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I found myself in Wonderland.

Archive pour le 28 décembre, 2019

Miss Islande d’Auður Ava Ólafsdóttir

Posté : 28 décembre, 2019 @ 3:01 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Historique Miss Islande

Editeur : Zulma

Année de sortie : 2018

Nombre de pages : 262

Titre en VO :Ungfrú Ísland

Synopsis : Islande, 1963. Hekla, vingt et un ans, quitte la ferme de ses parents et prend le car pour Reykjavík. Il est temps d’accomplir son destin : elle sera écrivain. Sauf qu’à la capitale, on la verrait plutôt briguer le titre de Miss Islande.

Avec son prénom de volcan, Hekla bouillonne d’énergie créatrice, entraînant avec elle Ísey, l’amie d’enfance qui s’évade par les mots – ceux qu’on dit et ceux qu’on ne dit pas -, et son cher Jón John, qui rêve de stylisme entre deux campagnes de pêche…

Miss Islande est le roman, féministe et insolent, de ces pionniers qui ne tiennent pas dans les cases. Un magnifique roman sur la liberté, la création et l’accomplissement.

 

Avis : J’ai reçu ce livre en service presse ; je remercie à nouveau les éditions Zulma pour cette découverte !

Je n’avais jamais lu d’auteurs islandais avant de lire Miss Islande ; je découvrais donc à la fois une autrice, et une culture tout à fait différente de la mienne ! Une des premières scènes du livre montre la découpe d’un cachalot sur un baleinier … autant vous dire que cela partait mal pour moi ! J’ai eu peur d’assister au dépecement de plusieurs animaux au cours du roman : ce ne fut pas le cas ! Au fil des pages, j’ai été séduite par à peu près tous les éléments de ce livre. D’abord, l’écriture : elle est tout en retenue. Jamais la narratrice, Hekla, ne nous livre sa pensée. Elle est très effacée face aux autres personnages qu’elle côtoie, comme Isey, Jon et Starkadur. Ce sont eux qui prennent le pas sur elle, même s’ils nous parlent souvent de leur relation avec Hekla, de ce qu’elle représente pour eux. Ils la décrivent pour nous, puisqu’Hekla ne parle jamais d’elle-même. Par cet effacement, le lecteur sent que l’autrice lui fait confiance : elle ne met pas de gros sabots, ne donne pas son opinion sur les personnages, leur situation, sur ce qui arrive à Hekla. C’est le lecteur qui doit se rendre compte de ce qu’implique le texte sans le dire. C’est le cas dans la scène pendant laquelle Hekla passe un entretien d’embauche : le patron lui laisse entendre qu’il la trouve très attirante, qu’il veut coucher avec elle si elle vient travailler pour lui, en gros. Le chapitre suivant commence par la deuxième possibilité d’emploi pour Hekla : on ne sait donc pas comment la jeune fille réagit face à l’homme, ni ce qu’elle pense. Puis, vient, comme je l’ai dit, la découverte d’une autre culture : Hekla lit beaucoup, comme les personnages qui gravitent autour d’elle. Sont donc évoqués de nombreux auteurs et autrices, islandais, mais aussi d’autres pays, comme James Joyce. Cela m’a donné très envie de lire ces auteurs et autrices !

Au fil des pages, le lecteur s’attache aux personnages proches d’Hekla. Ils sont très différents les uns des autres : Isey est une jeune femme de l’âge d’Hekla, qui écrit comme elle, mais qui est mariée et a une petite fille. Les passages qui la concernent sont empreints d’une tristesse sourde due à la certitude que sa vie est toute tracée ; mais, encore une fois, au début du roman en tout cas, c’est grâce à l’écriture,, derrière les mots prononcés par Isey, que le lecteur se rend compte de ce mal-être qui l’habite. Elle se dit profondément heureuse, mais ce n’est pas ce que dit son torrent de mots, ses regrets, ses rêves. Elle m’a fait profondément mal au cœur, tout comme Jon, l’ami d’Hekla. Homosexuel, il ne trouve pas sa place dans le monde, se sent exclu, à jamais rejeté. Différent, il est malmené partout où il se trouve. Vers la fin du roman, j’en suis venue à ressentir de l’angoisse pour ces deux personnages ! Ensuite, Starkadur. Poète, il rêve d’être publié. Sa vie avec Hekla la place dans un rôle de femme au foyer qu’elle ne refuse pas ouvertement ; mais le jeune homme finit par comprendre qu’elle est différente, et qu’elle ne désire pas se conformer aux attendus de la société. Il m’a profondément agacée la majeure partie du temps ! Enfin, les parents tiennent une certaine place dans le roman. Le père d’Hekla l’a nommée d’après un volcan parce que c’est sa passion ; il a, en quelque sorte, fait de sa fille un volcan, quelqu’un d’imprévisible, une explosion dans une société qui refuse leur juste place aux femmes. La mère, elle, décède, ou ne peut achever ses phrases, comme c’est le cas de la mère de Starkadur. Elles s’effacent donc, tout en laissant une trace.

J’ai adoré les thèmes abordés dans Miss Islande. Loin de se conformer aux diktat de la société, Hekla est différente, et, même si elle ne le revendique pas ouvertement, elle ne se laisse pas museler. Elle refuse, tout le long du roman, de participer à ce concours de beauté, qui donne son titre au livre ; elle n’est pas qu’un corps, elle n’est pas qu’une forme, et elle ne veut pas que l’on ne juge que son physique. Elle ose répondre aux hommes, porter des pantalons, écrire – et ce, mieux que les hommes -, lire des auteurs/autrices qui ne sont pas lu(e)s dans son pays, partir de son village pour la capitale, puis de son pays pour l’étranger, [SPOILER] se marier pour être libre, avec quelqu’un qui ne veut rien d’elle. [FIN DU SPOILER] Elle est symbole de liberté, quand Isey, elle, renvoie à la condition des femmes à l’époque. L’écriture leur est à toutes deux vitale, mais l’une doit peu à peu y renoncer, quand l’autre veut en vivre. A travers Jon, l’homosexualité et la façon dont elle est perçue est mise en avant : voir les tourments du jeune homme m’a brisé le cœur. J’ai adoré le passage dans lequel il déclare à Hekla que l’on ne verra pas plus deux hommes marcher main dans la main dans la rue que l’homme marcher sur la lune !

La fin … je ne sais trop quoi en dire ! Je ne m’attendais pas à ça ! J’ai été un peu déçue, surtout par ce que l’on apprend dans la dernière lettre de Starkadur. Mais n’est-ce pas « normal » dans les années 60 ? [SPOILER] J’ai eu un petit effet : « tout ça pour ça ? Toute cette quête de liberté pour être obligée de donner son manuscrit à un homme afin qu’il soit publié ? » Quelle tristesse … [FIN DU SPOILER]

 

Donc, une belle découverte !! Je pense lire d’autres livres de l’autrice, et lire d’autres auteurs/autrices islandais ! 

 

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