dans un voyage surprenant entre les cauchemars, les terreurs et les amours de près de trois mille ans d’histoire, où la répulsion va de pair avec de touchants mouvements de compassion, et où le refus de la difformité s’accompagne d’un enthousiasme décadent pour les violations les plus séduisantes des canons classiques. Entre démons, monstres, ennemis terribles et présences dérangeantes, entre abysses répugnants et difformités qui frôlent le sublime, freaks et morts-vivants, on découvre une veine iconographique immense et souvent insoupçonnée. Si bien que, en trouvant côte à côte dans ces pages laideur naturelle, laideur spirituelle, asymétrie, dissonance, défiguration, et mesquin, lâche, vil, banal, fortuit, arbitraire, vulgaire, répugnant, maladroit, hideux, fade, écœurant, criminel, spectral, sorcier, satanique, repoussant, dégueulasse, dégradant, grotesque, abominable, odieux, indécent, immonde, sale, obscène, épouvantable, terrible, terrifiant, révoltant, repoussant, dégoûtant, nauséabond, fétide, ignoble, disgracieux et déplaisant, le premier éditeur étranger qui a vu cette œuvre s’est exclamé : « Que la laideur est belle ! »

 

Avis : J’ai dû lire ce livre pour mon mémoire ; il m’intéressait déjà avant, mais je n’avais jamais eu l’occasion de le lire !

D’abord, il faudrait saluer l’originalité et le travail de l’auteur : je n’ai jamais vu de livre de ce genre, ce qui le rend surprenant et novateur ! Ce n’est pas vraiment une apologie de la laideur – même ça peut y ressembler dans certains chapitres ! – mais plutôt une façon chronologique de montrer l’art dans sa laideur, de l’Antiquité à notre époque moderne. On commence plutôt soft, on passe par des passages assez choquants, aussi par une hideur qui n’en est pas une : le lecteur comprend que la perspective et la vision du monde du spectateur sont importantes dans sa perception de ce qui est beau. Ce n’est pas seulement un essai sur l’art : Umberto Eco a réuni de nombreux supports différents : tableaux, sculptures, extraits de romans, nouvelles, poèmes, mais aussi des œuvres plutôt théoriques qui tentent de réfléchir sur l’art, ou sur la laideur, ou sur des sujets qui y sont liés. Ainsi, on retrouve des extraits de Freud, de Schiller, de Rosenkrantz, etc, mais aussi une partie du procès de Gilles de Rais raconté par un auteur. C’est vraiment un travail colossal de collecte des œuvres, de comparaison, de réflexion sur la façon de les amener dans le livre, de les mettre en concordance : cela mérite notre attention !

Ainsi, certains passages nous font réfléchir, non seulement sur l’art, mais sur l’homme, sur la vie – car l’art ne vient pas de nulle part et correspond souvent à la société dans laquelle il naît. Le choc ne vient pas au début, puisque ce sont plutôt des époques reculées – quoique le passage sur Gilles de Rais m’a vraiment perturbé, je me sentais très mal pendant et après sa lecture ! – ou que l’auteur nous montre, par exemple, la laideur dans le contexte romantique. Mais il arrive quand est abordé le sujet de la cruauté de l’homme, du fait qu’il aime être spectateur de l’horreur. L’auteur sait que nous nous déculpabilisons en nous disant que nous n’allons plus aux exécutions publiques comme aux époques antérieures, alors il nous montre que c’est aussi cruel de regarder certains films à la télévision que d’y assister. C’est assez perturbant, car le lecteur semble comprendre que la cruauté humaine existe depuis toujours, et perdure, même si des formes auxquelles on ne penserait pas. C’est alors qu’il cite Schiller, qui explique que le mal et la cruauté sont inhérents à l’homme, et que l’enfant que les hommes n’ont pas éduqué aime contempler les exécutions publiques sans aucune culpabilité, sans aucune horreur. Cela fait peur !!

Quand le lecteur arrive à l’époque moderne, il est passé par les représentations de la laideur et de la cruauté au Moyen Age, du genre, les gens écorchés vivants, ou écartelés de la même façon – le supplice de Damiens nous est raconté d’ailleurs … Souvent, à cette époque, la laideur est celle du diable ou des monstres. Pendant l’époque romantique, les monstres sont toujours laids, mais cela ne démontre plus un mal moral inhérent à la laideur : au contraire, comme le monstre de Frankenstein, ils sont rejetés en raison de leur apparence, sans que les hommes pensent à leurs sentiments, à ce qu’ils sont derrière le physique. Ainsi, le monstre qui a une bonne âme et qui se venge de son créateur irresponsable et effrayé par son enveloppe charnelle. A l‘époque moderne, la laideur n’est plus celle du diable, mais celle de l’homme, de ce qu’il fait et de ce qui l’entoure. Une image m’a particulièrement choquée dans la dernière partie du livre : la photo de trois mannequins d’enfants pendus. Il y avait également une véritable photo d’un homme décapité pendant une guerre civile. Enfin, l’auteur aborde la laideur arborée par des gens qui revisitent les codes de la beauté pour les rendre laids : les punks, Marilyn Manson, etc.

 

Donc, un livre très intéressant à découvrir, dérangeant parfois, original et très bien documenté, qui nous montre la laideur de l’Antiquité à nos jours à travers des œuvres représentatives.  

Comme un roman de Daniel Pennac

Posté : 22 août, 2016 @ 8:58 dans Avis littéraires, Coup de cœur | 2 commentaires »

Genre : Comme un romanEssai

Editeur : Folio

Année de sortie : 2005

Nombre de pages : 198

Synopsis : LES DROITS IMPRESCRIPTIBLES DU LECTEUR

1. Le droit de ne pas lire.

2. Le droit de sauter des pages.

3. Le droit de ne pas finir un livre.

4. Le droit de relire.

5. Le droit de lire n’importe quoi.

6. Le droit au bovarysme (maladie textuellement transmissible)

7. Le droit de lire n’importe où.

8. Le droit de grappiller

9. Le droit de lire à haute voix.

10. Le droit de nous taire.

 

Avis : Ce livre m’a d’abord attiré grâce à son synopsis : j’adore les essais sur la littérature ou la lecture, et je me suis dit que j’allais adorer celui-ci !

Je ne me suis pas trompée ! D’abord, cet essai se lit – comme son titre l’indique – comme un roman, ce qui est déjà différent des autres livres de ce genre que j’ai déjà pu lire. Ajoutons à cela un style d’écriture très agréable, ni pédant, ni dogmatique, qui fait comprendre par un exemple les idées de l’auteur : on obtient un livre indispensable, un des meilleurs qu’il m’ait été donné de lire ! Il est divisé en quatre parties : d’abord, « Naissance de l’alchimiste », qui traite principalement de l’apprentissage de la lecture, de l’éveil de l’enfant aux lettres, de sa fascination et de son envie de lecture. Il introduit également l’histoire de parents qui ne savent pas comment éveiller le désir de lecture chez leur adolescent, pour qui elle est devenue une corvée, un devoir pour lequel il ne prend aucun plaisir, ainsi que chez leur second enfant plus jeune. J’ai adoré la façon dont l’auteur nous parle des découvertes de l’enfant, du rituel de la lecture le soir, mais aussi comment il fait comprendre que, s’il perd le goût de lire, c’est soit parce qu’il n’a pas « besoin des livres », soit parce que ses parents et l’école ont transformé la lecture en corvée. Ainsi, il montre comment il est possible de réveiller l’alchimiste en lui, à un âge où il est encore en train d’apprendre à lire et à écrire.

Dans la seconde partie, « Il faut lire (le dogme) », le lecteur suit à nouveau l’adolescent qui doit finir son livre pour l’école, en nous montrant que la lecture est devenue un dogme, ce qui en a ôté tout plaisir. Le métier de professeur est évoqué, ainsi que les parents qu’ils rencontrent et qui lui parlent de la nécessité de lire ; lui-même en parle, et ainsi enlève le goût de lire à ses élèves. Cette absence d’envie viendrait de l’apprentissage de la littérature : l’Etat est là pour le résultat, et non pour donner envie de lire. Il faut connaître les classiques, et donc lire ; mais le lecteur ne prend aucun plaisir, il ne lit pour lire, mais pour atteindre un objectif. Je me suis beaucoup retrouvée quand est évoqué le lecteur et sa façon de voir la lecture : elle comble un vide, un manque, elle est nécessaire, elle change la vie parfois, elle est partage. C’est la raison pour laquelle je voudrais devenir professeur : pour partager ma passion de la littérature. Et l’auteur donne ici une merveilleuse façon de le faire : lire, tout simplement lire. L’exemple de Georges Perros m’a fait rêvé, ainsi que celui que l’auteur met en pratique ensuite dans son histoire. Il n’existe pas de plus beau partager, de plus belle façon de transmettre que celle-ci. Le rêve final de cette partie en est vraiment un ! Il est à la fois drôle et un peu triste, parce qu’on ne jugera jamais les candidats à l’agrégation sur leur capacité à donner envie de lire à leurs futurs élèves.

La troisième partie, « Donner à lire », montre un professeur qui enseigne à des élèves qui ont perdu le goût à l’étude et à la lecture par la même occasion. Leur donner à nouveau envie est difficile, mais l’exemple donné fait à nouveau rêver ! Bien sûr, l’auteur explique que ce n’est pas si simple ; il faut cultiver ce goût rendu, cette envie offerte. Cette partie est ma préférée : elle m’a donné espoir, m’a montré qu’il est toujours possible de transmettre l’envie et de faire son métier par la même occasion – le fameux programme ! J’ai adoré lire la réaction des élèves, le rôle de transmetteur du professeur, qui, au début, ne fait rien qu’offrir, que donner, pour rendre à ceux qui n’aiment pas lire cet amour de la fiction, des personnages, cette envie de savoir ce qui arrive à la fin, et, finalement, cette envie d’apprendre l’ »autour », le but seul de l’éducation de la littérature dans le cadre de l’école – gâchis suprême quand il est enseigné seul. La réflexion sur le temps de lire m’a paru très vraie, prouvée tous les jours par la façon de lire – ou de ne pas lire – de tous. Et le fait de dire que les livres ne sont pas écrits pour qu’on les commente !! Quand j’entends des gens critiquer l’étude de la littérature en disant : « Ben oui mais, ça tombe, l’auteur n’a pas du tout voulu dire ça ! », j’ai envie de leur faire lire ce livre, et de leur dire que les livres disent ce qu’on leur fait dire, jamais ce que l’auteur avait l’intention de leur faire dire. Le lecteur comprend ce qu’il veut comprendre, interprète comme il veut interpréter, ressent ce que les mots lui disent personnellement. Un livre ne peut pas être reçu par tous de la même façon ; c’est la raison pour laquelle certains aiment un livre et d’autres pas. Un livre parle à un individu, entre en résonance avec sa vie, avec ses émotions du moment. Certes, il existe un contexte, et l’interprétation peut mener à une sur-interprétation, ou à n’importe quoi ; mais le livre devient celui du lecteur quand il est lu, sans quoi il reste lettre morte sur papier blanc ! Revenons au livre ! La vision du livre et de lecteur montrée ici favorise le fait que les « jeunes » n’aient pas envie de lire : ils ont peur, ou ils voient les livres comme inaccessibles, et le lecteur comme quelqu’un de marginal, de sage, ou de bizarre. La façon qu’a l’auteur de faire voir ce que sont vraiment un livre et un lecteur, et surtout la façon dont le lecteur considère ses livres m’a surprise : je me suis reconnue sans vouloir me reconnaître. Le mauvais traitement infligé à nos propres livres, l’attachement, le sentiment d’appartenance, le fait d’avoir du mal à rendre un livre prêté que l’on a aimé … Est ensuite évoquée la façon de traiter le livre chez les professionnels ou à l’Université, tout comme l’ineptie des synopsis, qui sont parfois ridicules, qui dévoilent parfois trop (tout même !), que le grand frère de l’auteur fait bien mieux parce que ses résumés sont personnels et fait pour intéresser son frère.

Enfin, la dernière partie, « Le qu’en-lira-t-on (ou les droits imprescriptibles du lecteur) » traite de nos façons de lire, de notre liberté absolue de lecteur. Sont évoqués les versions abrégées des classiques, que j’ai toujours trouvé absurde et sans intérêt, et pour lesquelles l’auteur donne une alternative bien meilleure (sauter des pages). Je me suis beaucoup reconnue dans cette partie : le fait de ne pas finir un livre, ou de ne pas aimer un auteur (question de goût, d’attente), de relire et de découvrir que notre avis a changé (ou pas), le bovarysme (le premier état du lecteur, les sensations que nous procure la lecture), le fait de lire n’importe où (combien de fois ai-je entendu la petite phrase : « Mais tu n’as pas besoin de ton livre pour aller là-bas ! »), le fait de grappiller (passer des heures à relire des passages que l’on connaît bientôt par cœur, ou dans des livres que l’on n’a pas encore lus !), le fait de relire, et surtout, de lire ce que je veux ! L’auteur fait la distinction entre les bons et les mauvais romans (les Harlequin que je trouve sans intérêt, mais qui plaisent beaucoup à de nombreuses personnes), mais c’est tout de même un droit du lecteur de lire n’importe quoi, et donc de lire des livres qui peuvent être considérés comme mauvais. Cela ne veut pas dire, évidemment, que les livres qui ne sont pas des classiques sont mauvais : parmi les contemporains et les YA peuvent se cacher de bons livres, tout comme dans des genres qui ne sont pas encore reconnus en France comme de la bonne littérature, la Fantasy ou la science-fiction par exemple. Pour moi, un bon livre me touche, m’emporte, est bien écrit, et me hante. Chacun ses « critères » après tout ! La mention de la lecture à haute voix m’a fait retomber en enfance : j’adorais cette pratique, et me rends compte qu’elle a disparu, à part pour certains poèmes que j’ai besoin d’entendre pour apprécier pleinement. Les références aux auteurs qui lisaient à voix haute m’a donné envie de recommencer, de retrouver ce plaisir perdu. Enfin le silence, le fait de taire ce que l’on a ressenti après la lecture. Elle est personnelle, et le fait de faire des chroniques ne veut pas dire que je ne garde pas une part secrète d’elle en moi.

Petites remarques : j’aime le fait que l’auteur ne parle pas que d’œuvres françaises. J’ai adoré toutes ces références, cela m’a donné envie de lire – ou de relire – certaines œuvres !! J’ai aussi aimé la petite phrase d’accroche au début du livre, comme une micro-préface dans laquelle l’auteur demande à ce qu’on n’étudie pas son livre en classe ! Enfin, j’aurais aimé avoir Daniel Pennac comme professeur !!

 

Donc, un excellent essai, hymne à la littérature, à la lecture et au lecteur, mais aussi à un enseignement différent et à des professeurs qui retrouvent leur âme d’enfant, qui transmettent leur amour de la lecture, plus seulement un programme et des méthodes !

Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent … d’Eric-Emmanuel Schmitt

Posté : 22 avril, 2016 @ 4:53 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent Genre : Autobiographie, Contemporaine, Essai

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2010

Nombre de pages : 184

Synopsis : Un jour, lors d’une exposition de masques, Beethoven revient dans la vie d’Eric-Emmanuel Schmitt. L’écrivain se rappelle l’avoir aimé passionnément autrefois, pendant son adolescence. Pourquoi Beethoven s’est-il éloigné ? Pourquoi l’homme d’aujourd’hui n’éprouve-t-il plus ces émotions, ce romantisme, ces orages intérieurs et cette joie ? Qui a disparu ? Beethoven ou nous ? Et qui est l’assassin ? Ce texte est suivi de Kiki van Beethoven, l’aventure d’une femme, la soixantaine rayonnante, laquelle va, grâce à la musique, changer sa vie ainsi que celle de ses trois amies. Une fable sur la jeunesse perdue et les secrets ensevelis.

 

Avis : Ce livre m’intriguait de par son titre d’abord, pas vraiment agressif, mais plutôt polémique ; puis, par ce que pouvait dire l’auteur sur Beethoven, voir s’il allait me donner envie de l’écouter, me le faire voir d’une façon différente.

Le livre est divisé en deux parties : une sorte d’essai autobiographique de l’auteur, et un scénario de pièce de théâtre écrit comme une nouvelle. De loin, la seconde partie était meilleure que la première. Dans celle-ci, l’écrivain nous parle de sa relation avec Beethoven, qu’il juge tout à fait particulière. D’un côté, c’était intéressant : la musique a une vraie influence sur nous, elle nous transporte, et n’est pas qu’une simple mélodie ; elle prend souvent une signification selon ce que l’on vit, et l’auteur nous le rappelle. Le titre est expliqué dans cette partie et plusieurs fois mentionné, parce que l’écrivain réfléchit sur cette façon de voir les hommes. Il décrypte également ce que la musique du compositeur lui fait ressentir : la joie, le courage, l’optimisme, une sorte d’élévation de l’homme par les notes. Le livre est accompagné d’un CD, que j’ai fini par écouter, une fois arrivée à la moitié du livre. Je me suis laissée alors complètement transportée par la musique, bien plus que par les mots, qui sont tout de même rehaussés par l’écoute. J’ai découvert des œuvres que je ne connaissais pas, et que j’ai, depuis, écoutées plusieurs fois. En fait, j’ai trouvé que l’écriture n’était pas assez fluide, nettement alourdie par la répétition constante du nom du compositeur : Beethoven. Il est présent dans presque chaque phrase, ce qui peut agacer. Aussi, les réflexions de l’auteur sur l’Humanité sont assez pessimistes, largement compensées par celles que lui inspire Beethoven.

La deuxième partie du livre est donc une sorte de pièce de théâtre, pas du tout présentée comme telle. Elle raconte l’histoire de Kiki, une femme de soixante ans, qui découvre dans une brocante un masque de Beethoven, et se rend alors compte qu’elle n’est plus capable de l’entendre jouer, ou, si elle l’écoute, elle ne le peut sans souffrir. C’est comme si plus personne ne respectait le compositeur et sa musique. Elle va alors tenter de remédier à cette seconde mort d’une façon à la fois simple et particulière, qui reflète bien son caractère. Contrairement à la première partie, je n’ai pas du tout été agacée ; au contraire, je me suis amusée, et j’ai aussi été un peu touchée par les personnages, quatre amies qui tentent de changer leur vie grâce à la musique. Cela va faire ressurgir leur passé, et leur apprendre à vivre heureuses. C’était une belle façon, encore, de montrer l’influence de la musique sur nos vies, comment elle peut nous aider. Et avec Beethoven en fond sonore, c’était encore mieux ! La fin est belle elle aussi, encore plus accompagnée de la musique !

 

En définitive, un livre dont la première partie est assez agaçante, quand la deuxième est bien plus intéressante, drôle et touchante. En tout cas, il montre bien l’impact de la musique sur nos vies, ce qu’elle peut nous apporter, et les sentiments dont elle va nous emplir pour longtemps !

Supplément au voyage de Bougainville de Diderot

Posté : 11 janvier, 2016 @ 7:50 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Supplément au voyage de BougainvilleGenre : Essai, Classique

Editeur : Folio

Année de sortie : 2015

Nombre de pages : 95

Synopsis : Les Tahitiennes sont fières de montrer leur gorge, d’exciter les désirs, de provoquer les hommes à l’amour. Elles s’offrent sans fausse pudeur aux marins européens qui débarquent d’un long périple. Dans les marges du récit que Bougainville a donné de son voyage, Diderot imagine une société en paix avec la nature, en accord avec elle-même. Mais l’arrivée des Européens avec leurs maladies physiques et surtout morales ne signifie-t-elle pas la fin de cette vie heureuse ? Entre l’information fournie par Bougainville et l’invention, Diderot fait dialoguer deux mondes, mais il fait surtout dialoguer l’Europe avec elle-même. Il nous force à nous interroger sur notre morale sexuelle, sur nos principes de vie, sur le colonialisme sous toutes ses formes. Il nous invite à rêver avec lui à un paradis d’amours impudiques et innocentes. La petite île polynésienne ne représente-t-elle pas la résistance à toutes les normalisations ?

 

Avis : En voyant que j’allais étudier ce livre, j’ai eu un mauvais a priori et je pensais m’ennuyer à sa lecture.

Je me trompais ! Je ne m’attendais à un tel choc des civilisations ; car c’est bien ce que fait Diderot ici. Il prend l’Europe, le vieux monde qui se croit dominant et le plus civilisé, et il le confronte à Otaïti, Tahiti en réalité, faisant parler deux de ses membres pour montrer à quel point ils sont différents de nous, à notre détriment ! Là où les Européens se pensent plus civilisés parce qu’ils ont des lois et des mœurs religieuses et sociales, ils se retrouvent en face de leurs propres contradictions quand ils sont interrogés par les Otaïtiens, ne sachant comment leur faire comprendre leur morale. Ce qu’écrit Diderot est révolutionnaire, avant-gardiste pour son époque : ils veulent faire ouvrir les yeux aux Européens engoncés dans leurs préjugés, leur montrer qu’ils ne sont pas les meilleurs, qu’ils ne sont pas supérieurs, mais que, peut-être, leurs vices, leurs crimes et leur bêtise les placent à un rang inférieur de ceux qu’ils jugent comme des sauvages.   

Evidemment, même si l’on reconnaît l’intelligence et l’évidence des remarques des deux Otaïtiens, cela ne veut pas dire que l’on va vivre comme eux à notre tour. Diderot l’évoque à la fin de son essai : « Disons nous à nous-mêmes, crions incessamment qu’on a attaché la honte, le châtiment et l’ignominie à des actions innocentes en elles-mêmes, mais ne les commettons pas, parce que la honte, le châtiment et l’ignominie sont les plus grands de tous les maux. » Malgré le fait qu’il sache que les actions dont il parle ne sont pas immorales, il faut vivre avec son temps, et dans son temps, et donc respecter les mœurs de celui-ci. De plus, l’éducation que nous avons reçue nous empêche de concevoir certaines pratiques présentées dans le livre comme pouvant être les nôtres un jour, notamment les pratiques sexuelles ; A le dit bien quand il déclare qu’il est difficile de revenir sur ses mœurs, qui finissent par être ancrées en nous. Il faut des années pour s’en défaire.

L’auteur évoque également la religion dans son essai, montrant qu’elle est anti-naturelle et qu’elle corrompt les hommes « naturels » en leur imposant des lois difficiles à respecter. Il l’oppose à la nature, mais également à la société : ainsi l’homme se voit dicter sa conduite, et ne parvient jamais à faire coïncider les trois lois. La religion, au lieu de sembler pure, est ici corruptrice, ainsi que la justice : par les lois qu’elles formulent, elles proposent par-là même la transgression de cette loi, alors qu’elle ne serait pas venue dans la tête des hommes sans son opposé !

Les passages sur le fait d’avoir des enfants montrent à quel point cet événement est important, et à quel point les hommes en viennent à le mépriser. L’exemple de Polly Baker est parlant : parce que ses enfants sont hors-mariage, elle est méprisée, ainsi qu’eux, alors que la religion ne semble pas les condamner. Les hommes s’octroient ainsi le pouvoir des cieux et se permettent de juger des crimes qui ne sont pas de leur ressort ; il en est de même quand cela concerne les « sauvages » : ils se considèrent comme supérieurs et ont donc droit de vie et de mort sur eux. Ils ne comprennent pas leurs pratiques, se pensent adulés et donc se permettent de les mépriser, quand ils ne font que se servir d’eux.

Malgré cette liberté visible chez les « sauvages », et après réflexion et analyse, on peut pourtant se rendre compte qu’ils ne sont pas tout à fait libres. Leurs mœurs ne sont peut-être pas les nôtres, mais ils en possèdent tout de même, et elles sont assez contraignantes : tous doivent obligatoirement participer à l’acte sexuel, et faire des enfants. Les femmes semblent donc bien moins libres que les hommes, et même ceux-ci sont obligés de concevoir. Ceux qui n’en sont pas capables sont écartés de la vie en société. Cette liberté est donc relative, et ressemble assez à un petit enfer totalitaire.  

Il y a encore quantité de choses à dire sur ce livre, mais un article n’y suffirait pas. Ainsi, Diderot montre que l’autre n’est pas forcément inférieur, qu’il est même supérieur parce qu’il est resté naturel et ne se préoccupe pas de lois et de morales qui ne feraient que le rendre malheureux ; cela ne veut pas dire qu’il faut vivre comme le « sauvage », qui a lui aussi des contraintes importantes. Selon l’essai, l’homme européen, civilisé, est malheureux et aigri, il ne goûte pas le plaisir de la vie, mais passe à côté de celle-ci en pensant que tout est normal, quant le Tahitien vit, semble-t-il, comme bon lui semble, tout en étant lui aussi enchaîné par une morale.

 

En définitive, un excellent essai, qui vaut vraiment le coup d’être lu, et qui montre la bêtise des hommes qui se croient supérieurs aux autres parce que ces derniers sont différents.

Le deuxième sexe, tome 2 de Simone de Beauvoir

Posté : 19 mai, 2015 @ 4:00 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Le deuxième sexe tome 2Genre : Essai

Editeur : Folio

Année de sortie : 2013

Nombre de pages : 652

Synopsis : Comment la femme fait-elle l’apprentissage de sa condition, comment l’éprouve-t-elle, dans quel univers se trouve-t-elle enfermée, quelles évasions lui sont permises, voilà ce que je chercherai à décrire. Alors seulement nous pourrons comprendre quels problèmes se posent aux femmes qui, héritant d’un lourd passé, s’efforcent de forger un avenir nouveau. Quand j’emploie les mots « femme » ou « féminin » je ne me réfère évidemment à aucun archétype, à aucune immuable essence ; après la plupart de mes affirmations il faut sous-entendre « dans l’état actuel de l’éducation et des mœurs ». Il ne s’agit pas ici d’énoncer des vérités éternelles mais de décrire le fond commun sur lequel s’enlève toute existence féminine singulière.

 

Avis : J’ai lu le premier tome du Deuxième sexe il y a presque un an, et je me souviens avoir beaucoup appris en le lisant. J’étais sûre d’en apprendre autant dans le second tome, et je ne me suis pas trompée.

Cette fois, l’essai est plus ancré dans la société dans laquelle vit Simone de Beauvoir, celle d’après-guerre, mais aussi celle des années 70, étant donné que le livre a été revu en 1976. Cela nous indique tout de suite que la condition de la femme évolue, change avec le temps. Le livre est divisé en quatre parties (sans compter l’introduction et la conclusion) qui évoquent toutes la femme différemment. La première est Formation : elle la présente dans les différents aspects de sa vie, de l’enfance à l’âge adulte en traitant aussi le cas particulier de la lesbienne. Il est étrange de constater à quel point l’auteure a cerné la femme dans toute sa complexité, à quel point elle est capable de donner un point de vue général sur elle tout en parlant des exceptions que constituent certaines femmes. Sa formation est celle que lui impose la société, et c’est très clair dans cette partie du livre. Le lecteur féminin peut parfois se retrouver dans certaines situations, se reconnaître dans certaines descriptions, même si, comme l’auteure le rappelle dans l’introduction, ce livre ne donne pas de vérités éternelles. Les femmes et leur éducation ont changé, tout comme la société, même si elle n’est pas devenue à 100% égalitaire. L’on ne peut plus dire aujourd’hui que la condition de la femme en Occident est la même que celle-ci en 1945 et même en 1976, même s’il est vrai qu’il reste à la femme des combats et des défis à relever. En revanche, l’on peut penser que certaines femmes encore aujourd’hui vivent ce que Simone de Beauvoir écrit dans d’autres pays, et qu’elles doivent entrer dans le même processus de libération que les femmes occidentales. La deuxième partie évoque les différentes situations de la femme dans la société, comme celle de mariée, ou de mère. Certains passages font peine à lire, et donnent vraiment aux lecteurs envie de se révolter. Dans tout ce qu’elle entreprend, dans toutes les facettes de sa vie, la femme n’est jamais libre et toujours soumise, même quand elle est prostituée ou hétaïre. Elle a besoin de l’homme et ne peut se passer de lui parce qu’elle a été éduquée d’une certaine façon, et parce que la société ne lui donne pas la chance de faire ses preuves, de montrer qui elle peut être. Le passage sur la vieillesse de la femme est consternant : elle se rend compte qu’elle n’a pas vécu et qu’elle ne peut pas rattraper le temps perdu. La troisième partie se nomme Justifications, et traite de trois types de femmes : la narcissiste, l’amoureuse et la mystique. Le lecteur féminin peut se retrouver à la fois dans plusieurs de ces femmes sans totalement s’y identifier : toujours, quelque chose ne va pas dans la description pour coller parfaitement au lecteur, il lui manque quelque chose d’essentiel que la femme n’a pas à l’époque : sa liberté. La quatrième partie s’appelle Vers la libération et montre ce que serait la femme indépendante. L’on se rend alors compte que les femmes ont remporté des victoires pour enfin prendre leur vie en mains et être libre, mais également qu’elles n’ont pas encore achevé cette libération. Le passage sur l’art et la littérature m’a frappé par sa justesse, même si les femmes écrivains sont plus ou moins reconnues aujourd’hui.

Dans ce second tome, Simone de Beauvoir m’a encore semblé objective, même s’il était possible de constater quelques piques vers certains auteurs ou certaines thèses, mais aussi de l’admiration pour d’autres. Elle a vraiment pris la femme pour sujet d’étude objectif, mais elle s’est aussi servie de son observation de la société pour enrichir son œuvre. Elle parle parfois de personnes qu’elle connaît, qui lui ont permis de prouver ce qu’elle affirmait en donnant un exemple pris dans la réalité. De plus, l’auteure utilise également de nombreuses exemples tirés d’œuvres de femmes afin de soutenir sa thèse, comme Sophie Tolstoï ou Colette, ou d’œuvres de psychologie comme La Femme frigide de Stekel ou Les Obsessions de la psychasténie de Pierre Janet. Certains exemples montrent bien la détresse féminine, comme d’autres montrent des expériences malheureuses ou heureuses, des femmes qui ont guéries ou qui sont mortes.

J’ai vraiment appris énormément sur la femme en lisant ce livre, mais également sur l’homme, sur les rapports qu’ils entretiennent l’un avec l’autre et sur la société en général. Je pense que ce livre peut autant apporter aux femmes qu’aux hommes, et qu’il est important que tous deux le lisent pour se rendre plus pleinement compte de ce qui constitue leur passé, mais aussi leur vie, parce que certains aspects de l’essai sont encore vrais aujourd’hui.

 

En définitive, un livre exceptionnel sur la femme, l’homme, leurs rapports, la société, qui apprend beaucoup de choses aux lecteurs et qui leur permet de se rendre compte que tout n’est pas encore gagné : dans de nombreux pays, la femme n’est toujours pas libre, et cet ouvrage pourrait bien refléter leur vie. Il est important de connaître son passé pour se construire un avenir, et je pense que ce livre aide vraiment à le faire.

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