Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

L’amant de Marguerite Duras

Posté : 12 août, 2016 @ 10:35 dans Avis littéraires | 2 commentaires »

Genre : Autobiographie L'amant

Editeur : Les Editions de Minuit

Année de sortie : 1984

Nombre de pages : 142

Synopsis : Roman autobiographique mis en image par Jean-Jacques Annaud, L’amant est l’un des récits d’initiation amoureuse parmi les plus troublants qui soit. Dans une langue pure comme son sourire de jeune fille, Marguerite Duras confie sa rencontre et sa relation avec un rentier chinois de Saigon. Dans l’Indochine coloniale de l’entre deux-guerres, la relation amoureuse entre cette jeune bachelière et cet homme déjà mûr est sublimée par un environnement extraordinaire. Dès leur rencontre sur le bac qui traverse le Mékong, on ressent l’attirance physique et la relation passionnée qui s’ensuivra, à la fois rapide comme le mouvement permanent propre au sud de l’Asie et lente comme les eaux d’un fleuve de désir. Histoire d’amour aussi improbable que magnifique, L’amant est une peinture des sentiments amoureux, ces pages sont remplies d’un amour pur et entier.

 

Avis : Je n’avais jamais lu de roman de Marguerite Duras, et je me suis dit que ce serait bien de tenter l’expérience. J’ai commencé par celui dont j’entendais le plus parler.

Dès le début, j’ai su que j’aurais du mal. L’auteure a d’abord une façon d’écrire très spéciale que je n’ai pas du tout aimé : elle mixe la première et la troisième personne du singulier ; elle fait de nombreux retours en arrière, parle de plusieurs choses à la suite sans ligne chronologique, comme si elle se souvenait et qu’elle désirait en parler, elle mêle ainsi plusieurs sujets, son amant, son petit frère, sa mère, cela donne un récit décousu et peut-être un peu difficile à suivre ; elle emploie le futur pour parler du passé, ce que je n’avais jamais vu faire avant ; certaines structures de phrases sont assez étranges, c’est sans doute fait exprès, mais ça n’en est pas moins bizarre. L’histoire, ensuite, raconte une période de la vie de la narratrice en Chine, vie avec sa famille mais aussi avec son amant, un Chinois dont on ne connaît pas le nom. Cette histoire d’amour peut paraître dérangeante, puisque le mot « prostituée » est employé plusieurs fois, mais c’est surtout la tournure qu’elle finit par prendre qui m’a gênée, la façon dont l’amant finit par considérer la jeune fille (appelée « la petite fille », ce qui est encore pire !) Les seules choses que j’ai appréciées : la réflexion sur l’immortalité que l’on prête aux êtres aimés, ainsi que la fin, où l’amour semble présent, et que j’ai trouvé touchante.

La narratrice est une jeune fille de quinze ans qui, un jour, est abordée par un Chinois qui lui dit qu’elle est belle. La différence de couleur de peau, à l’époque en Chine, met déjà une barrière entre eux ; celle-ci est franchie peu à peu, plutôt rapidement. Finalement, le Chinois devient l’amant. Les scènes sont assez brèves, peut-être gênantes parfois. La réputation de la jeune fille s’entache rapidement, elle est vite isolée. Elle semble devenir mature plus rapidement que les autres filles autour d’elle, surtout Hélène Lagonelle, qui semble très enfantine à côté d’elle. La narratrice est un peu livrée à elle-même ; sa mère ne paraît pas savoir vraiment quoi faire pour l’éduquer convenablement. Sa misère est sans cesse mise en avant ; pauvre, elle veut que sa fille fasse des études, qu’elle s’en sorte. Ses deux frères ferment le quatuor de la famille, le père étant décédé. L’aîné est une vraie brute, incapable de « bons sentiments », tourné vers le vol, même au sein de sa famille, vers la violence. Le plus jeune paraît fragile, chétif à côté de lui. Il semble aussi plus jeune que la narratrice, ce qui n’est en réalité pas le cas. Il représente pour elle quelque chose de plus grand que lui-même. L’amant, enfin, semble désespérément amoureux de la jeune fille, une espèce de coup de foudre en pleine rue, et sans tenir compte de son âge. Il ne veut pas la déshonorer, il semble l’aimer sincèrement ; c’est elle qui doit prendre la décision, sans quoi lui ne la prendra jamais. Désireux de l’épouser, il est soumis à l’autorité de son père, qui refuse catégoriquement un mariage entre son fils et une blanche. Il m’a fait de la peine, même si j’ai été gênée par sa façon de considérer la jeune fille à la fin de leur relation.

La fin est plutôt belle, je l’ai appréciée par rapport au reste du livre. La narratrice est parvenue à faire ce qu’elle voulait, et elle reste aimée.

 

Donc, un livre que je n’ai globalement pas apprécié, un style particulier, sans doute novateur, mais que je ne suis pas parvenue à aimer.

 

Biographie de la faim d’Amélie Nothomb

Posté : 8 juillet, 2016 @ 11:11 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Biographie de la faim Genre : Autobiographie, Contemporaine

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2013

Nombre de pages : 190

Synopsis : L’auteur de Stupeur et tremblements (Grand Prix du roman de l’Académie française 1999) et de Métaphysique des tubes fait revivre ses souvenirs d’enfance au Japon et en d’autres lieux où l’a conduite la carrière de son père diplomate. Au cœur du kaléidoscope : sa faim. Le mystère de la faim, goinfre, joyeuse ou tragique et angoissante, quête perpétuelle d’un accomplissement inaccessible. Un récit pudique et sincère, qui manie l’humour noir et la provocation.

 

Avis : J’avais laissé ce livre de côté, un peu à cause du titre, qui ne m’inspirait pas vraiment. Et puis, je me suis lancée !

Quelle bêtise de l’avoir écarté si longtemps ! Ce livre est un véritable coup de cœur. J’ai un peu tiqué à la lecture des premières pages ; puis, l’écriture d’Amélie Nothomb m’a à nouveau convaincue, et je me suis très vite laissée porter. C’était un véritable voyage qui représente l’enfance et l’adolescence de l’auteure : on passe par de nombreux pays, que l’on voit à travers les yeux de l’enfant qu’était l’écrivain à l’époque. D’abord le Japon, terre adorée entre toutes, terre de liberté, endroit sacré ; puis la Chine, opposé complet du premier pays qui entraîne de nouvelles découvertes ; les Etats-Unis, et surtout New-York, lieu d’ivresse, de débauche, de folie ; d’autres pays encore, qui entraînent différentes réactions, notamment l’enfermement dans la lecture, un monde qui permet à l’enfant de s’évader d’une réalité qui l’effraie. L’enfance de l’auteure est merveilleuse ; j’ai vu beaucoup de lecteurs déploraient le narcissisme d’Amélie Nothomb dans ce livre : c’est oublier que ce n’est pas d’elle en ce moment qu’elle parle, mais de l’enfant qu’elle était alors. Et, souvent, les enfants sont tout sauf modestes ; ce sont plutôt de petits monstres excessifs que l’on adore. Loin de m’agacer, cet aspect de la petite fille m’a amusé, et j’ai trouvé que cela contrastait avec ce que je vois de la Amélie Nothomb adulte. A nouveau, comme je le disais plus haut, son écriture m’a séduite. C’est un mélange d’ironie, d’humour et de poésie, de cynisme parfois, où les mots ont un impact, ne sont pas choisis au hasard. Aussi, j’ai appris des choses, notamment sur le Vanuatu, des mots que je ne connaissais pas, des traditions de cultures différentes qui m’ont sidérée, notamment celle de la Déesse Vivante ! Petit passage par la couverture : je la trouve très jolie, et elle me fait penser à l’enfance.

Amélie est, bien sûr, le personnage principal de ce livre, d’une manière double : elle est l’enfant qui grandit et se transforme en adolescente, mais aussi la narratrice. La dernière parle de la première sans la juger, mais en nous montrant ses petits excès caractéristique de l’enfance. Elle nous explique à plusieurs reprises qu’elle n’était pas capable, à l’époque, de comprendre les subtilités de la politique des pays dans lesquels elle vivait, comme la Chine ; les jugements politiques sont portés par l’auteure adulte. L’Amélie de cinq ans profite de son enfance de rêve à plein temps. Après avoir lu Métaphysique des tubes et Le Sabotage amoureux, je savais déjà qu’elle était spéciale, mais aussi très attachante. Intelligente, elle se sent divine et différente : les passages à l’école le montrent. Aussi, elle est différente des autres par ses obsessions, ses addictions, qui, étrangement, ne m’ont pas autant choquée que j’aurais pu l’être. Mais, à partir d’un certain passage à la mer, que j’ai trouvé particulièrement choquant, j’ai senti que la lecture prenait un tour différent, et que le lecteur était sur le point d’entrer dans une période noire. L’Amélie adolescente m’a fait mal au cœur sans me faire pitié pour autant. Elle a traversé cette étape de la vie dans la souffrance et la haine. Elle est passée dans le monde adulte, et a décidé de partir retrouver ce qu’elle considère comme ses racines, voyage relaté dans Stupeur et tremblements et Ni d’Eve ni d’Adam, deux livres complémentaires qui font aussi partie de mes préférés de l’auteure. Evidemment, le lecteur rencontre d’autres personnages, notamment Juliette, la sœur d’Amélie. L’admiration que la cadette ressent pour son ainée est vraiment belle à lire ; Juliette devient princesse, fée, elfe, un être supérieur à côté duquel Amélie grandit dans l’amour et la contemplation de la beauté. Ce qui les lie devient même presque surnaturel par la suite : elles s’identifient l’une à l’autre, et peinent à se quitter, même pour peu de temps. La mère d’Amélie est admirée elle aussi : elle est la beauté incarnée, l’ange parmi les anges. Elle semble avoir du mal à comprendre sa fille, mais l’aime aussi fort que l’on peut aimer un enfant. Le père, lui, est un support pour sa cadette, et un personnage que j’ai trouvé assez sympathique. Le lecteur rencontre également Inge, jeune Allemande au destin étrange, Roselyne et Marie, deux camarades de classe d’Amélie, son frère, qui m’a semblé un intrus pour elle.

Le thème principal de ce livre est la faim. Pas seulement la faim de nourriture, mais aussi celle de tout, une faim universelle, celle de vivre, de connaître, de comprendre, une faim de beauté aussi. Je me suis retrouvée parfois, au début du livre. Puis, cette faim devient physique, elle se transforme en maladie quand l’enfant devient adolescente. Ces passages étaient difficiles à lire après la lecture de la première partie ; je me suis amusée et attachée à la petite fille, dont la lucidité, assez pessimiste, m’a impressionnée, et de lire cette période difficile m’a déchiré le cœur. L’adolescence est vraiment une époque ingrate, où l’homme remet tout en question et perd le goût de vivre sans apparente raison ; il quitte le monde de l’enfance qu’il ne retrouvera jamais, perd l’étonnement et la magie de l’être innocent et se sent corrompu par la réalité. Il ne peut plus vivre exclusivement dans son monde, ce qui le coupe momentanément des autres, qu’il déteste alors. 

La fin, comme souvent, est assez abrupte, mais se termine sur une jolie note : la matérialité ne compte pas, l’important, c’est d’être en vie.

 

Donc, un excellent livre, qui m’a profondément touchée, que je place parmi mes livres préférés de l’auteure, auprès de Journal d’Hirondelle.

Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent … d’Eric-Emmanuel Schmitt

Posté : 22 avril, 2016 @ 4:53 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent Genre : Autobiographie, Contemporaine, Essai

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2010

Nombre de pages : 184

Synopsis : Un jour, lors d’une exposition de masques, Beethoven revient dans la vie d’Eric-Emmanuel Schmitt. L’écrivain se rappelle l’avoir aimé passionnément autrefois, pendant son adolescence. Pourquoi Beethoven s’est-il éloigné ? Pourquoi l’homme d’aujourd’hui n’éprouve-t-il plus ces émotions, ce romantisme, ces orages intérieurs et cette joie ? Qui a disparu ? Beethoven ou nous ? Et qui est l’assassin ? Ce texte est suivi de Kiki van Beethoven, l’aventure d’une femme, la soixantaine rayonnante, laquelle va, grâce à la musique, changer sa vie ainsi que celle de ses trois amies. Une fable sur la jeunesse perdue et les secrets ensevelis.

 

Avis : Ce livre m’intriguait de par son titre d’abord, pas vraiment agressif, mais plutôt polémique ; puis, par ce que pouvait dire l’auteur sur Beethoven, voir s’il allait me donner envie de l’écouter, me le faire voir d’une façon différente.

Le livre est divisé en deux parties : une sorte d’essai autobiographique de l’auteur, et un scénario de pièce de théâtre écrit comme une nouvelle. De loin, la seconde partie était meilleure que la première. Dans celle-ci, l’écrivain nous parle de sa relation avec Beethoven, qu’il juge tout à fait particulière. D’un côté, c’était intéressant : la musique a une vraie influence sur nous, elle nous transporte, et n’est pas qu’une simple mélodie ; elle prend souvent une signification selon ce que l’on vit, et l’auteur nous le rappelle. Le titre est expliqué dans cette partie et plusieurs fois mentionné, parce que l’écrivain réfléchit sur cette façon de voir les hommes. Il décrypte également ce que la musique du compositeur lui fait ressentir : la joie, le courage, l’optimisme, une sorte d’élévation de l’homme par les notes. Le livre est accompagné d’un CD, que j’ai fini par écouter, une fois arrivée à la moitié du livre. Je me suis laissée alors complètement transportée par la musique, bien plus que par les mots, qui sont tout de même rehaussés par l’écoute. J’ai découvert des œuvres que je ne connaissais pas, et que j’ai, depuis, écoutées plusieurs fois. En fait, j’ai trouvé que l’écriture n’était pas assez fluide, nettement alourdie par la répétition constante du nom du compositeur : Beethoven. Il est présent dans presque chaque phrase, ce qui peut agacer. Aussi, les réflexions de l’auteur sur l’Humanité sont assez pessimistes, largement compensées par celles que lui inspire Beethoven.

La deuxième partie du livre est donc une sorte de pièce de théâtre, pas du tout présentée comme telle. Elle raconte l’histoire de Kiki, une femme de soixante ans, qui découvre dans une brocante un masque de Beethoven, et se rend alors compte qu’elle n’est plus capable de l’entendre jouer, ou, si elle l’écoute, elle ne le peut sans souffrir. C’est comme si plus personne ne respectait le compositeur et sa musique. Elle va alors tenter de remédier à cette seconde mort d’une façon à la fois simple et particulière, qui reflète bien son caractère. Contrairement à la première partie, je n’ai pas du tout été agacée ; au contraire, je me suis amusée, et j’ai aussi été un peu touchée par les personnages, quatre amies qui tentent de changer leur vie grâce à la musique. Cela va faire ressurgir leur passé, et leur apprendre à vivre heureuses. C’était une belle façon, encore, de montrer l’influence de la musique sur nos vies, comment elle peut nous aider. Et avec Beethoven en fond sonore, c’était encore mieux ! La fin est belle elle aussi, encore plus accompagnée de la musique !

 

En définitive, un livre dont la première partie est assez agaçante, quand la deuxième est bien plus intéressante, drôle et touchante. En tout cas, il montre bien l’impact de la musique sur nos vies, ce qu’elle peut nous apporter, et les sentiments dont elle va nous emplir pour longtemps !

Une forme de vie d’Amélie Nothomb

Posté : 2 mars, 2016 @ 7:49 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Une forme de vieGenre : Contemporaine, Autobiographie

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2013

Nombre de pages : 123

Synopsis : Ce matin-là, je reçus une lettre d’un genre nouveau. A. N.

 

Avis : Une couverture assez sinistre, un titre qui sous-entend une vie pas comme les autres, et un synopsis qui laisse entendre que la correspondance tiendra une place privilégiée. J’étais très intriguée par une espèce de roman épistolaire.

L’idée est originale du début à la fin : le narrateur reçoit une lettre très spéciale qui lui fera peu à peu découvrir la vie d’un homme tout sauf ordinaire. A travers lui sont abordés les thèmes de l’obésité et de la guerre des Etats-Unis en Irak. En effet, le correspondant du narrateur est obèse, et entretient une relation très particulière à son embonpoint ; il le hait comme il l’aime, et tente de trouver un sens à sa maladie, sens qu’il trouve dans le fait qu’il est au front, en Irak, et qu’il ne supporte plus la guerre. La nourriture est ici vue comme une drogue au même titre que la cocaïne ou l’héroïne, et elle est même dite pire, car il est impossible de s’en sevrer tout à fait. Le danger encouru par la personne atteinte est mentionné, ainsi que l’impossibilité de se mouvoir ou de vivre correctement. Par cette maladie, l’être pousse un cri et demande de l’aide, alors que, souvent, les autres le rejettent et y voient simplement un excès voulu. Quant à la guerre, le correspondant dit maintes fois qu’elle est inutile et injuste, qu’il ne comprend pas ce qu’il y fait : une belle critique de la part d’un Américain même, à travers les mots d’une auteure belge. L’écriture, quant à elle, est toujours aussi bonne, même si le sujet ne prêtait pas forcément à poésie. L’humour est toujours présent, même par petites touches.

Un autre thème important ici est celui de la correspondance. A travers son roman, Amélie Nothomb évoque sa pratique de l’écriture, l’importance qu’elle accorde au courrier, comment elle y répond. J’ai eu l’impression parfois de lire des indications de ce qu’il ne faut pas lui écrire si l’on veut lui envoyer une lettre, et je me suis dit que si ce n’était pas déjà fait, j’aurais eu peur de lui envoyer ! En effet, l’auteure ne supporte pas certaines lettres à sens cachés, certaines demandes ou façons de parler, et cela est tout à fait légitime : elle mentionne tout de même une professeur de français qui lui demande de corriger ses copies ! On sent également que chaque lettre est importante pour elle, notamment avec la mention de ce qu’elle fait de celles dans lesquelles les correspondants demandent à ne pas être traités comme tout le monde : je ne m’attendais pas à sa réaction, qui m’a fait rire et reconnaître qu’elle a raison. Aussi, l’auteure évoque la pratique de l’écriture, le doute qui lui est inhérent, la difficulté parfois de créer, le besoin de le faire pourtant. Elle mentionne le fantasme des lecteurs sur les écrivains, ce qu’ils pensent qu’ils sont, et ce que les auteurs sont vraiment.

Concernant les personnages, le narrateur porte le nom de l’auteure, ce qui pousse le lecteur à imaginer la véritable Amélie Nothomb embarquée dans cette aventure. Elle est égale à elle-même : gentille, elle s’efforce d’aider son correspondant quand elle sent sa détresse, et ne s’imagine pas une seconde le laisser tomber. A travers l’histoire du roman, elle semble aussi rassurer ses véritables correspondants ou les mettre en garde. On sent qu’elle s’implique vraiment dans sa correspondance, qu’elle tente de trouver des solutions si un problème se présente, qu’elle se soucie des gens qui lui écrivent, que ce ne sont pas juste des mots sur du papier, mais que des êtres se trouvent au bout. Bien sûr, elle attend la même chose de la part de ceux qui lui écrivent. La façon dont elle réagit avec son correspondant montre qu’elle ne réagit pas comme la plupart des gens, ce qui en fait quelqu’un de spécial. Quant à Melvin Mapple, le lecteur peut facilement s’attacher à lui et le plaindre. Le fait d’imaginer ce qu’il vit est difficile et fait mal au cœur. Sa démarche est originale : exorciser ce qu’il ressent par l’écriture à quelqu’un. Ce qu’il fait par la suite m’a choqué, je ne m’attendais pas à ce revirement de situation !! Le lecteur peut se sentir trahi, et en même temps, le comprend : c’était un besoin chez lui de vivre autrement, par l’écriture, dans la pensée d’un autre. Il n’y a pas vraiment d’autres personnages, excepté ceux mentionnés par le narrateur et Melvin Mapple.

La fin est très surprenante ! Il est peu probable de s’y attendre. Le narrateur se retrouve coincée dans une situation inextricable, et le lecteur se demande vraiment ce qu’elle peut faire pour s’en sortir ! C’est surréaliste, et délicieusement fou !

 

En définitive, un bon roman, intéressant à lire pour la façon de voir l’écriture et la correspondance, intéressant aussi pour les surprises successives dont l’auteure nous régale.

La nostalgie heureuse de Amélie Nothomb

Posté : 22 août, 2015 @ 2:56 dans Avis littéraires | 2 commentaires »

La nostalgie heureuseGenre : Contemporaine, Autobiographie

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2013

Nombre de pages : 152

Synopsis : « Tout ce que l’on aime devient une fiction. »

 

Avis : J’ai acheté ce livre le jour de la séance de dédicace d’Amélie Nothomb pour Pétronille, que j’ai acheté en même temps. Je trouve que cette couverture est la plus belle de toutes celles qui sont déjà sorties auparavant. Il s’en dégage une espèce de sérénité, et une beauté que je ne sais pas décrire.

Cela faisait longtemps que j’avais lu Amélie Nothomb, mais je n’avais pas oublié son écriture. Je l’aime toujours autant ! A la fois poétique, sérieuse et pleine d’humour, elle est un mélange que l’on ne rencontre pas partout, authentique et sincère. Ses mots nous font quelque chose, nous touchent ou nous indignent, dans tous les cas, ne nous laissent pas indifférents. J’ai ri parfois de la spontanéité de l’auteure face à une situation ou à une personne ! Cette autobiographie raconte le retour de l’auteure au Japon à l’occasion d’un documentaire à propos de son enfance dans ce pays, un endroit qui lui est très cher, et qu’elle n’avait pas revu depuis seize ans. Les réalisateurs en font un parcours de mémoire, initiatique ; ce parcours va provoquer chez l’auteure une nostalgie qu’elle a ressentie dès qu’elle a quitté le pays, à cinq ans, en repensant à ses souvenirs. Toute une réflexion s’installe alors dans le texte sur la mémoire, les retrouvailles, les souvenirs, la nostalgie, et la façon dont elle est appréhendée en Occident et au Japon. Clairement, Amélie Nothomb ne se sent pas Occidentale dans ce livre, mais Japonaise. Elle retrouve les lieux de son enfance transformés, et cela la blesse profondément. Dès qu’elle reconnaît quelque chose, elle semble émue comme une enfant, et les autres ne la comprennent pas, parce qu’ils ne voient rien d’exceptionnel dans ce qu’elle a retrouvé. Je me suis sentie proche d’elle à ce moment-là, parce que, souvent, quand on retrouve des petites choses liées à notre enfance, ou un détail dans un lieu qui a complètement changé, les autres ne comprennent pas l’importance de cette preuve que le passé a bien existé : ils n’y voient rien, quand, pour nous, cela signifie beaucoup. De plus, j’ai trouvé que la modestie et la simplicité d’Amélie Nothomb étaient très visibles dans ce livre. Elle est certaine que le documentaire n’aura pas lieu parce qu’il est sans importance pour France 5 ; elle est aussi horrifiée quand elle se présente comme « un écrivain célèbre ». J’ai eu l’impression qu’elle voulait juste être Amélie. 

On découvre de nouveaux aspects de la culture nippone : l’excentricité des jeunes, la force de résilience des Japonais (que l’on avait déjà vu dans Ni d’Eve ni d’Adam), ce qui a changé depuis Fukushima. L’auteure nous parle de l’explosion de la centrale à plusieurs reprises et se rend même sur les lieux. Elle évoque également le tremblement de terre de Kobé, où elle se rend pour retrouver Nishio-San. A nouveau, quelques mots japonais nous sont expliqués, et l’on comprend le titre du livre. La richesse de la langue est impressionnante, ainsi que ses nuances. Concernant la façon de raconter, j’ai trouvé que cette autobiographie était presque aussi spéciale que Métaphysique des tubes, même si ce n’était pas vraiment la même narration. L’auteure est entourée de caméras et ne peut pas laisser voir sa vie intérieure comme elle le veut ; mais au fond d’elle-même, elle est différente de ce qu’elle montre. Elle panique, ou se replie sur elle-même, elle se plonge dans son âme, où personne ne peut venir la chercher. A un moment, elle parle de vide : elle se sent vide, et je me suis rendue compte qu’à la fin de ma lecture, j’éprouvais la même sensation. C’était assez déroutant : j’étais sceptique et toute retournée à la fois. Cette lecture était comme un moment hors du temps et de l’espace, quelque part dans le vide, au milieu du silence.

En ce qui concerne les autres « personnages », si je peux les appeler de cette façon, j’ai été très contente de retrouver Rinri dans ce livre. Il est toujours aussi sympathique, et il m’a encore fait rire par sa gaucherie en français, et son comportement si différent du nôtre. Il semble vraiment être comme le décrit l’auteure : le plus gentil garçon du monde. Les réalisateurs sont présents pendant tout le livre, et dirigent le périple d’Amélie Nothomb dans son Japon natal. Je ne sais que dire sur eux. Ils sont présents et assistent aux retrouvailles sans interférer, juste en braquant leur caméra pour capturer le moment qui passe. La traductrice japonaise de l’auteure m’a fait sourire : elle a l’air très libre, et ne mâche pas ses mots, même face à un éditeur japonais qui tente de critiquer Stupeur et tremblements. Nishio-san est un « personnage » que j’avais apprécié en lisant Métaphysique des tubes, et je l’apprécie d’autant plus après ce livre. Elle aime Amélie comme sa fille, cela est visible, et l’amour que se vouent les deux femmes est palpable. Le passage de leurs retrouvailles est beau, émouvant, et leur séparation donne un petit pincement au cœur du lecteur. On se demande à ce moment-là si elles se reverront un jour.

La fin est un peu triste : fini le Japon, retour à Paris ! L’auteure montre bien ce que l’on ressent quand l’on rentre chez soi, surtout lorsque c’est à Paris, dans une ville qui finit par vous ronger. La nostalgie est toujours là, et le sera toujours, et elle invite sans doute à l’écriture.

En définitive, un très bon Amélie Nothomb, même s’il ne fait pas partie de mes préférés. Un très bon moment de lecture suspendu, qui donne envie de se plonger encore un peu plus dans un univers à la fois poétique et drôle.

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