Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Les Belles Endormies de Yasunari Kawabata

Posté : 1 février, 2019 @ 11:46 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Contemporaine Les Belles Endormies

Editeur : Le Livre de Poche 

Année de sortie : 2005 [1961]

Nombre de pages : 125

Titre en VO : Nemureru Bijo 

Synopsis : Dans quel monde entrait le vieil Eguchi lorsqu’il franchit le seuil des Belles Endormies ? Ce roman, publié en 1961, décrit la quête des vieillards en mal de plaisirs. Dans une mystérieuse demeure, ils viennent passer une nuit aux côtés d’adolescentes endormies sous l’effet de puissants narcotiques.

Pour Eguchi, ces nuits passées dans la chambre des voluptés lui permettront de se ressouvenir des femmes de sa jeunesse, et de se plonger dans de longues méditations. Pour atteindre, qui sait ? au seuil de la mort, à la douceur de l’enfance et au pardon de ses fautes. 

 

Avis : Cela fait presque trois ans que ce livre est dans ma PAL : comme il est tout petit, je me suis dit qu’il fallait que je me lance !

Alors … après avoir refermé Les Belles Endormies, je ne savais pas trop quoi penser. J’ai ressenti un malaise du début à la fin, pour une raison très simple : un vieil homme dort avec des filles nues endormies, qui ne peuvent se réveiller parce qu’elles sont droguées. Euh … d’accord. Bon. Au lieu de dormir, pendant ces nuits passées avec de belles jeunes filles qui sentent l’enfance – haha … – il s’imagine ce que peuvent leur faire les autres « clients », les autres vieillards, ce qu’ils veulent leur faire mais qu’ils ne sont plus capables de faire, et lui s’imagine ce que LUI-MEME pourrait leur faire, ce qu’il a envie de leur faire, pour violer les règles de la maison, pour se venger de son impuissance grandissante. Ah, et il se demande aussi si elles sont vierges, tout en admettant qu’elles sont des prostituées et que, donc, non, elles ne le sont pas. Mais elles ont l’air de l’être blablabla. Un peu de colère en moi ici. Mais passons. L’intrigue, en plus de l’étrangeté d’origine de l’idée, était lente – on peut se douter qu’avec un résumé de la sorte, ce n’est pas action sur action, que ce n’est pas trépidant ! C’est plus contemplatif ; cela ne me dérange pas du tout, j’aime aussi ce genre de livres. Mais, ici, sans doute à cause de la situation dans laquelle se trouve Eguchi quand il réfléchit à son passé, tout avait un goût dérangeant

Pour autant, les réflexions sur la vieillesse étaient « belles » et assez tristes. Eguchi veut se convaincre qu’il n’est pas un vieillard, qu’il n’est pas comme les autres « clients », qu’il peut encore faire des choses avec une femme, alors qu’eux ne le peuvent plus. En gros, il explique qu’il n’a pas besoin d’aller chez les Belles Endormies, mais qu’il le fait pour se préparer. Je me suis finalement posé une question : la vie se résume-t-elle donc au sexe ? Juste au sexe ? Parce que c’est l’impression que donne Eguchi. Certes, il apprécie la beauté de ces femmes sans défense – rien que d’écrire ça, mon poil se hérisse ! – mais il revient toujours à ce qu’il pourrait leur faire, à ce qu’il a fait à d’autres femmes. Ces filles inconnues lui permettent de « revivre » son passé amoureux, de revoir les femmes de sa vie. Parfois, la narration est ambiguë : Eguchi vérifie que les filles sont vierges. Mais comment ? Et certaines scènes laissent entendre qu’il a commencé à faire quelque chose, mais qu’il renonce en cours de route. 

Une petite chose qui m’a agacée : les nombreuses répétitions. Même s’il dort avec des femmes différentes, et se souvient de femmes différentes, on retrouve les mêmes réflexions et la même absence d’action (qui présage sans doute de la future impuissance sexuelle d’Eguchi) : [SPOILER] les vieillards sont des pervers, et ces jeunes femmes ne peuvent rien contre eux, mais elles sont là pour l’argent de toute façon, donc allez, on a le droit de faire ce qu’on veut, mais non, parce que ce sont des vierges, et peut-être qu’il pourrait quand même se venger en les tuant, mais non. [FIN DU SPOILER] On retrouve le même vocabulaire, parfois même les mêmes phrases, ou des rappels, alors que le livre est si court qu’il n’en a pas besoin ! Je suppose que l’auteur a écrit Les Belles Endormies de cette façon, et que ce n’est pas à cause de la traduction ; pour autant, je pense qu’on perd tout de même un peu de la « poésie » de Kawabata. Autre petite remarque : je me suis souvent sentie somnolente pendant la lecture, sans doute à cause du décor ou de la situation ; c’était étrange !  

Et la fin … elle m’a laissée dubitative. Est-ce une sorte de vengeance ? et qui est véritablement puni ? Que doit-on en conclure ? [SPOILER] Eguchi va-t-il sérieusement se recoucher tranquillement à côté de l’autre fille comme si de rien n’était ?!! [FIN DU SPOILER] J’ai eu l’impression d’être jeté hors d’une maison en plein débat. Perturbant ! 

 

Donc, un livre que je ne peux pas dire avoir aimé, qui m’a mise mal à l’aise, et que je ne relirai sans doute pas !

 

Neige de Maxence Fermine

Posté : 21 décembre, 2018 @ 1:56 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Contemporain (?)Neige

Editeur : Points

Année de sortie : 2001 [1999] 

Nombre de pages : 96

Synopsis : A la fin du XIXe siècle, au Japon, le jeune Yuko s’adonne à l’art difficile du haïku. Afin de parfaire sa maîtrise, il décide de se rendre dans le sud du pays, auprès d’un maître avec lequel il se lie d’emblée, sans qu’on sache lequel des deux apporte le plus à l’autre. Dans cette relation faite de respect, de silence et de signes, l’image obsédante d’une femme disparue dans les neiges réunira les deux hommes.

Dans une langue concise et blanche, Maxence Fermine cisèle une histoire où la beauté et l’amour ont la fulgurance du haïku. On y trouve aussi le portrait d’un Japon raffiné où, entre violence et douceur, la tradition s’affronte aux forces de la vie. 

 

Avis : Alors … Ce livre est dans ma PAL depuis mai 2017, il était donc temps que je le lise !!

Mais, après ces 96 pages, je suis perplexe. Sceptique. Je vois les commentaires, et je me dis que j’ai dû louper quelque chose. Et puis, je décide de mettre des mots sur ce que je ressens. Les bonnes choses d’abord : il est vrai que, parfois, l’écriture est poétique. Je dis bien, parfois. Et certaines réflexions sont intéressantes, sur la poésie par exemple, sur le mélange des arts. Et on passe au négatif

D’abord : certains tropes/clichés qui m’ont fait lever les yeux au ciel. Ce livre est classé dans les romans, mais il m’a semblé lire une sorte de conte. Quelques exemples : [SPOILER POTENTIEL] instalove – je ne peux vraiment plus supporter ça, que ce soit en littérature adulte, jeunesse ou YA ! – et le fait que le « héros » ne doit pas juger selon les apparences – ce qu’il fait au « début » du livre. Mais, attendez, ce gars est censé être poète ! Comment peut-il en être un s’il juge selon les apparences ?! Ce n’est pas très logique pour moi. [FIN DU SPOILER] Vient ensuite le fait que les femmes ne sont présentes que pour leur apparence ou leur sexualité. On adore. L’une d’elle n’est là que pour servir de « baiser » – pardonnez-moi le verbe, mais c’est ça ! – au personnage principal. Les deux autres sont mises sur un piédestal, idéalisées : elles sont si belles, si parfaites … et si plates en tant que personnages. Elles ne sont jamais développées. L’une d’elle, Neige, sert de muse au poète et au peintre en plus de l’aspect amour éternel – attention ici : je ne suis pas du tout contre une petite dose d’amour éternel. Mais là … non. En gros, les femmes sont là pour être prises, ou aimées, et c’est tout. [A partir de là, je commence à comprendre que je n'ai pas aimé ce livre, haha.] Les autres personnages sont un peu (?) des caricatures. Yuko est tellement arrogant ! Il sait tout, il a tout vu, il est unique, et, évidemment, le poète de l’Empereur ne peut pas l’aider à s’améliorer, enfin ! Et même si le synopsis décrit sa relation avec Soseki comme immédiatement respectueuse, et qu’ils sont liés, et blablabla, je n’ai pas DU TOUT ressenti ça ! Sa première impression est qu’un vieil homme [SPOILER] et, encore une trope/un cliché : aveugle [FIN DU SPOILER] ne peut pas l’aider ! Il est plutôt méprisant à première vue, en tout cas pour moi ! Quant à Soseki, il est le cliché du vieux mentor sur le point de mourir, et qui n’attend qu’une chose pour le faire.

Puis, en ce qui concerne la poésie. Je pensais, peut-être, qu’il y en aurait plus dans le livre. Je dois avouer, je ne suis pas du tout une experte en haïku – je suis même carrément novice : je n’ai jamais lu de recueils, je sais juste ce que c’est ! J’en ai lu quelques-uns, mais vraiment très peu ! – et donc, je m’attendais à … quelque chose ! Il y a, dans Neige : sept haïkus écrits par des auteurs japonais connus, trois écrits par Yuko, et un écrit par le narrateur, pour achever le livre. J’ai aimé la façon dont l’art (le mélange des arts notamment), et l’inspiration étaient présentés – il faut de l’amour, ou de la souffrance pour écrire par exemple – mais, quelque chose m’a dérangée, et je n’arrive pas à déterminer quoi exactement. Ce livre est aussi très répétitif. Ce n’est pas de la poésie pour moi. Et, enfin : d’accord, l’action se déroule au Japon. Mais, il n’y a pratiquement rien sur le Japon ! Certes, on peut noter la présence de poésie japonaise, de cerisiers en fleur, de samouraï et d’empereur, et quelques endroits sont mentionnés. Mais je pensais apprendre quelque chose à propos du pays, voir certains éléments être mis en avant. En fin de compte, c’était très superficiel, un effleurement. Mais peut-être est-ce dû à la taille du livre ! Il est tellement court ! (trop ?) 

 

En fin de compte, il semblerait que je n’ai pas du tout aimé ce livre, une fois que je mets des mots sur ce que j’ai ressenti. Dommage ! 

Blonde de Joyce Carol Oates

Posté : 6 décembre, 2018 @ 5:49 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : ContemporaineBlonde

Editeur : Le Livre de Poche 

Année de sortie : 2012 [2000]

Nombre de pages : 1110

Titre en VO : Blonde

Synopsis : Alors, en début de soirée, ce 3 août 1962, vint la Mort, index sur la sonnette du 12305 Fifth Helena Drive. La Mort qui essuyait la sueur de son front avec sa casquette de base-ball. La Mort qui mastiquait vite, impatiente, un chewing-gum. Pas un bruit à l’intérieur. La Mort ne peut pas le laisser sur le pas de la porte, ce foutu paquet, il lui faut une signature. Elle n’entend que les vibrations ronronnantes de l’air conditionné. Ou bien … est-ce qu’elle entend une radio là ? La maison est de type espagnol, c’est une « hacienda » de plain-pied ; murs en fausse brique, toiture en tuiles orange luisantes, fenêtres aux stores tirés. On la croirait presque recouverte d’une poussière grise. Compacte et miniature comme une maison de poupée, rien de grandiose pour Brentwood. La Mort sonna à deux reprises, appuya fort la seconde. Cette fois, on ouvrit la porte. 

De la main de la Mort, j’acceptais ce cadeau. Je savais ce que c’était, je crois. Et de la part de qui c’était. En voyant le nom et l’adresse, j’ai ri et j’ai signé sans hésiter

 

Avis : Cela fait une éternité que je « dois » lire Blonde ; il est dans ma PAL depuis août 2012 ! Et c’est enfin chose faite !

Qu’est-ce que ce livre est cruel … Si vous cherchez un livre pour vous remonter le moral, je vous déconseille fortement celui-là ! Mais, commençons par le commencement !

Joyce Carol Oates nous prévient dès le début, dans une note d’auteur, qu’elle n’écrit pas une biographie de Marilyn Monroe, mais un roman tiré de sa vie, une sorte de biographie romancéefictionnalisée. Elle s’inspire donc de faits réels, mais prend, d’une certaine manière, le point de vue de Norma Jeane, se met à sa place parfois, imagine ce qu’elle a dû ressentir, comment les choses se sont déroulées exactement. L’auteure a condensé la vie de Norma pour en faire un roman, comme elle l’a fait pour elle-même quand elle a écrit The Lost Landscape (Paradis Perdu). Donc, elle ne mentionne pas toutes ses familles d’accueil, tous ses amants, ou toutes ses tentatives de suicide, mais conserve ceux qui lui paraissent le plus symbolique. Cela peut ajouter à la confusion que le lecteur ressent lors de la lecture, une impression de flou, parce qu’il se rend compte, à un moment donné, qu’il y a plus dans la vie de Norma que ce qu’il est en train de lire. Malgré mes connaissances préalables - j’ai déjà lu une biographie de Marilyn Monroe, écrite par Sandro Cassati -, et la longueur du livre, qui peut être vraiment impressionnante, je ne me suis pas ennuyée du tout !!

Comme toujours, j’ai aimé l’écriture de Joyce Carol Oates ; malheureusement, j’ai lu Blonde en français. J’ai donc perdu quelque chose du style de l’auteure, si particulier ; par exemple, son écriture est très dense, et cela a dû compliquer la traduction. Comment rendre les ing, les phrases interminables, les phrases nominales, certaines expressions ? A la lecture, cela ne fait pas naturel pour moi ; mais c’est sans doute parce que j’ai lu l’auteure en VO. Je relirai donc Blonde en anglais, quand j’en serai capable ! Malgré tout, la confusion doit se sentir dans les deux langues, et n’est pas qu’un résultat de la traduction. Elle est due au narrateur, qui ajoute des informations au fil du récit, mais surtout à Norma Jeane. Sa propre confusion imprègne le récit, et il est parfois difficile de savoir qui parle, quand, où. Pour autant, j’ai adoré ce narrateur peu fiable (unreliable narrator en anglais), et Norma Jeane comme personnage peu fiable elle aussi. Le lecteur ne sait pas toujours ce qu’il se passe, ou n’est pas au courant de tout ; puis, plus tard, dans un chapitre ultérieur, la scène est éclairée d’une façon différente, et la réalité – mais, est-ce vraiment elle ? – est révélée. De plus, la folie apparaît doucement, et prend de plus en plus de place, notamment dans les souvenirs du personnage principal. Le lecteur doute donc, tout le long de l’œuvre, de la réalité de ce qui lui est raconté !

Différents « sujets » sont mentionnés dans le livre – avec 1110 pages, on peut s’en douter ! Commençons par Hollywood, et la carrière d’acteur dans les années 40-60. A l’époque, c’est un monde cruel – je dis à l’époque mais, qui sait si ce n’est pas la même chose aujourd’hui ! Etant donné que Norma Jeane était une beauté blonde, elle était considérée comme une fille stupide, disposée ; autant appelé un chat un chat : une salope. Elle était méprisée, insultée, et très peu estimée : pas mal de personnes voyaient en elle une mauvaise actrice adepte de la promotion canapé. Pour autant, beaucoup la voulait dans leur film. Joyce Carol Oates dévoile ainsi la face cachée d’Hollywood, celle qu’on préfère oublier quand on voit des photos ou qu’on regarde des films montrant des personnages saines et souriantes. Mais ce n’est pas tout ! J’adore la façon qu’a eu l’auteure d’intégrer le cinéma à son processus d’écriture. En effet, il est omniprésent dans la narration elle-même. Certaines scènes sont décrites de manière cinématographique ; peut-être est-ce une façon de mettre en avant le fait que Norma Jeane voit sa vie à travers l’objectif d’une caméra ? Dans tous les cas, cela instaure une ambiance particulière. Ce peut aussi être une manière, pour Joyce Carol Oates, de nous rappeler, dans une sorte de mise en abîme, que son livre est une fiction, même si elle raconte la vie d’une personne réelle. La religion est également un des « thèmes » abordés. Tout d’abord, la mère de Norma ne peut pas la supporter ; puis elle est « enseignée » à la petite fille par le Dr. Mittelstadt. C’est une grande part de la vie de la jeune femme : elle guide en partie ses choix, ses intentions, et ses décisions. Mais, à partir d’un moment, sa place semble remise en question, et elle est victime de la confusion ambiante.

Bien sûr, un autre sujet important : la sexualité. Marilyn Monroe est considérée, encore aujourd’hui, comme un sex symbol. Elle est censée avoir eu un nombre presque incalculable d’amants, et était parfois qualifiée de nymphomane. Bien sûr, il y a des scènes sexuelles, et la mention des amants de Norma, ou de ce qu’elle a dû faire – ce qu’on l’a forcé à faire parfois/souvent – ; mais elle n’est pas du tout présentée comme une nympho. J’en viens ainsi au personnage de Norma Jeane alias Marilyn Monroe. Oates fait le portrait d’une femme fragile, réservée, timide, qui bégaye, et n’est pas consciente de sa beauté, ou des désirs des hommes (au début, en tout cas). Elle rêve d’amour, et interprète le désir comme de l’amour, jusqu’à la toute fin ! Elle veut être mère de tout son cœur ; c’est si intense que ça en devient douloureux pour le lecteur ! C’est comme si elle voulait conjurer une malédiction lancée par sa mère ; et le seul moyen, c’est d’avoir, à son tour, un enfant. De plus, pour elle, jouer n’est pas juste un travail : c’est toute sa vie. Tout le long du livre, le lecteur a l’impression qu’elle est schizophrène : Marilyn n’est pas Norma Jeane, elle n’est que son Amie Magique, quelqu’un qu’elle adore et déteste. Les rôles qu’elle joue, les femmes qu’elle incarne, ne sont que des parties d’elle, mais pas tout à fait elle. Norma les contient, mais elles ne la résument pas en retour. Peut-être est-ce une façon de montrer que la « folie », une part de « folie », était déjà présente chez elle depuis le début, et qu’elle fut ensuite renforcée par l’usage de nombreux médicaments. Personnellement, elle m’a fait mal au cœur tout le long, malgré le narrateur peu fiable qui nous raconte son histoire. Elle semble naïve, manipulée par tout le monde, tout le temps. C’est vraiment douloureux à lire à force, parce que je me suis beaucoup attachée à elle. Elle est dépeinte comme une jeune fille douce, gentille, qui sera peu à peu détruite par ses démons, et par les personnes qui l’entourent. Parfois, je savais ce qui allait arriver, mais ce n’est pas pour autant que c’était plus facile.

D’autres personnes réelles se trouvent, évidemment, dans le texte, mais ne sont pas nommées : Joe DiMaggio, Arthur Miller, Ava Gardner, John Fitzgerald Kennedy. Cela s’ajoute aux descriptions cinématographiques : nous sommes dans un film, et ces gens sont représentés par leur fonction dramatique. Ils n’ont pas de personnalité propre – ou nous le supposons, étant donné comment ils sont appelés – et sont nommés, pour la plupart, grâce à leur travail : Actrice, Ex-Sportif, Dramaturge. Certains personnages (soient-ils réels ou non) sont très difficiles à apprécier, surtout à cause de leur violence. C’est un autre thème important dans le roman. Marilyn/Norma est l’objet de différents types de violence : sexuelle, mais aussi sociale et physique. Elle est, la plupart du temps, infligée par d’autres, beaucoup moins par elle. Elle est violée (même si c’est assez vague parfois, et rendu clair plus tard), elle est battue par un de ses maris, elle est vendue (par différentes personnes …), elle est pauvre (même si elle ramène des millions au Studio). Et, tout le long, elle dit ne pas être amère – mais comment peut-elle ne pas l’être ? Et cette violence n’est pas sporadique : elle est CONSTANTE, du début à la fin ! Et c’est aussi la raison pour laquelle ce livre est difficile à lire parfois. Parce que le lecteur aimerait que cela s’arrête, que quelqu’un, dans le livre, réagisse, et cela n’arrive jamais.

Enfin, nous arrivons à la mort de Marilyn. Il y a une théorie à ce propos : elle aurait été assassinée parce qu’elle avait une relation avec Kennedy. [SPOILER] Je pense que c’est plus probable qu’une overdose, et il semblerait que Joyce Carol Oates soit du même avis. A un moment donné, un personnage, le Tireur d’élite, apparaît, et revient de plus en plus souvent au fil du roman, jusqu’à la fin. Ce procédé est très intéressant parce qu’en un sens, cela justifie la paranoïa de Marilyn : elle était suivie, et sera tuée dans son sommeil par quelqu’un envoyé par le gouvernement, par son Prince supposé, ou par ses proches. [FIN DU SPOILER] 

 

Donc, un livre très difficile à lire, une belle claque, que je relirai sans aucun doute en VO. Un portrait de femme blessée par la vie, par les autres, et qui, pourtant, brille encore aujourd’hui. 

After You’d Gone de Maggie O’Farrell

Posté : 21 novembre, 2018 @ 1:48 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Contemporaine After You'd Gone

Editeur : Review 

Année de sortie : 2001 [2000]

Nombre de pages : 372

Titre en français : Quand tu es parti 

Synopsis : Alice Raikes boards a train at King’s Cross to visit her sisters in Scotland. Hours later, she steps into the traffic on a busy London road and is taken to hospital in a coma.

Who or what did she see in Edinburgh that made her return so suddenly? Was the accident a suicide attempt? And what exactly do her family, waiting at her bedside, have to hide?

Sliding between different levels of consciousness, Alice listens to the conversations around her, and begins sifting through recollections of her past, and of a recently curtailed love affair. 

 

Avis : J’ai lu ce livre parce qu’il était recommandé par The Novel Cure (Remèdes littéraires) pour la perte d’un être cher. Il correspond à l’étape de la négociation

… et j’ai très bien compris pourquoi à la fin du livre ! Ce n’était sans doute pas le meilleur moment pour moi de lire After You’d Gone ; mais comment aurais-je pu savoir que ce livre serait si proche de la situation que j’ai vécue, tout en étant tellement différent par certains aspects ?

Le premier chapitre est un prologue qui suit Alice Raikes. Le lecteur sent tout de suite qu’elle ne va pas bien du tout, mais il ne saura exactement pourquoi que vers la fin du roman. Elle décide, soudain, de se rendre à Edinbourg pour voir ses sœurs, Kristy et Beth. Elle prend le train à King’s Cross, ses sœurs l’attendent à l’arrivée. Elles vont dans un café ; Alice se rend aux toilettes. Et là, elle voit quelque chose qui la traumatise. Elle rentre immédiatement à Londres, se fait renverser par une voiture dans la soirée, et tombe dans le coma.

Tout le livre est ensuite un mélange de flashbacks, de moments où c’est Alice qui parle (alors qu’elle est dans le coma), de passages dans le présent avec les points de vue interne d’autres personnages, mais en gardant un narrateur à la troisième personne. Autant vous dire que ce peut être un peu confus parfois ; pour autant, le lecteur s’y retrouve rapidement et, personnellement, j’adore les points de vue multiples, donc cela ne m’a pas dérangé ! Au fil du livre, on découvre non seulement ce qui est arrivé à Alice, à Edinbourg et dans sa vie, de la naissance à l’hôpital, mais aussi les secrets de famille – surtout un qui pèse sur la famille. Bon, je l’avais rapidement deviné, et sa révélation n’est pas tellement le but du roman. Pas tellement de suspense donc ! 

Le lecteur rencontre les proches d’Alice : Ann, sa mère, qui est assez insupportable, mais dont j’ai presque fini par avoir pitié ; Elspeth, sa grand-mère (j’ai eu un mal de chien à prononcer son nom pendant toute la lecture !), personnage que j’ai adoré ; John, que j’avais envie de secouer et d’embrasser tout à la fois ; Ben, son père, qui n’est pas tellement présent [SPOILER] et dont l’effacement provoque un peu la surprise quand il explique à sa femme qu’il connaissait son secret depuis le début [FIN DU SPOILER] ; ses sœurs, Kirsty et Beth, qui sont elles aussi peu présentes. Le point de vue se focalise surtout sur Alice, Ann et Elspeth, trois générations de femmes dont la vie nous est racontée en pointillés. Les personnes les plus proches de l’ »héroïne » sont mises en avant par le narrateur qui nous raconte leur vision de l’histoire, en quelque sorte.

Je me suis beaucoup attachée aux personnages, surtout Alice, bien sûr, mais aussi John et Elspeth. J’ai pourtant essayé, à plusieurs reprises, de mettre de la distance entre nous ; je ne voulais pas être trop affectée par ce qu’ils vivent. Peine perdue : une seule phrase m’a complètement retournée. Ce qui est formidable dans ce livre, en plus de l’écriture, c’est la façon dont le deuil est abordé. La plupart du temps, ce qui était écrit, ce que ressentait Alice, c’était exactement ce que je ressentais aussi. Je me suis donc sentie comprise par ce livre ; mais j’ai aussi eu l’impression de tout revivre. 

Je lirai sans doute d’autres livres de Maggie O’Farrell, notamment The Vanishing Act of Esme Lennox (L’étrange disparition d’Esme Lennox) et I Am, I Am, I Am: Seventeen Brushes with Death, le mémoire de l’auteure qui, il me semble, n’a pas encore été traduit !

 

Donc, un excellent livre, très fort, bien écrit, aux personnages attachants et intéressants, mais que je n’aurais peut-être pas dû lire tout de suite ! 

Home Fire de Kamila Shamsie

Posté : 5 septembre, 2018 @ 11:38 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

 

Genre : ContemporaineHome Fire

Editeur : Bloomsbury 

Année de sortie : 2017

Nombre de pages : 260

Titre en français : Pas encore traduit 

Synopsis : Isma is free. After years spent raising her twin siblings in the wake of their mother’s death, she resumes a dream long deferred – studying in America. But she can’t stop worrying about Aneeka, her beautiful, headstrong sister back in London, or their brother, Parvaiz, who’s disappeared in pursuit of his own dream – to prove himself to the dark legacy of the jihadist father he never knew.

Then Eamonn enters the sisters’ lives. Handsome and privileged, he inhabits a London worlds away from theirs. As the son of a powerful British Muslim politician, Eamonn has his own birthright to live up to – or defy. The fates of these two families are inextricably, devastatingly entwined in this searing novel that asks: what sacrifices will we make in the name of love?

A contemporary reimagining of Sophocles’ AntigoneHome Fire is an urgent, fiercely compelling story of loyalties torn apart when love and politics collide – confirming Kamila Shamsie as a master storyteller of our times. 

 

Avis : Avant même que ce livre gagne le Women’s Prize for Fiction en Angleterre, j’avais très envie de le lire, parce que c’est une réécriture d’Antigone, une de mes pièces préférées !

Donc, j’avais de grandes attentes ! Et j’ai compris pourquoi Home Fire avait gagné le prix, et avait été sélectionné pour le Man Booker Price. Je vais tenter d’être brève, parce que je ne sais pas si je vais rendre justice à ce livre, et que je pourrais en parler pendant des heures !

Tout d’abord, j’ai aimé l’écriture de Kamila Shamsie ; objectivement, elle écrit très bien, c’est fluide, agréable. Très bonne forme donc !

Ensuite, le lecteur est complètement absorbé par le livre grâce aux différents points de vue, et aussi grâce au fait que l’on commence avec celui d’Isma. On ne peut pas ne pas compatir, sympathiser avec chaque personnage ; grâce à leur point de vue, le lecteur les comprend, et les apprécie, malgré leurs erreurs et leurs faiblesses ; ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils sont pardonnables. La compréhension et le pardon n’ont rien à voir. Ils font tous des erreurs fatales, et le lecteur assiste au déroulement des événements, impuissant, juste capable de déplorer ce qui va inévitablement arriver.

J’ai ADORE le fait qu’Home Fire soit si fidèle à Antigone, et pourtant si contemporain, si actuel ! Les personnages, les événements ; tout colle parfaitement ! On retrouve donc Ismène sous les traits d’Isma, Antigone chez Aneeka, Hémon est Eamonn, Créon est Karamat, Polynice est Parvaiz. Je ne vous dirais pas si cette version moderne se termine comme la tragédie de Sophocle [SPOILER] évidemment que oui : la fin nous montre Aneeka et Eamonn enlacés, prêts à mourir ensemble, seule petite divergence d’avec la pièce dans laquelle Antigone meurt avant Hémon, qui se suicide ensuite ! Mais tout y est : la trahison d’Ismène, la putréfaction du corps de Polynice, l’inflexibilité de Créon, le fait qu’il soit le seul vivant à la fin (à part Ismène, bien sûr ; encore une petite divergence, sa femme n’est (pas encore ?) morte à la fin du roman contrairement à la pièce). On retrouve aussi la question du dévouement, des lois face à l’amour, de la force de cet amour qui pousse les personnages à faire « n’importe quoi » pour l’être aimé. J’ai adoré le fait qu’Antigone et Polynice soient ici jumeaux ; il ne me semble pas que ce soit le cas dans la tragédie d’origine ! [FIN DU SPOILER] Quasi, si on ne m’avait pas dit que c’était une réécriture, et que je n’avais pas repéré les noms des personnages, je n’aurais pas su que c’était une Antigone moderne malgré la fidélité à la pièce !

J’ai également adoré Aneeka, presque autant que l’Antigone d’origine. Têtue, belle, indomptable, elle veut faire justice, même si cela veut dire devenir hors-la-loi (et pourtant, elle s’y connaît en droit puisqu’elle l’étudie !) Elle ne mêle pas sa vie personnelle et les règles du monde extérieur : rien ne peut résister à l’amour qu’elle porte à son jumeau Parvaiz, malgré les erreurs qu’il a pu faire. Il sera toujours une part d’elle, quelque chose qu’elle ne peut, et ne veut pas renier. Comme Antigone, [SPOILER] elle utilise Eamonn/Hémon et finit par tomber amoureuse de lui ; mais leur amour ne peut survivre aux lois, représentées par Karamat/Créon. [FIN DU SPOILER] [SPOILER] Elle croit vraiment que son frère Parvaiz est quelqu’un de bien, qu’il s’est juste égaré sur le chemin ; et c’est ce que le lecteur finit par croire aussi, grâce au point de vue du jeune homme. Il s’est laissé emporter, enrôler, n’a jamais eu l’intention de devenir un véritable jihadi ; mais cela ne l’excuse pas pour autant. Traumatisé, paralysé par sa peur, conscient d’être coincé dans une situation intenable, il attend d’arriver au bout de ses forces pour réagir ; mais il est déjà trop tard. Une fois Parvaiz mort, Aneeka veut simplement l’enterrer, comme Antigone avec Polynice ; qu’il soit en paix, qu’il atteigne le ciel promis par la religion, ou plutôt, qu’elle-même soit en paix, et plus hanté par un frère qui lui hurle son innocence jusque dans ses rêves. Qui a-t-il de mal à ce qu’une jeune femme veuille que le corps de son frère soit enterré chez eux, afin de le pleurer, pas le jihadi, mais le frère qu’elle a perdu quand il est parti, et qu’elle a pensé retrouver au moment où il lui a échappé définitivement ? [FIN DU SPOILER] (me suis laissée aller aux spoilers, trop besoin d’en parler !)

En réalité, ce livre est parfois difficile à lire, parce qu’il frappe là où ça fait mal, comme Antigone le faisait déjà quand je l’ai lu. Mais ici, le sujet est beaucoup plus difficile à aborder, parce que très actuel. Antigone veut enterrer Polynice après que lui et son frère, Etéocle, se sont entretués. Créon refuse parce que Polynice est un ennemi de l’Etat. Et ainsi la tragédie commence. Ici, Parvaiz est un jihadi, un terroriste, enrôlé à Londres dans un moment de faiblesse, passé en Syrie pour découvrir le passé sur son père (ce n’est pas un spoiler, le résumé le dit clairement). Et nous ne comprenons pas le terrorisme, ce déchaînement de violence sans but apparent que de tuer des gens innocents, quelque chose contre quoi nous réagissons avec peur, et violence à notre tour. La violence ne fait qu’en créer davantage, et on ne se sort pas de ce cycle sans fin. Etant donné que le lecteur se voit offrir les points de vue de tous les personnages principaux, il peut comprendre comment tout arrive, comment tout se noue, comment chacun s’autodétruit. Antigone est une des plus belles tragédies ; mais, en lisant Home Fire, j’ai espéré une fin heureuse. Quelqu’un sera-t-il sauvé ? Le côté politique est évidemment très lourd ; Antigone traite de l’amour face aux lois, de la dévotion d’une sœur face à la « raison » d’un dirigeant. Ismène m’a toujours paru froide à côté de la passion d’Antigone, de son besoin que tout soit en ordre, même si ce n’est pas l’ordre de l’Etat ; elle ne comprend pas pourquoi elle devrait renier sa famille, malgré ses erreurs, pourquoi elle devrait faire taire un sentiment naturel. Elle ne peut pas s’empêcher de ressentir cet amour inconditionnel pour un être qui partage son sang ; peut-on vraiment lui en vouloir ? Dans le sens contraire, doit-on en vouloir à Ismène, qui a préféré renier Polynice après sa mort et celle d’Etéocle ? Eamonn, à nouveau, est un personnage qui paraît bien faible face à Aneeka/Antigone, mais aussi face à son père Karamat/Créon, qui tente de le raisonner, et ne cesse de penser au côté trop romantique, trop faible, mou de son fils. [SPOILER] Alors oui, d’accord, il est manipulé par une femme qu’il aime, il est emporté par l’amour. Il passe pour ridicule parce qu’il aime Aneeka, et qu’il veut la défendre face à son père. Pour retrouver un semblant de crédibilité, il ne peut que mourir dans ses bras. Quel dommage !! Et c’est si peu viril de montrer son amour n’est-ce pas ?!! (ironie quand tu nous tiens !) [FIN DU SPOILER]

J’ai été choquée par la façon dont les « non blancs » se sentent, sont traités, sont conscients de leur « différence » dans un monde censé les accepter. Je n’en avais pas conscience à ce point, et cela m’a tellement gênée. Je me suis sentie mal à l’aise parce que je me suis demandée si, moi aussi, je ne participais pas, inconsciemment, à cet amalgame constant, alors que ce n’est pas du tout ma façon de penser et de voir le monde. Voir les personnages se faire tout petit, se forcer à ne pas faire la moindre vague, sans quoi ils sont automatiquement dans le radar du gouvernement. Je ne pensais vraiment pas que c’était à ce point. J’ai eu tellement honte de notre monde, et surtout de cette façon de considérer les enfants à la lumière de ce que leurs parents ont fait. Antigone, Ismène, Polynice ne sont pas Œdipe ; Aneeka, Isma, Parvaiz ne sont pas leur père non plus. Et pourtant, la société fait comme s’ils étaient des bombes à retardement, comme s’il existait une question d’hérédité dans tout ça. Le passage de l’interrogatoire, au tout début du roman, m’a donné envie de balancer le livre. On reconnaît donc aux blancs leur individualité, mais pas aux « autres » ? Ridicule.

Enfin, la fin. Explosion de mon cœur en mille morceaux. [SPOILER] Cette dernière image était trop pour mon pauvre cœur. Comme dans Antigone, personne ne gagne, tout le monde perd, soit la vie, soit la personne qu’il chérit le plus au monde. Et, comme dans la pièce, j’ai pitié de tous. [FIN DU SPOILER] J’ai trouvé pris le parti d’Antigone en lisant la pièce [SPOILER] et, comme dans l’œuvre d’origine, enfin, Créon est sur le point de reconnaître que la jeune fille a raison, mais il est déjà trop tard … Karamat veut exaucer le souhait d’Aneeka au moment même où il ne sert plus à rien. [FIN DU SPOILER] Je prends toujours son parti dans la version moderne. 

 

Donc, un excellent roman, que tous devraient lire, sans aucune exception, même s’ils se fichent d’Antigone

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