Frappe-toi le cœur d’Amélie Nothomb
Editeur : Albin Michel
Année de sortie : 2017
Nombre de pages : 169
Synopsis : « Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie. » Alfred de Musset
Avis : Le dernier livre que j’avais lu d’Amélie Nothomb était un véritable coup de cœur : Cosmétique de l’ennemi, dont la fin m’a tellement surprise !! J’avais hâte de lire Frappe-toi le cœur tout en voulant le conserver le plus longtemps possible, peut-être parce que je savais que j’allais aimer, que j’allais le savourer. Voyant la date de la dédicace à Lille approcher, je me suis dit qu’il fallait quand même que je l’ai lu pour ce moment ; je me suis donc lancée !
Frappe-toi le cœur traite de plusieurs sujets précis, parfois déjà abordés par Amélie Nothomb, parfois neufs. Ici, le « thème principal » est la jalousie, mais sous une forme très particulière, puisque le personnage concerné, Marie, est jalouse de tout et de tout le monde, et veut provoquer l’envie de tous. Elle est inconsciente de cette jalousie maladive, mais elle n’en est pas moins détestable pour le lecteur : à partir d’un moment, je l’ai haï de tout mon cœur ! Un autre des thèmes principaux est la relation mère/fille, et l’impact de cette relation sur l’enfant. La question de la responsabilité d’être mère est posée, ainsi que plusieurs autres : qu’est-ce qu’être une bonne mère ? l’instinct maternel existe-t-il ? peut-on ne pas aimer son enfant, ou son parent ? peut-il exister du mépris, et même de la haine entre un parent et son enfant ? [SPOILER] Concrètement, Marie n’aurait pas dû être mère : elle est tellement jalouse de sa fille qu’elle la prive du minimum d’amour et d’affection dont un enfant a besoin pour se développer correctement. [FIN DU SPOILER] On atteint même un point dans cette relation mère/fille où on peut penser à une féminisation du complexe d’Œdipe en espèce de complexe d’Electre [SPOILER] jusqu’à la mort effective d’une des mères [FIN DU SPOILER] Quant à la place du père, elle est risible : soit il ne réagit pas du tout à la situation, soit il est complètement absent, tout en étant présent, une espèce de figure fantomatique – je sais, ça a l’air étrange dit comme ça, mais vous comprendrez quand vous lirez ! Dans aucun cas, l’enfant n’est donc vraiment aidé par son père, même s’il est aimé par lui ; il est complètement passif, et laisse sa femme agir comme elle l’entend. Vu l’absence de réaction des parents, les grands-parents prennent une place prépondérante ; ce sont eux qui apportent l’amour nécessaire à l’enfant. Autre thème important : celui de l’ambition et de la transformation qui peut s’opérer chez quelqu’un quand un changement survient. Un des personnages est prêt à tout pour parvenir à ses fins, même à trahir la seule personne qui l’a aidée – encore un peu de haine de la part du lecteur ! Enfin, un des derniers thèmes, plutôt secondaire par rapport aux autres, est la vision de la société et de la famille sur les intentions, le métier des enfants. Il est considéré comme supérieur à tout autre occupation d’enseigner à l’université : ce doit être le but de la vie de chacun, le but de la carrière de tous ; et quand un personnage dévie de ce but idéal, il est mal jugé, à la fois par sa famille et par la société, qui déplorent tous deux ce choix non-conventionnel. Encore de quoi faire grincer des dents au lecteur, quand un personnage explique, par exemple, pourquoi il est mieux d’enseigner à l’université en médecine, de faire de la recherche, plutôt que de soigner de véritables personnes. Concernant l’écriture, je l’apprécie toujours autant ! Et saluons encore une fois ce talent pour les couvertures !! Celle-ci est encore une fois très réussie ! Bien sûr, le titre est expliqué à un moment donné : j’aime toujours ces moments où le lecteur a l’impression d’avoir complètement saisi le sens du livre.
Pour les personnages, j’ai adoré Diane. Elle est un peu un personnage « type » chez Amélie Nothomb : un enfant précoce, surdoué, et exceptionnellement belle. Elle est courageuse, bienveillante, pleine de bonté contrairement à sa mère. Elle lutte pour ne pas sombrer dans ce qu’elle appelle « l’abîme », fait à la fois de désespoir et de jalousie. Il est plutôt facile de s’attacher à elle ; le lecteur a envie de la soutenir tout le long du livre ! Quant à Marie, elle est détestable dès le début, par sa relation avec les autres, et notamment avec sa sœur. J’avais envie de la secouer, de lui faire prendre conscience de sa façon d’agir, et des conséquences sur les personnes autour d’elle. Un autre personnage devient aussi détestable, mais je ne peux pas vous en parler sans vous spoiler ! Vient ensuite Olivia, qui fait un peu figure de mère de substitution pour un des personnages. Elle a l’air douce, intelligente, sensible, une véritable amie-mère. Célia, quant à elle, est un personnage ambivalent : elle est victime, et, en même temps, on dirait presque qu’elle le fait exprès, qu’elle aime la situation dans laquelle elle se trouve, en tout cas au début. Quand on voit ce qu’il advient d’elle quand elle a grandi, on constate une sorte d’opinion paradoxale : [SPOILER] la fille qui n’a pas été aimée s’en est sortie, elle est devenue quelqu’un de bien, elle a un métier, une vie sociale, même si elle est tout de même traumatisée par son enfance et est un peu marginale ; l’enfant qui a été gâtée, elle, est devenue une débauchée, incapable d’élever sa fille parce qu’elle a peur d’être comme sa mère, complètement marginale, incapable de vivre dans la société. [FIN DU SPOILER] Assez effrayant, et cela donne une leçon sur la façon d’éduquer ses enfants. J’ai adoré les personnages des grands-parents : ils sont lucides, ils comprennent l’enfant et la mère, et font de leur mieux pour améliorer l’existence de la petite, tout en adoucissant la mère – ce qui, autant vous le dire, ne marche pas. J’ai aussi adoré Mariel [SPOILER] qui m’a clairement semblé être un double de Diane. [FIN DU SPOILER] Le personnage d’Elisabeth, quant à lui, permet à Diane de rester liée au monde social, de rester sociable. [SPOILER] Elle est aussi une sœur de substitution quand Diane ne peut pas se rapprocher de Célia, sa véritable sœur, complètement étouffée par l’amour de sa mère. [FIN DU SPOILER]
La fin ne m’a pas surprise, parce que je m’attendais, en quelque sorte, à ce genre de fin de la part d’Amélie Nothomb ; j’ai beaucoup aimé ! C’était logique que le roman finisse de cette façon, [SPOILER] pour achever cette espèce de complexe d’Œdipe au féminin. [FIN DU SPOILER]
Donc, un très bon roman, qui aborde différents sujets, tels la jalousie, la relation mère/fille, l’ambition, et d’autres encore. Une écriture toujours aussi agréable, et une sorte de façon de voir les moins bonnes manières d’éduquer ses enfants.
4 commentaires »
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Contente que tu aies aimé
Je pense le lire, même si d’autres de l’auteure me tente plus.
C’était vraiment bon !
Lesquels te tentent plus ?
Amelie Nothomb publie sans doute trop de livres. Mais avec son dernier roman, elle a vraiment de quoi frapper les coeurs et les esprits.
Je ne pense pas qu’elle publie trop (elle écrit quand même cinq fois plus !) ; c’est surtout une question de goûts