Only Ever Yours de Louise O’Neill
Editeur : Quercus (riverrun)
Année de sortie : 2015 [2014]
Nombre de pages : 390
Titre en français : Pas encore traduit
Synopsis : The bestselling novel about beauty, body image and betrayal.
eves are designed, not born. The School trains them to be pretty. The School trains them to be good. The School trains them to Always be Willing.
All their lives, the eves have been waiting. Now, they are ready for the outside world. companion … concubine … or chastity. Only the best will be chosen. And only the Men decide.
Avis : J’ai découvert Louise O’Neill cette année, et je me suis dit qu’il ne fallait pas m’arrêter en si bon chemin !
Autant vous le dire tout de suite : ce livre est un cauchemar. Je me suis sentie mal à l’aise, quasi malade, pendant la lecture !
J’ai vu de nombreux lecteurs se plaindre de la ressemblance avec The Handmaid’s Tale. Ici aussi, les femmes sont contrôlées, soumises. Mais, pour moi, ces deux livres ne sont pas identiques, comme certains le disent. Chez Margaret Atwood, nous découvrons le nouveau régime/système par les yeux d’une adulte qui a connu notre monde. freida, elle, a été créée synthétiquement ; elle ne connaît de notre monde que ce que veut bien lui montrer la chaîne Nature, et ce que lui expliquent les chastity. Elle n’a aucun respect pour elle-même, parce qu’elle ne sait pas qu’elle pourrait en avoir. Elle est comme programmée, elle suit les règles de l’Ecole, même si elles ne lui semblent pas toujours justes. Only Ever Yours pourrait quasi être une suite de The Handmaid’s Tale ; mais même le monde, les termes, sont différents. Chez Margaret Atwood, les femmes ont de la valeur grâce à leur fertilité ; chez Louise O’Neill, je pense que les concubines ne sont pas censées avoir d’enfants. Elles ne sont là que pour le plaisir des hommes. Certes, les compagnes ont des certificats de fertilité ; mais c’est surtout leur apparence qui compte ; ce n’est absolument pas le cas dans The Handmaid’s Tale ! Les servantes [SPOILER] portent des enfants qu’elles donnent ensuite aux épouses ; les compagnes ont leurs propres enfants, et exclusivement des garçons. [FIN DU SPOILER] L’idée, la soumission des femmes aux hommes, est la même ; mais l’exécution, l’histoire, les personnages, la fin, en gros tout le reste est différent !
Encore une petite comparaison : j’ai d’abord lu The Surface Breaks de l’auteure – que j’ai aussi défendu quand j’ai vu qu’il était taxé d’anti-féminisme et de misandrie ! – et je trouve que freida ressemble à Gaia, sans, bien sûr, être la même. Elles sont toutes les deux incapables de lutter contre la société, de résister à l’envie de lui obéir et de se soumettre, parce que c’est plus simple, et plus sûr ; et ce, parce qu’elles sont nées dans ces sociétés sexistes. Elles ne se sentent pas le droit de s’opposer aux lois, et donc, deviennent complices. Elles peuvent donc parfois être des personnages assez agaçants. Le lecteur a envie de les secouer, de les pousser dans le droit chemin, de leur insuffler le courage nécessaire. Donc, bien sûr, il y a du girl-hate, les filles sont des garces entre elles, se jugent constamment, se comparent, se dévalorisent, s’insultent subtilement. Leurs comportements sont dictés par la société dans laquelle elles vivent. Ici, l’auteure nous avertit de ce que pourrait devenir notre monde s’il se laisse gangrener par le sexisme, les inégalités de genre, etc. C’est de la dénonciation, mais du plaisir d’écrire un livre en mode Gossip Girl ! Parfois, je ne pouvais plus supporter freida. Mais, la plupart du temps, je compatissais et je la comprenais. Qui n’était pas stupide à son âge ? Elle est coincée, et veut survivre, être acceptée. Qui ne le voulait pas à son âge ? Il est très dur de s’attacher aux autres personnages ; aucun ne relève vraiment la barre, ne sauve l’honneur [SPOILER] en tout cas, jusqu’à la fin ! [FIN DU SPOILER] megan est insupportable, peut-être la pire de toutes, mais aussi celle qui est la plus lucide, et la mieux adaptée à ce nouveau système. Elle fait ce qu’on attend d’elle, elle respecte les règles. isabel est très ambiguë, difficile à cerner. Ayant seulement le point de vue de freida, le lecteur a du mal à la comprendre. Les autres sont des suiveuses : elles obéissent à la numéro 1, cachent leur identité derrière de faux sourires, de faux rires, et des statuts MyFace. (On peut d’ailleurs trouver dans ce livre une critique de la surutilisation d’Internet, le fait qu’on y poste notre vie, comme si cela nous permettait d’exister.) chastity-ruth m’a fait penser à Dolores Ombrage ! Mais quelle horreur cette dame !!
C’est étrange à dire, mais j’ai ressenti des sentiments contradictoires en lisant ce livre. J’étais à la fois épouvantée, horrifiée, prête à pleurer ; de l’autre, rassurée.
Horrifiée parce qu’honnêtement, la façon dont les filles se traitent entre elles et pensent dans le livre, ressemble beaucoup à ce que certaines filles font dans la vraie vie ! La grossophobie existe, comme l’homophobie. L’apparence est la priorité de certaines femmes/filles ; certaines sont éduquées pour être belle et se taire, pour obéir aux hommes. Donc, Only Ever Yours est très réaliste. J’étais triste de me dire : « J’ai déjà entendu/vu ça ». C’était quand même pire dans le livre (heureusement !) : [SPOILER] Quand megan dit qu’elle veut bien qu’un Carmichael la batte autant qu’il veut, j’avais envie de vomir !! Comment peut-elle dire ça ?! Et quand freida le répète, mécaniquement, à isabel, c’est la seule eve à réagir différemment ! Son secret est terrible ! [FIN DU SPOILER] La société éduque les filles dans la compétition, la comparaison constante, par rapport à leur apparence ; ce n’est que mis en avant ici. Les filles ne sont pas les seules à souffrir : certains garçons n’ont pas l’air franchement heureux malgré leur position apparemment avantageuse. Ils sont forcés de cacher leur personnalité afin de trouver leur place ; certains d’entre eux aussi doivent plaire. [SPOILER] Darwin est le seul à ne pas passer, comme les autres, ses Heavenly Seventy avec les futures concubines ; mais il n’est pas innocent pour autant. Il n’est pas éduqué comme freida. Ce qu’il fait à la fin … Il ne semble pas se rendre compte de ce qu’il a fait avant que le procès se tienne. [FIN DU SPOILER]
Mais je me suis aussi sentie rassurée. Nous ne vivons pas dans un monde pareil. Nous ne sommes pas obligées de vivre dans la compétition/comparaison malsaine, à surveiller notre poids, notre apparence. Nous avons le choix. Nous choisissons ce que nous portons, vêtements ou maquillage, et ce que nous ne portons pas. Notre corps nous appartient, le leur non. La postface est aussi réconfortante : « J’ai écrit Only Ever Yours comme une lettre d’amour à l’adolescente que j’étais à quinze ans. Je l’ai écrit pour toutes les femmes qui ne se sentent jamais assez bonnes. J’ai écrit ce livre pour vous montrer, à vous, la personne qui êtes en train de lire, que ce n’est pas votre faute, que ça n’a jamais été votre faute. » En effet, le roman traite aussi de la violence domestique, et cette dernière phrase y fait référence dans tout le roman.
J’ai aimé l’écriture ! L’édition que j’ai lue comporte un commentaire de Jeanette Winterson : « Elle [Louise O'Neill] écrit avec un scalpel ». C’est exactement ça !! Son écriture correspond à la folie, à l’incertitude, au désespoir de son personnage principal. Elle permet de faire vivre le roman au lecteur.
La fin … Je n’étais pas prête du tout ! [SPOILER] J’avais deviné l’amour que ressentaient freida et isabel l’une pour l’autre ; quelques indices parsèment le roman. C’est un véritable amour, qui n’implique pas de sexualité, qui peut être platonique, mais qui est plus fort que tous les autres sentiments présents dans l’œuvre. [FIN DU SPOILER] Je n’avais pas du tout deviné le secret d’isabel ! De plus, tout le long du livre, j’avais tellement envie que freida réussisse, ça en devenait pénible ! J’étais tellement nerveuse !!! [SPOILER] Mais après le dernier Heavenly Seventy, je me suis rendu compte que ce n’était pas de l’amour qu’elle ressentait pour Darwin. C’était un besoin. Elle voulait se sentir en sécurité, trouver sa place dans la société. C’était malsain, même si on peut parfois avoir l’impression que ce n’est pas le cas. ET ça ne se termine pas comme la majorité des romans YA !! Pas de happy ending, que ce soit pour freida ou pour isabel, et c’est tout à fait logique !! Un happy ending ne peut pas exister dans une société pareille ! C’était tellement cruel. En refermant le livre, je ressentis tellement d’amour pour isabel. Je savais qu’elle n’était pas mauvaise, malgré le point de vue de freida, mais je ne la comprenais pas pour autant. [FIN DU SPOILER] Magistrale.
J’ai l’impression de ne pas avoir tout dit, de ne pas avoir touché au cœur du sujet. C’est si cruel, si triste, et si effrayant. Un coup de cœur !
Donc, un excellent roman dystopique, dans la veine de The Handmaid’s Tale, qui fait réfléchir sur notre propre société.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.