Mes nuits avec Emma B. de Rafaela Da Fonseca
Genre : Contemporaine, Historique
Editeur : Les Presses Littéraires
Année de sortie : 2022
Nombre de pages : 127
Synopsis : Mars 2020, premier confinement : Leonor relit ses classiques et s’assoupit au milieu de Madame Bovary. Elle se réveille en 1843, sur la place de Yonville-l’Abbaye où sa cousine Emma est venue l’accueillir. Voici Leonor convertie malgré elle en voyageuse littéraire et temporelle, mais elle ne se fait pas longtemps prier pour intégrer la team « Emma B. ».
De Charles à Homais, en passant par Belle-Maman, Rodolphe et Binet, elle fait la connaissance de tous ceux que la Bovary aurait mieux fait de laisser patienter un peu plus longtemps sur le banc de touche.
Vous aussi, rejoignez l’odyssée ! Laissez Leonor vous raconter sa rencontre abracadabrante – mais aussi miraculeuse – avec son personnage romanesque préféré, dans un choc des cultures qui lui rappelle le Portugal de son enfance et lui fait redécouvrir une héroïne plus attachante que jamais.
Avis : Ce livre m’a été offert par ma sœur et a été écrit par ma professeure de français de Seconde : j’avais donc vraiment hâte de le lire !
Le roman débute pendant la période du premier confinement, en mars 2020, un moment qui a été difficile pour beaucoup et qui pousse donc notre héroïne, Leonor, à se plonger, littéralement, dans la littérature et, notamment, dans Madame Bovary. Grand classique de la littérature française, c’est un roman dans lequel l’auteur, très ironique, nous raconte la vie d’une femme insatisfaite qui court après des illusions. Par une manœuvre à la fois fantasque et étrangement très rafraîchissante, Mes nuits avec Emma B. passe du XXIe siècle où chacun est enfermé chez soi à ruminer au XIXe siècle, à la fois romancé et vraisemblable, auprès d’une Emma fictive rendue réelle. En effet, jamais Emma n’a été aussi attachante que dans ce roman. Ici, elle prend vie alors même que le lecteur prend pitié d’elle, davantage encore que dans le roman de Flaubert. Elle devient une femme que l’on sait en sursis, que personne ne peut sauver. Cela teinte légèrement d’amertume la relation que Leonor va nouer avec elle ; quoi qu’elle fasse ou qu’elle lui dise, elle sait Emma perdue. Le lecteur retrouve également d’autres personnages du roman d’origine, comme Homais ou Rodolphe, plus détestables encore, ou Charles, d’autant plus digne de pitié que la narratrice constate, de visu, sa médiocrité et son « inadéquation » à ce qu’attendait Emma.
Ainsi donc, Leonor, femme du XXIe siècle, se retrouve au XIXe. Cela donne des situations à la fois drôles et déroutantes. En effet, ce n’est pas, ici, le XIXe rêvé, ce n’est plus une époque historique idéalisée, mais la réalité brute où le confort auquel nous sommes habitués a disparu. Adieu douche, toilettes et transports rapides et efficaces, bienvenue parfum, baquet d’eau, chaise percée et long voyage pénible et éreintant ! Evidemment, d’autres côtés plus agréables de l’époque émergent, comme l’appréciation du temps qui passe et de la contemplation, l’absence de connexion constante, l’échange de lettres, la nécessité de parler aux personnes qui se trouvent autour de soi, de créer des liens, et donc la relation naissante de Leonor et Emma. J’ai trouvé cette amitié à la fois touchante et décalée. SPOILER 1 J’ai également trouvé palpable la nostalgie de la narratrice pour son époque – une sorte de mal du pays doublé d’un mal du siècle – mais aussi pour son passé, puisqu’elle évoque des souvenirs qui remontent au fil de son séjour chez Emma, souvenirs souvent liés au Portugal, un pays que je ne connais pas du tout.
Un élément m’a surprise : les remarques ou façons de parler vulgaires qui peuvent émerger parfois. Cela aurait pu me gêner, mais ça n’a, étrangement, pas été le cas ici. La première fois que c’est arrivé, j’ai éclaté de rire tant je ne m’y attendais pas. C’est probablement parce que, le reste du temps, le livre est bien écrit – l’autrice manie la langue française avec dextérité. Le roman est aussi parcouru de régionalismes bienvenus – étant donné qu’ils viennent de ma région ! – ou de mots en portugais, étant donné les origines de la narratrice et de l’autrice. Cela donne un mélange qui fonctionne bien, une sorte de melting pot d’influences qui se marient au lieu de se combattre.
J’ai trouvé la fin plutôt belle, même si j’aurais aimé SPOILER 2 C’est donc une fin plutôt ouverte, autant le savoir !
Donc, un bon roman, léger et drôle, que j’ai apprécié, qui a rendu Emma plus touchante que jamais et qui donne envie de rencontrer nos héros fictifs !
SPOILER 1 Je me demandais si Leonor oserait avouer à Emma qu’elle ne fait pas partie de ce siècle et que la jeune femme est une créature de fiction. J’ai aimé l’idée d’une Madame Bovary fascinée par le XXIe siècle et presque en adéquation avec lui. Cela m’a donné envie de la voir évoluer de nos jours : que serait-elle devenue alors ? Le roman aurait-il mieux fini ? Aurait-elle trouvé satisfaction ou se serait-elle perdue encore plus vite ? Il faut dire que notre époque n’est pas aussi élégante que le siècle d’Emma : cela l’aurait-il sauvée ?
SPOILER 2 savoir si Leonor retourne vraiment dans son époque ! En effet, il est un peu troublant qu’à la fin de l’œuvre, l’héroïne reste suspendue entre deux époques. C’est au lecteur de choisir de l’imaginer revenue au XXIe siècle, puisque que l’autrice évoque ce retour à travers sa narratrice.
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