Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Derniers jours d’un monde oublié de Chris Vuklisevic

Classé dans : Avis littéraires,Coup de cœur — 31 mai 2023 @ 15 h 28 min

Genre : Fantasy Derniers jours d'un monde oublié

Editeur : Folio (SF)

Année de sortie : 2021

Nombre de pages : 349

Synopsis : Plus de trois siècles après la Grande Nuit, Sheltel, l’île du centre du monde, se croit seule rescapée de la catastrophe. Mais un jour, la Main, sorcière chargée de donner la vie et de la reprendre, aperçoit un navire à l’horizon. Il est commandé par une pirate impitoyable, bien surprise de trouver une île au beau milieu du Désert Mouillé.
Si la Main voit en ces étrangers une menace pour ses secrets, Arthur Pozar, commerçant sans scrupules, considère les intrus comme des clients potentiels, susceptibles d’augmenter encore, si possible, son immense fortune.
C’est une nouvelle ère qui s’ouvre. Qu’elle les mène à la gloire ou à la ruine, la sorcière, la pirate et le vieux marchand en seront les instigateurs, bien malgré eux.

 

Avis :J’ai découvert ce titre grâce au Plib : il est dans ma wish-list depuis sa sortie, dans ma PAL depuis fin 2021… Je l’ai enfin lu !

D’abord, je m’arrête un instant sur le titre et la couverture. Le premier promet déjà au lecteur tout un programme de bouleversements dans un monde inconnu à découvrir. J’ai adoré le camaïeu de bleus de la seconde – « repris », d’ailleurs, sur la couverture du nouveau roman de l’autrice, Du thé pour les fantômes. De plus, SPOILER 1

Dès le début, j’ai apprécié le format que prend ce roman. Les personnages sont désignés par leur fonction, un procédé que j’adore. Cela donne immédiatement la certitude que leur rôle sera important au sein de la « politique » du monde ; il est d’ailleurs surprenant SPOILER 2 J’étais ravie de voir une « sorcière » parmi eux – c’est donc vraiment mon thème de l’année, même quand je ne choisis pas le livre pour en trouver ! Enfin, concernant le format, j’ai aimé l’espèce de mélange de médias qu’opère ici l’autrice : nous avons des phases de narration « normales », avec les trois mêmes personnages tout le long de l’œuvre, mais aussi des affiches placardées dans les rues par le gouvernement, des lettres, des communiqués, des extraits de journaux. Cela rend le monde créé encore plus vivant, mais aussi très « actuel » ; ce n’est pas un univers médiévaliste ou reliée à une époque historique antérieure.

J’en viens donc à l’Histoire : l’autrice a vraiment réussi à construire un monde auquel on croit, avec des dates précises, des chroniques, des registres, des traditions ancrées dans le temps, peu remises en question par ceux qui les font respecter. Sa façon, par exemple, de dater m’a fait penser à la nôtre. Cette immersion dans un univers imaginaire mais dont certains éléments sont proches du nôtre permet de ne pas se sentir tout à fait perdu et d’apprécier pleinement le savant mélange entre Fantasy et références « réelles ». Je tiens à préciser, en passant, que ce monde figé est terrifiantSPOILER 3 De plus, cela donne envie au lecteur d’obtenir toujours plus d’informations tout en restant dans un monde marqué par la magie.

Celle-ci, dans ce monde oublié, est liée aux, ou plutôt « classées » par, éléments tout en étant parfois plus complexe que cela. J’aurais aimé en voir plus, notamment concernant SPOILER 4 Alors qu’un bateau étranger s’approche de l’île, le lecteur s’attend à d’autres types de magie ou de technologie sans vraiment savoir ce qu’il va trouver : c’était intrigant de découvrir, peu à peu, les capacités des uns et des autres, ainsi que leurs limites. J’ai adoré les passages où un des personnages tente de comprendre un artefact apporté par les étrangers : SPOILER 5 Sheltel compte aussi des êtres particuliers, les Natifs, qui règnent sur l’île depuis « toujours ». Ce sont des personnages assez ambivalents : à la fois répugnants quand on évoque le roi en place ou la métamorphose SPOILER 6 et impressionnants SPOILER 7

Quant aux personnages, ils ont tous un côté attachant, touchant, et un côté sombre, voire insupportable pour certains. L’autrice crée ainsi des êtres complexes, vivants sur la page, et non des stéréotypes du genre. Nous suivons donc trois d’entre eux : Erika, Arthur et Nawomi. La première est une des pirates qui arrive face à l’île. Elevée sur le bateau, au milieu de soudards, elle est endurcie mais rêve d’une autre vie. SPOILER 8 Arthur, quant à lui, est désigné sous le titre, plutôt ironique pour moi, de « vieux marchand ». En effet, cette façon de l’appeler le fait passer pour tout petit quand il veut faire partie des grands de ce monde. Proche de la Bénie, la prêtresse aux coquillages, il l’aide à conquérir le peuple tout en étant le plus grand feutier de la société. Ce personnage est rongé par son besoin d’ascension sociale ce qui le conduira à prendre des décisions limites et ce qui le rend, parfois, insupportable. Pour autant, c’est aussi un personnage très touchant que le lecteur comprend, même s’il ne cautionne pas ce qu’il fait. SPOILER 9 Enfin, Nawomi est un personnage assez complexe également, tout en ambiguïté, drapée dans ses secrets. Main de Sheltel, elle est la garante des traditions mais révèle rapidement une face plus humaine : SPOILER 10 Ainsi, ces personnages forment des relations complexes avec d’autres êtres qui, eux aussi, ont plusieurs facettes. Aucun d’eux n’est un saint, un personnage entièrement « blanc » ; ils sont tous faits de nuances de gris qui les rendent humains, proches de nous et potentiellement dignes d’être pardonnés.

En effet, parce que ces protagonistes et leur entourage sont « gris », la violence extrême dont ils font preuve n’est pas épargnée aux lecteurs. Je ne m’attendais pas à certains éléments qui m’ont laissée bouche bée tant ils étaient cruels ou brutaux. Je pense, par exemple, au sort d’une femme dont la peau se couvre d’écailles, à l’enfance d’Erika, aux morts qui vont peu à peu avoir lieu. Dans ces moments-là, l’écriture, très agréable, fluide et parfois poétique grâce aux images utilisées par l’autrice, se fait très bien porteuse de l’horreur des situations décrites.

En effet, l’autrice n’a pas peur de faire souffrir ses personnages, d’en torturer, d’en tuer, éclaboussant le lecteur d’effroi et de désespoir par la même occasion. SPOILER 11 J’ai dû, une fois, m’arrêter de lire pour ne pas pleurer en public ! Cette cruauté passe aussi par un glissement du langage poétique à un langage parfois cru, attestant de la maîtrise de la langue par l’autrice.

 

Donc, un excellent roman, très bien mené et dont le monde, bien construit, donne l’illusion d’un univers qui existerait quelque part ; un livre qui m’a touchée et m’a donné envie de lire Du thé pour les fantômes, qui attend désormais dans ma PAL ! C’est un beau coup de cœur !

 

SPOILER 1 elle présage déjà les différents types de magie présents sur l’île et l’émergence d’un personnage en particulier qui va les contrôler et finir par prendre le pouvoir.

SPOILER 2 qu’ils en changent, mais c’est aussi original. Contrairement à la société dans laquelle ils vivent, ils ne sont pas (ou plus) figés dans leur fonction, mais peuvent évoluer, s’adapter. Erika voit son grade augmenter en devenant « La capitaine », acceptant ainsi l’héritage de celle qu’elle refusait de voir comme sa mère ; Arthur n’est plus qu’un « voyageur » parmi d’autres, il n’a plus de place privilégiée au sein d’une société qu’il voulait dominer ; enfin, Nawomi devient « la reine », ce qu’elle n’avait jamais envisagé auparavant. 

SPOILER 3 En effet, étant donné que Sheltel est une île sans voyageurs, fermée sur elle-même, les dirigeants ont mis en place un contrôle des naissances et des décès. Cela donne des scènes lors desquelles les personnages tuent des nouveaux-nés parce qu’ils ont des handicaps ou les envoient dans des refuges où ils seront peu à peu oubliés, mais aussi des scènes où les adultes doivent choisir entre leur bébé « déficient » et leur parent trop âgé pour travailler … L’acte généreux d’Erika, qui refuse de tuer Belle, va déclencher une forme de révolution qui va finir par détruire Sheltel et ses règles.

SPOILER 4 les prisonniers des cellules rouges.

SPOILER 5 ce feu cabareux est fascinant et donne envie, comme les quelques descriptions rapides du reste du monde, de découvrir aussi les continents, leur organisation, ce qu’ils sont devenus quand Sheltel a « disparu ».

SPOILER 6 lente de Nawomi 

SPOILER 7 lorsque l’on découvre le plein potentiel de ce personnage. Le lecteur se rend alors compte que les traditions de l’île, en plus d’avoir tué des milliers d’habitants, ont bridé le pouvoir des régnants, ne faisant d’eux que l’ombre de ce qu’ils auraient pu être.

SPOILER 8 J’ai eu un peu de mal à m’attacher à elle, notamment parce qu’elle tue Majeure – je n’ai aucune idée de pourquoi cette scène m’a troublée, étant donné le rôle de la jeune fille et sa personnalité. Peut-être est-ce parce qu’elle l’a aidée et qu’elle est tuée en retour ? Erika adresse elle-même cet imbroglio moral en se justifiant par le fait que c’était une question de survie. Elle semble assez perdue, en fin de compte, et se retrouve à devoir faire la même chose que sur le bateau : tuer. Au fil des pages, j’ai trouvé qu’Erika faisait davantage adolescente/jeune adulte qu’adulte d’une trentaine d’années – je ne me souviens plus de l’âge qui lui est donné dans le roman – sans doute à cause de ses difficultés à accepter que Kreed, malgré le fait qu’elle l’ait enlevée, lui a aussi permis de survivre et lui a fait office de mère, la protégeant malgré ses rudesses et lui permettant de devenir la femme qu’elle est désormais, capable de survivre sur une île inconnue. J’ai aimé que la relation entre les deux femmes soit abordée différemment vers la fin de l’ouvrage et, – c’est en partie là la force de l’autrice – malgré tout ce qu’elle a fait, j’ai eu mal au cœur lorsque Kreed entre dans la forêt.

SPOILER 9 J’ai eu mal au cœur lorsqu’il perd la Bénie avec laquelle il avait une relation étrange, un peu comme Kreed et Erika. Il la considérait comme sa fille tout en se servant d’elle – il n’a pas recueilli la petite par charité d’âme mais pour s’élever dans la société. J’ai aussi eu pitié de lui lorsqu’il se fait humilier par la foule à la fin du roman ; j’espérais vraiment, de tout mon cœur, qu’il n’allait pas finir comme ça !

SPOILER 10 elle cache sa mère, mi-démente, sous le parquet de sa maison au lieu de la rendre à Sheltel, mère qui a été violée par le Natif, faisant de sa fille une descendante indésirable et normalement immédiatement tuée. En effet, Nawomi voit son corps se métamorphoser au fil du roman : alors qu’elle lutte contre sa nature, elle finit par l’accepter et dévoiler son plein potentiel, un pouvoir qui va détruire la société sclérosée de Sheltel. J’ai adoré l’évolution de son personnage ! Le fait d’aller au-delà des lois de Sheltel fait d’abord souffrir Nawomi ; mais quand les désastres s’accumulent, elle finit par lâcher prise et renverse son père et sa cour. Pour autant, elle n’a pas l’air de devenir une reine tout à fait sympathique : Arthur voit en elle un nouveau tyran, c’est la raison pour laquelle il préfère quitter l’île

SPOILER 11 Je ne me suis toujours pas remise de la mort de Belle ! 

Pas de commentaire »

Pas encore de commentaire.

Flux RSS des commentaires de cet article.

Laisser un commentaire

 

Baseball fans gather zone |
Eaudefiction |
Ici même |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Kpg1221gpk
| Elenaqin
| la saltarelle des baronnes