Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Members Only de Sameer Pandya

Posté : 2 août, 2020 @ 10:07 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Contemporaine Members Only

Editeur : Houghton Mifflin Harcourt

Année de sortie : 2020

Nombre de pages : 288

Titre en français : pas encore traduit

Synopsis : First the white members of Raj Bhatt’s posh tennis club call him racist. Then his life falls apart. Along the way, he wonders: where does he, a brown man, belong in America?

Raj Bhatt is often unsure of where he belongs. Having moved to America from Bombay as a child, he knew few Indian kids. Now middle-aged, he lives mostly happily in California, with a job at a university.  Still, his white wife seems to fit in better than he does at times, especially at their tennis club, a place he’s cautiously come to love.

But it’s there that, in one week, his life unravels. It begins at a meeting for potential new members: Raj thrills to find an African American couple on the list; he dreams of a more diverse club. But in an effort to connect, he makes a racist joke. The committee turns on him, no matter the years of prejudice he’s put up with.  And worse still, he soon finds his job is in jeopardy after a group of students report him as a reverse racist, thanks to his alleged “anti-Western bias.”

Heartfelt, humorous, and hard-hitting, Members Only explores what membership and belonging mean, as Raj navigates the complicated space between black and white America.

 

Avis : J’ai reçu ce livre en SP sur NetGalley !

Dès le début de ce roman, dès le synopsis, j’ai su que j’allais être embarrassée par ce qui allait arriver à Raj, le narrateur. J’avais raison.

Raj, un dimanche soir, fait une terrible blague raciste qui signe le début d’une des pires semaines de sa vie. De racisme ordinaire en rabaissement, de regards qui en disent long aux insultes, la situation ne va faire qu’empirer jusqu’à ce qu’elle explose.

Effectivement, j’ai ressenti de l’embarras quand la blague apparaît. J’ai compris pourquoi Raj voulait fondre, disparaître ou revenir dans le temps pour dé-dire ces quelques mots. Je comprends aussi sa maladresse, son besoin de se lier à quelqu’un qui vit à peu près la même chose que lui, et son échec à y parvenir. J’ai eu mal pour lui et, au fil des pages, ça ne fait qu’empirer. Plus j’avançais, plus je ressentais de l’indignation. Raj vit aux Etats-Unis depuis qu’il a 8 ans, il est professeur à l’université, il étudie l’anthropologie, il est inscrit à un club de tennis et, pourtant, les gens le rabaissent, l’ignorent ou même l’insultent carrément, lui faisant sentir qu’il n’est pas à sa place. ET PERSONNE NE RÉAGIT AUTOUR. Juste parce que sa peau est brune et qu’il est né dans un autre pays. Il se sent différent et il a l’impression d’être utilisé pour prouver qu’un endroit est « diversifié », comme au club de tennis ou à l’université. Il ne serait alors pas engagé pour ses compétences, mais pour sa couleur de peau, pour cocher la case « diversité ». Et donc il doute. Et donc les autres autour de lui le rabaissent. Et donc PERSONNE ne lui vient vraiment en aide quand il en a besoin. Il se demande s’il devient paranoïaque ou si ce qu’il ressent est réel ; plus nous progressons dans le livre, et plus le fait que c’est effectivement réel se confirme.

Le pire, peut-être, est qu’il est attaqué pour deux raisons différentes, qui impliquent toutes les deux une forme de racisme : SPOILER 1 (le début du spoiler n’est pas vraiment spoilant, il évoque le début du roman et la raison pour laquelle tout va partir en vrille pour Raj ; si vous voulez le lire, arrêtez-vous après « En fait, les deux le sont »). Et la petite chute de Raj dimanche soir se transforme rapidement en descente aux enfers : en quelques jours, tout a changé. L’auteur met bien en avant la cyberviolence : les gens ne se rendent pas compte à quel point ils peuvent être blessants et comme il est facile de détruire quelqu’un qui n’est pas en face de soi – ou quelqu’un qu’ils ne connaissent même pas en personne ! – d’utiliser des mots offensants et de menacer la carrière, voire la vie, de cette personne qu’ils ont vue sur les réseaux sociaux. Et comme les gens adoooooooooooooooooorent parler de sujets dont ils ne savent rien, que ce soit en général ou des sujets qui sont très personnels pour les personnes autour d’eux, des sujets qui les touchent ou à propos desquels ils ont des connaissances, contrairement à ces gens qui les attaquent. Tellement énervant.

J’ai adoré ce livre parce qu’il met en avant ce sujet pas toujours facile à traiter. J’ai aussi aimé être dans la tête de Raj et qu’il explique ce qu’il ressent, comment il le ressent et pourquoi il se trouve dans une telle situation. Il nous offre des bribes de son passé, de ce qu’il a traversé, de la façon dont il est arrivé où il est actuellement, de l’envie qu’il ressent parfois quand il voit que des personnes blanches sont idiotes mais sont tout de même plus reconnues que lui grâce à leur couleur de peau alors que lui stagne et est rejeté SPOILER 2 J’ai adoré qu’il soit professeur, évidemment !

A propos de la finSPOILER 3 

Pendant que je lisais ce livre, j’avais envie de secouer les gens pour leur ouvrir les yeux, pour leur faire voir les choses problématiques qu’ils peuvent voir, entendre ou faire sans réagir. J’espère que ce livre aura le même effet sur chaque lecteur. 

 

Donc, un excellent roman qui aborde le sujet du racisme de manière très intéressante – même si le lecteur peut être agacé à de nombreuses reprises ! 

 

SPOILER 1 d’abord, la blague raciste faite à Bill, un homme noir ; puis, un cours dans lequel il dit que les Occidentaux ont rempli le vide que le Christianisme a laissé avec la spiritualité orientale. Donc il est considéré à la fois comme raciste et anti-Américain, quelqu’un qui haït les Chrétiens. La deuxième situation est appelée « racisme inversé » dans le roman et elle est insupportable. En fait, les deux le sont.

En effet, les membres blancs du comité du club de tennis insistent pour que Raj s’excuse publiquement auprès de Bill ; mais, tout le long du roman, Raj se souvient que personne n’a rien dit quand des Blancs l’insultaient, même ce dimanche soir où il a fait sa blague. Et il le dit enfin à la fin du roman, dans une sorte de discours libérateur durant lequel il met tous les membres blancs du comité en face de leur hypocrisie – merci Raj, ça fait du bien, même si ça n’avance malheureusement à rien.

En ce qui concerne la seconde situation, elle est effrayante. En tant que professeur, Raj explique des idées/théories/concepts à ses étudiants et s’attend à une réaction qui mènera à une discussion en classe ou dans son bureau. Quand l’un de ses étudiants n’est pas d’accord avec lui et décide de poster une vidéo de son cours sur Internet, elle devient virale et Raj est insulté et suivi. Des commentaires racistes fleurissent partout et même les personnes qui ne le connaissent pas pensent qu’il est de leur bon droit de donner leur avis et demandent son renvoi de l’université.

SPOILER 2 cette scène où un homme blanc, dans sa précédente université, parvient à le faire virer parce qu’il n’est pas d’accord avec lui … il feint de tomber au moment où Raj passe à côté de lui pour avoir un prétexte. Nauséabond. A vomir.

SPOILER 3 j’ai aimé que Raj voie Bill et que ce dernier sauve la vie du narrateur. Mais j’ai trouvé triste que Raj ne pense pas revenir au club de tennis. Il aimait cet endroit mais ne peut pas revenir à cause de ce qui est arrivé. Il n’a plus confiance en ces « amis » et ne veut pas retourner là où il ne se sent pas le bienvenu. En fin de compte, j’ai eu l’impression qu’ils avaient gagné et que Raj était réduit au silence, chez lui.

Aristotle and Dante Discover the Secrets of the Universe de Benjamin Alire Saenz

Posté : 29 juillet, 2020 @ 2:19 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Contemporaine Aristotle and Dante

Editeur : Simon & Schuster

Année de sortie : 2014 [2012]

Nombre de pages : 359

Titre en français : Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers

Synopsis : Dante can swim. Ari can’t. Dante is articulate and self-assured. Ari has a hard time with words and suffers from self-doubt. Dante gets lost in poetry and art. Ari gets lost in thoughts of his older brother who is in prison. Dante is fair skinned. Ari’s features are much darker. It seems that a boy like Dante, with his open and unique perspective on life, would be the last person to break down the walls that Ari has built around himself.

But against all odds, when Ari and Dante meet, they develop a special bond that will teach them the most important truths of their lives, and help define the people they want to be. But there are big hurdles in their way, and only by believing in each other―and the power of their friendship―can Ari and Dante emerge stronger on the other side.

 

Avis : Je ne m’attendais pas à autant apprécier ce livre !

J’ai eu du mal avec le début de ce roman, notamment avec l’écriture : quelque chose ne fonctionnait pas pour moi avec ce style ce qui m’empêchait d’entrer complètement dans l’histoire – je dois préciser que c’était mon retour à la fiction !

J’ai peu à peu été séduite par la relation d’Aristote et Dante [SPOILER 1] J’ai beaucoup aimé Dante, sa personnalité, le fait qu’il s’accepte – ce qui n’est pas le cas du monde autour de lui. Il a quelques doutes, mais beaucoup moins qu’Aristote, qui, lui, est coincé dans son passé. J’ai beaucoup aimé découvrir peu à peu son histoire, même s’il est parfois dur de se trouver dans la tête d’Ari : il souffre ET il nie. Il n’accepte ni son passé, ni qui il est, ni ce qu’il veut : il est complètement perdu, ce qui rend ses pensées à la fois pénibles et déprimantes à lire.

J’ai aimé la fin : toutes ces révélations et [SPOILER 2] Mais, la résolution arrive beaucoup trop vite pour moi ; j’en attendais un peu plus ! 

 

Donc, un bon livre qui m’a surprise ! 

 

SPOILER 1 : même s’il est clair qu’ils tombent amoureux l’un de l’autre sans se l’admettre, même avant la scène de l’accident pour moi – surtout en ce qui concerne Aristote qui refuse de reconnaître qu’il est amoureux parce qu’être gay ne rentre pas dans son idéal de vie visiblement. 

SPOILER 2 : enfin, Ari accepte son amour pour Dante !! 

Demandez-leur la lune d’Isabelle Pandazopoulos

Posté : 3 avril, 2020 @ 2:17 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Contemporaine, YADemandez-leur la lune

Editeur : Gallimard (Scripto)

Année de sortie : 2020

Nombre de pages : 204

Synopsis : Pour Lilou, Samantha, Bastien et Farouk, le passage en seconde générale vient d’être refusé. Dans un de ces coins de France où même Internet ne passe pas, de quel avenir peuvent-ils rêver ? C’est alors qu’Agathe Fortin croise leur route. Jeune prof de français passionnée, elle propose de les préparer à un concours d’éloquence. C’est la première fois que quelqu’un croit en eux.

 

Avis : Je ne connaissais pas l’existence de ce livre avant qu’il me soit offert par mon amie Aurore ; je la remercie à nouveau !

Après avoir fini My Dark Vanessa, je vous laisse imaginer mon état : complètement déprimée. J’avais besoin d’un rayon de soleil dans toute cette noirceur : est alors arrivé Demandez-leur la lune ! Quatre adolescents vont être inscrits à un concours d’éloquence par leur professeure de français. En tant qu’élève, j’ai participé à des concours d’éloquence ; en tant que professeure, je ne peux qu’imaginer la patience qu’il faut pour motiver les élèves. Mais alors, quand ils sont en échec scolaire et ne veulent pas s’inscrire à l’origine …

Dès le premier chapitre, ce roman m’a happée. Je me suis sentie à la fois proche des élèves, dont le lecteur a le point de vue, et d’Agatha Fortin, la professeure – forcément, c’est mon métier, comment ne pas me sentir proche d’elle ? La fin, notamment, m’a semblé vraiment juste en ce qui la concerne : [SPOILER] elle a aidé ses élèves, elle a été là pour eux quoi qu’il leur arrive et elle s’efface à la fin, elle sort de leur vie, comme avec tous les autres élèves qu’elle a eus avant. Quelle tristesse tout de même, mais une tristesse douce parce que le lecteur sait qu’elle a réussi et qu’elle les laisse en meilleur état qu’elle ne les a trouvés ! [FIN DU SPOILER]. Lilou, Samantha, Bastien et Farouk sont tous touchants à leur manière, sont tous blessés par un élément de leur passé ou de leur vie qui les hante et les empêche d’avancer. Ces adolescents permettent à l’autrice d’aborder quatre thèmes tout à fait différents : je trouve que c’est un risque, en si peu de pages, de vouloir évoquer des sujets aussi complexes et importants. Pourtant, l’autrice s’en tire avec brio : le lecteur est ému, la situation des quatre adolescents le fait réfléchir, le pousse à se rendre compte de ses préjugés et à les dépasser.

[SPOILER] Il fallait, en effet, du courage pour oser traiter de maladie mentale avec la mère de Samantha, de terrorisme avec le frère de Lilou, d’héritage avec Bastien et de migrants avec Farouk. Certaines scènes sont difficiles à lire : la mère de Samantha qui se met à délirer devant tous les parents d’élèves, le lecteur sachant très bien que cela va arriver puisque Samantha a vu des signes avant-coureurs mais est incapable de faire quoi que ce soit pour aider sa mère. Le moment où le titre de séjour de Farouk arrive à expiration et où il est incapable d’expliquer pourquoi il doit rester sans mettre en danger sa famille en Turquie. La fugue de Bastien qui veut continuer à aller à l’école alors que son père lui dit que cela ne sert à rien étant donné qu’il doit reprendre son entreprise. L’isolement de Lilou et sa famille de la communauté parce que son frère est parti faire le djihad en Syrie. Toutes ces situations sont émouvantes et bien traitées par l’autrice : sans rajouts, sans tire-larmes – même si j’ai pleuré, évidemment ! [FIN DU SPOILER]

Restent à louer l’écriture, que j’ai trouvé d’excellente qualité, et le fait que ce roman est très inspirant. Il me rappelle pourquoi j’ai choisi ce métier, pourquoi je l’aime et pourquoi je vais continuer à l’exercer ! 

 

Donc, une petite pépite qui fait pleurer et rire en 200 pages ! 

My Dark Vanessa de Kate Elizabeth Russell

Posté : 3 avril, 2020 @ 2:10 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : ContemporaineMy Dark Vanessa

Editeur : HarperAudio

Année de sortie : 2020

Temps d’écoute : 15h

Synopsis : Exploring the psychological dynamics of the relationship between a precocious yet naïve teenage girl and her magnetic and manipulative teacher, a brilliant, all-consuming read that marks the explosive debut of an extraordinary new writer.

2000. Bright, ambitious, and yearning for adulthood, fifteen-year-old Vanessa Wye becomes entangled in an affair with Jacob Strane, her magnetic and guileful forty-two-year-old English teacher.

2017. Amid the rising wave of allegations against powerful men, a reckoning is coming due. Strane has been accused of sexual abuse by a former student, who reaches out to Vanessa, and now Vanessa suddenly finds herself facing an impossible choice: remain silent, firm in the belief that her teenage self willingly engaged in this relationship, or redefine herself and the events of her past. But how can Vanessa reject her first love, the man who fundamentally transformed her and has been a persistent presence in her life? Is it possible that the man she loved as a teenager—and who professed to worship only her—may be far different from what she has always believed?

Alternating between Vanessa’s present and her past, My Dark Vanessa juxtaposes memory and trauma with the breathless excitement of a teenage girl discovering the power her own body can wield. Thought-provoking and impossible to put down, this is a masterful portrayal of troubled adolescence and its repercussions that raises vital questions about agency, consent, complicity, and victimhood. Written with the haunting intimacy of The Girls and the creeping intensity of Room, My Dark Vanessa is an era-defining novel that brilliantly captures and reflects the shifting cultural mores transforming our relationships and society itself.

 

Avis : Vous savez, je pense, que je ne suis pas une grande fan de l’audio : je n’aime pas qu’on me raconte une histoire, je préfère la lire moi-même, visuellement, sur le papier ! Et pourtant, Scribd m’a tenté avec cet audiobook de My Dark Vanessa, donc je me suis à nouveau laissé tenter …

Je peux résumer en un mot ce que j’ai ressenti après avoir lu ce livre : nausée. Ecouter la narratrice raconter son histoire me donnait envie de me rouler en boule dans un coin, noyée dans mes larmes. J’aurais pu m’y attendre si j’avais correctement lu le synopsis : mais j’en ai un peu marre de me faire spoiler tout un roman en lisant la quatrième de couverture, donc j’ai décidé de lire ce livre à l’aveugle ! Je savais simplement que l’on allait traiter de la liaison entre une élève et son professeur, et que le mot « controverse » avait été employé pour parler de ce livre. J’étais donc intriguée, assez pour retenter l’expérience audio !

Comme je me suis sentie mal en lisant ce roman … [SPOILER] Je ne savais pas que Vanessa ne reconnaîtrait pas que sa relation avec Strane est abusive. Je ne pensais pas qu’elle serait complètement écrasée par le poids de cette relation à ce point, incapable de construire quoi que ce soit et incapable de s’éloigner de lui. Je ne savais pas qu’il serait si dur d’assister à la descente progressive aux enfers d’une jeune fille de 15 ans – oui, je ne savais pas non plus qu’elle avait 15 ans – rêveuse et ambitieuse, démolie jusqu’à être désillusionnée, alcoolique et sans la carrière qu’elle s’était imaginée, refusant encore et toujours d’admettre qu’elle a été abusée. C’était le plus dur : l’entendre nier, essayer de se convaincre que c’était une histoire d’amour – elle dit même cette phrase à un moment donné, ça m’a donné envie à la fois de pleurer et de balancer mon téléphone à travers la pièce ! Il a détruit sa vie et elle ne s’en rend pas compte – ou, plutôt, elle ne veut pas s’en rendre compte – jusqu’à ce que dix-sept ans soient passés ! Elle m’a brisé le cœur … [FIN DU SPOILER] 

Certaines scènes étaient particulièrement difficiles à lire[SPOILER] comme je l’ai dit, Vanessa ne le reconnaît pas, mais Strane la viole. Elle ne veut pas avoir de rapport avec lui, elle a la chair de poule quand il s’approche d’elle, elle ne ressent que du dégoût pour lui dans ces moments-là ! Clairement, c’est de l’abus, et ce sont des viols répétés. [FIN DU SPOILER] J‘avais envie de vomir et d’entrer dans le livre pour tuer Strane. [SPOILER] Je n’ai même pas réussi à ressentir de la sympathie pour lui quand il se suicide. Zéro, rien du tout. [FIN DU SPOILER]

De plus, la relation arrive si tôt dans la vie de Vanessa [SPOILER] que cette liaison et Strane la forment, la façonnent, font d’elle la femme qu’elle devient. Ses goûts littéraires – le roman préféré de Vanessa est Lolita parce que Strane lui a fait lire ; rien que là, j’avais envie de TUER cet homme à mains nues ! -, les hommes qu’elle séduit, la façon dont elle pense, tout vient de lui. C’est d’autant plus difficile pour elle de se détacher de lui et de reconnaître qu’il a été manipulateur et abusive : comment renoncer à tout ce qui fait d’elle qui elle est ? J’ai eu envie de le déterrer et de le massacrer à nouveau ! Petite m**** ! [FIN DU SPOILER]

Ce que j’ai particulièrement aimé chez Vanessa, c’est qu’elle n’est pas un personnage fait pour être aimé : c’est une adolescente qui pense qu’elle est plus intelligente que tout le monde, que personne ne la comprend. Elle colle vraiment bien à l’esprit adolescent. Cela peut agacer ; j’ai personnellement trouvé que ça la rendait d’autant plus attachante. Nous sommes tous passés par cet âge adolescent, nous savons comme il est compliqué de s’adapter à ce nouveau corps, à cette place future dans la société, à tous ces changements physiques, psychologiques et sociaux qui interviennent. J’ai plutôt eu envie de la prévenir, de la prendre dans mes bras, parfois de la secouer aussi, je l’avoue. Mais j’ai ressenti davantage de compassion que d’énervement pour elle. [SPOILER] Même plus tard, alors qu’elle n’a plus 15 ans, dix-sept ans plus tard, elle semble toujours arrogante, toujours convaincue que personne n’a compris Strane à part elle, convaincue qu’elle tenait les rênes de la relation, qu’elle n’était pas manipulée mais qu’elle manipulait Strane, qu’elle pouvait en faire ce qu’elle voulait. Ce sentiment de contrôle est factice quand elle a 15 ans et quand elle en a 32. Le lecteur s’en rend compte lors d’une visite chez Ruby, la psychologue de Vanessa : la jeune femme lui raconte enfin tout et la psychologue est ahurie, non pas par ce que lui apprend Vanessa, mais par la façon dont elle considère cette relation. C’est pendant ce passage que Vanessa dit : I need it to be a lovestory, ce qui laisse le lecteur comprendre qu’elle sait que ce n’en est pas une, mais ne veut pas le savoir. [FIN DU SPOILER] Le lecteur comprend donc que cette arrogance est une attitude : de cette manière – et de cette manière SEULEMENT -, Vanessa est une narratrice peu fiable : elle se dépeint, mais elle ne creuse jamais. Pourquoi pense-t-elle qu’elle était plus intelligente ? Qu’est-ce que cette pensée cache ?

Lire ce livre en audio a clairement apporté quelque chose en plus à ma lecture : j’avais d’autant plus l’impression que Vanessa me racontait son histoire, c’était perturbant et d’autant plus horrible, touchant et DUR ! J’ai adoré la voix de la narratrice : elle m’a fait pleurer quand sa voix s’est cassé lors d’un passage …

 

[SPOILER] Il y a de l’espoir à la fin : Vanessa n’oubliera jamais Strane et ce qui lui est arrivé, cela fait à jamais partie d’elle. Mais elle peut avoir une vie. Elle commence une nouvelle vie : elle a reconnu ce qui est vraiment arrivé et elle tente de construire quelque chose sur de nouvelles bases. Le livre se termine alors qu’elle est encore en thérapie et qu’elle tente de devenir responsable : elle adopte un chien, ce qui illumine visiblement ses journées, malgré les moments de détresse qui reviennent. J’ai aimé que cette fin ne soit pas utopique ou invraisemblable : parce que Vanessa adopte un chien, elle oublie Strane et va courir dans les champs en criant son bonheur. J’ai aimé que ce soit juste, mais qu’il y ait quand même de l’espoir. Ce livre était quand même terriblement déprimant à lire, il fallait qu’il se termine sur une note positive pour le lecteur, un pas en avant pour Vanessa. [FIN DU SPOILER]

[SPOILER] Je pense que je comprends la controverse : certains peuvent lire ce livre en se disant que Vanessa n’a pas été violée parce que, d’après ce qu’elle dit, elle est consentante. Rien qu’en lisant la première scène pendant laquelle Strane et elle ont un rapport, on comprend bien qu’elle ne l’est PAS. D’autres peuvent se dire que c’est nuancé, que ce n’est pas assez clair, qu’il aurait fallu que Vanessa exprime clairement qu’elle a été abusée, qu’elle porte plainte, qu’elle réagisse. Mais je trouve, au contraire, que ce roman incarne à merveille l’état de l’adolescent : il ne sait pas encore ce qui est la norme, il ne sait pas ce qui est limite, ce qu’est le consentement et il fait confiance à un adulte. Strane est un adulte, une figure d’autorité : il devient la norme pour Vanessa, ce qui rend l’abus et le viol d’autant plus IMPARDONNABLES ! Et ce n’est clairement pas non plus une question d’intelligence : Vanessa réfléchit à ce qui lui arrive et c’est si horrible de penser que ce n’est pas ce qu’elle imaginait qu’elle préfère faire confiance à Strane et le suivre ! [FIN DU SPOILER]

 

Donc, je ne peux pas dire que j’ai adoré ce livre, ce serait étrange, étant donné toutes les émotions négatives que j’ai ressenties en le lisant. Il m’a bousculée et il restera avec moi un moment. 

Soif d’Amélie Nothomb

Posté : 8 janvier, 2020 @ 2:39 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : ContemporaineSoif

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2019

Nombre de pages : 152

Synopsis : « Pour éprouver la soif il faut être vivant. »

 

Avis : Je n’arrêtais pas de croiser ce livre depuis sa publication, et je ne l’avais toujours ni acheté ni lu. J’ai enfin sauté le pas !

J’avais entendu pas mal de critiques négatives sur ce livre ; mais, comme d’habitude quand Amélie Nothomb sort un nouveau roman. J’ai toujours envie de me faire ma propre opinion ; mais je dois avouer qu’entendre parler de Jésus m’a un peu rebutée sur le coup. C’est sans doute la raison pour laquelle j’ai mis tant de temps à le lire ! Pourtant, je sais que l’autrice ne pourrait pas écrire un bouquin vraiment religieux. En fin de compte, j’ai ouvert Soif sans attente particulière, en me laissant guider. Je pense que c’est la meilleure façon pour moi de me faire surprendre par un livre, et de l’apprécier, voire de l’adorer. Parce que j’ai adoré ma lecture.

Dès, les premières lignes, j’ai retrouvé l’écriture que j’aime tant, le ton que j’aime, le style que j’aime. Et j’ai été surprise – alors que je n’aurais pas dû l’être, c’est plutôt commun chez l’autrice – de constater que Soif était écrit à la première personne, ce qui fait que nous sommes dans la tête de Jésus. Ceux qui ne savent absolument rien de lui ne le reconnaîtront que lorsque son nom apparaît pour la première fois, page 21. Pour les autres, ils auront peut-être un doute au début : « Tiens, ça me dit quelque chose les Mariés de Cana … » Dans tous les cas, c’est assez surprenant et original de se retrouver dans la tête de ce personnage. Et malgré l’appréhension, je me suis rapidement laissé porter par les paroles, les réflexions de Jésus. J’ai souffert avec lui, j’ai pensé avec lui, et je me suis échouée à la fin du roman, en tournant la dernière page, le cœur gros. Amélie Nothomb est parvenue à écrire un livre sur Jésus qui n’est pas vraiment religieux, un livre qui nous fait réfléchir, un beau livre touchant qui m’a secouée. Je me suis armée de mon crayon pour souligner, écrire, annoter Soif : tant de belles citations à retenir, de vérité parfois.

Jésus est davantage un homme que le fils de « Dieu », même s’il parle parfois à son père. L’autrice reprend à la fois des éléments du mythe et des faits historiques, tout en faisant de l’homme un personnage « réaliste ». Egal à lui-même, il rappelle qu’il faut aimer son prochain, tout en montrant en quoi lui-même a failli. Soif est à la fois un éloge de l’amour et une prise de conscience que Jésus et « Dieu » s’y sont très mal pris. J’ai adoré qu’il réfléchisse lui-même sur la religion, sur son « père », sur la rédemption qu’il est censé apporter à l’humanité. J’ai adoré que Marie-Madeleine soit présente, la façon dont est représentée Marie, celle dont est présenté Judas.

Evidemment, le lecteur lit toute la passion du Christ, des passages assez douloureux à lire, que ce soit le chemin à parcourir avec la croix sur le dos, la rencontre de sa mère sur le chemin, la crucifixion, la présence de Madeleine, la mort … Et, comme dans tous les romans d’Amélie Nothomb, le titre finit par prendre tout son sens à un moment du roman : [SPOILER] Jésus refuse de boire avant de partir pour être exécuté. Il ressent donc la brûlure de la soif sur la croix ; juste avant, alors qu’il est dans sa cellule, il explique ce qu’est la soif, ce qu’elle représente, ses réflexions sur elle, le fait qu’elle permette de se sentir vivant, et que l’étancher est un tel plaisir après une longue exposition aux affres de la soif. Cela m’a fait penser aux réflexions sur la faim dans Biographie de la faim. La soif, elle, ne peut jamais être étanchée complètement, il n’y a pas de verbe équivalent à « rassasier » pour elle. Elle n’est jamais satisfaite. Cela permet à Jésus de supporter la douleur, car la soif est plus grande, et aussi de connaître un dernier moment de bonheur quand le soldat lui donne à boire avec une éponge. [FIN DU SPOILER] 

Mais, ce qui m’a particulièrement conquise dans ce livre, c’est sa fin. Cette vision de la mort était si paisible, si apaisante … J’avais envie de serrer l’autrice dans mes bras tant ses mots me faisaient du bien. Je ne peux pas tellement vous en dire plus, ce deviendrait trop personnel. Je ne peux que vous recommander de lire Soif

 

Donc, sans doute un de mes préférés d’Amélie Nothomb, ou, en tout cas, un de ceux qui m’ont le plus touchée. 

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