Charlotte Collins de Jennifer Becton
Editeur : Milady (Pemberley)
Année de sortie : 2013 [2010]
Nombre de pages : 366
Synopsis : Certains personnages secondaires méritent une seconde chance …
Dans Orgueil et préjugés, Elizabeth fait un mariage d’amour avec Mr. Darcy alors que Charlotte fait le choix de la raison en s’unissant au mielleux révérend Collins. Un mariage qui, à défaut de lui révéler l’amour, lui vaut une situation confortable.
Lorsque son mari meurt, Charlotte est délivrée de ses pénibles sermons. Elle accepte alors de chaperonner sa petite sœur dans l’espoir de lui éviter une union malheureuse. Les deux sœurs sont courtisées par des gentlemen américains peu soucieux des convenances. Alors que sa réputation est mise à mal par un libertin, et qu’elle se débat contre la calomnie, Charlotte qui n’a jamais cru au mariage d’amour va devoir reconsidérer son point de vue …
Avis : Un petit livre cosy qui m’a surprise, non par l’originalité de son intrigue, mais par le plaisir que j’ai pris à le lire !
Je ne suis pas une grande fan de romances, excepté quand elles se trouvent dans les classiques ; j’ai l’impression qu’elles sont alors plus authentiques. Dans les romans contemporains, ça me semble surjoué ou artificiel ; et je déteste l’instalove, que l’on retrouve dans beaucoup de romances !! Donc je reste le plus loin possible de ce genre ! Mais, ma cousine m’a proposé de me prêter Charlotte Collins ; je lui ai fais confiance, je l’ai pris – mais ce livre a patienté au moins deux ans pour que je daigne le lire !! (SHAME !)
Tout d’abord, j’ai beaucoup aimé Charlotte Collins ! Elle peut paraître stricte, et même austère, mais elle essaie simplement d’obéir aux convenances, puisqu’elle sait que sa réputation en dépend . Elle est complètement soumise à la société, et au regard des autres. Cela peut agacer le lecteur, mais c’est aussi compréhensible : elle pense à sa situation, à celle de sa sœur, à sa famille. En lisant son histoire, je me suis dit que Jennifer Becton avait eu raison de reprendre ce personnage secondaire pour en faire une héroïne : elle mérite quand même mieux que son mariage avec le révérend Collins dans Orgueil et préjugés. J’ai aimé la voir évoluer, se remettre en question, reconsidérer ce qu’elle jugeait inébranlable. Les seules choses agaçantes : [SPOILER] quand elle se demande si Mr. Edgington et Mr. Basford l’aiment, ou sa façon de réagir comme une jeune fille débutante quand elle est courtisée, alors qu’elle est maintenant une femme mature. [FIN DU SPOILER] J’ai aussi aimé le personnage de Maria, même si elle est plutôt agaçante – notamment à cause de sa jeunesse et de son manque de maturité. Elle est plutôt naïve, et n’écoute pas vraiment sa sœur. Elle aussi finit par évoluer, heureusement !
J’ai aussi aimé l’atmosphère d’une ville anglaise à l’époque victorienne, avec les bals et les réceptions, les dîners et les voyages en calèche ; c’est aussi ce que j’aime dans certains classiques ! L’auteure nous propose aussi des réflexions sur la femme, son statut à l’époque, et la façon dont elle était traitée ou considérée. Elle nous montre différents types de femmes à l’époque : celles qui ne peuvent plus se permettre de vivre comme des ladies, comme Mrs Eff, celles qui s’en sortent grâce à une pension, comme Mrs Collins, celles qui sont toujours mariées, celles qui cherchent un mari – et leurs critères de sélection ! Elle évoque aussi l’absurdité des conventions et du quand-dira-t-on à travers le personnage de Mr. Basford, que j’ai beaucoup apprécié également !
Bien sûr, ce livre a ses défauts. L’intrigue n’est pas très originale, tout est prévisible, et même, je peux le dire : on peut lire ce genre d’histoire dans n’importe quelle romance. [SPOILER] L’héroïne déteste le personnage masculin, c’est un tel mufle ! Mais, BIEN SUR, en réalité, c’est un gentleman, et il est tombé fou amoureux de l’héroïne, et elle tombe folle amoureuse de lui mais n’ose pas se l’avouer, et ne cesse de lui chercher des défauts alors qu’elle ne fait que penser à lui. Et ils finissent par se marier et par être très heureux. Et il y a aussi ce fameux triangle amoureux que je ne peux plus supporter. L’héroïne se retrouve entre deux hommes, peut-être pour laisser une espèce de suspense au lecteur, pour savoir qui elle va choisir, même si, ici, c’est évident depuis le début ! Cet autre homme semble être un gentleman mais BIEN SUR, en réalité, c’est lui le mufle, il veut faire chanter l’héroïne et la met dans une position de faiblesse, position qui va permettre à l’autre personnage masculin de jouer le grand sauveur ! Et, bien sûr, la sœur de l’héroïne semble filer le parfait amour avec un homme d’honneur qui, en fait, est un voyou qui s’enfuit avec une autre femme, ce qui permet à la sœur d’épouser l’homme qui lui était destiné depuis le début ! [FIN DU SPOILER] Ce peut être ennuyeux – si on ne lit que ça, sans doute – mais je pense que ce genre de livres convient parfaitement après deux livres plus intenses, qui brisent complètement le cœur du lecteur, comme The Haunting of Hill House et Mrs de Winter. Ce livre était sûr, je savais que je n’allais pas me retrouver anéantie, que ce livre serait satisfaisant.
J’ai lu l’avis d’autres lecteurs ; certains déplorent qu’il n’y ait pas plus de références à Jane Austen. On peut apercevoir Elizabeth et Mr. Darcy, mais, le but n’était pas de reprendre ces personnages, mais de donner à Charlotte sa propre histoire. Evidemment, la référence à Jane Austen est d’abord dans ce choix ; j’aurais trouvé artificiel de rajouter d’autres personnages que l’on trouve dans d’autres œuvres, ou même dans Orgueil et préjugés : le livre est ainsi inspiré de Jane Austen, mais reste une œuvre à part entière. De plus, [SPOILER] je trouve que l’intrigue est très similaire à celle d’Orgueil et préjugés : Charlotte réagit avec Mr. Basford exactement comme Elizabeth a réagi avec Mr. Darcy ; elle est très fière de ses principes, reste campée sur ses positions (l’orgueil) et est bourrée de préjugés par rapport aux Américains, à leurs manières, à leur façon de vivre, etc. La fin est aussi exactement la même ! Mr. Basford ressemble pas mal à Mr. Darcy, en plus effronté, moins guindé, ce qui le rend d’autant plus agréable ! [FIN DU SPOILER]
Donc, une très bonne Austenerie, qui nous fait découvrir un personnage secondaire plus en profondeur, qui lui permet d’avoir une autre vie, et qui permet aussi une petite immersion dans le monde de l’époque.