Rouge de Pascaline Nolot #plib2021
Editeur : Gulf Stream (Electrogène)
Année de sortie : 2020
Nombre de pages : 312
Synopsis : « Ce qu’il vit avant tout, c’était l’immonde coloris écarlate qui rongeait à moitié le nouveau-né ainsi que l’infâme petite boule de peau surplombant son regard. Le monstre avait engendré un autre monstre !
- Comment devons-nous l’appeler ? lui demanda la vieille femme.
Il contempla le nourrisson en pleurs avec aversion. Puis il vomit sa sentence en un mot :
- Rouge ! »
Accroché au versant du mont Gris et cerné par Bois-Sombre se trouve Malombre, hameau battu par les vents et la complainte des loups. C’est là que survit Rouge, rejetée à cause d’une particularité physique. Rares sont ceux qui, comme le père François, éprouvent de la compassion à son égard. Car on raconte qu’il ne faut en aucun cas toucher la jeune fille sous peine de finir comme elle : marqué par le Mal.
Lorsque survient son premier sang, les villageois sont soulagés de la voir partir, conformément au pacte maudit qui pèse sur eux. Comme tant d’autres jeunes filles de Malombre avant elle, celle que tous surnomment la Cramoisie doit s’engager dans les bois afin d’y rejoindre l’inquiétante Grand-Mère. Est-ce son salut ou un sort pire que la mort qui attend Rouge ? Nul ne s’en préoccupe et nul ne le sait, car aucune bannie n’est jamais revenue…
Avis : J’ai lu Rouge dans le cadre du Plib 2021 : il fait partie des cinq finalistes !
Dès le premier chapitre, je me suis dit que cette lecture serait intense et difficile. Je n’étais pas prête, donc je l’ai laissé de côté avant de me replonger dedans.
Quelle violence, quelle cruauté ! Mais quelle belle exécution ! La qualité d’écriture est indéniable, aussi bien au niveau du phrasé que du choix des mots. Elle n’épargne rien à Rouge ou aux lecteurs qui découvrent son histoire tout comme elle n’allège en rien l’horreur du comportement de certains personnages, notamment masculins. Pas d’excuse ici, pas de justification : les faits sont clairs et la condition de la femme est mise en lumière sans embellissement ni demi-mesure. SPOILER 1 Cela permet une dénonciation sans équivoque des violences sexuelles que vivent certains personnages. Pas de romantisation, pas d’atténuation. C’est donc difficile à lire, parfois même intenable : SPOILER 2 Mais c’est aussi ce qui fait la valeur de cette lecture : une claque en pleine figure pour que le lecteur n’oublie pas l’injustice de ces situations.
Rouge est également une réécriture légère du « Petit Chaperon rouge ». La plupart des personnages sont faciles à repérer, ce qui ne veut pas dire que leur rôle colle à celui qu’ils avaient dans le conte d’origine. J’ai aimé que ce soit une adaptation plutôt libre tout en prenant plaisir à reconnaître certains éléments connus.
Quant aux personnages, je ne veux pas trop en dire, histoire de ne rien gâcher pour qui que ce soit, mais sachez que très peu sont sympathiques. J’ai compati à la souffrance de Rouge, jeune fille qui n’a rien demandé à personne et qui grandit sans amour, sans soutien, convaincue qu’elle incarne le mal, qu’elle est dangereuse. La violence à laquelle elle fait face piétine le cœur du lecteur tout en lui faisant bouillir le sang ! SPOILER 3
SPOILER 4
J’ai été très surprise par la fin ! SPOILER 5
Donc, un excellent roman, très dur à lire à cause de scènes parfois insoutenables, mais qui, par-là même, dénonce à merveille les violences sexuelles que subissent les femmes.
TW : viol, tentative de viol, humiliations publiques.
SPOILER 1 Que ce soit Rouge, honnie pour son apparence physique ; sa mère, violée par un homme qui la considère comme autant responsable de l’adultère que lui ; la Grand-Mère, enfermée dans son rêve de beauté éternelle : toutes ces femmes représentent un sujet sensible dans notre société. Rouge m’a semblé, plusieurs fois, ressembler aux sorcières brûlées sur le bûcher à cause de leur potentiel lien avec le Diable. Ces femmes n’entrent plus dans la norme, elles se dirigent donc inexorablement vers la marginalisation et la mort.
SPOILER 2 le viol de la mère, raconté plusieurs fois, est insupportable ! Surtout une fois que l’on comprend qui est son agresseur et l’attitude qu’il adopte ensuite !
SPOILER 3 J’ai fini par haïr à peu près tous les personnages masculins. Gauvain porte le nom d’un chevalier mais n’a rien de chevaleresque ; il abandonne femme et enfant parce qu’il a peur d’elles et finit par mourir parce qu’il refuse l’aide de celle qu’il aurait dû protéger au lieu de la livrer en pâture au village tout entier. Liénor se montre lâche – même si c’est expliqué à la fin et qu’il est le seul personnage masculin qui est « sauvé » – sans doute parce que ce n’est pas un personnage masculin, justement ! Chasseur que personne ne peut s’empêcher d’exécrer une fois qu’il a montré qui il était vraiment – à vomir. Mais le pire reste le Père François. Oh, le Père François. Combien je l’ai haï. De toutes mes forces. Il devenait intolérable de le voir apparaître dans une scène, de l’avoir apprécier avant, quand le lecteur pensait qu’il protégeait Rouge. Juste, affreux.
SPOILER 4 J’ai également aimé la représentation de la magie, la façon dont elle était exécutée, la façon dont elle s’apprend également. Elle n’est pas acquise mais demande des efforts, du temps et ne fonctionne pas toujours parfaitement. Quant au lien de Rouge avec les loups, je l’ai trouvé très touchant. J’ai aimé l’explication de la présence-absence de Lisiane grâce à l’œil du loup qui accompagne Rouge. C’était émouvant de comprendre qu’elle l’avait marqué tout en n’étant plus là, qu’elle lui avait laissé quelque chose d’elle avant de partir.
SPOILER 5 Le prénom de Liénor m’avait interpelé, je le trouvais original ; mais je n’avais pas du tout deviné que c’était pour Aliénor, ce qui paraît pourtant logique. J’avais pensé à ce prénom sans faire le lien ! Cette révélation explique l’attitude d’Elaine et rend l’amitié entre Rouge et Liénor encore plus touchante.
#ISBN9782354887858
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