Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Hors champ de Sylvie Germain

Posté : 18 mars, 2015 @ 8:30 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Hors champGenre : Contemporaine

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2012

Nombre de pages : 185

Synopsis : En l’espace d’une semaine, Aurélien, un homme ordinaire, va progressivement disparaître. Il est de plus en plus hors champ, perdant jusqu’à sa voix, son odeur et son ombre. Au fur et à mesure de cette genèse à rebours, il sort aussi de la pensée et de la mémoire des autres, même de ses proches. Cet effacement intensif s’opère au grand jour, dans l’agitation de la ville, à l’aune de tous les naufragés qu’on ne regarde plus et qui ne comptent pour personne.

 

Avis : Ce livre m’a été prêté sans que je m’y attende. Je ne connaissais pas du tout l’auteure, je l’ai donc découverte à travers cette œuvre.

Le synopsis m’a intrigué. Je trouve l’idée très originale : un homme qui disparaît peu à peu de la vie de tous, et même de la vie en général, qui n’a plus de matérialité, plus de consistance, plus d’impact sur le monde. J’avais hâte de voir comment l’auteure avait rendu cet effacement progressif. Et, grâce (ou à cause) du synopsis, on sait déjà ce qui va advenir, ce que le personnage va vivre. Reste à savoir comment tout cela va s’opérer.

On commence par entrer dans la vie d’Aurélien, ainsi que celle de Biedronka et Joël. Tout est tout d’abord normal. On découvre la vie du « frère » du personnage principal, et le livre m’a tout de suite intéressé grâce à la vision qu’il donne du lecteur : un invité de l’auteur, quelqu’un qui peut faire ce qu’il veut du texte, et sur lequel l’écrivain n’a aucune prise, même s’il tente de lui donner des pistes à suivre. J’ai aussi eu l’impression que c’était une façon pour l’auteure de nous dire de lire son livre comme nous le désirions : comme une histoire fantastique, un roman un peu étrange, ou une métaphore de toutes ces personnes que l’on oublie, qui s’effacent jour après jour sous nos yeux. D’ailleurs, l’allusion aux clochards et aux marginaux peut renforcer cette lecture. Il est également possible d’y voir une métaphore des gens qui s’effacent parce qu’ils ne font rien de spécial dans la vie, parce qu’ils se sentent inutiles. Le lecteur prend donc une voie de lecture, comme il est invité à le faire par l’auteure implicitement. Autre chose : l’auteure écrit très bien. Elle utilise parfois des mots compliqués, mais la qualité de sa langue est évidente. De plus, la mise en page des jours est assez intéressante, et représente bien l’histoire d’Aurélien. Aussi, certains passages m’ont vraiment émue : j’ai senti tout le désarroi de la situation, la tristesse profonde d’une disparition progressive dont personne ne se rend compte. J’ai parfois ressenti un sentiment de malaise, dérangeant, envahissant, et je me suis mise dans la peau d’Aurélien : c’est assez insupportable de s’identifier à lui.

Concernant les personnages, Aurélien est le principal, alors même qu’il disparaît. En effet, s’il s’efface de la vie, s’il devient flou, il est le centre de ce livre, ce qui est assez paradoxal. Il est parfois troublant de s’identifier à lui, parce que l’on a parfois vécu ce genre de situation où l’on a l’impression de ne pas exister parce que l’on n’est pas écouté, parce que l’on est ignoré, parce que personne ne fait attention à nous. Il m’a parfois fait pitié, parce qu’il tente tout pour ne pas s’effacer. Il perd toute sa vie, tous ses proches, Clothilde, Biedronka, Joël, ses amis, Maxence, Anaïs, Thibaud. Il ne comprend pas ce qui lui arrive, et la réalité de sa situation le frappera d’autant plus fort. J’ai beaucoup aimé le personnage de Joël : passé d’un jeune homme qui avait l’avenir devant lui, plein d’espoir, de rêves et d’idées, à un homme brisé dans un fauteuil, qui ne peut parler normalement, et dont les idées, les rêves et l’avenir se sont échappés. Son journal, retrouvé par Aurélien, semble profond, et promettait un homme radieux. Et, envers Aurélien, il est dans une situation particulière tout le long du livre, une situation qui m’a touchée jusqu’à la fin. Clothilde semble cruelle tant elle évite le personnage principal qui vibre d’amour pour elle. C’est parfois vraiment émouvant. Les sentiments qu’il a pour elle nous la font apprécier : elle est décrite comme douce, amoureuse, drôle et pleine d’humour, alors même qu’elle nous paraît tout le contraire. Les autres personnages semblaient également sympathiques vus par les yeux d’Aurélien, bien qu’elles ne le semblent pas dans le livre, étant donné leur attitude envers lui qui n’est plus qu’un mirage.

La fin, concernant Aurélien, était d’un côté évidente, et de l’autre choquante. On aurait pu s’attendre à autre chose, et, en même temps, c’était prévisible. Pour les autres personnages, je l’ai trouvé assez triste. Ils ont perdu quelqu’un sans le savoir, l’ont complètement oublié, et pourtant, peut-être reste-t-il quelque chose de lui en eux ?

 

En définitive, un livre intéressant, émouvant, qui nous met mal à l’aise et qui nous laisse une impression amère de tristesse en plus de nous forcer à réfléchir sur nos vies.

Hygiène de l’assassin d’Amélie Nothomb

Posté : 29 janvier, 2015 @ 10:42 dans Avis littéraires, Coup de cœur | 2 commentaires »

Hygiène de l'assassin Genre : Contemporaine

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2012

Nombre de pages : 222

Synopsis : Prétextat Tach, prix Nobel de littérature, n’a plus que deux mois à vivre. Des journalistes du monde entier sollicitent des interviews de l’écrivain, que sa misanthropie tient reclus depuis des années. Quatre seulement vont le rencontrer, dont il se jouera selon une dialectique où la mauvaise foi et la logique se télescopent. La cinquième lui tiendra tête, il se prendra au jeu. Si ce roman est presque entièrement dialogué, c’est qu’aucune forme ne s’apparente autant à la torture. Les échanges, de simples interviews, virent peu à peu à l’interrogatoire, à un duel sans merci. Dans ce premier roman d’une extraordinaire intensité, Amélie Nothomb manie la cruauté, le cynisme et l’ambiguïté avec un talent accompli.

 

Avis : Cela fait longtemps que je veux lire ce livre, et j’avais vraiment besoin d’une pause après ma dernière lecture : Cosmos, qui m’a vraiment laissé une très mauvaise impression, et une envie irrésistible de lire un livre que j’aimerais vraiment. Et, bien que j’aie un peu peur parfois avec les romans d’Amélie Nothomb, je sais qu’ils sont toujours exceptionnels et surprenants ! La couverture est assez mystérieuse, comme son titre : les deux prennent tout leur sens à un moment donné !

L’idée d’un livre construit exclusivement sur un dialogue m’a vraiment intrigué et donné envie de découvrir Hygiène de l’assassin. Et je peux dire que je n’ai pas été déçue ! L’histoire est simple : un écrivain à succès, prix Nobel de littérature, va bientôt mourir d’une maladie au nom imprononçable, la maladie d’Elzenveiverplatz. Pour cette raison, des tas de journalistes tentent d’obtenir une interview de ce génie condamné. Ainsi, le livre est composé de cinq parties pour les cinq entrevues que Prétextat Tach va accorder à cinq personnes. Les quatre premières sont assez courtes comparées à la dernière, puisque celle-ci fait plus de la moitié du livre. Je me suis beaucoup amusée à lire les premières : j’ai beaucoup ri aux réponses spontanées de l’écrivain, réponses qui montrent la stupidité des journalistes, qui posent tous des questions que Prétextat Tach tourne en dérision. La cruauté et l’ironie de ses réponses m’ont tellement surprise, je ne m’y attendais tellement pas, que j’ai parfois éclaté de rire (et je suis un peu passée pour une folle quand des gens m’entendaient …). Ce livre a été écrit très intelligemment. Et comme pour tous les livres d’Amélie Nothomb, j’ai adoré cette écriture. A la fois poétique, drôle, acerbe, cruelle. J’y ai un peu retrouvé Journal d’Hirondelle, mon livre préféré de l’auteure, à la fois pour la « poésie » et pour l’histoire de Prétextat. C’est un autre genre tout de même ! La dernière interview m’a moins fait rire, mais elle était plus profonde. Tout se dénoue à cet endroit. On découvre le cœur de l’histoire, surtout celui de celle de Prétextat Tach. En fait, ce livre est un de mes préférés de l’auteure, au même titre que Stupeur et tremblements, Ni d’Eve ni d’Adam, un peu moins de Journal d’Hirondelle, qui dépasse tout !

Concernant les personnages, j’ai à la fois apprécié et détesté Prétextat Tach. Apprécié parce qu’il m’a fait rire. Détesté parce qu’il est franchement détestable : misogyne, raciste, pédant, arrogant, imbu de lui-même et j’en passe. Il pense que ce qu’il dit est parole d’évangile, que personne peut ne pas être d’accord avec lui. Il est cruel, et fait plier tous ceux qui croisent son chemin. Je n’ai pas trop réussi à l’imaginer physiquement : il a l’air assez affreux, vu comment il est décrit et comment il se décrit lui-même. Quant aux quatre premiers journalistes, ils sont aussi bêtes les uns que les autres. Ils se font avoir comme des bleus par l’intelligence de l’écrivain qui les balade comme jamais ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas ri d’aussi bon cœur ! Enfin, j’ai apprécié la dernière journaliste, le dernier personnage présent dans le livre. Il est facile de s’identifier à elle parce qu’il est fort probable qu’on pense à peu près comme elle, si pas complètement comme elle ! Elle veut simplement démasquer le grand écrivain, découvrir ce qu’il cache depuis plus de soixante ans. Et je dois avouer que je ne m’attendais pas du tout à cette histoire. La première partie du livre nous met un peu sur une mauvaise piste ; on ne s’attend pas à ce que la deuxième partie va nous offrir, ce qui rend le livre d’autant plus surprenant et intelligent. Après avoir détendu le lecteur, l’auteure lui présente une histoire qui le happe, qui le fascine et le révulse à la fois. Et c’est aussi ce que j’adore chez Amélie Nothomb !

Ce livre m’a aussi fait réfléchir sur la lecture et, notamment celle des auteurs à succès. Prétextat Tach donne une définition effrayante du lecteur, et je me suis posée la question de savoir si je ressemblais à cela, ou si j’étais de l’autre genre, si rare selon lui. Puis, je me suis rendue compte que je faisais tout pour lire attentivement, et même vivre mes livres. Et je ne pense pas que la lecture puisse être catégorisée de cette façon, aussi radicalement. Chacun a sa manière de lire, et il me semble que le texte peut vivre seul : il échappe à son auteur une fois qu’il est publié, c’est la raison pour laquelle il peut parfois être très mal interprété … De plus, quand un auteur à succès sort un livre, celui-ci est forcément génial. On ne remet pas en cause la valeur de ce qu’il écrit, c’est forcément bon. Ce livre semble dire qu’il faudrait parfois remettre en cause ce qui est dit. Ce qui est écrit n’est pas forcément bon parce qu’il porte le nom d’un auteur célèbre. C’est le texte qu’il faut juger, pas l’auteur. En tout cas, c’est ce à quoi ce livre m’a fait penser …

Quant à la fin, elle est assez surprenante ! Je m’attendais à ce qui est révélé, avec toutes les allusions successives (c’est tout de même assez choquant), mais je ne m’attendais pas du tout à l’action finale ! C’était très bien imaginé, et assez logique en fin de compte.

 

En définitive, un excellent livre, à l’histoire simple, mais très intelligent et bourré d’humour, et à l’écriture à la fois cruelle et poétique, ironique et cruelle. Une de mes œuvres préférées d’Amélie Nothomb !

La condition pavillonnaire de Sophie Divry

Posté : 12 janvier, 2015 @ 11:55 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

La condition pavillonnaire Genre : Contemporaine

Editeur : Notabilia

Année de sortie : 2014

Nombre de pages : 263

Synopsis : La condition pavillonnaire nous plonge dans la vie parfaite de M.-A., avec son mari et ses enfants, sa petite maison. Tout va bien et, cependant, il lui manque quelque chose. L’insatisfaction la ronge, la pousse à multiplier les exutoires : l’adultère, l’humanitaire, le yoga, ou quelques autres loisirs proposés par notre société, tous vite abandonnés. Le temps passe, rien ne change dans le ciel bleu du confort. L’héroïne est une velléitaire, une inassouvie, une Bovary … Mais pouvons-nous trouver jamais ce qui nous comble ? Un roman profond, moderne, sensible et ironique sur la condition féminine, la condition humaine. Sophie Divry est née en 1979 à Montpellier. Elle vit actuellement à Lyon. Après La Cote 400, traduit en cinq langues, La condition pavillonnaire est son troisième roman. « Car ces coïts te donnèrent bientôt le sentiment ; après avoir préparé le repas, débarrassé la table, rangé la cuisine et couché les enfants ; vu que tu n’y trouvais pas de libération, ni n’en recevais de merci ; le sentiment de faire un deuxième service. »

 

Avis : J’avais été prévenue que ce livre était fort, et qu’il ne fallait pas le lire n’importe quand au cours de sa vie. Après lecture, je confirme : ce n’est pas à mettre entre toutes les mains, ni à n’importe quel moment !

On est averti dès le synopsis que ce ne sera pas une lecture facile. Je l’ai même trouvé très laborieuse parfois : non pas à cause du vocabulaire employé, mais à cause des émotions que l’on ressent lorsque l’on lit ce livre. On se sent tour à tour joyeuse, triste, désespérée, et l’on se pose de nombreuses questions à propos de soi et de la vie. Cet ouvrage s’ouvre sur une constatation générale qui implique directement le lecteur dans le « nous » utilisé. Le narrateur présente en même temps le personnage, une femme, dont on ne connaîtra jamais le prénom complet. Par la suite, le livre n’est écrit qu’à la deuxième personne du singulier : le narrateur ne cesse de parler à son personnage. Cela donne une impression très forte sur le lecteur : j’ai eu la sensation qu’il s’adressait à moi pendant toute ma lecture, je me suis donc identifiée à M.A., je me suis glissée dans sa peau. J’ai eu le sentiment de vivre une autre vie, et c’est d’abord ce que j’aime dans ce livre. C’est ce que l’on devrait toujours ressentir en lisant : c’est un réel plaisir d’être ainsi transporté dans un monde qui pourrait être le nôtre mais qui ne l’est que dans notre imagination (et pour celui-ci, heureusement !). Cette vie que nous présente le narrateur pourrait être celle de n’importe quelle femme. Elle commence par son enfance, évolue vers l’adolescence et arrive bientôt dans l’âge adulte. Cette partie est, bien sûr, la plus longue. Et la plus douloureuse. Quand M.A. pensait vivre une vie extraordinaire, elle est déçue par celle qu’elle vit réellement. Tout lui paraît fade, rien n’est à la hauteur de ce qu’elle imaginait. Et à cause de cette insatisfaction constante, je dois dire que c’est un des livres qui m’a le plus déprimée. Cette vie, n’importe qui pourrait l’avoir, et n’importe qui pourrait ressentir exactement les mêmes choses. J’espère sincèrement que je ne me sentirais jamais comme ça de ma vie …

L’écriture est très bonne, la deuxième personne du singulier est une excellente idée qui aspire littéralement le lecteur dans le livre. Parfois, l’auteur place des descriptions d’objets ou d’évolutions de la société en plein milieu d’un passage narratif. Parfois, c’est assez frustrant, par exemple, dans la scène où M.A. hésite à entrer dans le bureau de Philippe. Mais cela nous fait aussi comprendre, après coup, que la société change peu à peu au cours de la vie des personnages. J’ai vraiment eu l’impression de voir leur vie passer.

Le personnage est donc une Emma Bovary moderne. Elle s’ennuie, ne trouve rien d’exaltant dans sa vie et cherche des distractions qui finissent par l’ennuyer. Ses proches ne trouvent pas la place qu’ils méritent auprès d’elle, qui cherche toujours mieux. Dans son adolescence, elle rêve une vie qu’elle ne se donne pas les moyens de vivre, et, lorsqu’il est trop tard, elle le regrette. Elle vit dans l’expectative, attendant, et ne vivant jamais vraiment. Elle m’a beaucoup attristé parfois, et m’a aussi beaucoup fait peur : c’est terrifiant de s’imaginer à sa place. J’ai parfois eu envie d’arrêter ma lecture, mais j’étais trop curieuse de savoir ce qui (n’) allait (pas) lui arriver ensuite. Je me suis attachée à elle, évidemment – comment ne pas s’attacher à un personnage si proche de nous par l’écriture ? -. Son mari, François, vu exclusivement par ses yeux, est assez ambivalent. Elle l’aime à la folie quand ils sont adolescents, puis finit par être désillusionnée quand ils emménagent ensemble, puis ont des enfants. Puis arrive leur vieillesse, où elle ne se rend toujours pas compte des qualités de son mari, qualités qui lui manqueront quand elle en aura besoin. Je me suis également attachée à ce personnage, qui m’a touché, malgré la vision que sa femme a de lui. En revanche, je ne me suis pas attachée – et même pas du tout – aux enfants et aux petits-enfants de M.A. J’étais complètement absorbée dans la vie du personnage et je suis passée complètement à côté d’eux. Chloé, l’amie de M.A., est attachante. Mais leur relation m’a semblé un peu superficielle …

Ce livre fait vraiment réfléchir sur la vie. Je me suis posée des tas de questions. A un moment, c’était tellement laborieux que je me suis jurée de ne pas vivre une vie comme ça. Mais la fin donne une tout autre tonalité au livre, et c’est encore plus désespérant. Je ne sais pas si tous les lecteurs de ce livre ont ressenti la même chose, il faudrait que l’on en discute, mais cela m’a frappé. J’avoue ne pas avoir pu retenir mes larmes quand le livre se termine. C’était vraiment un poignard dans le cœur. Et c’est aussi pour ces larmes – il y a bien longtemps que je n’ai pas pleuré en lisant – que « j’aime » ce livre – je ne sais pas si l’on peut vraiment aimer ce livre. On peut apprécier l’écriture et se fondre dans l’histoire, mais « aimer » … -. Il nous fait vraiment ressentir les émotions à l’état brut. Je pense que je ne me suis jamais sentie aussi mal face à un livre.

 

En définitive, un livre très bien écrit, qui fait réfléchir et ressentir des tas d’émotions diverses, où prédomine tout de même la tristesse et l’impuissance. 

Gilles & Jeanne de Michel Tournier

Posté : 29 décembre, 2014 @ 3:37 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Gilles & Jeanne Genre : Contemporaine

Editeur : Folio

Année de sortie : 1985

Nombre de pages : 152

Synopsis : Comment Jeanne d’Arc, si lucide, au bon sens si fort, a-t-elle pu accepter pour compagnon ce Gilles de Rais dont la monstruosité continue à révolter et à fasciner, un demi-millénaire après son supplice ? A cette question – toujours esquivée ou laissée pendante par les historiens -, Michel Tournier tente de répondre : et si Gilles de Rais n’était devenu un monstre que sous l’influence de Jeanne ? Et s’il avait remis son âme entre ses mains pour le meilleur et pour le pire ? Pour le meilleur : libération d’Orléans, victoire de Patay, sacre de Charles VII. Pour le pire : blessure, capture, procès, condamnation par l’Eglise, bûcher. Gilles de Rais a suivi Jeanne jusqu’au bout, jusqu’à la sorcellerie, jusqu’au bûcher sur lequel il est monté neuf ans après elle.

 

Avis : Bien que je connaisse Jeanne d’Arc et Gilles de Rais, je n’avais jamais fait le rapprochement entre eux, et je ne pensais vraiment pas qu’ils se connaissaient et qu’ils étaient si proches. Ce livre m’a donc déjà étonné par cet aspect.

Le livre commence avec la rencontre entre les deux personnages : le roi vient d’entendre parler de Jeanne d’Arc et la reçoit. Gilles de Rais est présent, et est chargé de s’occuper de la jeune fille avec un autre de ses compagnons. Gilles suivra ensuite Jeanne partout ; il vient même pour la sauver à Rouen, où il ne fait qu’assister à sa mise à mort sur le bûcher. Ainsi, la première partie du livre, si j’ose dire, est consacré à la relation entre Gilles et Jeanne du vivant de la jeune fille. Pour lui, il semble qu’elle est comme un ange, qu’elle n’a pas de sexe. Il veut la suivre partout, que ce soit au paradis ou en enfer. C’est pourquoi il est toujours présent à ses côtés. Lorsque Jeanne meurt, le lien ne se brise pas : Gilles parle toujours d’elle, et la cherche dans autrui. Il se demande comment la suivre encore, alors qu’elle n’est plus là, comment marcher dans ses pas. Il prend alors un chemin qui m’a vraiment étonnée. Le livre raconte ainsi sa descente aux enfers pour la retrouver, pour la suivre, parce qu’il pense que c’est le seul moyen de marcher dans ses pas. Je ne connaissais pas du tout cet aspect de l’histoire de Gilles de Rais et, aussi en une certaine mesure, de l’histoire de Jeanne d’Arc. Je n’avais fait que survoler leur vie sans chercher dans le détail. Ce livre m’en a donc appris beaucoup, et je pense me renseigner encore. Concernant l’écriture, j’ai eu un peu de mal parfois. J’ai dû relire certaines phrases pour bien les comprendre parce que les tournures étaient étranges. Ma lecture n’a donc pas été très fluide, et cela m’a un peu gênée. Enfin, le récit de la vie de Gilles de Rais après la mort de Jeanne et de ce qu’il peut faire avec des enfants est toujours sous-jacent mais jamais explicite tout le long du livre. On se doute, mais rien n’est dit, à part à la fin.

Concernant les personnages, celui de Jeanne d’Arc disparaît rapidement, mais l’on peut facilement se faire une idée dessus. C’est une jeune fille pure, guerrière, sûre d’elle, qui se bat pour son pays, et que le roi va laisser tomber. Son ingratitude m’a un peu indigné : c’est tout de même grâce à elle qu’il est monté sur le trône. Et pourtant, il ne fera rien pour la sauver de son sort. C’est aussi une jeune fille étrange et mystérieuse : comment explique-t-on qu’elle entendait des voix ? et qu’elle se savait en sursis ? Tout cela était-il bien réel ? Etait-elle folle ? Ces questions resteront sans doute sans réponses, mais je n’ai pu m’empêcher de me les poser. Quant à Gilles de Rais, on ne saurait dire, au tout début du livre, qu’il tournerait de cette façon. Il semble tellement attaché à Jeanne d’Arc, qu’il voit comme un ange, comme une sainte ! Et pourtant, lorsqu’il se confesse à Blanchet, on comprend que quelque chose de sombre vit aussi en lui, quelque chose qu’il réprime avec Jeanne, mais qui s’éveillera à sa mort. En effet, quand la jeune fille disparaît, le seigneur ne sait plus comment agir, et commet des crimes atroces qui l’éloigne de Jeanne au lieu de l’en rapprocher. Il pense emprunter une voie qui le mènera à elle. C’est aussi un homme complètement manipulé par Prelati, qui lui fait faire des choses ignobles dans le but, dit-il, de rejoindre Jeanne.

La fin, où les crimes de Gilles de Rais sont décrits, m’a vraiment dégoutée. Je ne pensais pas que je le serais autant. Sa dernière réaction à ces accusations m’a aussi beaucoup surprise. La réflexion de Prelati sur la béatification et la canonisation est un peu effrayante : il compare vraiment Gilles et Jeanne car les deux personnages sont accusés de sorcellerie et sont brûlés sur le bûcher. Les crimes du seigneur sont tout de même bien plus graves que ceux de la jeune fille. Et le cri poussé par Gilles sur le bûcher fait écho à celui de Jeanne, mais il a une dimension de plus qui m’a serré le cœur.

 

En définitive, un bon livre, qui m’a appris pas mal de choses, mais dont l’écriture m’a un peu gênée.

La chance que tu as de Denis Michelis

Posté : 28 novembre, 2014 @ 10:27 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

La chance que tu as Genre : Contemporaine

Editeur : Stock

Année de sortie : 2014

Nombre de pages : 153

Synopsis : « Ici au moins, il est au chaud. Ici au moins, il est payé, nourri, blanchi. Ici au moins, il a du travail. L’enfermement le fait souffrir certes, mais pense un peu à tous ceux qui souffrent vraiment. Ceux qui n’ont plus rien. Alors toi, tu as une situation et un toit où dormir, ça n’est pas rien tu sais. Et tu oses te plaindre. »

 

Avis : J’ai reçu ce livre de l’auteur en novembre, mais je n’ai pas pu le livre tout de suite, malheureusement. Je me suis dit qu’il fallait que je trouve du temps, ce que j’ai fait aujourd’hui, et je ne le regrette pas !

Avant toute chose, je voulais dire que j’ai trouvé très innovante la façon de représenter l’auteur : avec des mots, comme s’il en était constitué. C’est une belle façon de représenter un écrivain je trouve, c’est aussi comme s’il mettait une part de lui-même dans son œuvre.

J’ai vraiment été scotchée par ce livre ! Je ne savais pas à quoi m’attendre, et je pense que c’est mieux : les mots ont plus d’impact quand on ne s’attend pas à les lire. C’est exactement la même chose quand je lis Amélie Nothomb : je ne m’attends jamais à ce qu’elle va me raconter, je suis souvent surprise, et c’est aussi ce que j’aime dans la lecture. J’ai lu ce livre en une après-midi, et même, en deux heures peut-être ! Il se lit très vite, et c’est vraiment un choc, il nous bouscule complètement ! J’ai été dérangée par ma lecture, et ça faisait longtemps que cela ne m’était pas arrivé à ce point-là ! Le style d’écriture, ainsi que l’écriture elle-même, m’a beaucoup plu, on est peut-être un peu perdu au début, parce qu’on entre directement dans la vie du personnage principal, dont on ne connaît pas le nom ! Mais ça ne dure pas longtemps, on s’habitue, et on plonge dans l’aventure du héros, qui n’en est pas vraiment un …

L’ambiance du domaine est très particulière, malsaine. Et je ne m’attendais pas du tout à ça. Quand on y entre, on comprend déjà que ce ne sera pas une partie de plaisir pour le protagoniste. Mais lui ne semble pas s’en rendre compte tout de suite. Et ce qu’il vit là-bas m’a donné des frissons parfois. J’ai vraiment été horrifiée et dérangée par certaines choses qui lui arrivent. Mais comment peut-il laisser faire ça ?! Et les autres ?! J’avais parfois envie de les secouer tous ! Il en oublie la réalité, l’extérieur, le temps qui passe, et nous aussi nous l’oublions, dans la réalité et dans le livre ! Le domaine parvient à lui faire subir un véritable lavage de cerveau, il ne se souvient plus de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est plus. C’est vraiment terrifiant quand on se met à la place du protagoniste …

Dès le début, un flou s’installe sur les personnages, autant sur le protagoniste que sur ses parents. On ne sait absolument rien d’eux, qui ils sont, d’où ils viennent, ce qu’ils font, pourquoi ils le font. Ce sont de parfaits inconnus, que l’on apprend à « connaître ». Le protagoniste ne semble même pas savoir lui-même qui il est, ce qui nous laisse tout loisir pour imaginer les histoires les plus folles. Comment se retrouve-t-il là ? Tout le long de l’œuvre, il semble complètement perdu. J’ai parfois eu pitié de lui (et même souvent !) ce qui me l’a attaché d’une certaine manière. J’avais envie que quelqu’un lui vienne en aide. J’avais l’impression qu’il ne s’en sortirait jamais … A l’entrée du protagoniste au domaine, on découvre des personnages plus étranges les uns que les autres. Virge, Véronika, le Chef, Calixte, Parquerette … Tous autant d’inconnus que l’on tente de cerner, et dont on découvre seulement, pour certains, la cruauté (qui est de taille d’ailleurs !), pour d’autres, l’indifférence. C’est tout ce que l’on sait d’eux. Rien ne nous permet de nous attacher à eux, évidemment. Et même, j’ai tenté de m’en détacher le plus possible.

La fin est assez inattendue et assez brutale. Je ne m’y attendais pas-du-tout ! C’était vraiment très surprenant, et en même temps, je me suis demandée ce qui se passait ensuite ! Cela peut mal finir comme cela peut bien finir, je me suis posée la question et je reste partagée.

 

En définitive, un livre frappant, qui nous fait réfléchir et, finalement, on se dit que c’est nous qui avons de la chance ! J’espère que je vous ai donné envie de le lire !

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