Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Archive pour mai, 2023

Derniers jours d’un monde oublié de Chris Vuklisevic

Posté : 31 mai, 2023 @ 3:28 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Fantasy Derniers jours d'un monde oublié

Editeur : Folio (SF)

Année de sortie : 2021

Nombre de pages : 349

Synopsis : Plus de trois siècles après la Grande Nuit, Sheltel, l’île du centre du monde, se croit seule rescapée de la catastrophe. Mais un jour, la Main, sorcière chargée de donner la vie et de la reprendre, aperçoit un navire à l’horizon. Il est commandé par une pirate impitoyable, bien surprise de trouver une île au beau milieu du Désert Mouillé.
Si la Main voit en ces étrangers une menace pour ses secrets, Arthur Pozar, commerçant sans scrupules, considère les intrus comme des clients potentiels, susceptibles d’augmenter encore, si possible, son immense fortune.
C’est une nouvelle ère qui s’ouvre. Qu’elle les mène à la gloire ou à la ruine, la sorcière, la pirate et le vieux marchand en seront les instigateurs, bien malgré eux.

 

Avis :J’ai découvert ce titre grâce au Plib : il est dans ma wish-list depuis sa sortie, dans ma PAL depuis fin 2021… Je l’ai enfin lu !

D’abord, je m’arrête un instant sur le titre et la couverture. Le premier promet déjà au lecteur tout un programme de bouleversements dans un monde inconnu à découvrir. J’ai adoré le camaïeu de bleus de la seconde – « repris », d’ailleurs, sur la couverture du nouveau roman de l’autrice, Du thé pour les fantômes. De plus, SPOILER 1

Dès le début, j’ai apprécié le format que prend ce roman. Les personnages sont désignés par leur fonction, un procédé que j’adore. Cela donne immédiatement la certitude que leur rôle sera important au sein de la « politique » du monde ; il est d’ailleurs surprenant SPOILER 2 J’étais ravie de voir une « sorcière » parmi eux – c’est donc vraiment mon thème de l’année, même quand je ne choisis pas le livre pour en trouver ! Enfin, concernant le format, j’ai aimé l’espèce de mélange de médias qu’opère ici l’autrice : nous avons des phases de narration « normales », avec les trois mêmes personnages tout le long de l’œuvre, mais aussi des affiches placardées dans les rues par le gouvernement, des lettres, des communiqués, des extraits de journaux. Cela rend le monde créé encore plus vivant, mais aussi très « actuel » ; ce n’est pas un univers médiévaliste ou reliée à une époque historique antérieure.

J’en viens donc à l’Histoire : l’autrice a vraiment réussi à construire un monde auquel on croit, avec des dates précises, des chroniques, des registres, des traditions ancrées dans le temps, peu remises en question par ceux qui les font respecter. Sa façon, par exemple, de dater m’a fait penser à la nôtre. Cette immersion dans un univers imaginaire mais dont certains éléments sont proches du nôtre permet de ne pas se sentir tout à fait perdu et d’apprécier pleinement le savant mélange entre Fantasy et références « réelles ». Je tiens à préciser, en passant, que ce monde figé est terrifiantSPOILER 3 De plus, cela donne envie au lecteur d’obtenir toujours plus d’informations tout en restant dans un monde marqué par la magie.

Celle-ci, dans ce monde oublié, est liée aux, ou plutôt « classées » par, éléments tout en étant parfois plus complexe que cela. J’aurais aimé en voir plus, notamment concernant SPOILER 4 Alors qu’un bateau étranger s’approche de l’île, le lecteur s’attend à d’autres types de magie ou de technologie sans vraiment savoir ce qu’il va trouver : c’était intrigant de découvrir, peu à peu, les capacités des uns et des autres, ainsi que leurs limites. J’ai adoré les passages où un des personnages tente de comprendre un artefact apporté par les étrangers : SPOILER 5 Sheltel compte aussi des êtres particuliers, les Natifs, qui règnent sur l’île depuis « toujours ». Ce sont des personnages assez ambivalents : à la fois répugnants quand on évoque le roi en place ou la métamorphose SPOILER 6 et impressionnants SPOILER 7

Quant aux personnages, ils ont tous un côté attachant, touchant, et un côté sombre, voire insupportable pour certains. L’autrice crée ainsi des êtres complexes, vivants sur la page, et non des stéréotypes du genre. Nous suivons donc trois d’entre eux : Erika, Arthur et Nawomi. La première est une des pirates qui arrive face à l’île. Elevée sur le bateau, au milieu de soudards, elle est endurcie mais rêve d’une autre vie. SPOILER 8 Arthur, quant à lui, est désigné sous le titre, plutôt ironique pour moi, de « vieux marchand ». En effet, cette façon de l’appeler le fait passer pour tout petit quand il veut faire partie des grands de ce monde. Proche de la Bénie, la prêtresse aux coquillages, il l’aide à conquérir le peuple tout en étant le plus grand feutier de la société. Ce personnage est rongé par son besoin d’ascension sociale ce qui le conduira à prendre des décisions limites et ce qui le rend, parfois, insupportable. Pour autant, c’est aussi un personnage très touchant que le lecteur comprend, même s’il ne cautionne pas ce qu’il fait. SPOILER 9 Enfin, Nawomi est un personnage assez complexe également, tout en ambiguïté, drapée dans ses secrets. Main de Sheltel, elle est la garante des traditions mais révèle rapidement une face plus humaine : SPOILER 10 Ainsi, ces personnages forment des relations complexes avec d’autres êtres qui, eux aussi, ont plusieurs facettes. Aucun d’eux n’est un saint, un personnage entièrement « blanc » ; ils sont tous faits de nuances de gris qui les rendent humains, proches de nous et potentiellement dignes d’être pardonnés.

En effet, parce que ces protagonistes et leur entourage sont « gris », la violence extrême dont ils font preuve n’est pas épargnée aux lecteurs. Je ne m’attendais pas à certains éléments qui m’ont laissée bouche bée tant ils étaient cruels ou brutaux. Je pense, par exemple, au sort d’une femme dont la peau se couvre d’écailles, à l’enfance d’Erika, aux morts qui vont peu à peu avoir lieu. Dans ces moments-là, l’écriture, très agréable, fluide et parfois poétique grâce aux images utilisées par l’autrice, se fait très bien porteuse de l’horreur des situations décrites.

En effet, l’autrice n’a pas peur de faire souffrir ses personnages, d’en torturer, d’en tuer, éclaboussant le lecteur d’effroi et de désespoir par la même occasion. SPOILER 11 J’ai dû, une fois, m’arrêter de lire pour ne pas pleurer en public ! Cette cruauté passe aussi par un glissement du langage poétique à un langage parfois cru, attestant de la maîtrise de la langue par l’autrice.

 

Donc, un excellent roman, très bien mené et dont le monde, bien construit, donne l’illusion d’un univers qui existerait quelque part ; un livre qui m’a touchée et m’a donné envie de lire Du thé pour les fantômes, qui attend désormais dans ma PAL ! C’est un beau coup de cœur !

 

SPOILER 1 elle présage déjà les différents types de magie présents sur l’île et l’émergence d’un personnage en particulier qui va les contrôler et finir par prendre le pouvoir.

SPOILER 2 qu’ils en changent, mais c’est aussi original. Contrairement à la société dans laquelle ils vivent, ils ne sont pas (ou plus) figés dans leur fonction, mais peuvent évoluer, s’adapter. Erika voit son grade augmenter en devenant « La capitaine », acceptant ainsi l’héritage de celle qu’elle refusait de voir comme sa mère ; Arthur n’est plus qu’un « voyageur » parmi d’autres, il n’a plus de place privilégiée au sein d’une société qu’il voulait dominer ; enfin, Nawomi devient « la reine », ce qu’elle n’avait jamais envisagé auparavant. 

SPOILER 3 En effet, étant donné que Sheltel est une île sans voyageurs, fermée sur elle-même, les dirigeants ont mis en place un contrôle des naissances et des décès. Cela donne des scènes lors desquelles les personnages tuent des nouveaux-nés parce qu’ils ont des handicaps ou les envoient dans des refuges où ils seront peu à peu oubliés, mais aussi des scènes où les adultes doivent choisir entre leur bébé « déficient » et leur parent trop âgé pour travailler … L’acte généreux d’Erika, qui refuse de tuer Belle, va déclencher une forme de révolution qui va finir par détruire Sheltel et ses règles.

SPOILER 4 les prisonniers des cellules rouges.

SPOILER 5 ce feu cabareux est fascinant et donne envie, comme les quelques descriptions rapides du reste du monde, de découvrir aussi les continents, leur organisation, ce qu’ils sont devenus quand Sheltel a « disparu ».

SPOILER 6 lente de Nawomi 

SPOILER 7 lorsque l’on découvre le plein potentiel de ce personnage. Le lecteur se rend alors compte que les traditions de l’île, en plus d’avoir tué des milliers d’habitants, ont bridé le pouvoir des régnants, ne faisant d’eux que l’ombre de ce qu’ils auraient pu être.

SPOILER 8 J’ai eu un peu de mal à m’attacher à elle, notamment parce qu’elle tue Majeure – je n’ai aucune idée de pourquoi cette scène m’a troublée, étant donné le rôle de la jeune fille et sa personnalité. Peut-être est-ce parce qu’elle l’a aidée et qu’elle est tuée en retour ? Erika adresse elle-même cet imbroglio moral en se justifiant par le fait que c’était une question de survie. Elle semble assez perdue, en fin de compte, et se retrouve à devoir faire la même chose que sur le bateau : tuer. Au fil des pages, j’ai trouvé qu’Erika faisait davantage adolescente/jeune adulte qu’adulte d’une trentaine d’années – je ne me souviens plus de l’âge qui lui est donné dans le roman – sans doute à cause de ses difficultés à accepter que Kreed, malgré le fait qu’elle l’ait enlevée, lui a aussi permis de survivre et lui a fait office de mère, la protégeant malgré ses rudesses et lui permettant de devenir la femme qu’elle est désormais, capable de survivre sur une île inconnue. J’ai aimé que la relation entre les deux femmes soit abordée différemment vers la fin de l’ouvrage et, – c’est en partie là la force de l’autrice – malgré tout ce qu’elle a fait, j’ai eu mal au cœur lorsque Kreed entre dans la forêt.

SPOILER 9 J’ai eu mal au cœur lorsqu’il perd la Bénie avec laquelle il avait une relation étrange, un peu comme Kreed et Erika. Il la considérait comme sa fille tout en se servant d’elle – il n’a pas recueilli la petite par charité d’âme mais pour s’élever dans la société. J’ai aussi eu pitié de lui lorsqu’il se fait humilier par la foule à la fin du roman ; j’espérais vraiment, de tout mon cœur, qu’il n’allait pas finir comme ça !

SPOILER 10 elle cache sa mère, mi-démente, sous le parquet de sa maison au lieu de la rendre à Sheltel, mère qui a été violée par le Natif, faisant de sa fille une descendante indésirable et normalement immédiatement tuée. En effet, Nawomi voit son corps se métamorphoser au fil du roman : alors qu’elle lutte contre sa nature, elle finit par l’accepter et dévoiler son plein potentiel, un pouvoir qui va détruire la société sclérosée de Sheltel. J’ai adoré l’évolution de son personnage ! Le fait d’aller au-delà des lois de Sheltel fait d’abord souffrir Nawomi ; mais quand les désastres s’accumulent, elle finit par lâcher prise et renverse son père et sa cour. Pour autant, elle n’a pas l’air de devenir une reine tout à fait sympathique : Arthur voit en elle un nouveau tyran, c’est la raison pour laquelle il préfère quitter l’île

SPOILER 11 Je ne me suis toujours pas remise de la mort de Belle ! 

Fantasy & Médias dirigé par Anne Besson, Florent Favard et Natacha Vas-Deyres

Posté : 29 mai, 2023 @ 12:29 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Essai, Fantasy Fantasy & Médias

Editeur : ActuSF

Année de sortie : 2023

Nombre de pages : 283

Synopsis : La fantasy, déjà omniprésente dans les jeux de rôle et jeux vidéo, part aujourd’hui à la  conquête des petits écrans – elle connaît en effet depuis quelques années une impressionnante  expansion du côté des séries télévisées diffusées en streaming sur les plateformes VOD.  Comment expliquer ces « affinités médiatiques » de la fantasy ? est-elle la même au travers de  ses adaptations, ou se transforme-t-elle en fonction de ses supports d’expression ? Pourquoi ses univers se prêtent-ils si bien à l’exploitation croisée qu’on appelle aujourd’hui « transmédia » ?

Riche de douze articles issus du colloque des Imaginales 2022, qui nous parlent d’illustrations et de musique, de séries animées, d’arts du spectacle ou de forums RPG, ce volume se propose d’explorer les liens entre un genre et ses formes et supports d’apparition – entre la fantasy et ses médias.

 

Avis : J’ai reçu cet ouvrage en service presse, donc je remercie à nouveau la maison d’édition de me l’avoir envoyé ! En effet, grâce à elle, j’ai enfin fini par lire Anne Besson !

En effet, la recherche littéraire m’intéresse beaucoup, surtout sur la Fantasy, mais je dois dire que c’est aussi le nom de cette chercheuse qui m’a donné envie de lire ce livre. Je l’ai découverte grâce à deux Mooc et une de mes enseignantes qui l’a citée, me poussant à aller voir sa bibliographie et faisant exploser ma wish-list par la même occasion. C’est elle qui m’a montré que la Fantasy était digne d’être étudiée – je n’en doutais pas, mais aucun universitaire avant elle ne l’avait laissé entendre aussi clairement -, contrairement à ce que j’entendais régulièrement – « ce n’est pas de la vraie littérature », « c’est pour les enfants », « ça ne fait pas sérieux ».

Donc, dès l’introduction, qui évoque l’essor de la Fantasy à travers les médias et présente globalement l’ouvrage, j’étais séduite. C’est clair, précis, fluide et certains éléments résonnent dans mon petit cœur de fan de Fantasy : l’importance du worldbuilding, l’idée de « vivre » dans cet autre monde, de le visualiser clairement. Elle met les différents articles en valeur, donnant envie de tous les découvrir.

Le sommaire ne l’annonce pas, mais l’ouvrage est découpé en trois parties : « Un genre, des médias », « Quels publics pour quels médias ? » et « Circulations transmédiatiques ». J’ai trouvé qu’il abordait des médias divers, de l’illustration au jeu de rôle en passant par les jeux vidéos, les jeux de société et la musique. C’est une façon quasi organique de voir le genre : les différents médias interagissent les uns avec les autres, se répondent ou s’alimentent entre eux. Je n’avais jamais vraiment pensé à la Fantasy de cette façon, mais cela semblait naturel en lisant. Je précise qu’une bibliographie figure à la fin de chaque article, étendant encore ma wish-list infinie – et les vôtres ! Certains des essais sont illustrés, ce que j’ai trouvé bienvenu et pratique, étant donné que certaines des ces illustrations sont analysées au sein des articles, voire en sont le cœur même !

Pour cette chronique, j’ai voulu être la plus exhaustive possible, ce qui la rend très longue. J’aborde donc, après les deux sauts de ligne suivants, chaque article individuellement sans pour autant tout dire, évidemment. Pour ceux qui ne voudraient donc pas lire cette partie mais préféreraient tout découvrir à la lecture, je vous propose de parcourir la suite en diagonale ou ne pas la lire, afin d’accéder directement à la conclusion de la chronique, elle aussi signalée par deux sauts de ligne.

 

 

La première partie comporte d’abord un article de William Blanc sur les illustrations de Fantasy qui remonte  aux origines de l’esthétique médiévaliste. On y traite également d’orientalisme et de la symbolique des couvertures au fil des années, l’auteur s’appuyant sur le sublime développé à la période des Lumières. J’ai adoré les analyses de différentes illustrations présentes dans l’ouvrage : on y décèle un genre inscrit dans l’Histoire moderne et non en décalage par rapport à elle.

Le second article, de Jérémy Michot, traite de la musique dans The Witcher. Fascinant, intriguant, il m’a permis de comprendre pourquoi, à l’écoute de la BO de la première saison de la série Netflix, j’ai eu l’impression d’une musique exotique et familière à la fois, pourquoi cette musique me semblait unique dans le paysage Fantasy tout en conservant des traces déjà entendues. Je n’ai jamais joué aux jeux vidéos de la « franchise », ni regardé les premières adaptations ; cela m’a d’autant plus donné envie de m’y mettre. Cette série est alimentée régulièrement par différents supports et sans doute que celui qui ne s’attache qu’à un seul d’entre eux perd une grande partie de l’immersion possible dans l’univers créé, à l’origine, par Andrzej Sapkowski. L’auteur traite également des emprunts historiques de l’auteur mais aussi des « adaptateurs », ainsi que du mélange savant des types musicaux pour créer cette bande-son bien particulière, finalement facilement reconnaissable.

Vient ensuite Silène Edgar avec son roman Lune rousse adapté du jeu des Loups-garous de Thiercelieux ! Un élève, pendant mon stage, m’a prêté ce livre que j’ai beaucoup aimé ; j’étais très contente de le retrouver ici et d’en avoir une analyse ! L’autrice nous révèle ses emprunts, ses adaptations, ses mélanges pour créer un roman à l’ambiance très proche du jeu tout en étant original, parvenant à surprendre le lecteur quant à l’identité des personnages ou à l’issue de l’intrigue. En effet, des éléments mythologiques, littéraires, culturels ou tirés de la réalité se cachent également dans Lune rousse. La fin m’a achevée avec l’onomastique : j’adore découvrir la symbolique des noms. Cet article m’a donné envie de relire l’œuvre – et de rejouer au jeu ! Attention, toutefois : je vous conseille de lire Lune rousse avant l’essai, puisqu’il spoile l’intégralité du roman !

Enfin, cette première partie s’achève avec Oanez Hélary et les forums RPG. Je ne m’y connais absolument pas, c’était donc une totale découverte de la façon dont fonctionnent ces forums, d’où ils tirent leur inspiration. J’ai aimé qu’ils soient analysés quasiment comme des œuvres littéraires, au niveau de l’écriture mais aussi de leur dimension de worldbuilding ou de leur « prétention » encyclopédique sur un univers entièrement nouveau ou inspiré d’un monde déjà existant.

La deuxième partie débute avec un article de Laura Martin-Gomez au sujet des « modes de réception par les fans » du Seigneur des Anneaux. L’autrice y traite de différentes adaptations, celle de Bakshi, de Rankin & Bass, mais aussi celles de Peter Jackson, incluant les deux trilogies. La série Les Anneaux au pouvoir n’est pas analysée mais juste mentionnée. J’ai beaucoup aimé cet article qui m’a appris beaucoup de choses, notamment sur les adaptations de Peter Jackson et le « jeu » avec les fans, le fait de prévoir les films des années à l’avance, comme la série, alimentant une forme de suspense qui n’est pas toujours très sain au cœur de la communauté de fans. Il traite également de la peur de l’adaptation et de la conscience qu’une œuvre, quelle qu’elle soit, ne peut pas vraiment être parfaitement adaptée, d’où la difficulté, pour le réalisateur, de satisfaire les fans. Pour autant, comme l’évoque l’autrice, ces films ont apporté de nombreux nouveaux lecteurs à Tolkien – elle mentionne donc les expressions de « book-firsters » et de « movie-firsters ». J’ai aimé la partie sur les rituels, dans laquelle je me suis reconnue.

Vient ensuite Marie Barraillier avec les séries Netflix de Fantasy destinées à la jeunesse. Elle y analyse trois séries pour des catégories d’âge différent et explique comment Netflix utilise le genre de la Fantasy pour attirer également les adultes en jouant sur les codes connus mais cachés dans leurs productions et sur la nostalgie des parents geeks. J’ai ajouté deux de ces séries à ma liste de visionnage – pourquoi se contenter de la PAL à faire grossir, après tout ? 

Louis Barchon arrive alors avec un article sur le jeu de rôle, article que j’aurais pu apprécier davantage si je n’avais pas été très gênée par un de ses aspects. En effet, l’auteur, sans doute dans un souci d’inclusion, utilise un procédé que je n’avais jamais vu auparavant et que j’espère ne pas revoir par la suite : « femmes+ » – sachant que le « terme » « hommes+ » n’est jamais utilisé. Le « + », dans la note de l’auteur, « recouvre ici toutes les identités de genre hors masculin-féminin ». J’ai d’abord eu du mal à comprendre, puis je me suis agacée. Enfin, j’en suis arrivée à trois interprétations différentes, toutes potentiellement offensantes pour tel ou tel genre. 1) L’homme est la seule identité de genre qui vaut pour elle-même ; on peut donc associer toutes les autres à la femme qui devient quasiment une identité de genre « minoritaire » face à l’homme majoritaire – je ne pense pas que ce soit l’intention de l’auteur, mais ce peut être perçu ainsi par certains lecteurs. 2) « femmes+ » associe toutes les identités de genre hors masculin/féminin à la femme, ce qui veut dire que ces identités sont tout de même féminisées. 3) On peut enfin avoir l’impression d’un « tout le monde versus les hommes ». En fin de compte, il est possible que, dans une envie d’inclure tout le monde, l’auteur se montre maladroit avec l’utilisation de ce « terme », problématique pour toutes les catégories de genre. J’ai tout de même fini par entrer dans l’article, qui est intéressant, analysant l’essor, le creux puis la renaissance des jeux de rôle. Les nombreuses références m’ont confortée dans l’idée que j’aimerais, un jour, tenter d’y participer, tout en étant un peu douchée par la conclusion qui évoque le côté très masculin de ce média – c’est la raison pour laquelle j’ai inclus l’interprétation 3) de « femmes+ », l’auteur insistant sur le fait que le domaine du jeu de rôle est majoritairement masculin. Selon moi, l’intention était de montrer que le jeu de rôle avait périclité à cause de cette homogénéité du genre, ne parvenant pas à inclure les femmes et les autres identités de genre.

La deuxième partie se poursuit avec les sports et la pop culture par Raphaël Luis, un aspect de la Fantasy qui m’était complètement inconnu ! En effet, ici, l’auteur évoque la série Game of Zones qui mêle NBA et Fantasy grâce à Game of Thrones, et l’émission The Ringer. J’ai trouvé que c’était une façon assez parlante de montrer les liens entre la « réalité » et la Fantasy, le fait qu’on puisse utiliser ce genre pour « promouvoir » un autre élément, ici le sport, attirant ainsi des fans de sport vers le genre médiatique, et des fans de Fantasy vers le basket – peut-être tout de même moins dans ce sens, étant donné le vocabulaire utilisé dans The Ringer, par exemple, pour prédire ce qui allait arriver dans Game of Thrones. J’ai apprécié le parallèle que fait l’auteur entre une élévation du journalisme sportif à un niveau d’excellence et l’élévation du genre de la Fantasy à un niveau « littéraire » tout en les réunissant dans un bain commun : la culture populaire, qui le reste tout en devenant digne d’être étudiée/analysée. C’est une façon de montrer que l’on peut être sérieux, que l’on soit journaliste, auteur ou universitaire, tout en traitant de pop culture (cf. tous les universitaires et auteurs de cet acte de colloque, mais aussi Marianne Chaillan, qui lie philosophie et culture populaire avec talent !). Les événements mis en place par The Ringer sont à la fois fun et recherchés, liant de manière intelligente deux domaines qui semblent à l’opposé l’un de l’autre. Je pense que cet article était l’un de mes préférés !

Enfin, (cette chronique finira-t-elle un jour ?!), nous passons à la dernière partie qui traite donc des œuvres transmédiatiques c’est-à-dire qui utilisent différents médias. Le premier article, de Sophie Le Hiress, est centré sur Once Upon a Time et sa construction. Je peux d’emblée vous dire que, malgré les spoilers, elle m’a donné très envie de reprendre la série, abandonnée au bout de la première saison. L’autrice nous explique ici le fonctionnement de la série, qui emprunte aux contes de fées tout en parvenant à rester originale et à conserver une part de surprise, ce que l’on imagine difficile avec un matériau aussi connu. Je vous laisse découvrir les mécanismes à l’œuvre dans l’article, que j’ai trouvé passionnant ! J’ajouterai simplement que j’ai aimé la mention des fanfictions, elles aussi souvent considérées comme indignes d’être étudiées.

Vient ensuite l’article de Justine Breton sur The Witchercelui qui m’a donné très envie de reprendre ma lecture de la série, laissée en pause au seuil du tome 5. Elle nous invite à découvrir la richesse de cet univers, richesse notamment due à la diversité de médias grâce auxquels se développe le monde du Sorceleur. J’ai notamment apprécié découvrir l’utilisation des médias au sein même de la série, créant une sorte de mise en abyme, et j’y ai retrouvé la cause de mon abandon temporaire : le fait qu’on ne nous fait pas vivre certains événements, mais qu’ils nous sont racontés par des personnages au cœur de la fiction elle-même. C’est un procédé original, mais qui peut s’avérer frustrant. Enfin, l’autrice nous révèle les limites de cette transmédiation, ce que j’ai trouvé particulièrement intéressant : elle montre ainsi qu’il n’y a pas que du positif dans cette méthode multiforme.

L’article de Clara Colin Saidani, quant à lui, se concentre sur le lore, sa transmission et sa construction dans les œuvres de Fantasy, du Seigneur des anneaux à Skyrim. J’ai aimé découvrir cette façon d’étoffer un univers, de le rendre plus « réel », ce qui paraît plus compliqué dans un jeu vidéo où le joueur peut décider de ne pas se focaliser sur cet aspect du média, mais aussi le but de cette construction.

Enfin, l’ouvrage s’achève sur la découverte, pour moi, de l’escrime artistique avec l’article que Marie Kergoat consacre à l’adaptation, à travers ce média, du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. J’ai aimé cette impression de découvrir un art nouveau, inédit, et d’avoir envie d’assister à la représentation. L’autrice nous fait comprendre les difficultés rencontrées par la troupe pour faire passer l’essence de l’œuvre à travers un média considéré d’abord comme martial et en très peu de temps comparé à la longueur des films. J’ai trouvé cela fascinant, comme, à nouveau, l’espèce de mise en abyme créée par cette adaptation d’adaptation !

 

 

Pour conclure, j’ai passé un excellent moment avec cet ouvrage. Il est abordable pour tous – je veux dire ici que même quelqu’un qui n’a pas fait d’études littéraires peut tout comprendre -, traite d’une diversité de médias, certains parfois peu connus, et reste passionnant du début à la fin tout en nous apprenant des choses. Il fait aussi la part belle aux fans, à ceux qui continuent de faire vivre une série ou une adaptation parfois des années après sa sortie, continuant à l’alimenter par le biais de divers médias. Enfin, la passion des auteurs eux-mêmes est palpable : ils transmettent leur enthousiasme pour la Fantasy, donnant envie au lecteur de plonger, à corps perdu, dans cette mer de médias qui s’offre à lui.

Les Rougon-Macquart, tome 1 : La Fortune des Rougon d’Emile Zola

Posté : 22 mai, 2023 @ 10:11 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : Classique, Historique La Fortune des Rougon

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2021 [1871]

Nombre de pages : 442

Synopsis : Dans la petite ville provençale de Plassans, au lendemain du coup d’Etat d’où va naître le Second Empire, deux adolescents, Miette et Silvère, se mêlent aux insurgés. Leur histoire d’amour comme le soulèvement des républicains traversent le roman, mais au-delà d’eux, c’est aussi la naissance d’une famille qui se trouve évoquée : les Rougon en même temps que les Macquart dont la double lignée, légitime et bâtarde, descend de la grand-mère de Silvère, Tante Dide. Et entre Pierre Rougon et son demi-frère Antoine Macquart, la lutte rapidement va s’ouvrir. Premier roman de la longue série des Rougon-Macquart, La Fortune des Rougon que Zola fait paraître en 1871 est bien le roman des origines. Au moment où s’installe le régime impérial que l’écrivain pourfend, c’est ici que commence la patiente conquête du pouvoir et de l’argent, une lente ascension familiale qui doit faire oublier les commencements sordides, dans la misère et dans le crime.

 

Avis : A VENIR

Clodia ou le scandale de la Bonne Déesse de Sophie Malick-Prunier

Posté : 8 mai, 2023 @ 1:31 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Genre : HistoriqueClodia ou le scandale de la Bonne Déesse

Editeur : Robert Laffont

Année de sortie : 2023

Nombre de pages : 332

Synopsis : Pense comme un homme !

« Clodia sourit, envahie par une impression de soulagement comme elle n’en avait plus ressenti depuis longtemps. Même si elle devait le payer, elle voulait vivre en femme libre. »

Clodia Metelli est une héritière. Figure sulfureuse de la jeunesse dorée de Rome au Ier siècle avant notre ère, connue pour son exceptionnelle beauté, elle est issue de la puissante famille patricienne des Claudii, qui occupe, de génération en génération, les plus hautes fonctions.

À la suite d’un retentissant scandale politique et religieux qui compromet son frère Clodius, elle se trouve impliquée dans les arcanes des rivalités entre César, Cicéron et Pompée. Tandis que sa propre famille se déchire et que la République agonise, minée par la lutte entre le clan conservateur du Sénat et le parti populaire qu’elle et Clodius ont rallié, Clodia s’émancipe des contraintes de son sexe ; femme libre, elle inspire au jeune poète Catulle ses vers les plus ardents.

En immersion dans les quartiers populaires et les riches demeures de la Rome antique, cette fresque captivante retrace le destin hors du commun de l’une des rares femmes de son temps à avoir laissé son nom dans l’Histoire.

 

Avis : J’ai reçu ce roman en service presse de la part de la maison d’édition. Il faut dire que le résumé est alléchant. C’est une histoire qui se déroule pendant l’Antiquité romaine et dont l’héroïne est une femme noble qui va se retrouver confrontée à une situation politique désastreuse dont sa famille va devoir se sortir : comment ne pas avoir envie de la lire ?!

Je connaissais Clodia de nom, parce qu’elle est associée, dans l’Histoire romaine, à son frère Clodius, surtout connu pour être un débauché. Je ne m’étais jamais intéressée à elle plus que ça ; je n’avais qu’un vague souvenir qu’elle avait été accusée d’inceste et d’être, elle aussi, dépravée. Ceci nous est rappelé dès le prologue où Clodia comparaît pendant son procès face à Cicéron. En effet, le roman s’attache à la réalité historique – dont je ne parlerai pas beaucoup ici pour laisser la surprise aux lecteurs qui ne connaîtraient pas les faits. SPOILER 1

Il retrouve donc des personnages historiques très connus, comme César, Cicéron ou Pompée ; d’autres encore sont mentionnés, comme Sylla ou Marius, préfigurant la crise politique à venir. Ils deviennent vivants grâce aux mots de l’autrice ; c’est comme si l’on marchait aux côtés de Clodia ou de Catulle dans les rues de Rome. En revanche, à part Clodia – et Pompéia -, ils sont pratiquement tous difficiles à apprécier. Les hommes sont d’une misogynie crasse – on nous rappelle, au début du roman, que les femmes sont nommées par rapport à la famille dont elles viennent et que, si plusieurs filles naissent, elles portent des numéros ou le nom de famille de leur mari pour les distinguer -, à part peut-être Catulle, qui reste le personnage masculin le moins agaçant du roman. Il permet notamment d’aborder la poésie latine : des extraits de poèmes en latin et leur traduction se trouvent directement dans la narration, ce qui m’a donné très envie de lire une édition bilingue ! Cela apporte une note de fraîcheur, de finesse dans une atmosphère qui traduit bien la vulgarité des Romains. Que ce soit la corruption des sénateurs ou des magistrats, les fêtes des nobles, l’hypocrisie des hommes et des femmes concernant leur vertu, les graffitis obscènes sur les murs des bâtiments, les prostituées qui se promènent dans les rues ou se trouvent dans les auberges, il flotte une ambiance nauséabonde et lourde, bien traduite par l’impression de suffocation de Clodia quand elle retourne à Rome après un voyage en « province ». SPOILER 2 De plus, en intégrant Catulle à son roman, l’autrice fait de son héroïne la muse du poète, sa Lesbie, une théorie que j’ai adoré découvrir au fil des pages !

A la période romaine, donc, les femmes ne sont pas citoyennes, elles n’ont aucun pouvoir concret quel qu’il soit et doivent obéir à leur père, puis à leur mari. Cela ne veut évidemment pas dire que certaines d’entre elles n’avaient pas un sens politique particulier ; ce roman est, pour moi, une sorte d’hommage à l’intelligence de ces femmes, à leur sens de la stratégie et à leur détermination farouche à défendre les intérêts de leur famille. SPOILER 3 Pour autant, pas de martèlement ou d’anachronismes ici : l’histoire parle d’elle-même et n’a pas besoin de gros sabots pour faire comprendre quoi que ce soit au lecteur. SPOILER 4 Je n’en attendais pas moins d’une autrice docteure en littérature latine et spécialiste d’histoire des institutions politiques de la Rome républicaine. C’est un réel plaisir de lire un roman aussi « proche » de la réalité historique, avec des références précises, des informations glissées dans le corps du texte, un dossier à la fin qui permet d’en apprendre plus sur les faits et les personnages ainsi qu’une bibliographie si le lecteur veut aller plus loin.

Enfin, j’ai adoré ce livre, mais je n’ai pas pu m’empêcher, après l’avoir terminé, de regretter ne pas avoir plus d’informations sur ces femmes romaines : que devient Pompéia SPOILER 5 ? Comment s’est passé la suite et la fin de la vie de Clodia ? On ne peut qu’imaginer leur vie sans rien en savoir.

Dernière remarque : comme les précédents romans qu’il m’a été donné de recevoir, ici, l’écriture est agréable, fluide et ne comporte pas d’erreurs, ce qui est un vrai plaisir. Certaines phrases, même, m’ont donné des frissons parce qu’elles sonnaient vraies. La qualité du fond est donc soutenue par la qualité de la forme, ce qui fait de ce roman un coup de cœur !

 

SPOILER 1 Sont repris le scandale de la Bonne Déesse, comme évoqué dès le titre, mais aussi le retour de Pompée après sa victoire contre Mithridate, l’ascension de César, l’opposition entre les optimates et les populares et, par la même occasion, la crise que va traverser la République romaine et dont elle ne se relèvera pas. 

SPOILER 2 J’ai apprécié de découvrir, une Clodia, une matrone romaine respectable, très différente de celle qui est présentée dans les œuvres où son nom est mentionné. Cela ne fait pas d’elle une femme froide, mais une Romaine passionnée qui a des valeurs. Elle semble être l’une des seules, parmi ses amies, à n’avoir aucune relation adultère au début du roman, consciente de la réputation de sa famille et de la façon dont on pourrait utiliser ces relations pour lui nuire.

SPOILER 3 J’ai apprécié, au moment où Clodia va voir Crassus pour lui demander son aide, qu’elle refuse de coucher avec lui, lui rappelant par-là qu’elle signe un marché politique avec lui. En effet, les romans historiques – et pas que – prennent souvent ce détour facile : la femme n’aurait rien d’autre à offrir qu’elle-même et donc il serait logique pour elle de passer par une relation sexuelle qu’elle abhorre mais qu’elle accepte pour sceller un quelconque pacte qui aidera ses proches. C’était satisfaisant de la voir faire ce choix et plus original que de la voir céder et consentir au pacte odieux que son frère a conclu dans son dos.

SPOILER 4 Il est clair que, politiquement, Clodia est égale, voire supérieure en certains points, aux hommes de sa famille et aurait une place dans la magistrature si elle n’était pas une femme. Fine stratège, elle évite la ruine et le déshonneur quand son mari, Metellus, préfère manœuvrer contre son beau-frère, Clodius, quitte à entacher la réputation des Claudii. César, Cicéron et Crassus sont gênés d’avoir à traiter avec elle, mais lui reconnaissent un certain sens politique. Pour autant, Clodia vit pendant l’Antiquité romaine : même si elle se montre intelligente et réfléchie, elle ne peut rien espérer obtenir à son époque. Elle ne sera jamais consul, ne participera jamais aux séances du Sénat, ne regardera le procès de son frère que de loin. Elle en est consciente et, lucide, elle choisit de vivre en femme libre en accord avec son temps.

SPOILER 5 une fois que César l’a répudiée

 

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