Vera d’Elizabeth von Arnim
Editeur : Virago (Modern Classics)
Année de sortie : 1989 [1921]
Nombre de pages : 319
Titre en français : Véra
Synopsis : ‘She had the trust in him, he felt, of a child … He was proud and touched to know it, and it warmed him through and through to see how her face lit up whenever he appeared. Vera’s face hadn’t done that’
Lucy Entwhistle’s beloved father has just died; she is twenty-two and alone in the world. Leaning against her garden gate, dazed and unhappy, she is disturbed by the slightly sweaty presence of Mr. Wemyss, also in mourning – for his wife Vera, who has died in mysterious circumstances. Before Lucy can collect herself the middle-aged Mr. Wemyss has taken charge: of the funeral arrangements, of her kind aunt Dot, but most of all of Lucy herself – body and soul.
Elizabeth von Arnim (1866-1941), cousin and friend of Katherine Mansfield, was born in Australia. She had an extraordinary life, spent in Pomerania with her first husband, Count von Arnim, and in England with her second, the 2nd Earl Russell – brother of Bertrand Russell. Most famous for Elizabeth and her German Garden, Vera, first published in 1921, is her masterpiece, a forceful study of the power of men in marriage, and the weakness of women when they love.
Avis : J’ai d’abord vu cette auteure sur la chaîne d’Ange (Beyond the Pages), et ses livres m’ont attirée parce qu’ils ont été édités chez Vintage dans leur collection Vintage Classics. Puis j’ai recherché Elizabeth von Arnim et j’ai trouvé Vera.
J’ai vu quelque part – je ne sais plus où – que Daphné du Maurier s’était inspirée de Vera pour écrire Rebecca, un de mes romans préférés. Je me suis dit qu’il serait donc intéressant de le lire, et que j’avais des chances d’aimer ! J’ai bien vu, en lisant Vera, les éléments qui avaient pu intéresser Daphné du Maurier pour son propre livre ; mais elle l’a rendu bien plus gothique que n’est le roman d’Elizabeth von Arnim, et les personnages ne sont pas du tout les mêmes, que ce soient dans leur personnalité ou dans leur relation les uns avec les autres. J’ai beaucoup aimé Vera, et peut-être que je l’aimerais plus encore au fil du temps, mais Rebecca est plus prenant et plus surprenant pour moi, et il a gagné sa place de préféré après quelques réticences de ma part !
Passons à Vera seul maintenant ! D’abord, j’aime beaucoup l’écriture d’Elizabeth von Arnim, donc je sais que je lirai d’autres de ses livres, et même, que je pourrais relire celui-ci – peut-être quand je serai moins en colère !! Cela ne signifie pas du tout que le livre est mauvais ; au contraire, il est capable de me faire ressentir des choses, je me suis sentie impliquée dans l’histoire, et même si je n’adore pas la fin, c’est un très bon roman capable de toucher ses lecteurs. Je suis en colère parce que j’ai absolument DETESTE Wemyss !! Il est arrivé directement sur ma liste de personnages que je déteste le plus en littérature, aux côtés d’Ambrosio dans The Monk et Humbert Humbert dans Lolita. Il est tellement centré sur lui-même, égoïste, dès le début du roman ! Insupportable. Et sa façon de voir les femmes !! [SPOILER] Pour lui, elle ne doit pas penser, ce n’est pas son rôle ; il doit avoir le contrôle total sur absolument tout, son esprit, son âme, son corps ; toute sa vie est à lui ! Et quand Lucy se trouve être sa femme et qu’elle tente de tout partager avec lui, elle découvre que ce n’est pas du tout une bonne idée ! [FIN DU SPOILER] Il est facilement blessé – pour rien, je précise –, il est d’un ridicule, et, en même temps, personne ne lui dit jamais rien, ce qui le laisse diriger tranquillement avec sa vision complètement étriquée des choses ! Il pense qu’il a toujours raison !! Il est très rare de trouver un personnage aussi agaçant [SPOILER] mais aussi un personnage si ridicule et qui prend pourtant autant d’ampleur. Lucy ne veut pas de lui au début, elle ne l’aime pas ; et, avec sa manière de la plier à sa volonté, de la forcer à faire ce qu’il veut, il parvient à la faire tomber amoureuse, et à la couper de tout le monde. Il n’est pas seulement insupportable, il est aussi dangereux ! [FIN DU SPOILER]
J’ai adoré Lucy [SPOILER] surtout parce qu’elle finit par se rendre compte de qui est Wemyss, et par ne plus tout à fait lui obéir. Elle découvre qui il est, mais tente de se convaincre qu’elle a tout de même fait le bon choix. J’ai eu pitié d’elle, vraiment, et j’aurais tout de même préféré qu’elle le défie carrément, qu’elle s’affirme, qu’elle lui montre que ce n’est pas parce qu’elle est femme qu’elle ne pense pas ou qu’elle n’a pas le droit d’avoir sa propre personnalité et de faire ses propres choix. [FIN DU SPOILER] Elle peut paraître agaçante à certains, mais je l’ai trouvée tellement innocente. J’avais tellement envie de l’aider ! C’est peut-être pour cette raison que je me suis pas mal identifiée à la tante Dot – que j’adore également. Elle est tellement généreuse, et elle ne fait que penser, constamment, au bonheur de Lucy. [SPOILER] J’ai aussi fini par aimer Vera elle-même. Elle est, en quelque sorte, une alliée virtuelle pour Lucy face à un mari tyrannique ; c’est vers elle qu’elle se tourne quand elle se sent mal, ou seule. Je l’ai aussi aimée grâce à la façon dont elle est dépeinte par ses habitudes et ses affaires, et non par son ancien mari, qui ne cesse de la diaboliser et de la rabaisser. [FIN DU SPOILER]
La fin était un peu décevante pour moi au début. J’en voulais plus, je voulais savoir ! Mais, je me suis dit que c’était logique que ça s’arrête là. [SPOILER] Le lecteur sait aussi que la tante Dot a raison : Lucy ne tiendra pas aussi longtemps que Vera, elle mourra plus tôt, et Wemyss sera capable de continuer à vivre normalement, à la recherche d’un nouveau « petit amour » ! Il dit à un moment donné qu’il a profondément aimé Vera ; je n’y crois pas une seconde, vu la rapidité avec laquelle il l’a remplacée ! A la fin du roman, j’espère toujours que Lucy ne va pas finir comme la première épouse, mais je n’y crois pas moi-même. D’ailleurs, je suis persuadée que Wemyss a tué Vera, littéralement, que c’est lui qui l’a poussée par la fenêtre ! Je trouve que c’est clair dans les dernières pensées de Wemyss avant la fin du roman. De plus, il a menti sur elle en disant, par exemple, qu’elle refusait de voyager ; dans ce cas-là, pourquoi a-t-elle autant de Baedecker dans sa bibliothèque ? C’est plutôt lui qui devait la retenir, dans une sorte de séquestration, et qui l’empêchait de faire ce qu’elle voulait, exactement comme il compte le faire avec Lucy ! [FIN DU SPOILER]
Petite remarque : j’ai aimé les petites réflexions sur les livres au cours du roman. La différence de perception de la littérature entre Wemyss et Lucy est choquante, et j’ai retenu certaines citations, dont celle-ci, que je vous mets en VO et en français : « The books people read, – was there ever anything more revealing ? » / « Les livres que nous lisons – existe-t-il quelque chose de plus révélateur ? »
Donc, un excellent livre, que je relirai sans doute avec plaisir, malgré ma haine de Wemyss !