From Hell : Une autopsie de Jack l’Eventreur d’Alan Moore et Eddie Campbell
Genre : Bande-dessinée, Historique
Editeur : Delcourt
Année de sortie : 2000 [1998]
Nombre de pages : 576
Titre originel : From Hell
Synopsis : Scénariste phare de la bande dessinée actuelle (on lui doit notamment Watchmen et V pour Vendetta), Alan Moore brosse ici, avec le dessinateur Eddie Campbell, une fresque monumentale du Londres victorien de 1888. S’appuyant sur une recherche documentaire exhaustive, il nous livre une vision fulgurante, magistrale dans sa construction et son écriture, de l’énigme criminelle la plus célèbre de l’histoire : celle de Jack l’Eventreur, le meurtrier dont la seule lettre authentifiée fut expédiée, à en croire son auteur, « from hell », c’est-à-dire « de l’enfer ».
Avis : J’ai emprunté ce livre pour Halloween, me disant que l’histoire de Jack l’Eventreur était parfaite pour la période !
Je me suis pris une claque monumentale ! Je ne m’attendais pas à être autant secouée par ce roman graphique ! Dans From Hell, on suit une hypothèse sur l’identité de Jack l’Eventreur, ainsi que sur la façon dont ce serait déroulé les meurtres. Je préviens les âmes sensibles : il y a pas mal de scènes sanglantes, ainsi que des scènes sexuelles explicites - d’ailleurs, pendant la première, je ne sais pas ce qu’a fait le traducteur, mais cela rendait la scène ridicule ! Mais ce qui m’a surtout secoué, c’est d’apprendre les motivations du potentiel tueur, de voir le monde à travers ses yeux, de comprendre sa vision de la société et des relations homme/femme. Il pense être investi d’une mission, que c’est Dieu qui l’a choisi pour accomplir un dessein supérieur. Je ne veux pas tout vous raconter, donc je ne vous donnerai pas de détails, mais j’ai trouvé la situation assez ironique ! Au début du roman graphique, le lecteur se retrouve à voir le monde à travers les yeux du tueur ; en effet, on ne voit pas son visage, mais exclusivement ce qui est en face de lui, ses mains, les personnes avec qui il parle. Parfois, on semble entrer dans sa tête avec des bribes de souvenirs, des moments qui se répètent. Mais le pire, c’est sa perception des relations homme/femme : lors d’un voyage en calèche à travers Londres, il nous apprend l’histoire de la ville, mais aussi comment l’homme est parvenu à prendre le dessus sur la femme, à la soumettre. Pour lui, les deux sexes sont en lutte constante pour la suprématie, et les femmes peuvent revenir au pouvoir à n’importe quel moment ; il vit dans un monde où l’un des deux doit dominer. Ironie du sort : il est persuadé que les hommes ont pris le pouvoir, et c’est une reine, Victoria, qui gouverne l’Angleterre. J’ai appris énormément de choses sur Londres et sur l’histoire en général grâce à ce tour de la ville en calèche, et cette lecture a rejoint Reine d’Egypte, une nouvelle série de manga que j’adore, et qui évoque elle aussi l’obélisque érigé par Thoutmosis Ier ; mais aussi, j’ai vu le monde différemment dans l’espace de la lecture, j’ai perçu la religion et l’histoire en général de façon complètement différente, et c’est ce qui m’a particulièrement marquée. De plus, les auteurs ont fait énormément de recherches, au vu du nombre et de la taille des notes à la fin du volume !! J’avoue que je n’ai pas tout lu, mais ce doit être passionnant – pour la relecture, sans doute !!Concernant les graphismes, je pensais que j’allais avoir un peu de mal, mais je les ai appréciés, puisqu’ils correspondent parfaitement à l’histoire et à l’atmosphère très sombre du Londres victorien ! Seul bémol : parfois ils sont tellement sombres que l’on ne sait pas distinguer ce qu’ils représentent.
Les scènes des meurtres sont particulièrement difficiles à lire. La pire reste celle du dernier meurtre, celui de Mary Kelly. J’ai détourné les yeux, ou je suis passée rapidement sur certaines vignettes. Il est agaçant de voir l’enquête piétiner alors que [SPOILER] dans cette »version » de l’histoire, le commissaire sait déjà qui commet les meurtres et pourquoi ! [FIN DU SPOILER] L’inspecteur Abberline devient sympathique au lecteur simplement parce qu’il est confronté à une affaire dix fois plus grosse que lui, qui va l’avaler, et qu’il ne peut pas espérer résoudre. Ici, la franc-maçonnerie est également impliquée, ce qui permet de découvrir un peu plus cette organisation. Le tueur, quant à lui, ne paraît pas fou, mais étrangement sur-lucide. Il croit à une puissance supérieure, à un Dieu soleil, et suit sa mission pour conserver la suprématie des hommes sur les femmes.
La fin est tout simplement grandiose. Ce n’est plus l’histoire de savoir qui est Jack l’Eventreur, mais le passage du mal de génération en génération, d’époque en époque, incarné à travers des tueurs connus, des déments, ou des êtres qui ont perçu quelque chose d’inhabituel et l’on retranscrit, et jamais éradiqué. J’ai trouvé cette réflexion énorme, tellement intéressante ! Ce qui fascine chez Jack l’Eventreur, c’est ce que l’homme – en général – est capable de faire, le mal qu’il peut faire ; l’identité du tueur importe peu maintenant. Rien que pour ce choc, je pense que je relirai From Hell. [SPOILER] Je suis persuadée que Jack s’est à nouveau trompé en voulant tuer Mary Kelly ; ce n’est pas elle qu’il tue, mais son amie qui logeait chez elle. C’est Mary Kelly que l’on découvre à la fin en Irlande, cela me semble évident ! Aussi, je pense que Mary Kelly est l’Emma de l’inspecteur Abberline ! [FIN DU SPOILER]
Donc, un très bon roman graphique qui secoue, qui impressionne et qui nous en apprend énormément. Parfait aussi pour se faire peur !
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