Une maison de poupée de Henrik Ibsen
Editeur : Le Livre de Poche
Année de sortie : 2016 [1879]
Nombre de pages : 154
Titre en VO : Et Dukkehjem (norvégien)
Synopsis : Dans cette maison où la femme est et n’est qu’une poupée, les hommes sont des pantins, veules et pleutres. Sans doute Nora incarne-t-elle une sorte de moment auroral du féminisme, alors qu’être, c’est sortir, partir. Et Ibsen, grâce à ce chef-d’œuvre, accède au panthéon de la littérature mondiale.
Mais si sa poupée se met, sinon à vivre, du moins à le vouloir, au point de bousculer au passage l’alibi de l’instinct maternel, c’est qu’autour d’elle les hommes se meurent. Ibsen exalte moins Nora qu’il n’accable le mari, l’avocat Helmer, ou Krogstad par qui le chantage arrive.
Avis : Cela faisait longtemps que cette pièce se trouvait dans ma PAL, il était temps de l’en sortir !
On parle souvent d’Une maison de poupée comme d’une pièce féministe ; pourtant, ce n’était apparemment pas l’intention première de l’auteur. Il désirait écrire une pièce sur l’individualisme, et son héroïne se trouve être une femme. En effet, Nora Helmer est une poupée dans la maison de son mari : on attend d’elle qu’elle s’occupe de la maison, de ses enfants, de son homme, mais pas qu’elle réfléchisse, qu’elle ait du bon sens, ou des connaissances. Elle est un bel oiseau, une alouette, un écureuil joyeux, qui doit obéir sans poser de questions. Mais Nora cache quelque chose, un secret qui changerait sa vie si son mari Torvald l’apprenait. Cette pièce est agaçante : les personnages masculins sont insupportables d’égoïsme et de stupidité, incapables de réfléchir en d’autres termes que la domination masculine et l’intérêt personnel, non pour s’élever, mais pour s’enrichir. Ils veulent une place, des richesses, des choses à montrer ; ils ne veulent pas être mais paraître. Tous ont quelque chose d’exaspérant : le médecin, Dr. Rank, est convaincu qu’il va mourir à cause des péchés de son père, qui l’ont contaminé ; Krogstad veut absolument se rétablir dans la société, et veut une place d’influence à la banque, sans se soucier de la manière dont il obtient son travail ; Torvald, l’avocat, ne jure que par l’apparence. Sa femme est la plus belle, la plus gracieuse, les hommes lui envient, la désire, et sa place à la banque va lui permettre de gagner beaucoup d’argent pour satisfaire les envies de Nora. Tout le début de la pièce, Nora est présentée comme une femme bête, qui ne veut que de l’argent, très superficielle, ignorante. Mais cela n’est pas étonnant : elle n’a pas reçu l’éducation qu’il fallait, elle n’est pas capable parce qu’elle n’a pas appris à l’être. Elle est considérée par son mari comme un bel objet en sa possession, quelque chose dont il peut user à sa guise, et quand il le désire – il me semble qu’à la fin, il est sur le point de la forcer à coucher avec lui. Donc, il est très facile pour Torvald de se moquer de Nora, de la rabaisser : elle ne sait pas s’élever, elle n’en a pas les moyens. Et pourtant, même sans cette éducation correcte, elle est convaincue qu’elle a agi justement, que ce sont les lois qui ont tort, et pas elle, qu’il est normal de tout faire pour épargner de la souffrance à un père et à un mari. En fait, les hommes sont bien faibles face aux femmes qui se sacrifient pour eux, qui font tout pour leur éviter de subir. En fin de compte, ce sont eux qui sont fragiles et naïfs à la fin ; ce sont eux qui sont enfermés dans les carcans de la société, et ce sont les femmes qui s’en libèrent.
La première partie de la fin (si je peux parler ainsi) m’a tellement agacée que j’avais les larmes aux yeux ; j’avais tellement envie que Torvald comprenne sa bêtise !! En plus d’être stupide, il devient cruel ! Ses dernières réactions m’ont tellement énervée !! La deuxième partie : [SPOILER] quel soulagement de voir Nora réagir !! J’ai attendu ça toute la pièce !!! C’est là que la pièce révèle son « but » : l’individualisme. Nora doit d’abord devenir une femme, une personne à part entière avant d’aimer, que ce soit un mari ou des enfants. Comment pourrait-elle éduquer correctement ses petits si elle n’est pas elle-même éduquée ? Comment peut-elle prendre soin de quelqu’un, et lui inculquer les bonnes valeurs si elle ne sait pas comment faire, si elle ne les connaît pas ? La meilleure fin possible !! [FIN DU SPOILER]
Donc, une pièce exceptionnelle, à la fois individualiste et féministe, qui nous montre tout l’intérêt de l’éducation.