The Bloody Chamber d’Angela Carter
Editeur : Vintage Classics
Année de sortie : 2016
Nombre de pages : 214
Titre en français : La compagnie des loups
Synopsis : From familiar fairy tales and legends – Red Riding Hood, Bluebeard, Puss in Boots, Beauty and the Beast, vampires and werewolves – Angela Carter has created an absorbing collection of dark, sensual, fantastic stories.
« Magnificent set pieces of fastidious sensuality » IAN McEWAN
« A mix of finely tuned phrase, luscious adjective, witty aphorism, and hearty, up-theirs vulgarity » MARGARET ATWOOD
« The Bloody Chamber is such an important book to me » NEIL GAIMAN
Avis : Ce livre était depuis longtemps dans ma wish-list, mais c’est Jen Campbell, en en parlant dans une vidéo, qui m’a poussé à enfin l’acheter et le lire ! Une lecture parfaite pour l’automne et Halloween !
The Bloody Chamber faisait partie de mes prédictions 5 étoiles ; j’étais persuadée que j’allais adorer ce livre, et je ne me suis pas trompée ! Dès la première nouvelle, j’ai d’abord été charmée par l’écriture d’Angela Carter, poétique parfois, parfois crue. J’ai aimé ce qu’elle faisait des contes, faisant ressurgir le contenu latent, ce qui devait rester caché, ce qui n’était que sous-entendu. J’ai aimé aussi le fait qu’elle considère son travail non comme de la réécriture, mais comme de la réinvention, de la réappropriation. Ces « nouveaux » contes choquent, bouleversent, et touchent le lecteur. J’imagine le nombre de personnes qui ont dû détester Angela Carter pour ce livre ! D’ailleurs, l’introduction - qui spoile absolument toutes les nouvelles, soit dit en passant, et que j’ai donc lu à la fin de chaque histoire – évoque des étudiants qui ont refusé d’étudier le recueil parce qu’ils considéraient qu’Angela Carter avait dénaturé et souillé les contes de leur enfance. Vous aurez compris que ce n’est pas du tout mon avis ! Concernant l’introduction, j’ai d’abord trouvé dommage qu’elle spoile toutes les nouvelles, et puis je me suis dit que la dernière partie aurait mieux placé en postface, afin de donner une espèce d’éclaircissement ou d’explication à la fin de chaque histoire. Elle est très bien faite, et permet au lecteur de mieux comprendre le véritable effet de chaque nouvelle sur lui ; par exemple, pour « The Snow Child », j’ai été tellement choquée que je me suis demandée pourquoi Angela Carter avait écrit un tel conte. L’introduction m’a aidé à comprendre, et j’ai pu pleinement l’apprécier. Enfin, d’ordinaire, j’ai du mal avec les recueils de nouvelles, puisque « nouvelles » signifie plusieurs incipits, et j’ai toujours du mal à entrer dans le livre ; il est difficile de m’accrocher immédiatement. Angela Carter a réussi cet exploit pour (presque) toutes les nouvelles !
La première nouvelle, « The Bloody Chamber » est une réappropriation de « Barbe Bleue« . La fin m’a été spoilée parce que je n’ai pas pensé que l’introduction la raconterait … Mais c’est tout de même ma préférée ! Malgré le fait que je savais comment tout finissait, le suspense était présent jusqu’à la fin, j’étais complètement dans l’histoire avec l’héroïne ! Celle-ci n’a pas de nom, mais est la narratrice de sa propre histoire. Le lecteur peut donc peu à peu s’identifier à elle, notamment avec la curiosité qui pousse l’homme à faire ce qu’on lui a expressément interdit de faire. Elle paraît superficielle au début de la nouvelle, attirée dans les bras d’un homme par les cadeaux qu’il peut lui offrir, mais l’on s’attache peu à peu à elle, elle se rend compte de son erreur, de sa vénalité. Bien sûr, si le lecteur connaît « Barbe Bleue », il se doute du contenu de l’histoire, mais cela reste surprenant ! [SPOILER] La découverte des épouses est assez affreuse, notamment la dernière, enfermée dans une Iron Maiden ! [FIN DU SPOILER] Cette nouvelle est la plus longue du recueil, à peu près soixante pages. La fin est surprenante pour qui ne la connaît pas déjà, mais je l’ai tout de même adoré !
La seconde nouvelle, « The Courtship of Mr. Lyon« , raconte une dérive de « La Belle et la Bête« . Cette histoire est plus « mignonne » que la précédente, moins sanglante et moins effrayante. Bien sûr, l’héroïne s’appelle Beauty, et son père va enfreindre les règles de la Bête dans son jardin. Beauty ressemble beaucoup à la Belle que l’on connaît : généreuse, elle désire sauver son père, en tout cas, ici, réparer les torts qu’il a pu causer à la Bête en volant une rose blanche dans son jardin. Elle accepte donc de vivre avec Mr. Lyon pendant un certain temps. Celui-ci ressemble également pas mal à la Bête que l’on connaît : il parle comme les hommes, mais a retrouvé des instincts animaux. J’ai adoré le chien cavalier King Charles qui fait presque office de gouvernante ! Une excellente réappropriation !!
L’histoire suivante, « The Tiger’s Bride« , est aussi une « réécriture » de « La Belle et la Bête« , mais bien moins « mignonne » que la précédente ! La première phrase donne déjà le ton : « My father lost me to The Beast at cards » (Mon père m’a perdu aux cartes contre la Bête). En gros, le père de la Belle est incapable de s’empêcher de jouer, et mise sa fille, qu’il perd, évidemment. La Belle a beau de ne pas se laisser faire une fois chez la Bête, elle reste tout de même, et ne cesse d’être appelée Lady par un étrange majordome simiesque. La Bête, ici, ne parle pas, et ressemble vraiment à une bête fauve, le tigre du titre. Je ne vous dis pas comment cela termine, mais j’ai vraiment aimé cette fin tout à fait différente des réécritures habituelles, très originale, et qui remet en perspective toute l’histoire du conte !
Vient ensuite « Puss-in-Boots« , inspiré du « Chat Botté » ! C’est la nouvelle la plus légère, celle à la lecture de laquelle j’ai ri, ce qui semble impossible avec les autres histoires. Puss est un chat acrobate qui parle, et qui aide son maître à séduire le plus de demoiselles et de dames possibles, jusqu’au jour où il tombe sur une jeune fille enfermée, apparemment inaccessible. Impossible de prendre cette histoire au sérieux, notamment quand on se rend compte que [SPOILER] la jeune fille n’est pas si pure et innocente que ça ! Les scènes sexuelles sont vraiment drôles, mais peuvent choquer ceux qui n’ont pas l’humour facile ! [FIN DU SPOILER] La fin est agréable à lire, et fait sourire le lecteur après tant de péripéties !
The Erl-King » n’est pas inspiré d’un conte de fées, mais d’une légende allemande selon laquelle un gobelin malveillant hante la Forêt Noire et tue les personnes qui s’y perdent. La nouvelle est l’une des plus poétiques, vraiment très belle, mais aussi très triste. Le point de vue est celui d’une jeune fille qui se perd dans la forêt et qui se retrouve face au Erl-King. La présence des oiseaux et de leur chant fait beaucoup pour la poésie et la mélancolie de l’histoire, ainsi qu’une sorte d’amour étrange et condamné. L’Erl-King fait figure de roi tyrannique, mais il semble plus faire ceux qu’il attire dans la forêt prisonnier parce qu’il ne veut pas être seul plutôt que parce qu’il est foncièrement mauvais. J’ai adoré l’atmosphère mélancolique de forêt abandonnée, hantée, où la joie n’est présente que parce qu’elle est enfermée.
Vient ensuite « The Snow Child« , inspiré de « Blanche-Neige » ! C’est, pour moi, la nouvelle la plus choquante et la plus directe du recueil, sans doute à cause de sa brièveté – la nouvelle ne fait que deux pages. Le contenu latent du conte est clairement mis en avant, mais je ne veux pas trop vous en dire pour ne pas vous gâcher la lecture. C’est poétique, puis violent d’un coup, le lecteur en reste bouche bée, il ne comprend pas.
Puis vient « The Lady of the House of Love« , qui n’est pas inspiré d’un conte mais qui reprend la légende du vampire transylvanien. C’est l’histoire d’une comtesse qui vit seule dans un manoir, avec un gardien et une servante (il me semble). Elle se tire régulièrement les cartes pour connaître son avenir, et désespère de sa condition de vampire qui l’empêche de connaître l’amour. Le manoir fait très gothique, ainsi que le personnage de la vampire, et l’histoire qu’elle vit dans la nouvelle. [SPOILER] La fin voit la vampire mourir par amour, parce que son aimé veut la « guérir », et l’amoureux part ensuite pour la France ; la phrase laisse présager qu’il y meurt. [FIN DU SPOILER]
Les trois dernières nouvelles sont différentes réappropriations du « Petit Chaperon rouge« . « The Werewolf » est la plus courte, introduit bien les trois personnages typiques du loup, du chaperon rouge et de la grand-mère, mais fusionne deux de ces personnages de manière assez originale, ce qui rend la fin elle-même surprenante et originale ! La petite fille est plus aguerrie que dans « The Company of Wolves« . Ici aussi, nous retrouvons les personnages typiques du conte, mais, avant l’histoire elle-même, le lecteur se retrouve à lire une sorte d’essai sur le loup, très intéressant et qui donne bien le ton de l’histoire qui va suivre. La fin, encore une fois, est originale, mais aussi étrange, [SPOILER] puisque le comportement du loup change radicalement en quelques instants : il passe de violent, à vouloir manger le petit chaperon rouge, à tendre, quand il dort avec elle. [FIN DU SPOILER] Enfin, la dernière nouvelle, « Wolf-Alice« est aussi celle que j’ai le moins apprécié, sans doute parce que c’est celle qui m’a paru la plus confuse et la plus obscure de tout le recueil. En effet, on passe d’un personnage à un autre, d’un lieu à un autre, on ne comprend pas exactement le pourquoi de ce qui arrive. Mais, j’ai apprécié la découverte de son corps par Alice ; comme elle n’a pas été éduquée par des hommes, elle est seule face à son anatomie, aux secrets que son corps renferme, aux choses étranges qui peuvent se produire.
Donc, ce recueil était excellent, un vrai coup de cœur ! Je suis ravie d’avoir découvert Angela Carter, et j’ai hâte de lire d’autres de ses œuvres !
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