Lettre à celle qui lit mes romances érotiques et qui devrait arrêter tout de suite de Camille Emmanuelle
Editeur : Les Echappés
Année de sortie : 2017
Nombre de pages : 130
Synopsis : « L’homme est blanc, dominant, riche, musclé, performant sexuellement et pénétrant. La femme est blanche aussi, pauvre, pénétrée, elle attend qu’un homme la comble sexuellement (et si possible la comble aussi de cadeaux). »
Les romances érotiques se suivent et se ressemblent : la femme et l’homme répondent à des stéréotypes étriqués, leurs interactions sont autant simplistes que convenues et le désir féminin doit se cantonner à quelques clichés hyper réducteurs.
Quant aux maisons d’édition friandes de ce genre littéraire, qui séduit de plus en plus de lectrices, elles empruntent à la production industrielle ses méthodes et ses cadences. Saviez-vous que chaque personnage doit avoir une blessure secrète ? Qu’il y a des tapis en poils de bête sur lesquels il ne fait pas bon faire l’amour ? Que six jours peuvent suffire à écrire une romance ? Ou encore que chaque personnage a une « fiche » consignée sur un tableau Excel ?…
Camille Emmanuelle, qui a écrit sous pseudo une douzaine de romances érotiques, nous ouvre les portes de ce genre littéraire qui, à force de favoriser une sexualité normalisée, devient un obstacle à une réelle libération sexuelle de la femme. Avec la verve qui la caractérise, elle dénonce l’éternelle comédie qu’on veut, encore, faire jouer à l’homme et à la femme.
Avis : Je ne sais pas à quoi je m’attendais en lisant ce livre, mais pas à ça.
Je ne m’attendais pas à avoir un tel aperçu du monde de l’édition. Je me doute que, parfois, les éditeurs demandent des choses précises ; mais l’expérience de l’autrice est révoltante. Non seulement les lectrices ne doivent pas trop réfléchir, mais leurs lectures perpétuent un modèle relationnel nocif à la fois pour elles et pour les partenaires qu’elles auraient. Par la répétition constante des mêmes procédés, ces livres fixent une notion stéréotypée qui ne représente pas la diversité des individus et des relations qu’ils peuvent avoir.
Tout ceci nous est dévoilé avec un ton que j’ai adoré, à la fois excédé et très drôle. Le livre est écrit à la deuxième personne du singulier ce qui nous implique directement. C’est évidemment très féministe : l’autrice questionne l’intérêt pour les éditeurs de publier ce genre de romans, mais elle évoque aussi le fait qu’elle ait participé à cette entreprise en sachant ce qu’elle faisait, comment elle vivait d’y participer et comment elle résistait dans l’ombre !
Donc, un petit coup de cœur que je recommande à tous !
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