Le liseur du 6h27 de Jean-Paul Didierlaurent
Editeur : Folio
Année de sortie : 2016 [2014]
Nombre de pages : 193
Synopsis : « Voilà, on voulait vous dire, on aime bien ce que vous faites. Ça nous fait drôlement du bien. Ça va bientôt faire un an que Josette et moi, on vient vous écouter tous les lundis et jeudis matin. »
Sur le chemin du travail, Guylain lit aux passagers du RER de 6h27 quelques pages rescapées de livres voués à la destruction. Ce curieux passe-temps va l’amener à faire la connaissance de personnages hauts en couleur qui cherchent, eux aussi, à réinventer leur vie.
Un concentré de bonne humeur, plein de tendresse et d’humanité.
Avis : Ce livre m’a été prêté par ma belle-maman, et je me suis dit qu’il était temps de le lire !
Dès le synopsis, je me suis dit qu’il y avait une sorte de contradiction : le lecteur suit un homme qui déteste son travail, qui n’a plus goût à la vie, et qui ne s’échappe que grâce à ses 20 minutes de lecture dans le RER aller pour se rendre dans son usine. Et pourtant, l’éditeur dit « Un concentré de bonne humeur, plein de tendresse et d’humanité. » Ce n’est pas vraiment de cette manière que j’aurais défini ce livre. Certes, on y trouve de la tendresse, notamment avec la relation entre Giuseppe et Guylain, et on y trouve de l’humanité, avec les personnes que rencontre le personnage principal ; c’est aussi ce qu’il apporte aux personnes qui se trouvent dans son RER tous les matins. Mais de la bonne humeur ? La première partie du livre est d’une noirceur sans nom ! On y découvre le travail de Guylain : il détruit des livres par tonnes ! On y découvre le dégoût qu’il ressent face à cette tâche quotidienne. On y découvre ce que l’usine a fait à Giuseppe. On y découvre l’humanité dans son hypocrisie, dans sa saleté, dans sa méchanceté. Ce n’est pas vraiment le genre de livres qui remonte le moral ; certes, la situation s’améliore au fil du texte, mais les personnages sont portés par leur désespoir : Guylain voit dans ses séances de lecture un échappatoire [SPOILER] comme Julie voit dans ses heures d’écriture une façon de vivre. Giuseppe, quant à lui, veut retrouver ses jambes, perdues dans la broyeuse, en achetant tous les livres imprimés avec la pâte à papier mêlée à ses membres disparus. [FIN DU SPOILER] Sans une quête, sans un but, les personnages sont perdus, et le livre montre une réalité qui nous donne plus envie de pleurer que de nous réjouir. De plus, ce que l’auteur nous montre ici est assez traumatisant pour un lecteur : ce qui arrive aux livres invendus, aux rejetés, à ceux que personne ne lira jamais. Les extraits d’œuvres choisis sont aussi assez peu réjouissants. Je n’ai absolument rien contre les livres tristes, ou qui montrent une réalité dérangeante ; mais on ne peut pas alors décrire le livre comme « un concentré de bonne humeur » ! Il nous montre surtout que la vie est triste, et qu’il faut tenter de l’égayer du mieux que l’on peut. Autre chose : j’ai trouvé ce livre assez prévisible, et que l’histoire d’amour venait un peu de nulle part, comme un cheveu sur la soupe. [SPOILER] C’est un peu celle que l’on retrouve dans tous les livres : le héros doit retrouver la jeune femme mystérieuse dont il est tombé amoureux alors qu’il ne l’a jamais vu, et, bien sûr, ils sont faits l’un pour l’autre, c’est évident. Et, bien sûr, elle est splendide, et bien sûr, il est romantique. [FIN DU SPOILER] La couverture semble nous dire que Guylain est un personnage qui va à contrecourant des autres ; il serait le poisson qui regarde dans l’autre direction. Mais pourquoi, pourquoi ne quitte-t-il pas ce métier affreux qui l’empêche de dormir ? Pourquoi ne laisse-t-il pas la Zerstor à Brunner, qui semble si heureux de détruire ? Ce métier n’est clairement pas fait pour lui, et le lecteur n’attend qu’une seule chose : qu’il parte, qu’il réagisse, qu’il agisse au lieu de déplorer sa situation.
Guylain est donc un homme qui déteste son métier, mais qui ne le quitte pas, et lit quelques pages sauvées dans le RER le matin, en partant travailler. Il égaye ainsi sa journée et celle des autres. Mais cela ne lui suffit visiblement pas : il est tellement désespéré qu’il doit s’occuper l’esprit en comptant, afin de ne pas penser à l’état de sa vie ! Mais quelle tristesse !! Il semble pourtant être sensible, intelligent, capable de faire autre chose que d’enclencher une machine qui broie des livres. Il mentionne même le mensonge qu’il sert à sa mère quand elle l’appelle, qu’il travaille dans l’édition ; mais pourquoi ne réagit-il pas ?! Il est ami avec Giuseppe, un vieil homme à qui il est arrivé quelque chose qui a changé sa vie. Il semble exubérant, gentil, plein de tendresse ; mais un désespoir profond l’habite depuis l’événement, et Guylain tente de l’aider à aller mieux. On découvre un autre personnage, qui rit des déboires qu’elle rencontre au travail, mais cela reste triste de voir à quel point la nature humaine peut être mauvaise ! [SPOILER] Quand Julie piège le « gros de 10h » dans sa cabine n°8, je n’ai pas trouvé ça drôle ; elle l’attaque avec les mêmes armes que les gens dont elle se plaint, elle est donc comme eux. On appelle ça de l’humiliation. Qu’est-ce qu’elle y a gagné ? Elle s’est marrée, et elle doit quand même nettoyer, comme d’habitude, la saleté que « le gros » a laissé derrière lui. Son problème n’est pas résolu pour autant. [FIN DU SPOILER] Le lecteur rencontre d’autres personnages moins sympathiques les uns que les autres, comme Félix Kowalski, le cliché du patron sans scrupules qui veut juste gagner son argent, et se fout de comment il le gagne, ou Brunner, un sadique de première, lui aussi un cliché. Se trouvent aussi, dans ce livre, des personnages plus agréable, comme Monique et Josette, qui tendent la main à Guylain, et qui apprécient ce qu’il fait pour elles, ou Yvon, un homme que tout le monde respecte, et que j’ai apprécié.
La fin ne m’a pas satisfaite. Je m’attendais à une vraie clôture, à savoir ce qui arrivait aux personnages, même si le lecteur devine ce qui va arriver ensuite. Un peu déçue.
Donc, un bon livre, mais qui a été mal présenté par l’éditeur, et qui renferme plus de tristesse que de bonne humeur.
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