Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Archive pour janvier, 2018

Midwinter de Fiona Melrose

Posté : 29 janvier, 2018 @ 6:17 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Contemporaine Midwinter

Editeur : Corsair

Année de sortie : 2016

Nombre de pages : 260

Titre en français : Midwinter (il sort le 8 février 2018 aux éditions de la Table Ronde, collection Quai Voltaire)

Synopsis : ‘For ten years I’d shirked the memories. I always felt them scratching at the darker corners of my mind, still feral; but sitting on a tree stump in the gathering dark, all of it – the space, the fear, the sorrow – all seemed to find me again. It was as if the past ten years I’d only been standing still and I was back in a mess with a boy who only sees ghosts.’

Father and son, Landyn and Vale Midwinter are Suffolk farmers, living together on land their family had worked for générations. But they are haunted there by a past they have long refused to confront: the death of Cecelia, beloved wife and mother, when Vale was just a child. Both men have carried her loss, unspoken. Until now.

With the onset of a mauling winter, something between them snaps.

While Vale makes increasingly desperate décisions, Landyn retreats, finding solace in the land, his animals – and a vixen who haunts the farm and seems to bring with her both comfort and protection.

Tender and lyrical, alive to language and nature, Midwinter is a novel about guilt, blame, lost opportunities and, ultimately, love and the lengths we will go to find our way home.

 

Avis : Je l’ai vu à la bibliothèque de la fac, et je me souvenais que Simon de la chaîne Savidgereads l’avait conseillé ; je me suis donc lancée !

D’abord, je tiens à vous dire que ce livre sort en France le 8 février !! Donc s’il vous intéresse, vous pourrez bientôt vous le procurer !

J’ai aimé le jeu de mots avec le titre : Midwinter est le nom de famille de Landyn et Vale, mais c’est aussi le milieu de l’hiver, exactement le moment où l’action se passe – un des personnages évoque ce double sens. Ici, des sujets difficiles sont abordés : le deuil, la souffrance, la culpabilité. Les deux protagonistes les affrontent d’une manière différente. Landyn trouve une échappatoire dans le fait de prendre de soin d’animaux, que ce soit un chien, une poule ou un renard ; grâce à lui, leur place est très importante dans le livre, ce que j’ai vraiment adoré ! Il voit également régulièrement une renarde – que l’on retrouve sur les couvertures anglaise et française – qui apparaît quand il revient de Zambie, après un drame que le lecteur découvre peu à peu. Grâce à elle, la mort prend une dimension différente : [SPOILER] on a presque l’impression que la mère s’est réincarnée en renarde, et disparaît afin de resserrer les liens entre le père et le fils ; en effet, si leur relation est complètement détruite par la mort de la mère, elle semble commencer à aller mieux lorsque les animaux de Landyn meurent : Pup, puis la renarde. On peut voir, dans le fait que le fils accompagne le père pour déposer la renarde morte dans un endroit spécial, que leur relation commence à se solidifier, qu’ils se pardonnent et se rapprochent, qu’ils commencent à se comprendre. [FIN DU SPOILER] Quant à Vale, son chagrin s’est mué en colère, et en désespoir. Il fait n’importe quoi, il boit, il s’énerve sans qu’il ne se passe rien, il accuse son père ; il lui faut un responsable. Sa situation est paradoxale : [SPOILER] il accuse son père d’être responsable de la mort de sa mère, mais il ne veut pas assumer sa propre culpabilité. En effet, son ami Tom est paraplégique suite à une sortie illégale en bateau qui a mal tourné. Vale se sent coupable, et préfère se concentrer sur la culpabilité de son père plutôt que sur la sienne. [FIN DU SPOILER] Pour comprendre toute l’histoire, comment la situation a évolué de cette manière, le lecteur se retrouve à sauter dans le passé, pour revenir abruptement dans le présent : cela peut le rendre un peu confus. Parfois, on ne sait plus vraiment à quelle époque on se situe, il faut un temps pour s’adapter ; mais au fil des pages, le lecteur se laisse prendre par l’histoire. De plus, pour avoir les deux versions, la narration se fait à la première personne entre Landyn et Vale : un chapitre sur deux pour chacun. Il est intéressant de découvrir ce que chacun ressent.

Comme je l’ai dit plus haut, j’ai aimé la place que prennent les animaux ici : ils sont respectés, les personnages prennent soin d’eux. Ils ne sont pas privés de liberté – comme on aurait pu s’y attendre avec la mention de la renarde ; celle-ci reste libre du début à la fin. J’ai adoré !! En revanche, une des scènes finales, qui implique un animal, a été la plus difficile à lire – et une des plus difficiles quand je pense à d’autres lectures ! En un sens, je comprends que ce passage était nécessaire, mais j’ai vraiment cru que je n’arriverai pas à aller au bout … En parallèle, j’ai aussi aimé découvrir la vie à la ferme à travers le travail de Landyn et des autres personnages. Je n’avais jamais lu de livre moderne qui traite d’agriculture ; je savais que cela impliquait des sacrifices, et pas mal de problèmes, mais je n’en savais pas beaucoup plus. Le lecteur comprend vite la situation du père, pourquoi il ne peut pas y arriver, mais aussi pourquoi il ne peut pas abandonner. J’ai aimé la façon dont Dobb traite ses animaux, même s’ils vont à l’abattoir : une belle vie et une « belle » mort. C’est toujours mieux que d’être en cage et mourir dans la peur, même si le mieux serait quand même de ne pas mourir pour nous alimenter. BREF ! Landyn était touchant, d’autant plus que sa détermination, au lieu de renforcer ses liens familiaux, détruit sa famille lentement.

Le lecteur finit par s’attacher aux personnages, même s’ils ont leurs défauts. Landyn voit dans ses animaux un échappatoire, mais laisse complètement tomber son fils, qui n’attend que de le voir lui tendre la main. Rongé par la culpabilité, la honte, la tristesse, il se referme sur lui-même, et ne sait pas comment aider Vale, qui part à la dérive. Ce qu’il nous montre de son moi passé est peu glorieux : il se rend compte de ses erreurs, de sa colère mal dirigée, de sa folie de vouloir s’accrocher à sa ferme. Quant à Vale, comme je l’ai dit, il est plein de colère, et veut à tout prix trouver un coupable sur lequel se défouler : son père. Il est incapable de réagir correctement ; à 20 ans, il se sent perdu sans sa mère, et sans un père capable de lui donner des ordres, de lui montrer le chemin. Il prend des décisions déplorables, et blesse tous les personnages : Landyn évidemment, mais aussi Tom, complètement négligé par ses parents, et qui dérive comme Vale, Beth, victime de l’indécision et du remords de Vale, Dobbler, qui se prend une insulte qui ne lui était pas destinée, alors qu’il est si gentil et touchant !! Il a, parfois, de quoi détester Vale, mais le lecteur ne fait que ressentir de la pitié pour lui.

La fin est une vraie conclusion, même si c’est une fin ouverte. Le livre commence et s’achève par une mort, ce qui referme la boucle. Le lecteur peut imaginer ce qui arrive ensuite.

 

Donc, un très bon livre, qui parle de sujets différents tous bien traités, qui donne une place importante à la nature (animaux, agriculture), et qui laisse le lecteur sur une fin pleine d’espoir.

Coraline de Neil Gaiman

Posté : 26 janvier, 2018 @ 11:55 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Fantastique, Jeunesse Coraline

Editeur : Bloomsbury

Année de sortie : 2009 [2002]

Nombre de pages : 185

Titre en français : Coraline

Synopsis : When Coraline explores her new home, she steps through a door and into another house just like her own … except that it’s different. It’s a marvellous adventure until Coraline discovers that there’s also another mother and another father in the house. They want Coraline to stay with them and be their little girl. They want to keep her for ever!

Coraline must use all of her wits and every ounce of courage in order to save herself and return home.

 

Avis : J’aimerais plus de livres de Neil Gaiman, et comme Coraline est une de ses œuvres desquelles on parle le plus, je me suis lancée !

Ce livre me semble être un mix entre Alice au pays des merveilles et l’univers de Tim Burton : Coraline est une petite fille livrée à elle-même dans un monde assez hostile, à la merci d’une femme étrange, et assez effrayante – non négligeable : il y a un chat noir qui parle !!!! C’est plutôt sombre, assez dérangeant avec ces yeux effrayants, décalé aussi. Le « méchant » est plutôt étrange, son pouvoir a l’air incroyable, mais reste inexploité et mystérieux ; on ne comprend pas trop ce qu’elle est, ni d’où elle vient, ce qui est un peu dommage. Coraline, quant à elle, est une petite fille intelligente, courageuse, adorable. Elle est effrayée par ce qui lui arrive, ce qui donne envie au lecteur de la réconforter. Elle pense par elle-même, et se rend bien compte que l’autre monde n’est pas une solution – donnant, en passant, une petite leçon au lecteur : [SPOILER] elle ne veut pas vraiment avoir tout ce qu’elle demande ; le monde serait ennuyeux si elle n’avait plus rien à désirer ! [FIN DU SPOILER] La leçon rend le livre assez enfantin. Coraline est aussi très court, il se lit très rapidement, mais c’est peut-être un désavantage. Le lecteur n’a pas vraiment le temps de s’immerger complètement dans le monde présenté par l’auteur. Il manquait quelque chose pour que ce livre soit parfait.

 

Donc, un très bon livre, mais peut-être trop court. Dans tous les cas, une lecture parfaite pour Halloween !

The Penelopiad de Margaret Atwood

Posté : 26 janvier, 2018 @ 2:11 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : Mythologie The Penelopiad

Editeur : Canongate

Année de sortie : 2006 [2005]

Nombre de pages : 196

Titre en français : L’Odyssée de Pénélope

Synopsis : Murder comes back to haunt you

For Penelope, wife of Odysseus, maintaining a kingdom while her husband was off fighting the Trojan war was not a simple business. Already aggrieved that he had been lured away due to the shocking behaviour of her beautiful cousin Helen, Penelope must bring up her wayward son, face down scandalous rumours and keep over a hundred lustful, greedy and bloodthirsty suitors at bay …

And then, when Odysseus finally returns and slaughters her murderous suitors, he brutally hangs Penelope’s twelve beloved maids. What were his motives? And what was Penelope herself really up to? Margaret Atwood has given Penelope a realistic and witty voice to tell her own story and set the record straight for good.

 

Avis : J’adore la mythologie, et quand j’ai vu que ce livre existait, je l’ai tout de suite ajouté à ma wish-list !!

Margaret Atwood offre ici une réécriture de L’Odyssée vu par Pénélope, la femme d’Ulysse. Petit bémol sur la traduction du titre en français : le nom du mari se trouve encore dans le titre, alors qu’il est complètement absent dans le titre en VO ! Ici, l’histoire est donnée sans toutes les fioritures et les mensonges qui l’accompagnent dans le mythe. Pénélope laisse entendre qu’Ulysse n’a pas accompli les grands exploits qu’on lui attribue dans L’Odyssée, mais plutôt qu’il s’est arrêté dans un bordel pendant très longtemps, ou qu’il s’est battu avec un aubergiste à cause de la note : tout est plus trivial ici, et, en quelque sorte, drôle en même temps ! Ulysse est un peu ridiculisé ; il est aussi montré, comme dans les mythes habituels, comme un homme rusé, un voleur et un menteur. Il n’y a pas de grand amour entre lui et sa femme ; ils font tous deux semblant de croire l’autre, tout en sachant qu’ils mentent tous les deux. Au revoir la belle histoire d’amour, le héros formidable, et l’épouse naïve et dévouée ! Le lecteur suit donc Pénélope de sa naissance à sa vie aux Enfers – aussi appelés l’Hadès. Elle raconte l’histoire après sa mort, des milliers d’années après, ce qui lui permet de faire des références à notre monde. Elle commence en nous expliquant qu’elle va dire toute la vérité, qu’il ne sert plus à rien de mentir maintenant que tout le monde est mort. Le lecteur s’empresse donc de la croire. Mais peut-il vraiment lui faire confiance ? Dit-elle vraiment toute la vérité ? N’essaie-t-elle pas de paraître, ou de se sentir moins coupable ? Parce qu’évidemment, elle se sent coupable : Ulysse n’a pas fait que tuer ses prétendants quand il est revenu à Ithaque ; il a aussi fait pendre ses douze servantes préférées, celles qu’elle considérait comme ses filles, et qu’elle n’a pas pensé à sauver à temps ! Entremêlés à l’histoire de Pénélope, les chœurs de ces servantes nous racontent leur histoire, mais aussi leur point de vue sur ce qui est vraiment arrivé – j’ai d’ailleurs aimé cette référence aux pièces grecques anciennes, comme l’écriture de Margaret Atwood, qui m’a encore séduite ! [SPOILER] Elles laissent entendre que Pénélope a trompé son mari avec certains prétendants ; l’image de Pénélope est tellement ancrée comme la femme fidèle et désespérée qu’il est difficile de l’imaginer autrement. Pourtant, le complot qu’elle ourdirait ensuite contre les servantes est plausible : qui dit alors la vérité ? [FIN DU SPOILER] J’ai aimé comme il est compliqué de démêler le vrai du faux, et comme chaque version d’une histoire est différente.

Ce point de vue féminin permet de redécouvrir la société grecque et sa façon de traiter les femmes. Comme Pénélope le dit, elles sont de la viande à acheter et à vendre, à ensemencer pour obtenir des héritiers, quand elles sont nobles. Les servantes nous montrent la façon dont elles sont traitées : comme des prostituées, des objets jetables. Le maître doit quand même d’abord donner la permission pour que les servantes soient violées ; s’il ne la donne pas, les nobles invités n’ont pas le droit de les toucher. Permission pour violer ? Vraiment ?!!!! De plus, la société grecque met en avant la domination de l’homme sur la femme, humain ou dieu. Combien de femmes ont été violées par Zeus par jeu ? Et cette théorie à la fin !!! Elle m’a fait penser à From Hell d’Alan Moore : Jack l’Eventreur explique comment les hommes ont complètement soumis les femmes, jusque dans l’architecture de Londres, dans la façon dont ils ont recouvert les traces de culte féminin par des symboles de puissance masculine. Margaret Atwood donne ses sources : The Greek Myths de Robert Graves, que j’ai maintenant encore plus envie de lire !! Je trouve cette hypothèse, et ce qu’elle implique, fascinante, et cela peut nous aider à comprendre comment nous en sommes arrivés là !

J’ai vu pas mal d’avis de lecteurs qui n’ont pas aimé le livre parce que Pénélope ne fait que se plaire d’Hélène et de sa beauté ; mais je peux tout à fait la comprendre. La beauté était – et est encore aujourd’hui – un tel critère de valeur qu’elle ne peut pas ne pas en parler et être à la fois jalouse et dégoûtée. La société nous fait voir la beauté de cette façon, et nous demande ensuite d’être hypocrite en prétendant ne pas lui prêter attention : nous sommes, en réalité, obligés de nous en soucier. Les apparences sont si importantes, que ce soit à l’époque ou de nos jours ; ce serait un mensonge de prétendre le contraire. Il suffit de regarder autour de soi, à la télé ou dans les cinémas. Cela ne veut pas dire qu’il faut nous contenter de cela, et être heureux de la situation ; mais ne soyons pas hypocrites non plus. Hélène n’est pas punie justement parce qu’elle est belle ; une autre femme aurait été condamnée à mort, Pénélope y compris. Elle a été façonnée par la société, comme nous le sommes ; nous pouvons tenter de lui échapper, de penser différemment ; elle ne pouvait pas. J’ai d’ailleurs aimé le mix entre mythologie et société moderne ; il aurait pu paraître étrange, mais il était réussi pour moi.

 

Donc, une très bonne réécriture mythologique, qui me conforte dans l’idée de continuer à lire Margaret Atwood !

Fun Home: A Family Tragicomic d’Alison Bechdel

Posté : 25 janvier, 2018 @ 7:54 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Genre : BD, Mémoires Fun Home

Editeur : Jonathan Cape

Année de sortie : 2006

Nombre de pages : 232

Titre en français : Fun Home : une tragicomédie familiale

Synopsis : Fun Home is a fresh and brilliantly told memoir marked by gothic twists, a family funeral home, sexual angst and great books. Like Marjane Satrapi’s Persepolis it’s a story exhilaratingly suited to graphic memoir form.

Meet Alison’s father, obsessive restorer of the family’s Victorian home, funeral director, high school English teacher, icily distant parent and closeted homosexual, who, as it turns out, is involved with his male students and a babysitter.

Through a narrative that is alternately heart-breaking and fiercely funny, we are drawn into a daughter’s complex yearning for her father. When Alison comes out as homosexual herself in late adolescence, the denouement is swift, graphic – and redemptive.

 

Avis : J’ai entendu parler de ce livre, le terme « gothique » a été employé, et je n’avais jamais lu de mémoire sous forme graphique : je me suis lancée !!

J’avoue que je ne m’attendais pas à être aussi émue par ce livre ; et en même temps, j’avais entendu pas mal de bonnes choses, alors je m’attendais quand même à quelque chose. Je savais seulement qu’il traitait du père de l’auteure, et de leur maison gothique. En fait, Fun Home est un mémoire, mais aussi une espèce de biographie de Bruce Bechdel, le père. L’auteur écrit sur son enfance, sur le fait qu’elle comprend qu’elle est lesbienne, et, en même temps, sur sa relation avec son père, un parent froid qu’elle aime quand même, sur la vie de celui-ci, sur ce qu’elle sait de lui. J’ai été émue par l’envie de la narratrice d’avoir une simple conversation avec son père, d’avoir une bonne relation avec lui – un peu une façon de recoller les morceaux, ou de rattraper le temps perdu -, de partager quelque chose. C’est déchirant de la voir incapable de l’atteindre – même quand elle se rend compte qu’ils ont quelque chose en commun ! -, incapable de le cerner et de le comprendre, incapable de lui dire son amour, excepté par ce livre qui arrive après sa mort. Ils sont mal-à-l’aise, embarrassés d’être si proches, et pourtant toujours aussi éloignés. Malgré tout, l’auteure/narratrice se souvient des bons moments passés avec son père, de ces moments où il était joyeux, ou aimant. Il est affolant de se rendre compte, au fil de la lecture, à quel point ces deux personnes, si différentes à première vue, se ressemblent. Ils ont évolué, en quelque sorte, de la même façon, mais n’ont pas réagi à la « révélation » de leur vie de la même façon. Je ne sais pas si on peut parler de spoilers pour un mémoire, mais, au cas où, attention spoiler éventuel : le père d’Alison Bechdel est homosexuel, et elle l’apprend seulement une fois qu’elle a compris qu’elle-même était lesbienne. Elle se sent tellement différente de son père ; et pourtant, elle apprend par sa mère qu’ils ont vécu la même chose ; seulement, son père a décidé de « refuser » son homosexualité, de la refouler en quelque sorte, en se mariant avec la mère d’Alison, et en continuant à rester marié, malgré ses multiples aventures avec des garçons (fin du spoiler éventuel). Tout le long du livre, l’auteure/narratrice tente d’écrire ses souvenirs, tout en essayant de comprendre ce père énigmatique, et surtout, de comprendre sa mort. Elle est convaincue qu’il s’est suicidé, et pense avoir des indices/preuves de cela dans les dernières journées de son père. Les phrases qu’elle écrit pour décrire son impression une fois qu’il est mort sont déchirantes : c’est comme si son absence quand il était vivant était définitivement concrétisée.

Je vous disais plus haut que l’auteure/narratrice comprend ici qu’elle est lesbienne. Ce peut être un peu étrange d’utiliser le verbe « comprendre », mais j’ai l’impression que c’est le meilleur dans ce cas. Elle décrit cette découverte comme simplement une façon de désigner quelque chose de naturel chez elle, d’enfin mettre un mot sur quelque chose qui avait toujours existé pour elle et dont elle n’avait pas conscience. Cela ne s’est pas fait à travers une personne, mais à travers un témoignage qui lui a permis de se rendre compte qu’elle ressentait la même chose. J’ai aimé ensuite son parcours à travers des tas d’œuvres traitant de l’homosexualité – notamment Maurice d’E. M. Forster, que je compte lire bientôt !! J’ai aimé sa façon de parler de sa sexualité, sans tabous, et sans question de honte. Cette question se trouve plutôt du côté de son père.

Le livre traite aussi de l’anxiété, représentée ici par des espèces de TOC : l’auteure/narratrice commence par douter de ses souvenirs, puis elle se force à compter les choses, à faire des choses de manière ritualisée – par exemple, le fait que ses chaussures doivent être parfaitement parallèles, et qu’aucune ne doit dépasser l’autre. L’auteure semble analyser ces manifestations anxieuses, puisqu’elle écrit à un moment donné qu’elle doit donner autant d’amour aux deux chaussures, qui représentent en fait ses parents. Honnêtement, il est très difficile d’apprécier le père ou la mère. Bruce est un parent affreux, qui ne donne aucune affection à ses enfants – excepté pendant certains moments de grâce – ; obsédé par la restauration de sa maison, il oblige ses enfants à l’aider, et peut être violent, que ce soit avec eux ou avec sa femme, notamment lors de leur voyage pour voir un de ses amis d’enfance. L’auteure/narratrice ne cache pas ses défauts ; mais elle montre aussi combien elle l’aime. Ce livre n’est pas débordant de haine contre un père tyrannique ou absent ; c’est une déclaration d’amour posthume. Alison dépeint aussi son père dans ses bons moments ; elle tente de comprendre sa façon d’être et d’agir ; à la fin du livre, il en est presque touchant. La mère – dont j’ai oublié le nom -, est aussi très peu appréciable : elle aussi est obsédée par quelque chose, et ce n’est pas ses enfants ! Elle fait une thèse, et est comédienne ; elle doit donc travailler, en plus de faire les tâches ménagères et de répéter pour ses spectacles. Débordée, elle est, en quelque sorte, elle aussi absente. Elle aussi semble gênée quand, une fois, Alison lui parle de ses règles. En fait, l’auteure/narratrice, enfant et adolescente, ne peut parler à personne de ce qui lui arrive, ne peut pas se confier, et garde tout à l’intérieur d’elle, ou dans des petites expressions dans son journal. Sa relation avec ses parents est difficile, source de gêne, et de peur aussi parfois.

Parlons un peu de la maison : il est vrai qu’elle est gothique, et permet à l’auteure, en quelque sorte, de comprendre en partie son père. Ce « manoir » est sa passion ; il l’a restauré à neuf, l’a remeublé comme il l’était avant, et y a installé une bibliothèque/bureau dans un style très aristocratique. Alison déteste cette maison ; l’auteure donne une raison pour cela : son père considère ses meubles comme ses enfants, et ses enfants comme ses meubles. Il se fiche des goûts de sa fille quand il restaure sa chambre : il y met le papier peint qu’il veut, et les objets qu’il veut. Cette maison est, en quelque sorte, son œuvre ; il en est fier, même si elle lui prend absolument tout son temps.

Le lecteur découvre aussi l’origine du titre du mémoire : Fun Home est l’abréviation de funeral home. En effet, Bruce est professeur de littérature, mais il est aussi croque-mort. Alison et ses frères sont donc dans un milieu qui leur permet de découvrir la mort dans son aspect le moins sentimental ; leur père prépare les morts, ce qui implique de les vider – ce qui donne une scène peu sympathique, à la fois pour le lecteur et pour l’auteur/narratrice. Ayant vécu dans une maison funéraire, l’auteure/narratrice est, d’une certaine façon, détachée de la mort, comme son père lorsqu’il s’occupait des corps. On ressent son désespoir à la mort de son père d’une autre manière, pas par ses pleurs, ce qui le rend d’autant plus touchant. 

J’ai aimé les nombreuses références littéraires : l’auteure/narratrice les associe à des situations, à des événements, et même carrément à ses propres parents, à sa relation avec eux. On peut dire que cela lui vient, en quelque sorte, de son père, qui, le lecteur s’en rend compte, faisait la même chose. Le parallèle avec Ulysses de James Joyce est énorme. Sont aussi mentionnées, comme je l’ai dit, des œuvres traitant de l’homosexualité, parmi elle Sodome et Gomorrhe. Les livres ont une place importante dans la vie d’Alison Bechdel et dans celle de son père : ils sont partout, les accompagnent presque constamment ; la narratrice se demande même à un moment donné si un livre particulier que son père lui a prêté n’était pas un message qu’il tentait de lui faire comprendre. Dans tous les cas, les livres permettent des moments de partage entre Alison et Bruce, moments qu’elle chérit et qu’elle veut faire durer le plus longtemps possible. J’ai aussi adoré les références mythologiques !! (Etrange d’ailleurs que j’avais ensuite prévu de lire The Penelopiad ; j’adore quand mes lectures se retrouvent liées d’une façon ou d’une autre !)

La fin est une dernière façon de briser le cœur du lecteur : l’auteure/narratrice se remémore le dernier moment passé avec son père – l’image et la façon de les dessiner tous les deux dans des fenêtres séparées, ce que l’on retrouve à plusieurs moments dans le livre augmentent l’intensité de la scène -, et son dernier souvenir est agréable.

Petite remarque importante : je ne pensais pas être fan de la façon de dessiner d’Alison Bechdel. Et finalement, j’ai adoré. C’est simple, mais efficace ; les expressions et les décors sont facilement représentés. J’ai aussi aimé que les photos que l’auteure/narratrice reproduit soient dessinées d’une façon différente – la scène où elle compare sa photo et celle de son père … et le cœur se brise à nouveau.

 

Donc, un excellent mémoire graphique, proche du coup de cœur, qui sonne comme un cri d’amour.

The Farseer Trilogy, book 1: Assassin’s Apprentice de Robin Hobb

Posté : 25 janvier, 2018 @ 12:54 dans Avis littéraires, Coup de cœur | 2 commentaires »

Genre : Fantasy Assassin's Apprentice

Editeur : Harper Voyager

Année de sortie : 1996 [1995]

Nombre de pages : 460

Titre en français : L’assassin royal, tome 1 : L’apprenti assassin

Synopsis : A glorious classic Fantasy combining the magic of Ursula Le Guin’s The Wizard of Earthsea with the epic mastery of Tolkien’s The Lord of the Rings.

Fitz is a royal bastard, cast out into the world with only his magical link with animals for solace and companionship.

But when Fitz is adopted into the royal household, he must give up his old ways and learn a new life: weaponry, scribing, courtly manners; and how to kill a man secretly. Meanwhile, raiders ravage the coasts, leaving the people Forged and soulless. As Fitz grows towards manhood, he will have to face his first terrifying mission, a task that poses as much risk to himself as it does to its target: for Fitz is a threat to the throne… but he may also be the key to the future of the kingdom.

 

Avis : Cela fait pas mal de temps que je pense à lire Robin Hobb ; mais je ne savais pas trop par où commencer, et elle avait déjà écrit tellement de livres que j’étais un peu perdue. Puis, j’ai été séduite par la passion de Samantha et Gaby !! Elles m’ont convaincue de me lancer enfin !!

Et je ne sais franchement pas comment les remercier tant j’ai ADORE ce livre !! Il m’a complètement transportée : dès les premières pages, j’étais totalement dedans – tellement que j’ai déjà failli pleurer oh ! C’est tellement rare que j’entre aussi facilement dans un livre ; d’habitude, j’ai toujours ce problème avec le début, cette difficulté à me faire à l’écriture ou au monde présenté. Ici, aucune lutte ; c’était naturel ! C’était déjà génial, cet effet, comme si j’étais faite pour lire ce livre ! Mais le reste est tout aussi génial !! J’ai adoré le monde que l’auteure nous offre, découvrir son territoire – il y a une carte pour s’y retrouver, ce qui est toujours agréable ! -, sa politique, ses problèmes et, surtout sa magie !! Les deux types de « pouvoir » sont pour moi fascinants, j’ai aimé découvrir ce qu’ils impliquaient, comment ils fonctionnaient, et j’ai hâte de les voir développer par la suite ! J’ai aussi vraiment hâte d’en apprendre plus sur l’Histoire des Six Duchés, et notamment sur les Elderlings [SPOILER] qui me semblent être des dragons dis donc !! [FIN DU SPOILER] J’ai adoré l’histoire, suivre Fitz et sa formation. L’ambiance de cette vie au château – même si ce n’est certainement pas la belle vie pour Fitz ! – était très agréable : j’ai aimé explorer Buckkeep, Buckkeep Town, puis Jhaampe ! La façon dont le livre est écrit m’a beaucoup plu !! Fitz écrit sa propre histoire une fois qu’il est adulte, en commençant par son enfance, par ses premiers souvenirs. J’ai aimé les ouvertures de chapitre, souvent historiques, qui permettent d’expliquer en partie certaines situations ou événements dans l’intrigue principale : il faut garder l’information dans un coin de sa tête pour le moment où elle sera nécessaire. Ce procédé m’a rappelé Les bannis et les proscrits de James Clemens, une de mes séries Fantasy préférées !! 

Concernant les personnages, évidemment, j’ai adoré Fitz ! Il est devenu, en un seul livre, un de mes nouveaux préférés ! Sa solitude fait mal au lecteur, lui brise même le cœur parfois ; on a envie de le protéger, de l’aider, de combler les vides que laissent les autres. Il ne comprend pas tout ce qui lui arrive, parce que personne n’a jugé utile de lui apprendre certaines choses ; il est donc complètement ignorant, et cela lui cause aussi des problèmes. Il se fait peu d’amis, beaucoup d’ennemis ; même s’il ne s’en rend pas compte, il est une menace pour le trône, parce qu’il est le fils – même bâtard – de Chivalry, le futur roi. Honnêtement, je pense qu’il est impossible de ne pas s’attacher à lui ; c’est un des personnages que le lecteur a envie de réconforter, d’aider, et qu’il aime tendrement. J’ai aussi aimé Burrich, malgré son côté bourru, et malgré une scène qui m’a fait le détester au début. Homme d’honneur, il a juré à Chivalry de s’occuper de son fils. Il est attachant, tout en étant en même temps repoussant, ce qui est assez étrange. Le lecteur ne veut pas qu’il lui arrive quelque chose, mais il ne peut pas pleinement l’apprécier non plus. Cette ambivalence est sans doute due au fait que la narration se fait à la première personne, avec le point de vue de Fitz : le lecteur est donc confronté aux sentiments contradictoires de l’enfant pour cet homme qu’il aime, mais qui lui fait peur. J’ai aussi aimé Verity[SPOILER] Etant donné que Chivalry abdique, et meurt assez abruptement, sans que Fitz ait le temps de le connaître, [FIN DU SPOILER] Verity est mis en avant, et on apprend peu à peu à le découvrir. J’ai aimé sa nature joyeuse et le fait qu’il soit rassurant avec Fitz. C’est le seul qui le considère comme un enfant ; même s’il n’est pas très présent, il ne fait rien pour lui nuire, contrairement à Regal, qui me sort par les yeux. Un de ses personnages détestables, parce que frivole, incapable de gouverner et persuadé qu’il est l’héritier légitime, méprisant, mais aussi méprisable ! J’ai aussi très peu apprécié Galen, comme on peut s’y attendre ; et je me doutais de son secret !!

La fin était géniale, comme tout le livre ! Je m’attendais à quelque chose de complexe mais, comme Fitz, je n’avais pas tout à fait saisi ! Le dernier paragraphe du dernier chapitre, avant l’épilogue, m’a détruit le cœur. Je m’en doutais mais de le voir écrit … 

En fait, cette découverte d’Assassin’s Apprentice a été incroyable pour moi : cela faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi proche d’un univers, aussi bien dans un livre, aussi absorbée par lui ! C’est assez dur d’exprimer ce que je ressens : c’est comme si le livre était fait pour moi. C’est assez rare, et un sentiment merveilleux. Je regrette de ne pas être entrée dans ce monde plus tôt, mais je me réconforte en me disant qu’il me reste tout un tas de livres à lire ! En plus, j’ai entendu dire que la série ne faisait que s’améliorer : comment est-ce possible ?!! Ah, je regrette aussi de ne pas avoir emprunté le deuxième tome !! En finissant celui-ci, j’avais tout de suite envie de continuer … ou de le relire !!

 

Donc, un excellent premier tome de série, un magnifique roman Fantasy, un héros attachant, et un monde captivant ! 

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