Feuillets de cuivre de Fabien Clavel
Editeur : ActuSF (Les 3 Souhaits)
Année de sortie : 2021 [2015]
Nombre de pages : 381
Synopsis : Paris, 1872.
On retrouve dans une ruelle sombre le cadavre atrocement mutilé d’une prostituée, premier d’une longue série de meurtres aux résonances ésotériques. Enquêteur atypique, à l’âme mutilée par son passé et au corps d’obèse, l’inspecteur Ragon n’a pour seule arme contre ces crimes que sa sagacité et sa gargantuesque culture littéraire.
À la croisée des feuilletons du XIXe et des séries télévisées modernes, Feuillets de cuivre nous entraîne dans des Mystères de Paris steampunk où le mal le dispute au pervers, avec parfois l’éclaircie d’un esprit bienveillant… vite terni. Si une bibliothèque est une âme de cuir et de papier, Feuillets de cuivre est sans aucun doute une œuvre d’encre et de sang.
Avis : J’ai reçu ce livre de la part des éditions ActuSF que je remercie encore ! N’hésitez pas à aller passer sur leur site : : https://www.editions-actusf.fr/
Feuillets de cuivre était dans ma wish-list depuis longtemps et je me suis enfin lancée à l’occasion de sa réédition.
Comme je regrette de l’avoir laissé traîner dans mes listes pendant si longtemps ! Comme le disait une amie, la meilleure façon de décrire ce livre est : « un Sherlock Holmes littéraire » ! En effet, le lecteur suit l’inspecteur Ragon qui résout ses enquêtes grâce aux livres. Quel plaisir !! Le roman est bourré de références à des œuvres classiques, que ce soit Baudelaire, Hugo ou les contes de Perrault sans pour autant perdre son côté steampunk. En plus des citations clairement données – par exemple, en début de chapitre -, nous avons aussi des références plus subtiles, des façons de réécrire certains textes ; je le répète : UN PLAISIR ! S’ajoute à cela une écriture que j’ai trouvé très agréable, assez proche de l’esprit du XIXe siècle, parfois soutenue sans l’être trop. J’ai annoté le texte et souligné des phrases, voire encadré des paragraphes complets tant j’ai adoré cette plume ! Il y a également des références artistiques qui ne sont pas littéraires, comme l’évocation de peintres, par exemple.
L’univers créé par l’auteur n’est pas en reste : nous sommes donc, dans le prologue, à Paris en 1872. Quelques mots d’abord pour vous dire que j’ai apprécié me trouver dans ce décor à cette époque : j’ai aimé arpenter les rues de la ville avec Ragon, vivre des événements historiques avec lui – comme une partie de l’affaire Dreyfus et la montée de l’antisémitisme en France par exemple. Dans cette capitale, la magie existe, tout comme une forme de science utilisant l’éther pour réaliser des expériences formidables. La première partie du roman se présente un peu comme un recueil de nouvelles liées entre elles : en effet, Ragon va résoudre des enquêtes au fil des années. La seconde partie est davantage romanesque – il est, bien sûr, obligatoire de lire la première partie avant la seconde, même si vous avez un peu de mal avec son format. Pour les plus récalcitrants : elle vaut le coup, je vous assure !
J’avais lu le commentaire d’un lecteur qui disait que la première partie était plus légère que la seconde, plutôt sombre. Eh bien … j’ai trouvé les deux parties très sombres !! Certains détails des enquêtes sont parfois glauques et peuvent mettre mal à l’aise – ce fut le cas pour moi lors de la première enquête, celle du prologue. SPOILER 1
Passons aux personnages.
Je me suis rapidement attachée à Ragon. Ancien soldat reconverti en inspecteur de police, il est doué d’une sensibilité que l’on n’imagine pas chez un homme comme lui – à tort, bien sûr. Il est également très érudit, ce que les personnes qu’il côtoie jugent plutôt inattendu. Marginal, il est tour à tour admiré, haï, respecté par ses différents collaborateurs. Sa corpulence lui est souvent reprochée : il est jugé, voire sous-estimé, à cause d’elle.
Il est assez proche de l’inspecteur Zehnacker, un homme qu’il a visiblement connu à l’armée et qui a pris le même chemin que lui. Moins sensible, plus stoïque, c’est un personnage que j’ai apprécié sans l’adorer. Il est, finalement, assez effacé au fil des chapitres. SPOILER 2
D’autres personnages croisent la route de Ragon : Lise, une jeune prostituée qui a l’air d’un ange innocent au milieu de la luxure du bordel ; Fredouille, un des subalternes de Ragon, que j’ai fini par beaucoup aimer SPOILER 3 ; l’Anagnoste, qu’il est difficile d’apprécier mais surtout SPOILER 4 ; tout un tas de personnages hauts en couleur, de Tiphaine Romilly à Flacelière. Ils permettent au roman d’aborder différents sujets : le genre, la place des femmes, la question de la peine de mort … Ragon est rarement d’accord avec ses homologues, ce qui le rend d’autant plus attachant.
La fin m’a beaucoup plu, mais je pense que ce ne sera pas le cas de tous les lecteurs/lectrices. J’ai vraiment adoré ! SPOILER 5 Je ne m’attendais pas à aimer autant ce livre ! Il m’a donné envie de découvrir d’autres œuvres de l’auteur !
Donc, un roman qui m’a agréablement surprise, un très beau coup de cœur !
SPOILER 1 J’ai été impressionnée par l’efficacité de Ragon pour résoudre ses enquêtes. C’est toujours si bien ficelé ! Et j’adore qu’il y parvienne avec seulement quelques livres !
SPOILER 2 J’ai ressenti une vraie tendresse pour lui en apprenant son lien de parenté avec Ragon et le fait qu’il ait décidé de le suivre après la décision de l’ange.
SPOILER 3 J’ai vraiment eu très mal au cœur quand il est mort lors du duel entre Ragon et Anagog. C’est là que je me suis rendu compte combien je l’appréciais.
SPOILER 4 qui m’a beaucoup fait penser à Moriarty dans sa folie meurtrière et son envie de rivaliser avec un esprit égal au sien !
SPOILER 5 Je ne m’attendais PAS DU TOUT à ce que Ragon et Zehnacker aient un lien et PAS DU TOUT à ce qu’ils soient des anges et qu’Anagog soit un démon ! J’ai adoré ce côté surnaturel de l’histoire et la révélation qu’elle apporte ! Elle explique comment l’Anagnoste peut en savoir autant sur Ragon, ce qui était de plus en plus étrange au fil du texte. J’ai trouvé l’envie de Raguel de vivre une vie humaine très touchante, tout comme le fait que Noguel le suive.