Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

La Playlist des philosophes de Marianne Chaillan

Posté : 22 février, 2025 @ 7:04 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Essai, PhilosophieLa Playlist des philosophes

Editeur : Le Passeur

Année de sortie : 2018 [2015]

Nombre de pages : 362

Synopsis : Et si Stromae n’était pas seulement votre chanteur préféré ? Et si l’on pouvait s’initier à la philosophie de Platon en écoutant Balavoine ou à celle d’Heidegger avec les chansons de Souchon ? Tel est le pari réussi par l’auteur. Jean-Jacques Goldman, Michel Berger et Serge Gainsbourg en maîtres de philosophie, est-ce si surprenant ? Les paroles de leurs chansons ne diffusent-elles pas, en nous, une philosophie implicite qui en fait d’excellents médiateurs vers les plus grands textes classiques ? Tel est le pari de cet essai pétillant : débusquer la philosophie à l’œuvre dans quelques grands tubes de la chanson de variété pour démontrer qu’allumer sa radio peut parfois se révéler aussi instructif qu’ouvrir un livre de philosophie.
Marianne Chaillan imagine que les grands philosophes ont connu l’ère des MP3 et des iPod et qu’ils ont composé la playlist de leurs titres préférés. De la playlist de Platon à la bibliothèque de Stromae, elle initie le lecteur à aborder sans crainte les questions du bonheur, de la foi, du travail, de la morale, les écouteurs sur les oreilles.

 

Avis : Ce livre est le dernier qu’il me restait à lire de l’autrice ; j’avais hâte de le découvrir !

Comme tout le monde, sans doute, j’écoute de la musique – peut-être plus, peut-être moins, peu importe – et, comme beaucoup, j’ai été bercée par la variété française que mes parents et grands-parents écoutaient. Ajoutons à ça la philosophie et cet essai avait tout pour me plaire. Il a tout de même réussi à me surprendre : je ne m’attendais pas à l’apprécier à ce point ! J’ai adoré le côté « réhabilitation de la variété » qu’entreprend ici l’autrice, en expliquant que les chanteurs et morceaux qu’elle utilise ici en démonstration sont souvent conspués par les critiques comme étant « populaires », un terme considéré comme négatif par ces mêmes personnes. Marianne Chaillan décide de montrer ici que ces chansons écoutées et adorées par la majorité peuvent être analysées au même titre que des ouvrages considérés comme plus dignes d’attention ou d’intérêt intellectuels. Elle présente ainsi des perles cachées à l’intérieur de ces œuvres, des sens plus profonds et les théories philosophiques que l’on peut leur attacher.

J’ai aimé que son ouvrage ne se contente pas de présenter des chansons comme un catalogue mais joue avec la façon de les introduire : nous avons ainsi la playlist de certains philosophes, mais aussi celles de concepts comme le bonheur ou la foi et, en une inversion ingénieuse, la bibliothèque de certains artistes. Comme toujours, dans ces essais, Marianne Chaillan explique les théories philosophiques de manière efficace et compréhensible tout en ne perdant rien de la beauté des chansons qu’elle présente – au contraire, pour moi, ces analyses les rendent d’autant plus agréables à écouter. Je ne m’y attendais pas, mais, en lisant ce livre, je me suis, moi aussi, fait une playlist de ces morceaux que je connais mais que je n’écoute plus régulièrement. 

 

Donc, un coup de cœur pour un ouvrage qui rend hommage à la variété française et quelques morceaux d’autres nationalités. 

Résister à la culpabilisation : Sur quelques empêchements d’exister de Mona Chollet

Posté : 28 décembre, 2024 @ 5:27 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Essai, SociologieRésister à la culpabilisation

Editeur : Zones/Lizzie

Année de sortie : 2024

Nombre de pages/minutes : 264/545

Synopsis : Harcèlement, humiliations, insultes : nous sommes bien averti.es de ces fléaux de la vie en société et nous nous efforçons de lutter contre eux. Mais il y a un cas de figure que nous négligeons : celui où l’agresseur, c’est… nous-même. Bien souvent résonne dans notre tête une voix malveillante qui nous attaque, qui nous sermonne, qui nous rabaisse ; qui nous dit que, quoi que nous fassions, nous avons tort ; que nous ne méritons rien de bon, que nous présentons un défaut fondamental. Cette voix parle particulièrement fort quand nous appartenons à une catégorie dominée : femmes, enfants, minorités sexuelles ou raciales…
Ce livre se propose de braquer le projecteur, pour une fois, sur l’ennemi intérieur. Quels sont ces pouvoirs qui s’insinuent jusque dans l’intimité de nos consciences ? Comment se sont-ils forgés ?
Nous étudierons quelques-unes de leurs manifestations : la disqualification millénaire des femmes et, notamment, aujourd’hui, des victimes de violences sexuelles ; la diabolisation des enfants, qui persiste bien plus qu’on ne le croit ; la culpabilisation des mères, qui lui est symétrique ; le culte du travail, qui indexe notre valeur sur notre productivité ; et enfin la résurgence de logiques punitives jusque dans nos combats contre l’oppression et nos désirs de changer le monde.

 

Avis : Après avoir lu Sorcières et l’avoir plutôt apprécié, j’avais ajouté plusieurs livres de Mona Chollet dans ma wish-list. J’ai appris, peu de temps avant sa sortie, la publication de cet essai qui m’a tout de suite intéressée. Je l’ai écouté sur Spotify avant de le prendre en physique pour en avoir un exemplaire à la maison.

Comme beaucoup, sans doute, et comme l’autrice elle-même, je suis sujette à la culpabilité. C’est vraiment un des plus gros boulets que je me traîne au quotidien. Je suis capable de culpabiliser pour tout et il est donc très facile, pour quasi n’importe qui et même sans le vouloir, de faire en sorte que je me sente mal. A la lecture du titre de ce nouvel essai, évidemment, j’étais à la fois intriguée et pleine d’espoir : serait-ce possible que quelqu’un ait trouvé la solution à ce problème qui me pourrit la vie ? D’un côté, oui ; de l’autre, pas vraiment.

Ce livre fait partie de mes préférés de l’année parce qu’à sa lecture, à plusieurs reprises, je me suis sentie comprise, même si je ne suis pas forcément d’accord avec absolument tout ce qu’écrit l’autrice. Dès le début, avec la voix que décrit Mona Chollet, celle qu’elle entend dans sa tête, je me suis dit que j’étais au bon endroit pour me sentir un peu moins mal ou, en tout cas, pour me sentir moins seule. L’autrice prend le parti d’évoquer ce sujet par le prisme du féminisme, en parlant principalement de la culpabilisation des femmes, de l’origine de ce phénomène et de sa propagation dans d’autres sphères de la société. J’ai eu peur, au début, qu’elle se concentre exclusivement sur le rôle du clergé catholique dans la culpabilisation des femmes ; c’est un argument qui revient régulièrement, mais qui est accompagné d’autres. Autrement dit, l’autrice ne se contente pas de « taper » sur la religion, elle va plus loin. Je ne suis pas toujours d’accord avec elle sur certains aspects de cet argument – notamment quand elle explique que ce sont les préceptes mêmes de la religion qui incriminent la femme – mais cela n’a pas gêné ma lecture parce qu’elle se concentre assez peu dessus.

L’autrice passe aussi par la « diabolisation de l’enfant« , qui occupe l’entièreté du chapitre 2 et qui m’a parfois laissé perplexe – non pas pour les propos tenus par l’essayiste, mais pour ceux des psychologues et pédiatres qu’elle cite. J’ai trouvé que certains exemples étaient à la limite de la maltraitance, voire en sont tout à fait : on peut ne pas être partisan d’une éducation « positive » telle qu’on la voit mise en avant et qui semble parfois dériver si l’on ne comprend pas ses préceptes ou comment la mettre en place, mais certaines recommandations citées semblent aberrantes.

Mes chapitres préférés sont les derniers. Ils traitent de la productivité et des dérives du militantisme. Ils m’ont, honnêtement, fait prendre conscience d’un poids sur mes épaules. Je ne suis, à nouveau, pas forcément d’accord avec tout ; mais je me suis retrouvée dans le portrait dressé par l’autrice, dans cette envie de se détendre, de se laisser un peu aller parfois – de cette peur aussi de se laisser trop aller. Et je me suis rendu compte que les références de l’essayiste sont des textes que j’ai moi-même ajoutés à ma wish-list parce que le sujet m’intéresse – celui de la productivité à outrance, du fait de ne plus regarder autour de soi, de se désoler de contretemps qui nous empêchent de travailler alors même que la vie n’attend que d’être contemplée et vécue, d’une forme d’exploitation qui nous épuise mais à laquelle on consent parce qu’il « faut » travailler pour vivre. Quant au militantisme, j’ai vraiment eu l’impression d’une bouffée d’air frais : l’autrice reprend des idées qui me sont déjà venues, comme la culpabilisation de l’individu, la traque des moindres faux pas de ceux qui nous entourent et la responsabilisation à outrance de chacun quand ce sont les gros groupes, les multinationales, les gouvernements qui ont le pouvoir d’agir de manière beaucoup plus concrète. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire d’efforts à l’échelle de l’individu, mais il ne faut pas être naïf non plus. Et je suis assez agacée par les conseils appuyés sur comment se comporter en bon petit citoyen soucieux de la planète quand je vois l’absence totale de prise en charge des élus ou des PDG d’entreprises. Le message est clair, lucide et doux : faire ce que l’on peut avec nos moyens, mais ne pas se leurrer et devenir un insupportable agent de surveillance pour ceux qui nous entourent. J’en garde aussi la profonde conviction que se juger et juger les autres ne nous apportent que du ressentiment, de la colère et de la mélancolie ; est-ce vraiment dans ce bain nauséabond que l’on veut vivre ?

Dernière remarque : j’ai fini par acheter un exemplaire après la lecture audio – la narratrice est très douée, d’ailleurs ! – parce que j’étais frustrée de ne pas avoir accès à la bibliographie. Il s’avère qu’il n’y en a pas dans l’ouvrage, ce que je trouve dommage ; toutes les références ne sont citées qu’en notes de bas de page, ce qui fait que j’ai dû toutes les relire pour retrouver les textes qui m’avaient interpellée !

 

Donc, un essai qui m’a fait réfléchir, qui m’a appris des choses, que j’ai apprécié découvrir et que je recommande chaudement !

Au boulot, les robots … édité par Stéphanie Nicot et Jean-François Stich

Posté : 25 novembre, 2024 @ 7:00 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Essai, Nouvelles, Science, Science-FictionAu boulot, les robots

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 245

Synopsis : Depuis l’Antiquité, les êtres artificiels sont présents dans les récits d’imaginaire ou dans les expérimentations scientifiques ; apparus au XXe siècle, performants, les robots sont aujourd’hui massivement présents dans l’industrie. Mais après avoir rêvé, dans Blade Runner, de moutons électriques et d’androïdes, la science-fiction s’interroge : les robots seront-ils toujours, pour l’humanité, de fidèles assistants, ou pourraient-ils devenir une menace ?

En deux articles, une interview et huit nouvelles – deux classiques du genre et six fictions inédites –, la fine fleur de l’imaginaire et les meilleurs spécialistes s’interrogent sur la robotique et sur ses possibles évolutions.

Une chose est sûre : les robots et les cobots – ces nouveaux robots coopératifs du XXIe siècle – sont parmi nous. Et pour longtemps !

 

Avis : J’ai reçu ce livre en service presse de la part de la maison d’édition que je remercie de nouveau ! Cette anthologie m’intriguait d’autant plus que j’ai beaucoup aimé Travailler encore ? édité l’année dernière par Stéphanie Nicot.

Ici, nous traitons donc toujours du travail, mais en rapport direct avec la robotique, l’utilisation de robots et la potentielle singularité qui pourrait émerger – traitée depuis des décennies dans les récits de science-fiction. Cela fait un moment que j’apprécie particulièrement les œuvres qui se centrent sur l’IA ou les robots, j’étais donc d’autant plus enthousiaste à l’idée de me plonger dans cette anthologie ! Elle s’ouvre sur une introduction bien écrite et intéressante qui fait un peu un tour d’horizon du robot en SF tout en présentant l’anthologie. Elle m’a donné très envie de me plonger dans ces récits qui attendent souvent depuis des années dans ma PAL ou ma wish-list.

Les deux premières nouvelles n’ont pas été écrites spécialement pour le livre, mais ont été reprises d’autres ouvrages. Pour la première, « Un mauvais jour pour les ventes » de Fritz Leiber, je l’ai trouvée intéressante, surtout avec cette phrase qui clôt l’histoire SPOILER 1. Nous sommes dans un monde futuriste où il existe des robots distributeurs automatiques. Cela pose la question du tape-à-l’œil et du fait que les hommes ne font plus attention à ce qui les entoure ; SPOILER 2 Malgré le fait que ce soit donc intéressant, j’ai eu un peu de mal avec cette nouvelle – peut-être à cause de la fatigue à ce moment-là. J’ai aimé l’analyse qui en est faite plus loin et qui m’a fait reconsidérer mon point de vue après coup. Pour la deuxième nouvelle, « Cap Tchernobyl » de Sylvie Denis, je dois avouer que j’ai été un peu déçue par la finSPOILER 3 Le lecteur suit un père et son fils ; ceux-ci rencontrent un robot de travail qui semble se poser des questions sur la singularité et les éventuels droits des robots. J’ai aimé l’image des tigres qui file le texte, mais je ne suis pas sûre que cette nouvelle me restera.

Toutes les nouvelles qui suivent ont été écrites pour l’anthologie et sont entrecoupées d’entretien ou de petits essais sur les problématiques abordées par l’ouvrage dans son entier.

Vient donc ensuite « Vivants, yeux de sang » de Johan Heliot. Elle traite d’une forme de révolte, mais je ne veux pas trop en dire pour vous laisser la découvrir. SPOILER 4 C’est un sujet que l’on voit beaucoup et que je suis parfois un peu fatiguée de retrouver. La nouvelle est assez bonne, mais un peu laborieuse à lire parfois à cause de certaines formes de phrase. C’est aussi cruel et j’ai, également, été déçue par la fin ; pour moi, c’était un peu : « tout ça pour ça ? » SPOILER 5

Puis, nous avons « Patine » d’Alex Nikolavitch : c’est la première nouvelle de l’anthologie que j’ai vraiment appréciée. Elle est à la fois en lien avec l’actualité sans utiliser de procédés qui m’agacent et elle permet d’aborder le sujet de l’IA et du comportement que les êtres humains adoptent quand ils sont confrontés à elle. J’ai aimé SPOILER 6 Cette nouvelle nous renvoie toujours à l’idée d’un capitalisme écrasant et d’une catastrophe climatique imminente qui pousse les hommes à construire des infrastructures sur d’autres planètes. J’ai beaucoup aimé la fin ! Seul petit défaut : quelques coquilles qui se sont glissées dans le texte, ce qui est un peu dommage.

Cette nouvelle est suivie d’un article qui nous permet de découvrir le contexte de son écriture et d’amorcer une réflexion sur la SF, ce à quoi elle « sert », ce qu’elle imagine, mais aussi la raison pour laquelle elle n’a rien à voir avec la Silicon Valley, clairement critiquée ici.

Le lecteur enchaîne avec un autre article, cette fois par Ketty Steward ; il répond au précédent et donne une autre vision du contexte d’écriture des nouvelles. Il en explique la genèse au sein d’un atelier d’écriture dans une entreprise et évoque la raison pour laquelle ces ateliers ont été mis en place.

L’autrice nous livre ensuite une nouvelle, « Collabots ». Elle y utilise l’écriture inclusive, mais je n’ai pas toujours trouvé cela très logique – parfois, elle n’est pas utilisée et je n’ai pas compris pourquoi, mais ce peut aussi être moi, bien sûr, je ne suis pas une experte. Le titre laisse entendre une division entre deux camps et m’a fait penser à la collaboration sous l’OccupationSPOILER 7 Ici, la singularité a déjà eu lieu mais SPOILER 8 C’était un récit bien mené que j’ai aimé suivre, d’autant plus en comprenant que SPOILER 9

Vient alors ma nouvelle préférée – et je m’y attendais un peu, étant donné que j’avais adoré La Séquence Aardtman de cet auteur – : « Extrêmement fébrile, terriblement fonctionnel » de Saul Pandelakis. C’était top et c’était évident que ce le serait ! J’adore l’écriture de cet auteur, à la fois vraie, orale et parfois poétique. Ici, il donne une véritable voix à son personnage qui devient réel pour le lecteur. J’aime aussi l’univers qui est construit autour d’elle : un monde futuriste où il est possible d’avoir un orgabot. Je ne vais pas expliquer ce que c’est parce qu’une partie du plaisir du texte vient de l’absence de compréhension, au début. En effet, notre narratrice ne nous raconte pas les faits de manière linéaire ce qui perd un peu le lecteur quand il commence à lire ; mais tout finit par faire sens, on finit par comprendre très rapidement et l’on est happé par le style de l’auteur qui nous embarque complètement. J’ai beaucoup aimé aussi la typo qui change, l’intégration des émojis, le fait que notre narratrice – que j’ai adorée au fil des pages – SPOILER 10 J’adore aussi le choix des noms, la fin, le ton … Tout ! Je vous recommande fortement cet auteur et ses textes !

Il est très difficile de passer derrière Saul Pandelakis ; heureusement, les récits sont suffisamment différents pour que je ne les compare pas. La nouvelle précédente reste ma préférée, mais j’ai tout de même pu apprécier les suivantes.

Vient ensuite « L’amibot » de Pierre Bordage. C’est une belle nouvelle, peut-être un peu trop rapide dans son déroulé, mais agréable à lire et très touchante. On y rencontre un robot qui va être « engagé » pour suivre la fin de vie d’un petit garçon. SPOILER 11

Puis arrive « De mères en filles » de Floriane Soulas, une très bonne nouvelle, un peu creepy, et c’est aussi ce qui fait son originalité et sa qualité ! On y suit un robot qui doit faire une inspection dans une usine ; il se pose des questions sur une partie de son activité. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère pesante qui se crée peu à peu et la fin est assez glaçante !

Après cette nouvelle, nous n’avons plus que des articles et un entretien. Thierry Colin et Benoît Grasser écrivent au sujet des cobots et de leur différence avec les robots. C’était intéressant, mais très spécialisé et pas forcément ce que je recherche en lisant ce genre d’anthologie, même si cela apporte un degré de réalité supplémentaire étant donné que ce sont des articles scientifiques et non fictionnels. Alexandre Publié, quant à lui, a accepté un entretien concernant son activité – il est directeur fondateur du groupe O -, notamment l’utilisation de cobots, et le projet d’atelier d’écriture mené dans une de ses usines. Je ne sais pas si c’est moi qui ai mal compris, mais j’ai l’impression que le lien entre l’anthologie, l’atelier d’écriture et le groupe O n’était pas tout à fait clair ; les pièces du puzzle s’assemblent au fil de la lecture, mais ce n’est pas expliqué en amont. A nouveau, le propos de l’entretien est assez spécialisé, mais toujours intéressant. En effet, les cobots semblent des éléments importants dans l’évolution de l’industrie sur différents points (conditions de travail, non remplacement des êtres humains mais véritable collaboration avec eux). Suit un nouvel article de Ketty Steward sur l’atelier d’écriture, ici en lien avec l’entretien précédent. J’ai trouvé intéressante l’idée de faire écrire des gens qui n’en ont pas l’habitude et qui travaillent dans un secteur en lien potentiel avec la science-fiction et j’ai aimé lire les explications de l’autrice sur les raisons qui l’ont poussée à mener à bien ce projet.

L’anthologie se clôt sur une postface écrite par Amandine Brugière et Grégory Plançon. Le début était aussi spécialisé que les différents articles ; par la suite, les auteurs analysent les nouvelles grâce au sujet précis que celles-ci abordent. J’ai aimé ce côté réflexif qui m’a semblé une très bonne conclusion pour l’ensemble de l’ouvrage : il permet de revenir sur les nouvelles, de les voir différemment parfois et de prolonger la réflexion au-delà de l’anthologie pour le lecteur, s’il le désire.

 

 

SPOILER 1 Elle rapproche les hommes des robots et les robots de l’homme. Ce n’est pas le robot qui n’est pas humain, malgré le fait qu’il ne comprenne pas ce qui est arrivé et qu’il continue de tenter de vendre ses produits à des êtres agonisants ; ce sont les êtres humains qui l’ont programmé et ces hommes qui viennent sauver les victimes qui se sont mués en robots de par leur apparence.

SPOILER 2 ils se préoccupent d’apparence, de futilité : ils suivent le robot et ignorent le danger qui vient. Attirés par la publicité et l’appât de la consommation, ils ne sont plus conscients de leur environnement et incapables de réagir quand leur vie est en péril. J’ai vraiment eu l’impression d’êtres obnubilés par un nouveau jouet.

SPOILER 3 Certes, l’enfant et le robot sont ensemble, mais j’ai trouvé que c’était trop peu. Que se passe-t-il ensuite ? Je suppose que l’autrice a voulu laisser le lecteur imaginer ce qui allait arriver : une possible union des robots et l’implication de certains êtres humains dans l’émergence de la singularité ? Pour une fois, je n’ai pas apprécié ce procédé. J’aurais préféré avoir une fin claire, une piste, quelque chose qui permette au lecteur de voir le chemin pris par ces personnages et ce qui pouvait en résulter.

SPOILER 4 Un jeune homme est confronté à l’idée qu’il est une forme de complice du gouvernement quand une grande partie de la population souffre et une autre se soulève pour lutter contre le système oppresseur.

SPOILER 5 Je n’ai vraiment pas aimé que le personnage principal tombe aussi vite amoureux d’une jeune femme dont il ne sait rien dans une forme d’insta love que j’ai beaucoup de mal à supporter dans tout type de récit. Mais le fait qu’en plus, il ne la revoit plus par la suite ? Je me suis vraiment dit que cet aspect ne servait pas vraiment l’histoire ; le fait que son frère soit dans la résistance suffisait pour donner au récit un aspect tragique. 

SPOILER 6 la façon dont Ti-May considère Jackson, le fait qu’elle lui parle correctement, qu’elle ne le traite pas en objet. Le fait aussi que se crée entre eux une forme de relations qui donne à penser au lecteur que Jackson n’est pas qu’un robot, qu’il peut être plus. Même si Jackson patine, elle s’accroche à l’idée qu’il ne doit pas être débranché et regrette le fait qu’il soit amputé d’une partie de sa mémoire. J’ai également apprécié que le robot ne soit pas du tout fautif, mais que ce soit des êtres humains, sur terre, qui, par paresse, ont engendré un trop plein de données pour le robot, lui permettant d’avoir accès à des informations qu’il n’aurait pas dû connaître. C’était un joli pied-de-nez et un rappel que nous sommes faillibles et que, pour l’instant, si nos outils technologiques ont des défauts, ils sont de notre fait, non du leur.

SPOILER 7 j’ai beaucoup aimé le côté « machines contre machines » couplé à l’émergence de la singularité. Quand certains robots revendiquent des droits, d’autres semblent complètement dévoués aux êtres humains, ce qui mène à des sabotages, des formes d’ »attentats » contre ces collabots.

SPOILER 8 les robots sont seulement destinés au travail pour l’instant, ce qui entraîne le conflit auquel le lecteur assiste.

SPOILER 9 le narrateur est un de ces collabots qui demande de l’aide aux IA autonomes.

SPOILER 10 parle en réalité à Grobot qui a cessé de fonctionner, après un incident survenu chez Gershwin et impliquant son propre orgabot, Bastrimal.

SPOILER 11 J’ai trouvé que le déclenchement de la singularité était très rapide, ce qui m’a un peu sortie du texte ; mais je comprends que, pour les besoins de la nouvelle, il faut que tout arrive en trois mois.

Tout Terry Pratchett de Stéphanie Chaptal et Yannick Chazareng

Posté : 17 juillet, 2024 @ 10:37 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Tout Terry PratchettGenre : Essai, Fantasy, Science-fiction

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 326

Synopsis : Des mages archi-nuls, une MORT qui a des états d’âmes, des personnages loufoques, des univers délirants, des trouvailles magnifiques, des jeux mots formidables, le tout avec en prime un regard féroce sur notre monde et ses travers.

Tout cela, et bien plus encore, c’est l’œuvre de Terry Pratchett. Du Disque Monde au Peuple du Tapis, de De bons présages au Grand Livre des gnomes, des générations de lecteurs et lectrices se sont plongés avec délectation de ses romans et nouvelles.

Avec Tout Terry Pratchett, nous vous proposons de plonger dans ses pages, dans ses thématiques préférées, dans la manière qu’il avait de nous faire rire, et dans sa vie aussi. Découvrez son œuvre et l’homme qui l’était à travers nos textes mais aussi de nombreuses interviews…

 

Avis : J’ai reçu ce livre en service presse de la part des Nouvelles Éditions ActuSF. J’étais assez intriguée par ce titre : je n’ai lu que deux romans de Terry Pratchett, tous deux dans sa série des Annales du Disque-monde (The Colour of Magic, le tome 1, et Mort, le tome 4) et j’avais envie d’en savoir un peu plus sur lui.

Avant d’y entrer, j’avais un peu peur de me faire spoiler la majorité de ses œuvres, notamment parce que j’ai lu, en partie, le Guide Stephen King de Yannick Chazareng et j’ai dû m’arrêter parce qu’il révélait certains rebondissements de romans que je n’avais pas encore lus. Ceci dit, il est normal, en écrivant sur un auteur en particulier et en voulant analyser ses œuvres, de les spoiler. Ce ne fut pas le cas ici, excepté pour l’intégralité des nouvelles de Terry Pratchett – que j’ai, pour autant, toujours envie de lire.

Je suis un peu mitigée sur cet ouvrage. J’ai adoré les premières parties : la préface, qui donne envie de continuer à lire et d’en apprendre plus ; la biographie qui nous permet de découvrir un peu l’homme derrière l’auteur ; l’introduction au Disque-monde, qui permet de se projeter dans l’univers de l’auteur en nous présentant les lieux et les personnages. Cette partie contient sans doute quelques éléments révélés, ce qui peut gêner les lecteurs qui aiment entrer dans leurs romans à l’aveugle, comme c’est mon cas. Pour autant, ici, j’étais contente de les découvrir et cela m’a davantage donné envie de me jeter sur les tomes des Annales que ça ne m’a agacée. J’ai apprécié d’avoir un guide de lecture qui permet de se repérer dans les plus de quarante tomes et qui les rend plus abordables. Mes parties préférées étaient les interviews : celles des différents traducteurs de Terry Pratchett, mais aussi une de l’auteur lui-même et d’autres proches de lui ou lecteurs de son œuvre. Cela permet d’approcher le travail de l’écrivain, de ceux qui transmettent ses mots à des lecteurs qui ne le comprennent pas, mais aussi d’analyser certaines parties de ses romans, comme l’économie avec l’entretien de Denis Colombi.

Ce qui m’a moins plu ici, ce sont les résumés, trop longs, des autres œuvres de Terry Pratchett. L’analyse est moindre voire inexistante et je me suis détachée de l’ouvrage. Le lisant également de manière suivie, j’ai repéré pas mal de répétitions : le lecteur se voit expliquer à plusieurs reprises pourquoi l’auteur est surnommé Pterry et d’autres anecdotes encore. J’ai trouvé cela dommage. J’aurais aimé, peut-être, davantage d’analyse, comme l’esquisse dans la partie sur le féminisme de l’auteur, très courte et étrangement introduite.

 

Donc, malgré cette déception finale, je garde un bon souvenir de ce livre. Je lirai également d’autres œuvres analysant Les Annales du Disque-monde, mais après avoir continué un peu la série de Pratchett. Je le recommande peut-être davantage à ceux qui ne connaissent pas bien l’univers de l’auteur ; ceux qui l’apprécient savent sans doute déjà ce que j’ai appris ici.

Libre comme une déesse grecque de Laure de Chantal

Posté : 9 juillet, 2024 @ 11:20 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Libre comme une déesse grecqueGenre : Essai, Féminisme, Mythologie

Editeur : Flammarion (Champs)

Année de sortie : 2024 [2022]

Nombre de pages : 244

Synopsis : Les Grecs et les Romains ont-ils inventé le féminisme ?

Si les sociétés antiques peuvent être qualifiées de machistes, leur mythologie nous montre tout le contraire. Elle nous montre de savantes magiciennes, comme Médée ou Circé, de sages gouvernantes, comme Pénélope, d’irréductibles guerrières comme les Amazones et des déesses, tant de déesses, les Parques, les Muses, Aphrodite, Athéna, toutes porteuses de civilisation et de création. Non seulement la mythologie gréco-romaine nous offre des figures de femmes profondément puissantes, mais elle a donné des traits féminins aux plus belles forces de la civilisation. Dans la mythologie, le meilleur de l’Homme est une femme.

 

Avis : J’ai adoré cette vision très puissante des femmes dans la mythologie grecque !

Je n’ai pas grand-chose de négatif à écrire, honnêtement : j’ai aimé la façon dont l’autrice a organisé son œuvre et les femmes qu’elle a choisies de mettre en avant, l’humour qu’elle infuse parfois, l’émotion que l’on ressent aussi en lisant certains paragraphes. J’ai adoré redécouvrir des déesses, découvrir des héroïnes mais, surtout, j’ai adoré que l’autrice entre dans le détail, que ce soit dans les histoires racontées ou dans l’étymologie qui est passionnante ! J’ai adoré retrouver des œuvres d’art, les voir analysées, les voir expliquées et comprendre à nouveau, s’il était besoin, qu’en fin de compte, tout est sujet à interprétation.

Je m’y connais plutôt en mythologie et, effectivement, j’avais aussi la vision de cette société, de cette culture misogyne, de ces dieux puissants qui, parfois, dégradent les femmes au rang d’objet, les placent en victimes. J’ai adoré que l’autrice me les fasse voir très différemment, pas du tout comme je l’ai appris et comme je l’ai vu moi-même pendant toutes ces années. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que les sociétés grecque et romaine n’étaient pas sexistes : les femmes ne sont pas citoyennes, elles ont peu de droits, elles sont propriété de leur mari et toujours sous la tutelle d’un homme, excepté certaines veuves ou quelques femmes à la marge des autres, comme les hétaïres grecques. Mais cette autre vision de la culture et de la littérature gréco-romaines m’a touchée, m’a rassurée, en un sens, m’a donné de la force aussi. Ce livre m’a également donné très envie de découvrir certains textes ou auteurs, comme Callimaque, Catulle et Ovide – j’ai lu les deux derniers, mais pas les ouvrages mentionnés.

Je n’arrivais pas à mettre le doigt sur la raison pour laquelle, malgré la misogynie de la mythologie grecque, je l’adorais toujours profondément. Évidemment, c’est un réservoir d’histoires, le « premier roman du monde », mais c’est aussi une œuvre qui nous montre un grand éventail de personnages, divins ou mortels, aux prises avec des émotions violentes, aussi bien positives que négatives. J’ai une nouvelle raison de l’adorer : la liberté de ces femmes qui la peuplent.

Dernière remarque tout de même : certains éléments ne m’ont pas totalement convaincue – j’ai noté de petites questions dans les marges -, mais cela n’a pas gâché ma lecture, que j’ai trouvé rafraîchissante.

 

Donc, une excellente œuvre sur les femmes dans la mythologie grecque (et un peu la mythologie romaine aussi) que je recommande chaudement ! Je lirai avec plaisir d’autres ouvrages de l’autrice, comme Notre grammaire est sexy : Déclaration d’amour à la langue française ou Les neuf vies de Sappho : Le premier écrivain est une écrivaine !

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