Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Notre histoire. Pingru et Meitang de Rao Pingru

Posté : 13 mars, 2018 @ 5:51 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Autobiographie, BiographieNotre histoire

Editeur : Seuil

Année de sortie : 2017 [2013]

Nombre de pages : 346

Langue d’origine : Chinois

Synopsis : En 2008, à la mort de sa femme Meitang, Rao Pingru entreprend de conjurer le deuil par l’encre et l’aquarelle en retraçant, in memoriam et en dessin, le destin de sa famille. Dans son appartement shanghaïen, le vieil homme se souvient du sel des jours qu’il a partagés avec Meitang et de leur vie rythmée par les battements d’une Chine en ébullition.

De sa petite enfance à son mariage avec celle qui porte aux lèvres « une touche d’écarlate », de son engagement militaire lors de la guerre contre le Japon à son internement dans un camp de rééducation où il resta vingt ans, de l’établissement de sa famille à Shanghai à la maladie de son épouse, Rao Pingru restitue dans cette histoire les jours de fête comme les jours difficiles et livre une œuvre qui ne ressemble à aucune autre, une vie dessinée à l’échelle de la Chine.

A chaque page d’un récit à la fois tendre, grave et poétique, la petite et la grande histoire, la voix unique de Rao Pingru et la marche des évolutions politiques du pays se rejoignent, donnant à lire un témoignage fort sur la vie des héros ordinaires de la Chine du siècle passé ainsi qu’une magnifique histoire d’amour.

 

Avis : Je zieutais ce livre depuis pas mal de temps en librairie, et quand j’ai vu qu’il était à la bibliothèque, je me suis jetée dessus !!

Il est assez difficile d’« évaluer » un livre pareil, notamment parce que l’auteur raconte sa vie et celle de sa femme, et qu’une vie ne se juge pas comme une œuvre de fiction. On ne peut donc pas dire « j’ai aimé », « je n’ai pas aimé ». Pour autant, j’avais des attentes particulières : je pensais lire l’histoire d’amour entre Pingru et Meitang, ou, en tout cas, je m’attendais à ce que le livre se focalise là-dessus. Ce n’est pas vraiment le cas. La vie du couple est racontée de leur enfance à la mort de Meitang, et tous les aspects de la vie sont abordés : les difficultés financières, les problèmes d’emploi et, surtout, la nourriture. Celle-ci, à un moment donné, m’a paru omniprésente ! J’ai fini par être un peu agacée : Pingru se rappelle avoir mangé tels plats ou mets avec Meitang, et n’a pas retrouvé leur égal ensuite. Puis je me suis dit qu’elle était si présente parce qu’elle finit par leur manquer.

La politique fait son apparition dans le livre dès le début : par exemple, la guerre avec le Japon est mise en avant parce que Pingru y a participé. Par la suite, il est envoyé en camp de rééducation pendant vingt ans loin de sa famille. Il n’a donc pas vu grandir ses enfants, et a dû travailler comme un prisonnier pendant toutes ces années. J’avoue que, parfois, avec le nombre de noms de villes, de rues, ou même avec cette mention des camps de rééducation, j’étais un peu perdue : je ne connais pas bien la Chine, et donc je ne savais pas trop à quoi tout cela correspondait. Mais, surtout, je ne m’attendais pas à lire une histoire pareille. Pingru et Meitang ont passé une partie de leur vie loin l’un de l’autre, pendant la guerre et pendant la période du camp. De plus, je ne sais pas si c’est de la pudeur, mais j’ai eu l’impression que l’auteur était dans la retenue ; il ne parle pas tout à fait de sentiments, d’amour. Bien sûr, parfois, il parle de la douleur de perdre sa femme, ou du fait qu’ils s’aiment assez pour rester ensemble quand autour d’eux d’autres couples se séparent ; mais ce n’était pas l’essentiel du livre. Il s’exprime aussi à travers ses illustrations, qui sont bienvenues et modifient l’expérience de lecture.

Il y avait également des passages étranges pour moi tant ils étaient en décalage par rapport à ce à quoi je m’attendais ! Ils concernaient des parties banales de la vie, quelque chose de tout à fait ordinaire. Et je me demande si ce n’est pas pour cette raison que je ne suis pas parvenue à être touchée par ce livre. Certes, j’ai été dépaysée, mais je n’ai pas réussi à ressentir de l’émotion, excepté à des moments vraiment très forts, comme la mort de Meitang. J’ai eu l’impression d’être complètement insensible, comme si j’avais érigé une barrière entre moi et le livre, comme si l’œuvre était un bateau et que j’étais restée sur la rive, je regardais les événements de loin. Le seul chapitre vraiment émouvant était le dernier, qui s’appelle « Et puis tu es repartie ». J’ai aussi apprécié certains passages poétiques pendant la première partie du livre, alors que Pingru nous parle de son passage dans l’armée ; mais les parties qui racontent les aspects banals de leur vie m’ont laissé sur ma faim.

 

Donc, un hommage à une vie entière, faite de hauts et de bas, que je n’ai pas su apprécier à sa juste valeur.

 

M Train de Patti Smith

Posté : 29 octobre, 2017 @ 11:43 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Autobiographie M Train

Editeur : Bloomsbury

Année de sortie :2015 

Nombre de pages : 253

Synopsis : From the national book award-winning author of Just Kids: an unforgettable odyssey of a legendary artist, told throught the prism of the cafés and haunts she has worked in around the world. It i a book Patti Smith has described as ‘a roadmap to my life’.

M Train begins in the tiny Greenwich village café where Smith goes every morning for black coffee, ruminates on the world as it is and the world as it was, and writes in her notebook. Through prose that shifts fluidly between dreams and reality, past and present, and across a landscape of creative aspirations and inspirations, we travel to Frida Kahlo’s Casa Azul in Mexico; to a meeting of an Artic explorer’s society in Berlin; to a ramshackle seaside bungalow in New York’s Far Rockaway that Smith acquires just before Hurricane Sandy hits; and to the graves of Genet, Plath, Rimbaud and Mishima.

Woven throughout are reflections on the writer’s craft and on artistic creation. Here, too, are singular memories of Smith’s life in Michigan and the irremediable loss of her husband, Fred Sonic Smith.

Braiding despair with hope and consolation, illustrated with her signature Polaroids, M Train is a meditation on travel, detective shows, literature and coffee. It is a powerful, deeply moving book by one of the most remarkable artists at work today.

 

Avis : J’avais adoré Just Kids et j’étais persuadée que j’allais tout aimer de Patti Smith. Dès que j’ai vu ce livre à la bibliothèque, je me suis dit que c’était l’occasion !

J’ai été très déçue. Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais, peut-être à un livre exclusivement sur son mari, mais pas à ça. Bien sûr, si elle est dans cette situation, c’est parce qu’elle a perdu son mari, et qu’elle ne s’en remet pas. Mais même dans l’intensité des émotions et dans la perception du monde, je n’étais plus en phase avec l’auteur. Je n’ai pas retrouvé ce qui m’avait tant touché dans Just Kids. Mais, allons-y doucement. D’abord, on se rend vite compte que la vie de l’auteur est découpée en phases de stagnation, et en phases de mouvement. Les phases de stagnation la voient faire le même trajet tous les jours, la même chose, une espèce de vie d’automate. Quant aux phases de mouvement, elles sont en fait des voyages que fait l’auteur, parfois pour des raisons professionnelles, parfois pour des raisons personnelles. Durant ces phases, on trouve des marathons de séries TV policières, des références littéraires, et des quêtes spirituelles. Tout cela paraît très intéressant, et ça l’est ; mais je n’ai pas réussi à être emportée par ce livre comme par Just Kids, je n’ai pas réussi à ressentir, je n’ai pas réussi à entrer dans la vie de l’auteur, à compatir, à vivre avec elle ces voyages et cette vie désolée. Je n’ai cessé de comparer les deux livres, et cela a clairement porté préjudice à M Train. Autre chose : j’avais oublié que l’auteur était si tournée vers la religion. J’ai eu quelques sujets de mésentente récente avec elle, donc j’ai très peu apprécié ces aspects du livre - non pas que je ne respecte pas les croyances de chacun, mais je n’ai pas réussi à penser la même chose que l’auteur dans certains cas, ce qui a créé une distance entre nous. La perception du monde de l’auteur, certaines de ses réflexions, de ses manières de penser étaient très éloignées des miennes, ce qui fait qu’encore une fois, je n’ai pas réussi à apprécier. Je n’ai pas non plus retrouvé l’émotion de Just Kids, excepté dans les passages qui évoquent directement son mari. J’ai l’impression d’être très insensible en écrivant cette chronique, mais je ne vais pas vous mentir. J’avais envie d’aimer ce livre, et peut-être ne l’ai-je pas pleinement apprécier aussi parce que ce n’était pas le meilleur moment pour le lire, ou parce que j’avais placé la barre trop haut. En tout cas, je suis vraiment déçue, et même frustrée, de ne pas avoir aimé.

 

Donc, une déception, peut-être l’ai-je trop comparé à son prédécesseur.

Un roman français de Frédéric Beigbeder

Posté : 15 juin, 2017 @ 7:06 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Autobiographie Un roman français

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2010 [2009]

Nombre de pages : 246

Synopsis : C’est l’histoire d’un grand frère qui a tout fait pour ne pas ressembler à ses parents, et d’un cadet qui a tout fait pour ne pas ressembler à son grand frère.

C’est l’histoire d’un garçon mélancolique parce qu’il a grandi dans un pays suicidé, élevé par des parents déprimés par l’échec de leur mariage.

C‘est l’histoire d’un pays qui a réussi à perdre deux guerres en faisant croire qu’il les avait gagnées. [...]

C’est l’histoire d’une humanité nouvelle, ou comment des catholiques monarchistes sont devenus des capitalistes mondialisés.

Telle est la vie que j’ai vécue : un roman français. F. B.

 

Avis : J’avais lu ce livre il y a six ans parce qu’une de mes professeures de français considérait qu’il ferait sans doute partie des classiques dans plusieurs années. Je me suis dit qu’une piqûre de rappel ne me ferait pas de mal !

Je me souviens avoir beaucoup aimé ce livre plus jeune. J’avais trouvé qu’il était fort, authentique ; j’étais convaincue qu’il ferait partie des livres que l’on n’oublierait pas par la suite. Et aujourd’hui, quel est mon avis ? Eh bien, je n’ai pas retrouvé l’émotion et l’intérêt de la première lecture. Je me souviens avoir adoré l’écriture : aujourd’hui, elle ne me paraît plus aussi authentique, aussi sincère que la première fois. J’ai l’impression de rajouts parfois, d’exagération – je dis bien, « impression », cela ne veut pas dire que j’ai la science infuse et que c’est vrai. Le livre est divisé en plusieurs récits : celui du présent, l’arrestation de l’auteur parce qu’il a sniffé de la coke sur un capot de voiture, son passage par la prison pendant deux nuits, et celui du passé, ses souvenirs qui ressurgissent enfin, et qu’il note pour ne jamais plus les oublier. Un roman français sonne parfois comme une thérapie nécessaire à l’auteur pour être complet, pour retrouver la mémoire ; et ce retour de la mémoire est, étrangement, entraîné par l’enfermement, l’impossibilité de faire quoi que ce soit d’autre que de penser pendant deux nuits entières. Les verrous lâchent, les vannes s’ouvrent, et les souvenirs déferlent. Je n’imagine pas ne pas me souvenir de mon enfance : ce doit être affreux. Et donc, j’imagine le soulagement de l’auteur quand, enfin, tout lui revient. Certains passages sont émouvants, notamment ceux avec sa fille, qui passe elle aussi par l’enfance, enfance que son père espère joyeuse, et non un mensonge comme la sienne.

De plus, je me suis plusieurs fois trouvée en désaccord avec ce que dit l’auteur : certaines réflexions, notamment sur les femmes, m’ont paru réductrice. Quant à celle sur la prison, je trouve, évidemment, inacceptable que l’on enferme quelqu’un deux nuits dans un endroit qui pousse à la claustrophobie quand ce n’est absolument pas justifié. Ce genre d’endroits ne devrait pas exister. Mais quand l’auteur se dit que, du coup, il aurait dû être plus clément avec des criminels accusés de viol ou de meurtre quand il était juré, là, non : « Quand j’étais juré à la cour d’assises de Paris, j’ai envoyé, le cœur léger, des violeurs et des assassins en prison pour huit ans, dix ans, douze ans. Je serais plus laxiste aujourd’hui. Tous les citoyens qui sont cités comme jurés devraient passer un court séjour derrière les barreaux pour connaître ce qu’ils vont infliger aux accusés. » Dans ce cas, il faudrait violer les violeurs et assassiner les assassins pour leur faire comprendre ce qu’ils ont fait subir à leur victime ? Je ne suis pas non plus d’accord quand il dit que, ce qui compte dans un livre, ce n’est pas l’histoire, ni les personnages, mais l’auteur, l’homme que l’on découvre derrière : « dans un roman, l’histoire est un prétexte, un canevas ; l’important c’est l’homme qu’on sent derrière, la personne qui nous parle. » Ce n’est pas vrai pour tous les livres, et ce n’est pas l’homme qui compte, mais ce qu’il raconte.

Il y a tout de même des points positifs, notamment les réflexions sur les générations, les enfants et le divorce, ainsi que sur la société, en arrière-plan des trois. Les générations sont comme inversées : parce que l’enfance n’en a pas vraiment été une, les parents se lâchent une fois adultes, (re)deviennent des enfants, se comportent comme des ados, ne parviennent pas à vivre une vie de famille heureuse parce que ce n’est pas ce dont ils ont besoin. D’où le divorce. Ici, l’auteur explique bien ce que ressentent les enfants quand leurs parents se séparent, mais il analyse cela avec ses yeux d’adulte : les enfants veulent que leurs parents restent ensemble, ce qui est égoïste de leur part. Les parents, eux, veulent vivre leur vie, tout en n’affectant pas les enfants, ce qu’ils font en leur mentant. Les enfants se sentent rejetés, de trop, et tentent de comprendre ce qu’on ne veut pas leur expliquer. Honnêtement, le divorce est une des pires choses à vivre pour un enfant, c’est traumatisant, parce que les parents tentent de faire comme si de rien n’était alors que, pour l’enfant, le monde s’effondre. Il faudrait expliquer, il faudrait faire comprendre, il faudrait se mettre à sa place et surtout lui expliquer que ce n’est pas sa faute. Sa fille, pour l’auteur, agit comme un révélateur – mot employé par Beigbeder dans le texte – : toutes ses premières expériences, il les revit avec elle, ce qui doit vraiment être un sentiment merveilleux. La sensibilité qu’apporte l’enfant à l’adulte est aussi incroyable : en quelques mots, il peut nous faire pleurer ou rire, parce qu’il est innocent et ne comprend pas vraiment ce qu’il dit. Ce qu’apporte aussi ce livre, un peu comme Le crime du comte Neuville d’Amélie Nothomb, est la compréhension que les riches ne sont pas plus heureux que ceux qui sont moins pourvus socialement. Bien sûr, l’argent contribue au bonheur, parce qu’il est nécessaire pour se loger, se nourrir, vivre décemment, et même aisément, avoir des loisirs. Mais être élevé dans la noblesse, la bourgeoisie, dans le « trop d’argent », cela ne veut pas nécessairement dire que l’on soit forcément heureux. On peut ne manquer de rien matériellement, et manquer d’amour, de confiance en soi, de positivité. Dans ce cas, même riche, on ne peut pas être heureux. On ne peut pas se plaindre de ses conditions matérielles, mais on peut dire que l’on n’est pas heureux sans se voir rabrouer par le « Mais vous avez de l’argent, vous êtes forcément heureux ! » Je vois des avis qui disent qu’il se plaint alors qu’il a tout, mais « tout » ne veut rien dire. On peut être malheureux et avoir de l’argent. On peut aussi tout faire pour être plus heureux et arrêter de se plaindre tout le temps, pas seulement parce que d’autres sont plus malheureux, mais aussi parce que la vie est courte, donc autant tout faire pour être le plus heureux possible nous-mêmes, sans nous comparer aux autres.

La fin rapproche définitivement présent et passé, en liant le grand-père de l’auteur et sa fille, qui ne se sont pas connus, dans un lieu marquant de son enfance. La transmission finale est belle.

 

Donc, un bon livre malgré quelques gros désaccords. De belles réflexions, et un rappel que l’argent ne fait que contribuer au bonheur.

Un secret de Philippe Grimbert

Posté : 13 juin, 2017 @ 3:32 dans Avis littéraires | 2 commentaires »

Genre : Autobiographie, Biographie, Historique Un secret

Editeur : Grasset

Année de sortie : 2007 [2004]

Nombre de pages : 191

Synopsis : « Aussi longtemps que possible, j’avais retardé le moment de savoir : je m’écorchais aux barbelés d’un enclos de silence. » Ph. G.

Après La Petite robe de Paul, Philippe Grimbert explore de nouveau le territoire du secret, livrant, cette fois, une part intime de sa propre histoire.

 

Avis : Ma mère m’a prêté ce livre depuis un moment, il était temps que je le lise enfin !

Je savais que l’histoire avait un lien avec la Seconde Guerre mondiale, mais je ne savais pas dans quelle mesure, ni vraiment à quoi m’attendre exactement, étant donné la brièveté du synopsis ! Mais, je ne vais pas me plaindre : je préfère entrer dans un livre en ne sachant rien plutôt que de me faire spoiler par l’éditeur dès la quatrième de couverture ! J’ai tout de même appris, grâce à elle, que l’histoire est en fait celle de l’auteur, et plus précisément de ses parents. En effet, le narrateur est mal dans sa peau, il sent qu’il lui manque quelque chose pour être pleinement lui-même, il sent que ses parents ne lui ont pas tout dit, lui cache un secret. Le lecteur comprend dès le début de quoi il est question, mais au cas où : [SPOILER] la famille du narrateur est juive, a vécu la Seconde Guerre mondiale, et n’en est pas sortie tout à fait indemne. [FIN DU SPOILER] De plus, il est dit, dès les premières lignes, que le narrateur – qui n’a pas de nom, mais que l’on associe automatiquement à l’écrivain – se crée un grand frère. [SPOILER] J’ai immédiatement compris que celui-ci a existé, et qu’il est mort ; je ne savais pas dans quelles circonstances. [FIN DU SPOILER] Ce frère imaginaire comble le manque identitaire du narrateur ; en effet, il sent que son père est déçu par la condition fragile de son fils, quand lui et sa femme ont des corps d’athlète qu’ils entretiennent régulièrement. Il est persuadé que son père aurait préféré un garçon aussi robuste que lui, et non un être chétif et malade. J’ai vu que ce livre était considéré comme une autobiographie ; j’ai plutôt trouvé que c’était une biographie des parents du narrateur. En effet, son besoin de comprendre le pousse à écrire l’histoire de Maxime et Tania, leur rencontre, leur amour. Le lecteur se trouve alors face à deux versions : la première est celle que le narrateur s’est imaginée avant de découvrir le secret ; la seconde est la vraie. Ainsi, le narrateur-personnage se voit raconter la véritable histoire de ses parents, et décide de la relater, pour que l’on n’oublie pas ceux qui ont disparu, [SPOILER] à la fois à cause de la haine issue de la guerre et de l’amour de leurs proches. Maxime ne peut pas entretenir le souvenir de sa femme et de son fils parce qu’il se sent coupable ; il pense que leur mort est une punition parce qu’il est tombé amoureux de Tania le jour de son mariage. [FIN DU SPOILER] Ce livre sonne ainsi un hommage, une façon de les faire vivre à nouveau, momentanément, sur le papier. C’est aussi la découverte d’une histoire d’amour controversée, de l’éclosion inattendue du sentiment pour quelqu’un qui ne nous est pas destiné ; petit rappel que nous ne décidons pas qui nous aimons. Une scène m’a choquée et agacée : celle où Hannah est emmenée par les officiers. [SPOILER] Elle aurait pu sauver son fils !! [FIN DU SPOILER] Les deux seules choses qui m’ont gênée dans ce livre : sa brièveté – le livre se lit très vite, peut-être trop. Je n’ai pas eu le temps de m’attacher aux personnages, d’éprouver de l’émotion, excepté à la fin. Enfin, je n’ai pas apprécié certaines remarques pendant que le narrateur raconte la vie de ses parents : [SPOILER] ils n’ont pas le droit d’être ensemble, alors, quand Hannah et Simon, puis Robert, disparaissent, l’auteur écrit que sa mère pensait peut-être que tous les obstacles qui l’éloignaient de Maxime ont désormais disparu. C’est une pensée assez horrible qu’il met presque dans la bouche de sa mère sans savoir. Certains lecteurs peuvent même le voir comme du mépris. [FIN DU SPOILER]

Concernant les « personnages« , étant donné que ce sont des personnes réelles, je ne me vois pas trop donner un avis comme pour les êtres inventés. Excepté la fois où elle m’a prodigieusement agacée, Hannah est une femme effacée, fragile, qui comprend vite, et qui donc, réagit en conséquence. Maxime a tout du serial séducteur, et, même s’il tente de résister à son désir, il est clair qu’il finira par y succomber, comme le sait déjà le lecteur. Il ne veut pas appartenir à la communauté juive, et refuse le port de l’étoile jaune pendant la guerre. Le sport est un thème important dans le livre puisqu’il réunit les parents du narrateur ; c’est à cause de leur physique et de leur activité sportive qu’ils sont attirés l’un vers l’autre. Tania n’est pas une  »briseuse de couple », elle finit même par être un peu attachante, et même touchante à la fin. Mais, à cause de la brièveté du livre, comme je l’ai dit plus haut, il est pratiquement impossible de vraiment s’attacher à qui que ce soit, excepté à la fin. Le dernier chapitre m’a donné des frissons : le secret n’est plus, le narrateur parvient à aider son père, une certaine unité et une certaine harmonie semblent être entrées dans leur vie. Le dernier paragraphe de la première partie de l’épilogue m’a achevée : [SPOILER] « Face aux tombes alignées dans le carré d’herbes j’ai repensé au dernier geste de mon père. Prenant sa femme par la taille, il l’avait aidée à se lever pour la conduire tout doucement vers le balcon du salon, pour un ultime plongeon. Qu’avait-il murmuré à son oreille avant de l’enlacer et de basculer avec elle ? » [FIN DU SPOILER] Je ne m’attendais tellement pas à ça !! La dernière phrase est un dernier hommage : [SPOILER] ce livre est écrit pour Simon, le disparu, l’inconnu, celui qui a hanté le narrateur toute son enfance, le fantôme qui le dominait, représenté en quelque sorte par sa peluche, étrangement baptisé Sim par le narrateur-personnage ignorant. [FIN DU SPOILER]

 

Donc, un très bon livre, surtout grâce à l’émotion de la fin, mais aussi grâce aux réflexions sur le poids des secrets, sur l’identité, sur la culpabilité. Dommage qu’il soit si court !

Journal d’un vampire en pyjama de Mathias Malzieu

Posté : 19 mars, 2017 @ 1:29 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Journal d'un vampire en pyjamaGenre : Autobiographie

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2016

Nombre de pages : 226

Synopsis : « Me faire sauver la vie est l’aventure la plus extraordinaire que j’aie jamais vécue. »

Avis : J’ai reçu ce livre pour Noël, et j’étais à peu près sûre d’aimer au moins l’écriture, en raison du bon souvenir que m’avait laissé La Mécanique du cœur

Ce livre est une claque monumentale. L’auteur nous parle ici de son combat contre une maladie qui a failli le tuer, l’aplasie médullaire. Outre le fait que le lecteur en apprenne beaucoup sur les maladies du sang, et (ré)apprenne à quoi sert chaque composant du sang, les globules rouges, les blancs et les plaquettes, il se prend en pleine figure l’expérience effrayante de celui qui a besoin du sang des autres pour vivre, mais surtout, de celui dont la vie est entièrement bouleversée en quelques heures. Le lecteur ressent de l’empathie pour l’auteur, complètement perdu face à une situation à laquelle il ne s’attendait pas, et qui menace de lui être fatale. Malgré cela, il continue à user d’imagination pour nous raconter sa maladie, il utilise de nombreuses métaphores, toutes plus belles les unes que les autres : une écriture que j’ai, cette fois, adoré. De plus, l’auteur garde son humour, ce qui donne des passages où le lecteur rit alors que ce sont souvent des scènes effroyables : on sent l’envie de dédramatiser, la sincérité aussi, et cela fait encore plus de peine. J’avoue, je me suis mise à pleurer au milieu du livre, je ne pouvais plus me retenir, j’avais tellement mal au cœur, c’était tellement émouvant – même si le but n’est pas de faire pleurer, cela se sent -, et la force de l’auteur est si impressionnante. Surtout, ce livre fait prendre conscience des petits bonheurs de la vie, de nos joies simples, de ce qu’on tient pour acquis et qui ne nous émerveille plus, alors que ce ne sont pas des bonheurs et des joies évidentes pour tous. Aussi, on prend conscience des absurdités du monde, de nos plaintes inutiles et futiles.

On ne peut pas vraiment parler de personnages ici, mais je vais tout de même parler des personnes qui se trouvent dans le livre. L’auteur, Mathias Malzieu, est le « personnage principal » : le livre est surtout émouvant grâce à sa force, et à sa façon de raconter, grâce à son imagination, à sa réinvention de certaines choses, comme la maladie, à qui il donne un nom, et qui le suit partout. Malgré cela, le lecteur sent évidemment sa faiblesse, car il ne nous cache pas les difficultés qu’il traverse, les phases difficiles. Il mentionne des références littéraires, comme Leaves of Grass de Walt Whitman, ainsi que ses propres romans, puisqu’il semble étrangement qu’il les vive à travers sa maladie : comme le héros de Métamorphose en bord de ciel, il se retrouve en chambre stérile, comme Jack, dans La Mécanique du cœur, il a besoin d’une greffe, de quelque chose qui vient d’un autre pour vivre. Il fait également mention de la sortie de son film, Jack et la mécanique du cœur, qui sort au moment où il doit entrer à l’hôpital, et de ce livre même, qu’il est en train d’écrire. Il tente de résister, et cette résistance m’a brisé le cœur. Aussi, sa personnalité est différente de celle des autres, ce qui se voit avec le passage du taxi : il est fragile, il n’est pas fait pour ce monde dans lequel on s’énerve pour des choses qui n’en valent pas la peine, ou sans raison. Il m’a fait penser à un petit garçon perdu que j’ai eu envie de rassurer. Se trouve aussi dans le livre Rosy, sa compagne, qu’il appelle joliment « mon amoureuse ». Toutes les métaphores autour d’elle la rendent spéciale, elle ressemble à une fée qui lui rend la vie merveilleuse ; elle reste forte pour lui, ce qui est également très touchant puisqu’il s’en rend compte et en parle. La maladie est donc personnifiée, avec un nom-jeu de mots que j’ai trouvé ingénieux. Jeune femme plantureuse, elle ne cesse de narguer l’auteur, de lui faire peur, de le menacer et de le tenter. D’autres personnes se trouvent dans le livre, comme Olivia Ruiz, qui est mentionnée, Luc Besson, qui a aidé Mathias Malzieu à réaliser son film ; mais surtout le personnel des hôpitaux dans lesquels se retrouve l’auteur, une famille qui prend soin de lui, qui fait tout pour qu’il soit au mieux, pour qu’il garde espoir, pour qu’il s’en sorte. L’auteur mentionne aussi ceux qui l’ont abandonné quand ils ont appris sa maladie, lui montrant la face sombre de l’être humain.

Une des réflexions du livre est la façon dont notre société voit la maladie : le malade est un pestiféré, quelqu’un qui fait peur, parce qu’il est potentiellement contagieux, mais aussi parce qu’il est différent, faible, et que donc il doit être mis de côté. Et justement, le malade a besoin de l’inverse de ce comportement, ce que les infirmières et les proches de l’auteur lui apportent heureusement. Mais le monde extérieur, une fois sorti, lui fait peur, parce que tous ne comprennent pas ce qu’est la compassion, ce qu’est la sympathie, ou le simple savoir-vivre. J’ai parlé de la réflexion sur les bonheurs simples, invisibles mais indispensables une fois qu’ils ont disparu. Autre réflexion : celle sur l’imagination et la création. Ce sont elles, en partie, qui permettent à l’auteur de résister, de trouver un refuge, une échappatoire, un moyen de s’évader. J’ai aimé Eggman Records, son fauteuil œuf, sa poésie, ses chansons, son skateboard auxquels il s’accroche. Il réinvente la vie, la rend colorée, plus belle qu’elle n’est ; ou simplement, la vit comme il le veut, dans son monde, et pas tout à fait dans la réalité.

La fin est un peu une conclusion sur cette expérience vécue, qui a définitivement changé l’auteur. Je fais ici une remarque sur la couverture, que je trouve très belle, simple, et en même temps la couleur blanche me semble montrer l’espoir qui subsiste dans le livre. Un CD est joint à mon édition, je ne l’ai pas encore écouté, peut-être pas encore prête.  

Donc, un livre magnifique, difficile, mais sincère, qui émeut, fait réfléchir, nous apprend des choses et nous touche en plein cœur.

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