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I found myself in Wonderland.

Au boulot, les robots … édité par Stéphanie Nicot et Jean-François Stich

Classé dans : Avis littéraires — 25 novembre, 2024 @ 7:00

Genre : Essai, Nouvelles, Science, Science-FictionAu boulot, les robots

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 245

Synopsis : Depuis l’Antiquité, les êtres artificiels sont présents dans les récits d’imaginaire ou dans les expérimentations scientifiques ; apparus au XXe siècle, performants, les robots sont aujourd’hui massivement présents dans l’industrie. Mais après avoir rêvé, dans Blade Runner, de moutons électriques et d’androïdes, la science-fiction s’interroge : les robots seront-ils toujours, pour l’humanité, de fidèles assistants, ou pourraient-ils devenir une menace ?

En deux articles, une interview et huit nouvelles – deux classiques du genre et six fictions inédites –, la fine fleur de l’imaginaire et les meilleurs spécialistes s’interrogent sur la robotique et sur ses possibles évolutions.

Une chose est sûre : les robots et les cobots – ces nouveaux robots coopératifs du XXIe siècle – sont parmi nous. Et pour longtemps !

 

Avis : J’ai reçu ce livre en service presse de la part de la maison d’édition que je remercie de nouveau ! Cette anthologie m’intriguait d’autant plus que j’ai beaucoup aimé Travailler encore ? édité l’année dernière par Stéphanie Nicot.

Ici, nous traitons donc toujours du travail, mais en rapport direct avec la robotique, l’utilisation de robots et la potentielle singularité qui pourrait émerger – traitée depuis des décennies dans les récits de science-fiction. Cela fait un moment que j’apprécie particulièrement les œuvres qui se centrent sur l’IA ou les robots, j’étais donc d’autant plus enthousiaste à l’idée de me plonger dans cette anthologie ! Elle s’ouvre sur une introduction bien écrite et intéressante qui fait un peu un tour d’horizon du robot en SF tout en présentant l’anthologie. Elle m’a donné très envie de me plonger dans ces récits qui attendent souvent depuis des années dans ma PAL ou ma wish-list.

Les deux premières nouvelles n’ont pas été écrites spécialement pour le livre, mais ont été reprises d’autres ouvrages. Pour la première, « Un mauvais jour pour les ventes » de Fritz Leiber, je l’ai trouvée intéressante, surtout avec cette phrase qui clôt l’histoire SPOILER 1. Nous sommes dans un monde futuriste où il existe des robots distributeurs automatiques. Cela pose la question du tape-à-l’œil et du fait que les hommes ne font plus attention à ce qui les entoure ; SPOILER 2 Malgré le fait que ce soit donc intéressant, j’ai eu un peu de mal avec cette nouvelle – peut-être à cause de la fatigue à ce moment-là. J’ai aimé l’analyse qui en est faite plus loin et qui m’a fait reconsidérer mon point de vue après coup. Pour la deuxième nouvelle, « Cap Tchernobyl » de Sylvie Denis, je dois avouer que j’ai été un peu déçue par la finSPOILER 3 Le lecteur suit un père et son fils ; ceux-ci rencontrent un robot de travail qui semble se poser des questions sur la singularité et les éventuels droits des robots. J’ai aimé l’image des tigres qui file le texte, mais je ne suis pas sûre que cette nouvelle me restera.

Toutes les nouvelles qui suivent ont été écrites pour l’anthologie et sont entrecoupées d’entretien ou de petits essais sur les problématiques abordées par l’ouvrage dans son entier.

Vient donc ensuite « Vivants, yeux de sang » de Johan Heliot. Elle traite d’une forme de révolte, mais je ne veux pas trop en dire pour vous laisser la découvrir. SPOILER 4 C’est un sujet que l’on voit beaucoup et que je suis parfois un peu fatiguée de retrouver. La nouvelle est assez bonne, mais un peu laborieuse à lire parfois à cause de certaines formes de phrase. C’est aussi cruel et j’ai, également, été déçue par la fin ; pour moi, c’était un peu : « tout ça pour ça ? » SPOILER 5

Puis, nous avons « Patine » d’Alex Nikolavitch : c’est la première nouvelle de l’anthologie que j’ai vraiment appréciée. Elle est à la fois en lien avec l’actualité sans utiliser de procédés qui m’agacent et elle permet d’aborder le sujet de l’IA et du comportement que les êtres humains adoptent quand ils sont confrontés à elle. J’ai aimé SPOILER 6 Cette nouvelle nous renvoie toujours à l’idée d’un capitalisme écrasant et d’une catastrophe climatique imminente qui pousse les hommes à construire des infrastructures sur d’autres planètes. J’ai beaucoup aimé la fin ! Seul petit défaut : quelques coquilles qui se sont glissées dans le texte, ce qui est un peu dommage.

Cette nouvelle est suivie d’un article qui nous permet de découvrir le contexte de son écriture et d’amorcer une réflexion sur la SF, ce à quoi elle « sert », ce qu’elle imagine, mais aussi la raison pour laquelle elle n’a rien à voir avec la Silicon Valley, clairement critiquée ici.

Le lecteur enchaîne avec un autre article, cette fois par Ketty Steward ; il répond au précédent et donne une autre vision du contexte d’écriture des nouvelles. Il en explique la genèse au sein d’un atelier d’écriture dans une entreprise et évoque la raison pour laquelle ces ateliers ont été mis en place.

L’autrice nous livre ensuite une nouvelle, « Collabots ». Elle y utilise l’écriture inclusive, mais je n’ai pas toujours trouvé cela très logique – parfois, elle n’est pas utilisée et je n’ai pas compris pourquoi, mais ce peut aussi être moi, bien sûr, je ne suis pas une experte. Le titre laisse entendre une division entre deux camps et m’a fait penser à la collaboration sous l’OccupationSPOILER 7 Ici, la singularité a déjà eu lieu mais SPOILER 8 C’était un récit bien mené que j’ai aimé suivre, d’autant plus en comprenant que SPOILER 9

Vient alors ma nouvelle préférée – et je m’y attendais un peu, étant donné que j’avais adoré La Séquence Aardtman de cet auteur – : « Extrêmement fébrile, terriblement fonctionnel » de Saul Pandelakis. C’était top et c’était évident que ce le serait ! J’adore l’écriture de cet auteur, à la fois vraie, orale et parfois poétique. Ici, il donne une véritable voix à son personnage qui devient réel pour le lecteur. J’aime aussi l’univers qui est construit autour d’elle : un monde futuriste où il est possible d’avoir un orgabot. Je ne vais pas expliquer ce que c’est parce qu’une partie du plaisir du texte vient de l’absence de compréhension, au début. En effet, notre narratrice ne nous raconte pas les faits de manière linéaire ce qui perd un peu le lecteur quand il commence à lire ; mais tout finit par faire sens, on finit par comprendre très rapidement et l’on est happé par le style de l’auteur qui nous embarque complètement. J’ai beaucoup aimé aussi la typo qui change, l’intégration des émojis, le fait que notre narratrice – que j’ai adorée au fil des pages – SPOILER 10 J’adore aussi le choix des noms, la fin, le ton … Tout ! Je vous recommande fortement cet auteur et ses textes !

Il est très difficile de passer derrière Saul Pandelakis ; heureusement, les récits sont suffisamment différents pour que je ne les compare pas. La nouvelle précédente reste ma préférée, mais j’ai tout de même pu apprécier les suivantes.

Vient ensuite « L’amibot » de Pierre Bordage. C’est une belle nouvelle, peut-être un peu trop rapide dans son déroulé, mais agréable à lire et très touchante. On y rencontre un robot qui va être « engagé » pour suivre la fin de vie d’un petit garçon. SPOILER 11

Puis arrive « De mères en filles » de Floriane Soulas, une très bonne nouvelle, un peu creepy, et c’est aussi ce qui fait son originalité et sa qualité ! On y suit un robot qui doit faire une inspection dans une usine ; il se pose des questions sur une partie de son activité. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère pesante qui se crée peu à peu et la fin est assez glaçante !

Après cette nouvelle, nous n’avons plus que des articles et un entretien. Thierry Colin et Benoît Grasser écrivent au sujet des cobots et de leur différence avec les robots. C’était intéressant, mais très spécialisé et pas forcément ce que je recherche en lisant ce genre d’anthologie, même si cela apporte un degré de réalité supplémentaire étant donné que ce sont des articles scientifiques et non fictionnels. Alexandre Publié, quant à lui, a accepté un entretien concernant son activité – il est directeur fondateur du groupe O -, notamment l’utilisation de cobots, et le projet d’atelier d’écriture mené dans une de ses usines. Je ne sais pas si c’est moi qui ai mal compris, mais j’ai l’impression que le lien entre l’anthologie, l’atelier d’écriture et le groupe O n’était pas tout à fait clair ; les pièces du puzzle s’assemblent au fil de la lecture, mais ce n’est pas expliqué en amont. A nouveau, le propos de l’entretien est assez spécialisé, mais toujours intéressant. En effet, les cobots semblent des éléments importants dans l’évolution de l’industrie sur différents points (conditions de travail, non remplacement des êtres humains mais véritable collaboration avec eux). Suit un nouvel article de Ketty Steward sur l’atelier d’écriture, ici en lien avec l’entretien précédent. J’ai trouvé intéressante l’idée de faire écrire des gens qui n’en ont pas l’habitude et qui travaillent dans un secteur en lien potentiel avec la science-fiction et j’ai aimé lire les explications de l’autrice sur les raisons qui l’ont poussée à mener à bien ce projet.

L’anthologie se clôt sur une postface écrite par Amandine Brugière et Grégory Plançon. Le début était aussi spécialisé que les différents articles ; par la suite, les auteurs analysent les nouvelles grâce au sujet précis que celles-ci abordent. J’ai aimé ce côté réflexif qui m’a semblé une très bonne conclusion pour l’ensemble de l’ouvrage : il permet de revenir sur les nouvelles, de les voir différemment parfois et de prolonger la réflexion au-delà de l’anthologie pour le lecteur, s’il le désire.

 

 

SPOILER 1 Elle rapproche les hommes des robots et les robots de l’homme. Ce n’est pas le robot qui n’est pas humain, malgré le fait qu’il ne comprenne pas ce qui est arrivé et qu’il continue de tenter de vendre ses produits à des êtres agonisants ; ce sont les êtres humains qui l’ont programmé et ces hommes qui viennent sauver les victimes qui se sont mués en robots de par leur apparence.

SPOILER 2 ils se préoccupent d’apparence, de futilité : ils suivent le robot et ignorent le danger qui vient. Attirés par la publicité et l’appât de la consommation, ils ne sont plus conscients de leur environnement et incapables de réagir quand leur vie est en péril. J’ai vraiment eu l’impression d’êtres obnubilés par un nouveau jouet.

SPOILER 3 Certes, l’enfant et le robot sont ensemble, mais j’ai trouvé que c’était trop peu. Que se passe-t-il ensuite ? Je suppose que l’autrice a voulu laisser le lecteur imaginer ce qui allait arriver : une possible union des robots et l’implication de certains êtres humains dans l’émergence de la singularité ? Pour une fois, je n’ai pas apprécié ce procédé. J’aurais préféré avoir une fin claire, une piste, quelque chose qui permette au lecteur de voir le chemin pris par ces personnages et ce qui pouvait en résulter.

SPOILER 4 Un jeune homme est confronté à l’idée qu’il est une forme de complice du gouvernement quand une grande partie de la population souffre et une autre se soulève pour lutter contre le système oppresseur.

SPOILER 5 Je n’ai vraiment pas aimé que le personnage principal tombe aussi vite amoureux d’une jeune femme dont il ne sait rien dans une forme d’insta love que j’ai beaucoup de mal à supporter dans tout type de récit. Mais le fait qu’en plus, il ne la revoit plus par la suite ? Je me suis vraiment dit que cet aspect ne servait pas vraiment l’histoire ; le fait que son frère soit dans la résistance suffisait pour donner au récit un aspect tragique. 

SPOILER 6 la façon dont Ti-May considère Jackson, le fait qu’elle lui parle correctement, qu’elle ne le traite pas en objet. Le fait aussi que se crée entre eux une forme de relations qui donne à penser au lecteur que Jackson n’est pas qu’un robot, qu’il peut être plus. Même si Jackson patine, elle s’accroche à l’idée qu’il ne doit pas être débranché et regrette le fait qu’il soit amputé d’une partie de sa mémoire. J’ai également apprécié que le robot ne soit pas du tout fautif, mais que ce soit des êtres humains, sur terre, qui, par paresse, ont engendré un trop plein de données pour le robot, lui permettant d’avoir accès à des informations qu’il n’aurait pas dû connaître. C’était un joli pied-de-nez et un rappel que nous sommes faillibles et que, pour l’instant, si nos outils technologiques ont des défauts, ils sont de notre fait, non du leur.

SPOILER 7 j’ai beaucoup aimé le côté « machines contre machines » couplé à l’émergence de la singularité. Quand certains robots revendiquent des droits, d’autres semblent complètement dévoués aux êtres humains, ce qui mène à des sabotages, des formes d’ »attentats » contre ces collabots.

SPOILER 8 les robots sont seulement destinés au travail pour l’instant, ce qui entraîne le conflit auquel le lecteur assiste.

SPOILER 9 le narrateur est un de ces collabots qui demande de l’aide aux IA autonomes.

SPOILER 10 parle en réalité à Grobot qui a cessé de fonctionner, après un incident survenu chez Gershwin et impliquant son propre orgabot, Bastrimal.

SPOILER 11 J’ai trouvé que le déclenchement de la singularité était très rapide, ce qui m’a un peu sortie du texte ; mais je comprends que, pour les besoins de la nouvelle, il faut que tout arrive en trois mois.

L’Epaisseur d’un cheveu de Claire Berest

Classé dans : Avis littéraires — 10 novembre, 2024 @ 4:44

Genre : ContemporaineL'Epaisseur d'un cheveu

Editeur : Albin Michel

Année de sortie : 2023

Nombre de pages : 240

Synopsis : «Il était alors impossible d’imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Etienne tuerait sa femme.»

Etienne est correcteur dans l’édition. Avec sa femme Vive, délicieusement fantasque, ils forment depuis dix ans un couple solide et amoureux. Parisiens éclairés qui vont de vernissage en concert classique, ils sont l’un pour l’autre ce que chacun cherchait depuis longtemps.

Mais quelque chose va faire dérailler cette parfaite partition.

Ce sera aussi infime que l’épaisseur d’un cheveu, aussi violent qu’un cyclone qui ravage tout sur son passage.

Implacable trajectoire tragique, L’Épaisseur d’un cheveu ausculte notre part d’ombre. Claire Berest met en place un compte-à-rebours avec l’extrême précision qu’on lui connaît pour se livrer à la fascinante autopsie d’un homme en route vers la folie.

 

Avis : J’ai lu ce livre pendant que je cherchais une œuvre pour un club lecture ; je l’ai donc annoté et je me suis demandé en quoi il était intéressant à analyser.

Dès le début, et même, dès le résumé, le roman nous accueille en nous prévenant : le personnage principal que nous suivons, Etienne, va bientôt tuer sa femme, Vive. Oh, joie. Ce livre traite donc de féminicide en nous plaçant dans la tête du tueur. Oh, joie ! Si j’ai déjà lu des ouvrages de ce style, comme You de Caroline Kepnes, un de mes romans préférés, ici, l’autrice a décidé de nous avertir sur l’issue de l’histoire, ce qui ne laisse aucune chance à son personnage principal : il est impossible de s’attacher à lui, de lui trouver la moindre excuse ou de lui pardonner quoi que ce soit. Je me suis demandé, à certains moments du récit, si, sans cette information, j’aurais ressenti de l’empathie pour lui.

En effet, Etienne, dès les premières phrases du roman, est un personnage proprement détestable. Arrogant, sûr de lui, méprisant avec ceux qui l’entourent, il est persuadé de sa grandeur et se permet d’adopter une attitude professionnelle difficilement justifiable, qu’il explique quand même parce qu’il sait mieux que les autres comment agir. Que ce soit avec des inconnus ou des proches, et surtout avec sa femme, Etienne est vraiment imbuvable. Bien sûr, cela empire quand il va jusqu’à tuer sa femme. SPOILER 1 Et il est persuadé que le monde tourne autour de lui, que les gens le regardent, pensent à lui, l’insultent peut-être ou le jalousent ; je ne sais pas si on peut parler de pervers narcissique – puisqu’on en parle un peu à toutes les sauces et que l’expression perd ainsi de son sens -, mais il est, au moins, définitivement narcissique.

Je me suis demandé, au fil des pages, si l’autrice allait nous faire vivre le meurtre ou non ; en effet, le lecteur comprend que la chronologie du roman est brisée puisqu’il a, à sa disposition, des bouts de l’enquête menée par la police après le meurtre de Vive. SPOILER 2

Concernant l’écriture, j’ai trouvé qu’elle était fluide, sans fioritures et sans accrocs ; j’ai aimé le saut de ligne qui, pour moi, SPOILER 3 Pour le titre, j’ai bien compris qu’il montrait le côté infime de ce qui fait basculer Etienne, SPOILER 4 Enfin, le résumé nous dit que « L’Épaisseur d’un cheveu ausculte notre part d’ombre« . Je suppose que l’idée est ici de faire comprendre que les féminicides ne sont pas commis seulement par des tueurs en puissance, mais que chacun de nous peut avoir recours à la violence, même extrême, dans certains cas. Je ne suis pas persuadée d’adhérer à cette idée. Évidemment, chacun a sa part d’ombre, mais je doute que chacun puisse, un jour, tuer, sur de simples suppositions, avec autant de précision et d’horreur que notre personnage principal. C’est une vision de l’être humain que je trouve assez glaçante.

Enfin, ce roman aborde aussi, de manière secondaire, puisque c’est un peu le décor en fond de l’histoire, le monde du livre et de la culture. En effet, Etienne et Vive évoluent dans le milieu parisien des galeries, des maisons d’édition et de l’art contemporain. Si Etienne a des idées bien arrêtés sur tout ça, le roman nous permet tout de même d’entrer momentanément dans ce milieu et d’en aborder certains aspects, comme la possible utilisation de l’IA en littérature.

 

Donc, un bon roman, bien écrit, qui reste assez difficile à lire, à la fois en raison de son sujet – le féminicide – que de la mise en avant de son personnage principal insupportable.

 

SPOILER 1 Et c’est là que le roman prend une direction que l’on peut juger comme on le veut, mais qui est intéressante : j’ai eu l’impression qu’Etienne devenait fou. Sa façon de parler, de détourner la conversation, de se mettre en avant, toujours, alors même qu’il est en salle d’interrogatoire pour le meurtre de sa femme qu’il est impossible de couvrir puisqu’il était couvert de son sang : on dirait que le personnage a lâché quelque chose et qu’il est entré dans un délire étrange. Je ne suis pas sûre de la façon d’interpréter cette fin : est-ce qu’il tente de manipuler le policier ? est-ce qu’il est dans le déni ? est-ce qu’il pense juste qu’il va s’en sortir parce qu’il est convaincu d’être dans le vrai, qu’il a eu raison de la tuer ? est-ce qu’il est à ce point déconnecté de la réalité ? Jusqu’à la fin, ce personnage est à vomir.

SPOILER 2 La façon dont Etienne tente de justifier son meurtre et le fait qu’il découvre qu’elle ne le trompait, en réalité, pas, ne font rien pour alléger l’horreur de son geste. La perversité du personnage va très loin : il prend des photos du cadavre de sa femme, comme un pied-de-nez morbide à son travail d’artiste qu’il a, au préalable, détruit pendant son absence. 

SPOILER 3 mime peut-être l’état psychologie d’Etienne qui déraille déjà – mais a-t-il jamais été sain d’esprit ? ou est-ce une façon de nous montrer sa violence latente ?

SPOILER 4 l’ironie tragique étant qu’il s’est trompé sur pas mal de choses, notamment sur le fait que sa femme avait une liaison – ce qui n’est, évidemment et de toute façon, pas une raison pour lui faire le moindre mal, encore moins la tuer.

Ecrire sa vie de Marianne Chaillan

Classé dans : Avis littéraires — 9 novembre, 2024 @ 9:12

Genre : PhilosophieEcrire sa vie

Editeur : Les Editions de l’Observatoire

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 143

Synopsis : Nous chérissons nos vieilles photos de classe. Quand nous les regardons, nous nous demandons avec nostalgie ce que sont devenus nos camarades perdus de vue depuis des années. Quelle est leur vie, quel chemin ont-ils emprunté ? Est-ce que tout était joué d’avance ou ont-ils pu choisir leur existence ? Les ouvrages de développement personnel répondent sans appel : nous pouvons et même devons devenir les auteurs de notre vie. Pour Marianne Chaillan, cet impératif de liberté est une imposture nous condamnant, paradoxalement, à la plus grande servitude. Car trouver un véritable chemin de libération pour écrire sa vie n’est pas chose aisée. L’endroit et l’époque où l’on naît, notre famille et son histoire, tous ces faisceaux de déterminismes ne dessinent-ils pas, pour nous et par avance, les lignes de notre existence ? Convoquant la philosophie, la pop culture et la littérature, l’autrice nous invite à une quête passionnante : la recherche de notre liberté, par-delà le destin et la volonté.

 

Avis : Dans ce nouvel essai, Marianne Chaillan se propose de nous parler de liberté et de nous expliquer en quoi nous sommes (ou non) les maîtres de notre vie.

Si une part de son texte est bâti en désaccord total avec les ouvrages de développement personnel qui fleurissent dans toutes les librairies, l’autrice, en écrivant cet essai, ne nous laisse pas seuls face à notre désarroi et à ces questions : suis-je maître de mon destin, suis-je libre, puis-je faire des choix et forger ma propre vie ? Comme toujours, Marianne Chaillan construit son texte de manière très pédagogique, partie par partie, comme elle poserait les briques de notre éducation à la philosophie. Ici, elle part de photos de classe et se pose la question : que sont devenus ces camarades et, surtout, leur vie était-elle déjà écrite d’avance ou ont-ils façonné leur destinée ?

Elle va ainsi évoquer différentes théories philosophiques sur la liberté, mais aussi différentes facettes de nos vies. Elle traite ainsi, par exemple, des déterminismes qui nous contraignent, en partie, à l’aide d’écrivains et de philosophes comme Jean Anouilh et son Antigone, que je faisais moi-même étudier à mes élèves tous les ans en classe de 3e, Victor Hugo ou Epictète ; ou encore, de la volonté, dont elle démystifie brillamment la toute puissance dans une partie attestant du coup monté que peut parfois sembler être la vie, du mérite et de la paresse, qui ne fait que plomber ceux qui ne s’en sortent pas aussi bien que les autres. Ainsi, si le lecteur retrouve des philosophes qu’il connaît ou que l’autrice cite souvent, il est aussi mis en face d’exemples concrets, par exemple, celui d’Ismaël ou de Chantal Jaquet.

J’ai aimé qu’elle évoque aussi, en parlant de développement personnel et de mérite, le fait que l’injonction à donner toujours le meilleur de soi, à « devenir qui nous sommes », cet être latent et meilleur qui sommeille en nous, est parfois contre-productive. On peut avoir l’impression d’un rêve atteignable que l’on ne parvient pas à réaliser parce que nous ne faisons jamais assez. Je cite ici l’autrice, avec la citation qui est, pour moi, l’une des plus importantes de tout le livre : « Un individu, quel qu’il soit, y compris le transclasse [celui qui accède à une classe sociale supérieure au cours de sa vie], est le fruit d’une complexion, un nœud de déterminations qui se tissent et non un individu isolé qui se ferait tout seul. Aussi il importe de comprendre les mécanismes de son histoire pour en finir une fois pour toutes avec cette illusoire figure du self-made-man qui, outre les ravages narcissiques qu’elle produit sur les personnes en question, culpabilise à tort ceux qui n’ont pas connu pareille ascension sociale. » J’ai, d’ailleurs, peu de temps après, cherché des livres sur la culpabilisation, un sujet qui me tient très à cœur.

Enfin, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet essai, grâce à la prose de l’autrice, aux auteurs qu’elle convoque, mais aussi parce que le désespoir que ses textes font parfois naître en moi est compensé par l’affirmation qu’il est toujours possible d’agir, tout en acceptant que tout ne dépend pas de nous. Nous ne sommes peut-être pas tout à fait libres, mais nous ne sommes pas non plus dans la matrice : profitons de ce que nous pouvons et écrivons nos vies, puisque c’est ce seul récit que nous maîtrisons.

 

Donc, comme toujours avec Marianne Chaillan, j’ai passé un très bon moment, j’ai appris des choses et je suis sortie grandie de ma lecture.

Seule en sa demeure de Cécile Coulon

Classé dans : Avis littéraires — 9 novembre, 2024 @ 8:28

Genre : HistoriqueSeule en sa demeure

Editeur : L’Iconoclaste

Année de sortie : 2021

Nombre de pages : 334

Synopsis : « Le domaine Marchère lui apparaîtrait comme un paysage après la brume. Jamais elle n’aurait vu un lieu pareil, jamais elle n’aurait pensé y vivre. »

C’est un mariage arrangé comme il en existait tant au XIXème siècle. À dix-huit ans, Aimée se plie au charme froid d’un riche propriétaire du Jura. Mais très vite, elle se heurte à ses silences et découvre avec effroi que sa première épouse est morte peu de temps après les noces. Tout devient menaçant, les murs hantés, les cris d’oiseaux la nuit, l’emprise d’Henria la servante.
Jusqu’au jour où apparaît Emeline. Le domaine se transforme alors en un théâtre de non dits, de désirs et de secrets enchâssés, « car ici les âmes enterrent leurs fautes sous les feuilles et les branches, dans la terre et les ronces, et cela pour des siècles. »

 

Avis : J’étais intéressée par ce livre parce que, paradoxalement, j’ai lu des chroniques négatives qui m’ont intriguée, notamment des remarques sur l’écriture. Je me suis donc lancée en attendant quelque chose d’assez poétique – et, avec, en tête, l’idée potentielle de le proposer pour un club lecture, donc j’ai pris des notes

L’histoire est celle d’une jeune femme, Aimée, qui va devenir la maîtresse du domaine Marchère. C’est un mariage arrangé, me semble-t-il – en tout cas, ce n’est pas tout à fait un mariage d’amour, puisque les personnages ne se connaissent pas. D’un côté, Candre est un homme mystérieux, qui garde ses secrets et qui se montre doux, tendre avec sa femme. Pour autant, le fait qu’il cache quelque chose laisse entendre qu’il a une part sombre qui nous sera potentiellement révélée par la suite. Au fil de ma lecture, j’ai trouvé que le synopsis en disait beaucoup trop et était un peu mensonger : SPOILER 1

Concernant l’écriture, comme j’en parlais plus haut, j’ai repéré, au cours de ma lecture, quelques belles tournures de phrase, des jeux sur les couleurs surtout, dès le début, avec les vitraux de l’église et la lumière qui entre dans le bâtiment. J’ai aimé certains paragraphes ; j’ai même eu un espoir lors de l’introduction de la maison qui avait l’air personnifiée. Globalement, j’ai apprécié ma lecture, mais je n’y ai pas trouvé l’atmosphère à laquelle je m’attendais : oppressante, étouffante, envahissante pour la jeune femme qui entre dans le domaine Marchère, ambiance qui me semblait promise dans le résumé, justement, qui m’a semblé vendre un tout autre livre. Si certains éléments tentaient de la créer, j’ai trouvé que c’était un peu raté. De plus, certes, l’écriture est belle, mais elle m’a parfois semblé peut-être un peu trop alambiquée, un peu trop chargée ? J’ai aimé certains procédés, mais d’autres m’ont donné l’impression de sentir les ficelles de l’autrice, ce qui m’a un peu gênée.

J’avais deviné certains éléments de l’intrigue, notamment SPOILER 2

Je comprends la fin mais je la trouve tout de même très décevante, comme d’autres éléments que le dénouement amène. SPOILER 3 Il est possible de rapprocher ce livre d’un autre roman gothique : SPOILER 4

 

Donc, je ne sais pas si j’attendais trop de ce roman, mais j’en suis sortie déçue.

 

SPOILER 1 Aimée ne se sent pas menacée par Henria, elle ne se sent pas étouffée par le domaine, même s’il semble insidieusement l’envahir. Elle ne ressent le danger qu’à la fin du livre ; le lecteur qui a lu le synopsis peut donc s’attendre à quelque chose qui vient très tardivement et qui, selon moi, est un spoiler ! La toute dernière phrase du résumé est la dernière phrase du roman !

SPOILER 2 le désir qui allait naître entre Emeline et Aimée et qui n’est pas assez exploité, selon moi ; et l’histoire d’amour entre Aleth et Angelin. C’était assez évident : Emeline, qui est sans doute mon personnage préféré, vient perturber la vie d’une femme qui n’éprouve pas d’amour pour son mari et qui est soudain touchée, à la fois psychiquement et physiquement, par quelqu’un qu’elle admire et qui l’attire. Quant à Angelin, il était palpable que le secret tournait autour de lui. J’avais aussi compris qu’Aleth n’était pas morte ; en revanche, l’implication d’Henria était une surprise – qui aurait été dissipée si j’avais relu le synospis, puisqu’elle m’a semblé insoupçonnable jusqu’à la fin !

SPOILER 3 Je n’ai pas aimé le recyclage de l’image de la vieille sorcière, surtout qu’elle est ici dévoué à un jeune homme qu’elle sert, au détriment de la vie de son propre fils unique. J’ai trouvé la protagoniste assez inutile en fin de compte : elle subit beaucoup mais agit très peu.

SPOILER 4 Rebecca de Daphné du Maurier. Henria peut faire office de Mrs. Danvers, bien qu’elle soit ici dévouée à Candre et non à sa femme précédente. Aimée peut faire penser à la narratrice anonyme mais, ici, elle n’est pas dévouée à son mari ; elle rentre simplement dans le rang au lieu de se sauver – ce qui m’a vraiment énervée comme rarement à la lecture d’un roman. Candre peut, enfin, faire office de Gothic villain, comme Maxim, mais, ici, il n’a pas tué sa femme.

Le Soldat désaccordé de Gilles Marchand

Classé dans : Avis littéraires,Coup de cœur — 14 octobre, 2024 @ 7:35

Genre : HistoriqueLe Soldat désaccordé

Editeur : Les Forges de Vulcain

Année de sortie : 2022

Nombre de pages : 204

Synopsis : Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécu au milieu de l’enfer.
Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre.

 

Avis : Ce livre m’a été conseillé il y a quelques temps par une amie qui l’avait adoré. Intriguée par son enthousiasme, je l’avais noté puis oublié, comme souvent ! Il y a peu, pour un des cours du Master que je suis, il nous a été demandé de choisir un livre sorti récemment pour animer une séance « club lecture ». Ce roman m’est revenu en mémoire, je l’ai lu pour voir s’il y avait suffisamment à dire en terme d’analyse, de style, d’écriture.

Dès le début, le lecteur est interpellé par cette voix narrative qui lui raconte l’histoire de manière assez orale, mais aussi assez vraisemblable. Il est facile d’imaginer ce personnage qui nous parle de la guerre, de sa façon de la voir, de sa façon de vivre avec. Il devient assez vite attachant et le lecteur le suit avec plaisir au fil des pages. Rapidement, j’ai senti que ses enquêtes étaient une manière pour lui de ne pas raconter sa propre histoire tout en la gardant comme fil rouge. SPOILER 1 Maintenant que j’y pense, il me semble que le narrateur n’est jamais nommé, mais je peux me tromper – son anonymat renforcerait mon argument précédent, le fait qu’il ne veuille pas se centrer sur lui, mais sur d’autres, pour continuer à vivre. C’est d’ailleurs aussi « entendable » dans le parasitage régulier de la voix narrative par d’autres personnages qui racontent leur histoire : le narrateur est porte-parole, il s’efface derrière d’autres, alors même que sa voix est assez distinctive. En tout cas, cet ancien soldat enquête sur les disparitions de ses camarades tombés au front. Il mentionne aussi les tentatives de réhabilitation des soldats fusillés pour l’exemple, pour désertion ou mutinerie. J’ai trouvé ce point de vue assez intéressant : ce n’est pas vraiment l’angle d’approche privilégié pour évoquer la Première Guerre mondiale. Ceci dit, je n’ai pas lu tant de livres qui en traitent. Ce thème m’a aussi fait penser à Au revoir là-haut, qui évoque ce sujet de manière un peu différente, mais qui suit les mêmes grandes lignes : les auteurs traitent de l’ingratitude de l’Etat ou des habitants envers ces soldats destinés à n’être que de la chair à canon. A la fin de la guerre, la population veut reprendre une vie normale et oublier la guerre, ce qui est impossible pour les hommes qui ont échappé à la mort pour diverses raisons : stress post-traumatique, handicaps physiques ou mentaux, incapacité à travailler. On retrouve, dès le début du roman, des vétérans qui jouent dans la rue pour obtenir quelques pièces. On est loin du mythe du héros et de la patrie reconnaissante ; on sent, à travers les pages, le besoin d’ériger des monuments pour montrer cette gratitude, mais elle ne se réalise jamais concrètement auprès des survivants. En quelque sorte, ce qui ressort ici, c’est l’hypocrisie de l’époque, le fait de rendre hommage à ceux qui sont morts et de laisser dans la rue ceux qui sont revenus. Une forme de dichotomie est palpable entre le vécu des soldats et la volonté de l’Etat/la population. Sont aussi mentionnés dans l’œuvre des témoignages de la Première Guerre mondiale, comme A l’Ouest, rien de nouveau d’Eric-Maria Remarque ou Le Feu d’Henri Barbusse.

Ainsi, dans Le Soldat désaccordé, le lecteur ne vit pas vraiment la guerre avec le personnage, mais il se voit raconter les grandes étapes du parcours d’Emile Joplain. De Verdun à Vimy en passant par Arras, par exemple, il est amené à vivre, par double procuration, certaines scènes, que ce soit à l’infirmerie ou en plein no man’s land. On retrouve, bien sûr, de nombreuses références historiques, comme, par exemple, des noms d’officiers célèbres – encore une fois, je ne m’y connais pas assez pour les apprécier pleinement, mais j’ai reconnu celui du lieutenant-colonel Driant. De plus, je suis récemment passée voir une exposition sur les blessés de guerre dans laquelle étaient mentionnés, entre autres, le Dakin et les prothèses utilisées sur les amputés ; j’ai retrouvé les deux dans ce roman. L’auteur a fait des recherches approfondies mais, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, et heureusement, il ne met à l’intérieur que ce qui est nécessaire sans vouloir faire un tableau complet de la guerre, ce qui aurait peut-être rapproché son roman des Bienveillantes, que je n’ai pas encore lu, mais dont j’entends souvent dire que l’auteur a voulu absolument tout mettre ce qui rend son récit invraisemblable. On se penche donc aussi ici sur le côté médical de la guerre, sur son côté horrible aussi, sans pour autant que l’écrivain nous abreuve de descriptions affreuses et détaillées des ravages de la guerre. Quelque part, il n’en a pas besoin : son absurdité, sa violence, le désespoir qu’elle a déclenché sont palpables dans le récit des différents personnages et dans celui, tardif, de notre narrateur. Nous parviennent, par leur entremise, les sentiments des Poilus : le doute, la honte, la culpabilité, la détermination, la résignation, et d’autres nuances encore. Donc, pas de mythification ici : le premier chapitre s’est débarrassé du côté héroïque de la guerre assez rapidement et de manière efficace. Si les soldats partent avec le sentiment de faire leur devoir, ils reviennent brisés, avec la conscience que cette guerre n’était pas nécessaire. J’ai vraiment eu le sentiment d’un hommage à de vrais hommes, et pas seulement à des images viriles et héroïques. Je ne l’ai pas mentionné jusque-là mais il est important de préciser que ce roman traite également du statut de l’Alsace et des Alsaciens pendant la Première Guerre mondiale, sujet que je n’ai jamais vu traiter auparavant – mais, encore une fois, je n’ai pas lu beaucoup de romans sur cette guerre. Le narrateur, ancien soldat français, se pose la question de leur point de vue dans tout cela, du fait que les Français partent faire la guerre pour eux sans leur demander leur avis ; il mentionne aussi la méfiance dont ils font l’objet en raison de leur « appartenance » à l’Allemagne pendant plusieurs années.

Au cœur de ce roman, comme le lecteur l’apprend assez vite, se cache une histoire d’amour. Je ne pense pas qu’on puisse dire que c’est l’histoire archétypale du Poilu qui part à la guerre avec, à l’arrière, une fiancée qui l’attend. En effet, SPOILER 2 Je ne veux pas trop vous en dire pour vous laisser apprécier le roman sans aucune révélation préalable, mais c’est une histoire que j’ai aimé suivre, en laquelle je croyais et dont la fin SPOILER 3

 

Je suis sûre que je n’ai pas tout dit sur ce roman, mais peut-être en ai-je dit suffisamment pour vous donner envie de le lire. Sachez que c’est, pour moi, un bel hommage, un livre très bien écrit, très prenant, et un coup de cœur que je ne peux que vous recommander chaudement ! Cela nous rappelle aussi à notre devoir de mémoire, mais pas tout fait celui que l’on nous demande officiellement : nous souvenir, bien sûr, mais pas seulement des héros tombés au combat, aussi des hommes terrifiés, revenus ou non, qui ont vécu un cauchemar pour une cause qui n’était pas forcément celle qu’ils croyaient.

 

 

SPOILER 1 Il me semblait étrange qu’il nous parle si souvent d’Anna mais que nous ne la voyions jamais. J’ai fini par deviner qu’il lui était arrivé quelque chose, mais je ne m’attendais pas à ce que sa fin nous soit racontée de manière si brutale – en écho avec la façon dont elle est morte, sans avertissement, du jour au lendemain. La narration mimait parfaitement la rapidité de sa disparition et le désespoir du personnage, son choc face à cette femme qui est là un instant, morte l’instant suivant.

SPOILER 2 loin d’attendre à l’arrière, Lucie décide de se rendre sur le front pour retrouver Emile. Elle fait ainsi montre d’un courage hors-norme pour plusieurs raisons : elle est Alsacienne et elle traverse la frontière française alors même que le statut des Alsaciens est, pour le moins, spécial ; elle traverse le no man’s land pendant la nuit, donc elle peut se faire tirer dessus à n’importe quel moment – les soldats qui l’ont vue pensent, d’ailleurs, qu’elle est une créature surnaturelle parce qu’il est pour eux impossible qu’elle évite les bombes et les balles de cette façon – ; elle passe de région en région, de travail en travail et elle a le cran de se faire embauchée par l’armée allemande pour retrouver Emile qui est un soldat français ! Vraiment, Lucie n’est pas le personnage féminin passif que l’on aurait pu imaginer dans ce genre de récit.

SPOILER 3 m’a un peu brisé le cœur : savoir qu’Emile est à quelques mètres de Lucie qui dépérit sans que ni l’un ni l’autre ne le sache … L’ironie est trop forte pour moi !

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