Madame Zero de Sarah Hall
Editeur : Faber & Faber
Année de sortie : 2017
Nombre de pages : 176
Titre en français : Pas encore traduit
Synopsis : She is running and becoming smaller, running and becoming smaller, running in the light of the reddening sun, the red of her hair and her coat falling, the red of her fur and her body loosening. Running. Holding behind her a sudden, brazen object, white-tipped. Her yellow scarf trails in the briar. All vestiges shed.
Sarah Hall is one of the most daring, rewarding, and original writers at work today. Already acclaimed as a prize-winning novelist, she is now equally fêted as a radically gifted short-story writer.
Madame Zero is a book of sometimes conflicting landscapes – rural, industrial, psychological – all of which are hauntingly resonant with dread. Whether set in an apocalyptic storm, a local swimming pool, or a surgical theatre, Hall’s stories always inhabit the hinterland between the natural and urban, the mundane and surreal, human and animal.
From a wife’s hidden sexual desires to a girl’s secret phobias, Hall has a a disturbing way of illuminating our buried impulses and sometimes occult motives. Marked by a fascination with the intimacy of nature – and the nature of intimacy – Madame Zero is the candescent new collection from an author twice nominated for the Man Booker Prize.
Avis : J’ai entendu parler de Sarah Hall sur la chaîne de Simon (Savidgereads) et sur la chaîne de Mercedes (MercyBookishMusings). Ils avaient tous les deux beaucoup aimé, alors j’ai tenté !
Déjà, petite remarque sur la couverture : je la trouve étrange et belle. Le corps de la femme disparaît, ce qui laisse présager des nouvelles issues du réalisme magique, et il y a un chat à côté d’elle ! Ce recueil est très diversifié : le réalisme magique est bien présent, mais le lecteur peut aussi constater que certaines nouvelles sont dystopiques, et d’autres plus réalistes. Toutes font réfléchir le lecteur ; la plupart sont assez déprimantes, d’autres laissent un peu d’espoir. L’écriture est agréable. Le recueil comporte neuf nouvelles :
D’abord, « Mrs Fox » qui, comme l’indique le titre, raconte l’histoire d’une femme qui va se changer en renarde. Celle-ci est donc plus du côté réalisme magique. Le narrateur est externe, mais nous fait part des pensées du mari, qui ne comprend pas ce qui arrive à sa femme. J’ai beaucoup apprécié cette nouvelle, elle fait partie de mes préférées du recueil. L’animal est présenté comme un être conscient, intelligent, qui peut avoir un lien avec l’homme, mais qui reste libre. Elle sous-entend aussi que la condition humaine est pire que la condition animale, étant qu’être humain est désigné comme étant une maladie. Un beau message.
« Case Study 2 » a un format différent par rapport aux autres nouvelles. Il est écrit sous la forme d’un rapport sur l’évolution d’un petit garçon. Celui-ci a été recueilli par les services sociaux alors qu’il s’était écarté de sa communauté – qui ressemble assez à une secte, sans le côté religieux. Celle-ci a pour principe de laisser les enfants livrés à eux-mêmes, et elle vit en autarcie. Le rapport est écrit par un médecin qui note les progrès de l’enfant. Cette nouvelle pose des questions essentielles : a-t-on le droit d’interférer avec une communauté libre, même si ses principes ne sont pas les nôtres ? l’enfant recueilli peut-il vraiment s’adapter à une tout autre manière de vivre à huit ans ? La fin laisse coi.
« Theatre 6 » est écrit à la deuxième personne du singulier, ce qui peut sembler étrange, mais cela implique d’autant plus le lecteur, qui est mis à la place du narrateur. Celui-ci est anesthésiste dans un hôpital visiblement futuriste – en tout cas, qui n’a pas les mêmes principes que nos hôpitaux actuels. En effet, les noms de services sont différents, et les façons de penser des médecins aussi. Le narrateur est confronté à une femme enceinte qui va visiblement mourir avec son enfant. Sans doute l’une des nouvelles les plus déprimantes du recueil !
« Wilderness » suit une jeune femme qui a le vertige, alors qu’elle est menée par un ami de son compagnon sur un pont très dangereux en Afrique du Sud. Au fil de la lecture, le lecteur comprend que cette peur remonte à un événement dans la vie de la jeune femme, quelque chose qu’elle réprime, et qui a créé sa peur du vide. Intéressant, mais un peu long.
« Luxury Hour » est aussi une de mes préférées du recueil. Le lecteur suit une jeune femme alors qu’elle nage à la piscine de sa ville. Lorsqu’elle sort, elle profite de son heure de luxe, de solitude, loin de son bébé. C’est alors qu’elle croise un homme. J’ai adoré l’ironie de cette histoire : [SPOILER] l’heure de luxe qu’elle s’accorde dans le présent est la conséquence de l’heure de luxe qu’elle s’accordait avant, dans un hôtel, avec cet homme qu’elle recroise. C’est « à cause » de cet homme qu’elle n’a plus de temps libre, parce qu’elle a eu un bébé avec lui ; bien sûr, il ne le sait pas, puisqu’il est parti vivre dans une autre ville, et la jeune femme n’a pas voulu lui révéler son secret. [FIN DU SPOILER] c’est très cruel, et je n’ai pas pu m’empêcher de pousser un petit cri de surprise quand j’ai compris la « chute » !
« Later, His Ghost » est plutôt une nouvelle dystopique. Le lecteur suit un personnage masculin dont on ne connaît pas le prénom ; visiblement, il est le seul de sa famille à avoir survécu au climat qui a détruit la planète. Des tempêtes ne cessent de parcourir le globe, dévastant tout autour d’elle, écrasant les constructions humaines et leurs constructeurs. Pourtant, aujourd’hui, le jeune homme va tout de même sortir : c’est Noël et il veut compléter son cadeau pour Hélène, une femme apparemment traumatisée qu’il a recueillie dans son abri. La fin laisse de l’espoir et évoque le pouvoir de la littérature ; j’ai aimé le clin d’œil avec le titre de l’œuvre que le personnage essaie de reconstituer. En même temps, le lecteur se demande si le jeune homme est parvenu à retrouver son abri à temps ; l’auteure lui laisse le choix de la fin en quelque sorte.
« Goodnight Nobody » raconte l’histoire d’une petite fille dans la rue de laquelle un chien a décapité un bébé. Elle veut en apprendre plus, mais est marginale par rapport aux autres enfants de son quartier. Elle donne aussi des surnoms aux membres de sa famille, surnoms ici séries TV notamment. De plus, sa mère est médecin légiste, ce qui la pousse à voir la mort différemment ; elle paraît quasiment fascinée. La nouvelle pose aussi la question de la culpabilité : est-ce vraiment celle du chien ? et les parents dans tout ça ? Ils ont tout de même laissé leur enfant seul avec un chien ; pas très intelligent, même si l’on a confiance en son animal. La fin laisse une impression étrange : la curiosité morbide de la petite serait plus une question de lien affectif avec sa mère. Elle pourrait vouloir comprendre ce que sa mère vit et fait tous les jours.
« One in Four » est une lettre, apparemment d’un homme à sa femme. Il lui explique pourquoi il est parti, et lui demande de ne pas monter les enfants contre lui. Il semblerait qu’encore une fois, l’histoire se passe dans une société dystopique. J’avoue que, cette fois, j’aurais aimé avoir un roman complet à lire, parce que cette nouvelle m’a intriguée ! L’homme est médecin et parle d’une maladie qu’il a aidé à créer, et qu’un grand groupe a utilisée. Cette maladie s’est diffusée dans le monde et est visiblement en train de tourner à la pandémie. Cela m’a fait penser au roman World War Z, sauf qu’on ne connaît pas vraiment les effets de la maladie sur les patients, on sait seulement qu’il y a eu des morts.
« Evie » est la nouvelle qui m’a mise le plus mal à l’aise. C’est l’histoire d’un couple, Evie et un homme dont on ne connaît pas le nom. La jeune femme change de comportement quasi du jour au lendemain ; elle devient libérée sexuellement, tellement qu’elle demande à son mari des choses qu’il n’aurait jamais pensé faire avec elle avant. La fin est comme un coup de poing dans le ventre à la fois pour le mari et pour le lecteur, et c’est ça qui m’a mise mal à l’aise. [SPOILER] La nouvelle met en avant le changement de comportement qui peut arriver dans le cas d’une tumeur au cerveau, mais aussi la culpabilité des personnes autour qui n’ont pas vu le changement, ou qui ne s’en sont pas inquiété. Le mari peut s’en vouloir puisqu’en quelque sorte, il a profité de la tumeur et de la situation de sa femme sans le savoir. [FIN DU SPOILER]
Donc, un bon recueil, avec des nouvelles qui ont provoqué des réactions chez moi, sans aucun doute.
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