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I found myself in Wonderland.

Archive pour la catégorie 'Coup de cœur'

Mon mari de Maud Ventura

Posté : 7 janvier, 2025 @ 9:40 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : ContemporaineMon mari

Editeur : Collection Proche

Année de sortie : 2023 [2021]

Nombre de pages : 266

Synopsis : Elle a la vie dont elle rêvait : une belle maison, deux enfants, l’homme idéal. Après quinze ans de vie commune, elle ne se lasse pas de dire : « Mon mari ! » Pourtant elle veut plus encore : il faut qu’ils s’aiment comme au premier jour. Alors elle s’impose une discipline de fer pour entretenir la flamme. Elle l’observe, note ses fautes, tend des pièges, le punit en conséquence. Elle est follement amoureuse de lui. Jusqu’au jour où, évidemment, elle va trop loin …

 

Avis : J’étais très intriguée par ce livre que je voyais un peu partout, mais surtout sur des chaînes anglophones que je regarde régulièrement. J’ai fini par me laisser tenter !

D’abord, je trouve que le résumé en dit beaucoup trop et je suis contente de ne pas l’avoir relu en entier ; ceci dit, je me souvenais de la dernière phrase et j’attendais cet « événement » beaucoup plus tôt dans le texte – il n’arrive qu’à la fin. Donc, petit conseil si vous ne l’avez pas encore lu : ne lisez pas le synopsis ! Sachez juste que la narratrice est obsédée par son mari – amoureuse, dira-t-elle – et que sa vie, ses pensées, toutes ses préoccupations tournent constamment autour de lui. Cela rend également le sujet même du roman original, sans doute pas dans l’idée de la conservation d’un amour pur et exclusif, mais peut-être dans la perception de cet amour par une femme qui, pense-t-elle, est restée coincée au stade d’amoureuse.

Ce que j’ai adoré, bien sûr, c’est que la narratrice, qui reste anonyme, est indigne de confiance – autrement dit, mon genre de narrateur préféré ! Le lecteur comprend vite non seulement qu’elle ne voit pas tout à fait les choses normalement, mais en plus, qu’elle ne lui dit pas tout, voire que, potentiellement, elle lui ment ! J’écris « potentiellement » parce qu’il ne peut pas en être sûr pour autant, il n’a qu’une intuition qu’il ne peut pas vérifier sur le moment. Cette narratrice, de manière assez originale et révélatrice, n’est pas la seule à ne pas être nommée : c’est aussi le cas de son mari, dont le prénom n’est jamais mentionné clairement, bien qu’elle l’évoque plusieurs fois sans le donner. Il n’est, en fin de compte, plus un individu mais simplement la fonction qu’il occupe auprès d’elle ; il ne peut rien être d’autre, il vit par rapport à elle. SPOILER 1

Ce roman est écrit sur un ton plutôt léger ; il m’a fait rire et sourire à plusieurs reprises. Ce n’est pas tout à fait un thriller – j’ai vu cette classification surtout chez les anglophones – ni tout à fait un roman d’horreur, même si j’ai un peu eu l’impression d’entrer dans une forme d’enfer en débarquant dans la vie de cette femme. Le récit aurait pu virer de bord et intégrait clairement l’un ou l’autre des genres, mais il reste plutôt à la frontière, ce qui est assez habile. SPOILER 2 De plus, ce roman, sans entrer dans une catégorie précise, est aussi terrifiant pour une autre raison : le lecteur peut, à certains moments, et lors de certaines réflexions de la narratrice, s’identifier à elle, notamment quand elle « overthink«  tout ce qui se passe autour d’elle, ce que son mari fait ou ne fait pas, ce qu’une amie dit ou ne dit pas, ce qu’elle-même offre à une amie. J’ai parfois eu l’impression que l’autrice avait décidé de pousser cette tendance de l’overthinking à l’extrême avec sa narratrice : elle se repasse les conversations qu’elle a avec son mari, elle les décortique, elle pèse chaque mot SPOILER 3 Surtout, à aucun moment, la narratrice ne se dit qu’elle pourrait simplement communiquer avec son mari ! D’après ce que j’ai compris, dans son milieu social, « ça ne se fait pas » ; à plusieurs reprises, elle laisse entendre qu’elle ne peut pas partager ses émotions avec son mari. Cet aspect « absence de communication » aurait pu m’agacer mais, ici, il est nécessaire au déroulement de l’intrigue et m’a plutôt semblé logique. Cela participe aussi très bien de la caractérisation du personnage SPOILER 4

Ce texte comporte également une grosse part tournée vers l’« esthétique », les conventions, le rang social. Cette femme est obnubilée par l’apparence, le regard des autres et la place qu’elle occupe. C’est proprement épuisant ! Rien que lire les efforts qu’elle fournit ou l’argent qu’elle dépense pour ne pas se « négliger » m’a fait tressaillir !

Concernant les enfants, j’ai peu à peu ressenti de la compassion pour eux : SPOILER 5

La fin m’a surprise tout en confirmant une piste à laquelle j’avais pensé : SPOILER 6 Aussi, j’ai adoré la façon dont s’ouvre et se clôt le texte : le roman est parfaitement bouclé !

Enfin, je me dois de faire une petite remarque sur l’écriture que j’ai beaucoup aimé. Elle est élégante, fluide, parfois presque poétique sans jamais trop en faire. L’autrice choisit ses mots avec soin pour sa narratrice, ce qui se sent. On sent un réel travail du vocabulaire, une précision que j’ai adorée. Je lirai avec plaisir d’autres livres de l’autrice, et notamment Célèbre, sorti en 2024 !

 

Donc, un premier roman très réussi, très prenant et qui me permet de bien commencer mon année lecture 2025 !

 

 

SPOILER 1 Il est assez ironique et intelligent que le lecteur découvre, à la fin du roman, que ce mari fait subir le même sort à sa femme et ne l’appelle que par ce rôle qu’elle joue auprès de lui.

SPOILER 2 La fin laisse tout de même présager qu’elle pourrait aller plus loin : l’empoisonner à petit feu pour le rendre léthargique ou carrément le tuer !

SPOILER 3 elle va jusqu’à les enregistrer, fouiller dans son ordinateur et, par ce biais, dans son téléphone. Elle se demande, pendant tout le roman, pourquoi son mari l’a comparée à une clémentine, ce qui peut paraître complètement anodin mais qui lui reste en tête pendant toute la semaine et devient une rengaine dans le texte.

SPOILER 4 qui prête des intentions à son mari, interprète absolument tout et, encore une fois, laisse le lecteur penser qu’elle va beaucoup trop loin quand, en réalité, son époux joue effectivement avec tout ce qu’elle imagine.

SPOILER 5 ils vivent aux côtés de deux personnes complètement obnubilées l’une par l’autre, qui se jouent des tours, se rendent fous – comme le dit le mari – qui se torturent sans vraiment s’occuper d’eux. En fin de compte, je n’étais pas étonnée, à la fin du roman, qu’ils restent constamment à deux !

SPOILER 6 je me suis posé la question, à un moment donné, de savoir si le mari, lui aussi, « jouait » avec elle, notamment quand elle dit qu’il lui arrive plusieurs fois par jour d’entendre des « je t’aime » qu’elle a, en réalité, imaginé, ou quand elle sous-entend qu’il la torture. Je me suis dit qu’elle devait exagérer, tout interpréter à outrance, que c’était elle, la personne dérangée du couple. Il s’avère qu’ils le sont tous les deux et qu’ils se sont, visiblement, bien trouvés ! Je me demande, cependant, si cette fin ne réduit pas l’intelligence de cette femme à la bêtise ce qui peut, d’un autre côté, être dommage. Le fait est qu’elle n’est, en réalité, pas « folle » : il lui fait subir la même chose qu’elle – ou, en tout cas, il lui fait subir quelque chose, peut-être qui s’apparente davantage à un jeu que ce qu’elle entreprend et qui est plus une forme de contrôle, un système de récompenses et de punitions – puisqu’elle pense avoir des hallucinations auditives et le trouve froid. Comment peut-elle ne pas se rendre compte de son manège alors qu’il utilise les mêmes techniques qu’elle ? C’est vraiment étrange : cette fin a réussi à créer chez moi une forme de compassion pour cette femme que j’ai trouvée à la fois drôle et terrifiante assez rapidement dans le roman ! De plus, cette fin rend le mari pire que sa femme : il sait ce qu’elle fait alors qu’elle n’est pas consciente que lui aussi met en place une forme de jeu malsain avec elle. Il sait absolument tout, ce qu’elle a aussi rendu facile parce qu’elle garde une trace écrite de tout, comme si elle voulait être découverte – puisqu’elle laisse traîner ses carnets, par exemple. Elle est persuadée que, s’il les trouvait, il réagirait et lui en parlerait ; elle n’a pas compris qu’il a intégré tout ça à sa vie sous forme d’une farce perverse.

Résister à la culpabilisation : Sur quelques empêchements d’exister de Mona Chollet

Posté : 28 décembre, 2024 @ 5:27 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Essai, SociologieRésister à la culpabilisation

Editeur : Zones/Lizzie

Année de sortie : 2024

Nombre de pages/minutes : 264/545

Synopsis : Harcèlement, humiliations, insultes : nous sommes bien averti.es de ces fléaux de la vie en société et nous nous efforçons de lutter contre eux. Mais il y a un cas de figure que nous négligeons : celui où l’agresseur, c’est… nous-même. Bien souvent résonne dans notre tête une voix malveillante qui nous attaque, qui nous sermonne, qui nous rabaisse ; qui nous dit que, quoi que nous fassions, nous avons tort ; que nous ne méritons rien de bon, que nous présentons un défaut fondamental. Cette voix parle particulièrement fort quand nous appartenons à une catégorie dominée : femmes, enfants, minorités sexuelles ou raciales…
Ce livre se propose de braquer le projecteur, pour une fois, sur l’ennemi intérieur. Quels sont ces pouvoirs qui s’insinuent jusque dans l’intimité de nos consciences ? Comment se sont-ils forgés ?
Nous étudierons quelques-unes de leurs manifestations : la disqualification millénaire des femmes et, notamment, aujourd’hui, des victimes de violences sexuelles ; la diabolisation des enfants, qui persiste bien plus qu’on ne le croit ; la culpabilisation des mères, qui lui est symétrique ; le culte du travail, qui indexe notre valeur sur notre productivité ; et enfin la résurgence de logiques punitives jusque dans nos combats contre l’oppression et nos désirs de changer le monde.

 

Avis : Après avoir lu Sorcières et l’avoir plutôt apprécié, j’avais ajouté plusieurs livres de Mona Chollet dans ma wish-list. J’ai appris, peu de temps avant sa sortie, la publication de cet essai qui m’a tout de suite intéressée. Je l’ai écouté sur Spotify avant de le prendre en physique pour en avoir un exemplaire à la maison.

Comme beaucoup, sans doute, et comme l’autrice elle-même, je suis sujette à la culpabilité. C’est vraiment un des plus gros boulets que je me traîne au quotidien. Je suis capable de culpabiliser pour tout et il est donc très facile, pour quasi n’importe qui et même sans le vouloir, de faire en sorte que je me sente mal. A la lecture du titre de ce nouvel essai, évidemment, j’étais à la fois intriguée et pleine d’espoir : serait-ce possible que quelqu’un ait trouvé la solution à ce problème qui me pourrit la vie ? D’un côté, oui ; de l’autre, pas vraiment.

Ce livre fait partie de mes préférés de l’année parce qu’à sa lecture, à plusieurs reprises, je me suis sentie comprise, même si je ne suis pas forcément d’accord avec absolument tout ce qu’écrit l’autrice. Dès le début, avec la voix que décrit Mona Chollet, celle qu’elle entend dans sa tête, je me suis dit que j’étais au bon endroit pour me sentir un peu moins mal ou, en tout cas, pour me sentir moins seule. L’autrice prend le parti d’évoquer ce sujet par le prisme du féminisme, en parlant principalement de la culpabilisation des femmes, de l’origine de ce phénomène et de sa propagation dans d’autres sphères de la société. J’ai eu peur, au début, qu’elle se concentre exclusivement sur le rôle du clergé catholique dans la culpabilisation des femmes ; c’est un argument qui revient régulièrement, mais qui est accompagné d’autres. Autrement dit, l’autrice ne se contente pas de « taper » sur la religion, elle va plus loin. Je ne suis pas toujours d’accord avec elle sur certains aspects de cet argument – notamment quand elle explique que ce sont les préceptes mêmes de la religion qui incriminent la femme – mais cela n’a pas gêné ma lecture parce qu’elle se concentre assez peu dessus.

L’autrice passe aussi par la « diabolisation de l’enfant« , qui occupe l’entièreté du chapitre 2 et qui m’a parfois laissé perplexe – non pas pour les propos tenus par l’essayiste, mais pour ceux des psychologues et pédiatres qu’elle cite. J’ai trouvé que certains exemples étaient à la limite de la maltraitance, voire en sont tout à fait : on peut ne pas être partisan d’une éducation « positive » telle qu’on la voit mise en avant et qui semble parfois dériver si l’on ne comprend pas ses préceptes ou comment la mettre en place, mais certaines recommandations citées semblent aberrantes.

Mes chapitres préférés sont les derniers. Ils traitent de la productivité et des dérives du militantisme. Ils m’ont, honnêtement, fait prendre conscience d’un poids sur mes épaules. Je ne suis, à nouveau, pas forcément d’accord avec tout ; mais je me suis retrouvée dans le portrait dressé par l’autrice, dans cette envie de se détendre, de se laisser un peu aller parfois – de cette peur aussi de se laisser trop aller. Et je me suis rendu compte que les références de l’essayiste sont des textes que j’ai moi-même ajoutés à ma wish-list parce que le sujet m’intéresse – celui de la productivité à outrance, du fait de ne plus regarder autour de soi, de se désoler de contretemps qui nous empêchent de travailler alors même que la vie n’attend que d’être contemplée et vécue, d’une forme d’exploitation qui nous épuise mais à laquelle on consent parce qu’il « faut » travailler pour vivre. Quant au militantisme, j’ai vraiment eu l’impression d’une bouffée d’air frais : l’autrice reprend des idées qui me sont déjà venues, comme la culpabilisation de l’individu, la traque des moindres faux pas de ceux qui nous entourent et la responsabilisation à outrance de chacun quand ce sont les gros groupes, les multinationales, les gouvernements qui ont le pouvoir d’agir de manière beaucoup plus concrète. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire d’efforts à l’échelle de l’individu, mais il ne faut pas être naïf non plus. Et je suis assez agacée par les conseils appuyés sur comment se comporter en bon petit citoyen soucieux de la planète quand je vois l’absence totale de prise en charge des élus ou des PDG d’entreprises. Le message est clair, lucide et doux : faire ce que l’on peut avec nos moyens, mais ne pas se leurrer et devenir un insupportable agent de surveillance pour ceux qui nous entourent. J’en garde aussi la profonde conviction que se juger et juger les autres ne nous apportent que du ressentiment, de la colère et de la mélancolie ; est-ce vraiment dans ce bain nauséabond que l’on veut vivre ?

Dernière remarque : j’ai fini par acheter un exemplaire après la lecture audio – la narratrice est très douée, d’ailleurs ! – parce que j’étais frustrée de ne pas avoir accès à la bibliographie. Il s’avère qu’il n’y en a pas dans l’ouvrage, ce que je trouve dommage ; toutes les références ne sont citées qu’en notes de bas de page, ce qui fait que j’ai dû toutes les relire pour retrouver les textes qui m’avaient interpellée !

 

Donc, un essai qui m’a fait réfléchir, qui m’a appris des choses, que j’ai apprécié découvrir et que je recommande chaudement !

Mémoires de la forêt, tome 4 : La Saison des adieux de Mickaël Brun-Arnaud

Posté : 25 novembre, 2024 @ 7:31 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Fantasy, JeunesseLa Saison des adieux

Editeur : L’école des loisirs

Année de sortie : 2024

Nombre de pages : 303

Synopsis : Autour de la famille Renard, on s’active aux préparatifs de l’anniversaire des quatre-vingts ans de la librairie de Bellécorce quand soudain, une branche craque. C’est le premier signe d’une terrible maladie : le croquebois. Pour en venir à bout, une seule solution : couper l’arbre. Mais, ça, Ernest Renard ne peut s’y résoudre. Le vieux chêne abrite les souvenirs et les oeuvres de sa mère, Anouchka. S’il disparaît, c’est aussi elle qui s’en ira encore un peu plus. À moins que l’arbre des souhaits, un pommier magique dont Anouchka lui avait parlé quand il était petit, n’accomplisse un miracle. Sa quête à travers la forêt lui réservera bien des pépins, et la vie à croquer.

 

Avis : J’ai reçu ce livre en service presse de la part de la maison d’édition ; j’étais tellement contente de l’avoir entre les mains ! J’ai adoré les trois autres tomes, même si le premier reste mon préféré, et j’avais hâte, tout en étant réticente, de lire ce dernier volume des aventures d’Archibald et compagnie.

Et j’avais raison !

Raison d’avoir hâte parce que j’ai également adoré cet ouvrage ; il vient même se placer aux côtés des Souvenirs de Ferdinand Taupe, le premier volume, pour le titre de tome préféré de la série ! J’ai retrouvé tout ce que j’avais aimé : l’écriture de l’auteur, à la fois si poétique, authentique, si fluide et ludique, avec ses jeux sur les mots, sur les noms, ses néologismes ou inventions ; les personnages, même si certains ne sont plus là, même si ce sont d’autres qui occupent ici le devant de la scène – j’ai eu un petit pincement au cœur en constatant que ce n’était pas Archibald le héros de cette aventure, je dois bien l’avouer SPOILER 1 - ; la quête qu’entreprend le héros et qui le mènera à réfléchir, à comprendre un pan de la vie qu’il refusait d’accepter ou de voir. J’aime cette littérature parce qu’elle ne ment pas, parce qu’elle est parfois dure dans ce qu’elle apprend à son lecteur, tout en conservant une douceur enveloppante qui la rend précieuse.

Et c’est pourquoi j’avais aussi raison d’appréhender. Évidemment, j’ai pleuré. Évidemment, j’ai eu mal au cœur, j’ai eu envie que la vie soit différente, toujours douce, toujours tendre, qu’elle ne soit pas si cruelle, qu’elle ne soit pas si brutale : SPOILER 2 J’ai eu envie que SPOILER 3 La fin a été le coup de massue finale et, à nouveau, c’est si beau en même temps ! L’auteur est vraiment parvenu à mêler tristesse et beauté de manière ingénieuse, en livrant une histoire « vraie ». SPOILER 4

 

Donc, une très conclusion, empreinte de tristesse et de joie, de beauté et de cruauté, à l’image de la vie. Nous y retrouvons une dernière fois nos personnages adorés pour leur dire au revoir parce qu’il est trop difficile de leur dire adieu : ils nous accueilleront de nouveau à la prochaine lecture des Mémoires de la forêt.

 

 

SPOILER 1 je me suis laissé surprendre par le fait que c’est lui, en réalité, l’autrice connue sous le nom de Madame Marmotte ! J’ai été ravie de le retrouver et qu’il trouve une place de choix dans ce dernier tome. J’ai aussi tendance à le voir comme un reflet de l’auteur, d’autant plus significatif ici qu’il l’est enfin devenu !

SPOILER 2 la mort d’Anouchka, au début du roman, alors même que nous venons de la rencontrer, alors même qu’elle vient de faire une promesse qu’elle ne pourra pas tenir à son ainé, était dévastatrice. Mais le pire reste la scène où Ferdinand retrouve son trésor : rien que d’écrire ses mots, j’en ai encore les larmes aux yeux. C’était à la fois terrible et si beau.

SPOILER 3 l’arbre de la librairie soit sauvé, même si un spécialiste dit que c’est impossible. Pour autant, j’ai trouvé la quête d’Ernest et la réponse qu’il obtient si belles. Il lui faut accepter que les choses changent, que l’arbre soit aussi soumis au cycle de la vie, qu’il lui faille aussi mourir, et donc qu’il faille déménager et quitter les lieux où sa mère a vécu. 

SPOILER 4 Me remettrai-je un jour de la mort de Ferdinand ? Probablement pas. Mon cœur se gonfle-t-il de joie et de tristesse mêlées en voyant tous les personnages, tous les animaux que nous avons croisés au cours de la série, lui rendre un dernier hommage ? Bien sûr. Cette petite taupe m’a rendu cet animal adorable ; je ne peux plus en voir une sans penser à Ferdinand. Mais, surtout, ne prononcez pas le nom de Taupillon en ma présence ; la réaction est instantanée !

Le Soldat désaccordé de Gilles Marchand

Posté : 14 octobre, 2024 @ 7:35 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : HistoriqueLe Soldat désaccordé

Editeur : Les Forges de Vulcain

Année de sortie : 2022

Nombre de pages : 204

Synopsis : Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécu au milieu de l’enfer.
Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre.

 

Avis : Ce livre m’a été conseillé il y a quelques temps par une amie qui l’avait adoré. Intriguée par son enthousiasme, je l’avais noté puis oublié, comme souvent ! Il y a peu, pour un des cours du Master que je suis, il nous a été demandé de choisir un livre sorti récemment pour animer une séance « club lecture ». Ce roman m’est revenu en mémoire, je l’ai lu pour voir s’il y avait suffisamment à dire en terme d’analyse, de style, d’écriture.

Dès le début, le lecteur est interpellé par cette voix narrative qui lui raconte l’histoire de manière assez orale, mais aussi assez vraisemblable. Il est facile d’imaginer ce personnage qui nous parle de la guerre, de sa façon de la voir, de sa façon de vivre avec. Il devient assez vite attachant et le lecteur le suit avec plaisir au fil des pages. Rapidement, j’ai senti que ses enquêtes étaient une manière pour lui de ne pas raconter sa propre histoire tout en la gardant comme fil rouge. SPOILER 1 Maintenant que j’y pense, il me semble que le narrateur n’est jamais nommé, mais je peux me tromper – son anonymat renforcerait mon argument précédent, le fait qu’il ne veuille pas se centrer sur lui, mais sur d’autres, pour continuer à vivre. C’est d’ailleurs aussi « entendable » dans le parasitage régulier de la voix narrative par d’autres personnages qui racontent leur histoire : le narrateur est porte-parole, il s’efface derrière d’autres, alors même que sa voix est assez distinctive. En tout cas, cet ancien soldat enquête sur les disparitions de ses camarades tombés au front. Il mentionne aussi les tentatives de réhabilitation des soldats fusillés pour l’exemple, pour désertion ou mutinerie. J’ai trouvé ce point de vue assez intéressant : ce n’est pas vraiment l’angle d’approche privilégié pour évoquer la Première Guerre mondiale. Ceci dit, je n’ai pas lu tant de livres qui en traitent. Ce thème m’a aussi fait penser à Au revoir là-haut, qui évoque ce sujet de manière un peu différente, mais qui suit les mêmes grandes lignes : les auteurs traitent de l’ingratitude de l’Etat ou des habitants envers ces soldats destinés à n’être que de la chair à canon. A la fin de la guerre, la population veut reprendre une vie normale et oublier la guerre, ce qui est impossible pour les hommes qui ont échappé à la mort pour diverses raisons : stress post-traumatique, handicaps physiques ou mentaux, incapacité à travailler. On retrouve, dès le début du roman, des vétérans qui jouent dans la rue pour obtenir quelques pièces. On est loin du mythe du héros et de la patrie reconnaissante ; on sent, à travers les pages, le besoin d’ériger des monuments pour montrer cette gratitude, mais elle ne se réalise jamais concrètement auprès des survivants. En quelque sorte, ce qui ressort ici, c’est l’hypocrisie de l’époque, le fait de rendre hommage à ceux qui sont morts et de laisser dans la rue ceux qui sont revenus. Une forme de dichotomie est palpable entre le vécu des soldats et la volonté de l’Etat/la population. Sont aussi mentionnés dans l’œuvre des témoignages de la Première Guerre mondiale, comme A l’Ouest, rien de nouveau d’Eric-Maria Remarque ou Le Feu d’Henri Barbusse.

Ainsi, dans Le Soldat désaccordé, le lecteur ne vit pas vraiment la guerre avec le personnage, mais il se voit raconter les grandes étapes du parcours d’Emile Joplain. De Verdun à Vimy en passant par Arras, par exemple, il est amené à vivre, par double procuration, certaines scènes, que ce soit à l’infirmerie ou en plein no man’s land. On retrouve, bien sûr, de nombreuses références historiques, comme, par exemple, des noms d’officiers célèbres – encore une fois, je ne m’y connais pas assez pour les apprécier pleinement, mais j’ai reconnu celui du lieutenant-colonel Driant. De plus, je suis récemment passée voir une exposition sur les blessés de guerre dans laquelle étaient mentionnés, entre autres, le Dakin et les prothèses utilisées sur les amputés ; j’ai retrouvé les deux dans ce roman. L’auteur a fait des recherches approfondies mais, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, et heureusement, il ne met à l’intérieur que ce qui est nécessaire sans vouloir faire un tableau complet de la guerre, ce qui aurait peut-être rapproché son roman des Bienveillantes, que je n’ai pas encore lu, mais dont j’entends souvent dire que l’auteur a voulu absolument tout mettre ce qui rend son récit invraisemblable. On se penche donc aussi ici sur le côté médical de la guerre, sur son côté horrible aussi, sans pour autant que l’écrivain nous abreuve de descriptions affreuses et détaillées des ravages de la guerre. Quelque part, il n’en a pas besoin : son absurdité, sa violence, le désespoir qu’elle a déclenché sont palpables dans le récit des différents personnages et dans celui, tardif, de notre narrateur. Nous parviennent, par leur entremise, les sentiments des Poilus : le doute, la honte, la culpabilité, la détermination, la résignation, et d’autres nuances encore. Donc, pas de mythification ici : le premier chapitre s’est débarrassé du côté héroïque de la guerre assez rapidement et de manière efficace. Si les soldats partent avec le sentiment de faire leur devoir, ils reviennent brisés, avec la conscience que cette guerre n’était pas nécessaire. J’ai vraiment eu le sentiment d’un hommage à de vrais hommes, et pas seulement à des images viriles et héroïques. Je ne l’ai pas mentionné jusque-là mais il est important de préciser que ce roman traite également du statut de l’Alsace et des Alsaciens pendant la Première Guerre mondiale, sujet que je n’ai jamais vu traiter auparavant – mais, encore une fois, je n’ai pas lu beaucoup de romans sur cette guerre. Le narrateur, ancien soldat français, se pose la question de leur point de vue dans tout cela, du fait que les Français partent faire la guerre pour eux sans leur demander leur avis ; il mentionne aussi la méfiance dont ils font l’objet en raison de leur « appartenance » à l’Allemagne pendant plusieurs années.

Au cœur de ce roman, comme le lecteur l’apprend assez vite, se cache une histoire d’amour. Je ne pense pas qu’on puisse dire que c’est l’histoire archétypale du Poilu qui part à la guerre avec, à l’arrière, une fiancée qui l’attend. En effet, SPOILER 2 Je ne veux pas trop vous en dire pour vous laisser apprécier le roman sans aucune révélation préalable, mais c’est une histoire que j’ai aimé suivre, en laquelle je croyais et dont la fin SPOILER 3

 

Je suis sûre que je n’ai pas tout dit sur ce roman, mais peut-être en ai-je dit suffisamment pour vous donner envie de le lire. Sachez que c’est, pour moi, un bel hommage, un livre très bien écrit, très prenant, et un coup de cœur que je ne peux que vous recommander chaudement ! Cela nous rappelle aussi à notre devoir de mémoire, mais pas tout fait celui que l’on nous demande officiellement : nous souvenir, bien sûr, mais pas seulement des héros tombés au combat, aussi des hommes terrifiés, revenus ou non, qui ont vécu un cauchemar pour une cause qui n’était pas forcément celle qu’ils croyaient.

 

 

SPOILER 1 Il me semblait étrange qu’il nous parle si souvent d’Anna mais que nous ne la voyions jamais. J’ai fini par deviner qu’il lui était arrivé quelque chose, mais je ne m’attendais pas à ce que sa fin nous soit racontée de manière si brutale – en écho avec la façon dont elle est morte, sans avertissement, du jour au lendemain. La narration mimait parfaitement la rapidité de sa disparition et le désespoir du personnage, son choc face à cette femme qui est là un instant, morte l’instant suivant.

SPOILER 2 loin d’attendre à l’arrière, Lucie décide de se rendre sur le front pour retrouver Emile. Elle fait ainsi montre d’un courage hors-norme pour plusieurs raisons : elle est Alsacienne et elle traverse la frontière française alors même que le statut des Alsaciens est, pour le moins, spécial ; elle traverse le no man’s land pendant la nuit, donc elle peut se faire tirer dessus à n’importe quel moment – les soldats qui l’ont vue pensent, d’ailleurs, qu’elle est une créature surnaturelle parce qu’il est pour eux impossible qu’elle évite les bombes et les balles de cette façon – ; elle passe de région en région, de travail en travail et elle a le cran de se faire embauchée par l’armée allemande pour retrouver Emile qui est un soldat français ! Vraiment, Lucie n’est pas le personnage féminin passif que l’on aurait pu imaginer dans ce genre de récit.

SPOILER 3 m’a un peu brisé le cœur : savoir qu’Emile est à quelques mètres de Lucie qui dépérit sans que ni l’un ni l’autre ne le sache … L’ironie est trop forte pour moi !

L’Eté de la Sorcière de Kaho Nashiki

Posté : 29 septembre, 2024 @ 5:47 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : ContemporaineL'Eté de la Sorcière

Editeur : Picquier

Année de sortie : 2024 [1994]

Nombre de pages : 222

Titre en VO : Nishi no majo ga shinda

Synopsis : On passe lentement un col et au bout de la route, dans la forêt, c’est là. La maison de la grand-mère de Mai, une vieille dame d’origine anglaise menant une vie solide et calme au milieu des érables et des bambous. Mai qui ne veut plus retourner en classe, oppressée par l’angoisse, a été envoyée auprès d’elle pour se reposer. Cette grand-mère un peu sorcière va lui transmettre les secrets des plantes qui guérissent et les gestes bien ordonnés qui permettent de conjurer les émotions qui nous étreignent. Cueillir des fraises des bois et en faire une confiture d’un rouge cramoisi, presque noir. Prendre soin des plantes du potager et aussi des fleurs sauvages simplement parce que leur existence resplendit. Écouter sa voix intérieure.
Ce n’est pas le paradis, même si la lumière y est si limpide, car la mort habite la vie et, en nous, se débattent les ombres de la colère, du dégoût, de la tristesse. Mais auprès de sa grand-mère, Mai apprendra à faire confiance aux forces de la vie, et aussi aux petits miracles tout simples qui nous guident vers la lumière.
Ce livre qui prend sa source dans les souvenirs d’enfance de l’écrivaine coule en nous comme une eau claire.

 

Avis : Deux amies ont mentionné ce livre sur un groupe commun ; nous avons été plusieurs à décider de le lire ensemble afin de le découvrir.

C’était une très belle lecture partagée autour de Mai qui, au tout début du roman – c’est littéralement la première phrase de la première partie -, découvre que sa grand-mère est morte. Elle va alors se souvenir de l’été qu’elle a passé à ses côtés, chez elle. C’était doux, beau, touchant, une ode à une vie simple, proche de la nature, loin de l’excitation et de la pression de la ville. J’ai adoré passer ces quelques semaines auprès de Mai et de sa grand-mère, à découvrir ce que c’est que d’être une Sorcière. La protagoniste apprend aussi, à travers cet été, une autre façon de vivre [SPOILER 1]

C’est aussi un roman très émouvant sur le deuil : [SPOILER 2]

Les trois autres parties sont des nouvelles ajoutées à l’histoire d’origine ; j’ai aimé les découvrir, même si elles n’ont pas le même impact que cette première partie qui m’a tellement secouée. Elles n’ont pas pour autant gâcher le livre ; je les ai tout de même lues le lendemain matin afin de laisser l’onde de choc de cette première partie faire son effet.

 

Pour conclure, c’est sans aucun doute une de mes meilleures lectures de l’année et je remercie encore mes amies de me l’avoir fait découvrir. Je lirai d’autres ouvrages de l’autrice avec plaisir !

 

[SPOILER 1] qu’elle ne choisira finalement pas en décidant de retourner vivre avec ses parents.

[SPOILER 2] comment ne pas pleurer en comprenant que Mai se sépare de sa grand-mère sans lui dire qu’elle l’aime et le regrette amèrement quand elle comprend, plus tard, que c’était leur dernière conversation ? comment ne pas pleurer quand elle voit ce message de sa grand-mère, comme un signe par-delà la mort, et que la petite comprend que sa grand-mère sait qu’elle l’aime, qu’elle ne lui en veut pas, qu’elle n’a pas commis de faute irréparable, et qu’elle retrouvera son aïeule de l’autre côté ? comment ne pas pleurer la perte, mais aussi l’espoir d’être réuni ?

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