Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

The Handmaid’s Tale de Margaret Atwood

Classé dans : Avis littéraires,Coup de cœur — 26 septembre 2017 @ 20 h 10 min

Genre : Science-fictionThe Handmaid's Tale

Editeur : Vintage Classics

Année de sortie : 2016

Nombre de pages : 479

Titre en français : La servante écarlate

Synopsis : ‘It isn’t running away they’re afraid of. We wouldn’t get far. It’s those other escapes, the ones you can open in yourself, given a cutting edge.’

Offred is a Handmaid. She has only one function: to breed. If she refuses to play her part she will, like all dissenters, be hanged at the wall or sent out to die slowly of radiation sickness. She may walk daily to the market and utter demure words to other Handmaids, but her role is fixed, her freedom a forgotten concept.

Offred remembers her old life – love, family, a job, access to the news. It has all been taken away. But even a repressive state cannot obliterate desire.

 

Avis : Cela faisait un moment que je voulais lire ce livre ! Comme je voulais participer à la Banned Books Week cette année, je me suis dit que c’était l’occasion ! (The Handmaid’s Tale a été banni pour scènes sexuelles explicites et le fait que le livre soit anti-religieux).

D’abord, ce livre est un chef-d’œuvre, autant par l’histoire que par l’écriture. Le lecteur a presque peur de se dire que l’auteur est visionnaire, tant elle décrit une situation qui pourrait arriver dans un futur pas si lointain. La République de Gilead est une société dystopique dans laquelle les femmes sont « protégées » – c’est-à-dire, privées de liberté – et sont mises en valeur par rapport à leur fécondité, leur capacité à produire (c’est le terme employé) des enfants. Autrement dit, on ne peut pas faire une société plus sexiste ou plus totalitaire. Les femmes sont réparties en catégories, selon leur capacité à procréer, leur âge et leur état d’esprit ; ces catégories sont représentées par une couleur – le rouge pour les Servantes -, et un habillement particulier – elles portent une sorte de bonnet qui empêche de voir leur visage. Il existe des camps pour celles qui ne se plient pas au régime, ou elles sont exécutées directement. Je ne veux pas trop vous en dire sur les catégories, et sur ce qu’elles veulent dire, je préfère vous laisser la surprise ; la narratrice ne s’explique pas dès le début, on en vient pas à pas à comprendre qui fait quoi, qui sert à quoi. Mais cette catégorisation de la femme entraîne une nouvelle sorte de discrimination. Les Epouses détestent les Servantes, et déclarent à plusieurs reprises dans le livre qu’elles « ne sont pas comme nous ». Aucune union, aucun soutien féminin, aucune compassion : elles agissent comme si chacune était née pour vivre de cette façon, comme si chacune avait eu le choix – il faut voir le choix proposé quand même ! -, comme si tout sentiment humain avait disparu en même temps que Gilead est apparu. Les femmes - et les hommes – qui commettent des crimes au sein de la société – sachant que pratiquer un avortement ou prêcher la religion catholique sont ici des crimes – sont pendus en place publique. Cette histoire est dérangeante justement parce qu’elle semble encore possible, parce que la vie décrite avant le régime totalitaire est à peu près la vie que nous menons maintenant : sentiment d’insécurité, attentats, dégradation des relations homme/femme. Le récit est celui d’une Handmaid (servante dans la version française il me semble) qui décrit ce qu’elle vit au quotidien, comment les Etats-Unis en sont arrivés là. Elle nous parle, par bribes, de sa vie avant, du basculement vers le régime totalitaire ; elle nous fait part de ses pensées, de sa façon de voir les choses, et, en même temps, on sent qu’elle a tout de même été bien embrigadée. J’ai eu de nombreuses fois les larmes aux yeux, le cœur serré et l’envie de vomir en lisant : c’est infiniment triste de penser qu’une société pareille pourrait exister, révoltant de voir comment on peut considérer les femmes – l’expression « vagin sur pieds » est utilisée dans le texte ! – étant donné que le sexisme inhérent de notre société devient ici loi (!!) et effrayant de se dire que certains aimeraient peut-être vivre dans un monde de ce genre ! La narratrice (dont on ne connaîtra jamais le vrai nom) tente de se convaincre que ce qu’elle vit est un rêve, ou que c’est une blague, un test, que tout va s’arrêter bientôt, qu’elle va retrouver ceux qu’elle aime et vivre normalement. Il est très facile de s’identifier à elle : le lecteur devient la narratrice, et se demande comment il aurait réagi à sa place. Impossible de la juger, je ne suis parvenue qu’à la plaindre. Le gouvernement a utilisé la religion pour justifier la classification des femmes et leur enfermement : le but de l’homme est de se multiplier. La citation de la Bible au début du livre est très éclairante à ce propos, et on comprend d’où découle tout le système ! Est aussi évoquée dans ce livre la pollution de la planète – de façon assez minime, mais c’est quand même présent. En effet, s’il y a peu d’enfants, c’est pour plusieurs raisons, et l’une d’elles est la pollution, qui a causé une catastrophe biologique, rendant la plupart des personnes stériles. Par exemple, les camps où sont envoyées les femmes sont en fait des endroits où la radiation est trop puissante pour y faire travailler qui que ce soit.  La nourriture manque, ou est de piètre qualité – soit à cause du commerce, soit à cause de la pollution. Concernant l’écriture, elle est vraiment excellente, très belle. Bien sûr, ici, nous suivons le récit d’une narratrice qui n’explique pas toujours ce qu’elle veut dire ; cela rend parfois le texte confus ou énigmatique, mais il n’en est que plus beau. Les sauts entre flashbacks et réalité ne m’ont pas du tout dérangés, au contraire ; j’ai trouvé que cette façon d’écrire était authentique. Il se dégage une certaine poésie de la prose de Margaret Atwood, poésie qui me convainc de lire d’autres de ses œuvres !

Concernant les personnages, la narratrice – je n’ai pas envie d’utiliser le nom qui lui est donné ! – est très attachante. Prisonnière dans la maison de son Commandeur, elle tente de se convaincre que tout va s’arranger et le lecteur prie avec elle pour que cela arrive. Toutes les émotions qu’elle ressent sont partagées par le lecteur : dégoût, désespoir, tristesse. Quand on comprend qui elle a perdu, l’indignation est telle qu’on a envie de balancer le livre ! Sa situation est considérée comme enviable par certains, affreuse par d’autres – clairement, je considère sa position comme particulièrement affreuse et déshonorante, contrairement à ce que la République de Gilead veut faire croire ! Elle veut se rebeller mais n’ose pas ; elle veut croire mais ne peut pas. La narratrice est complètement coincée entre deux mondes : elle ne peut plus vivre comme dans le précédent, mais ne veut pas accepter cette vie qu’on lui impose. Le suicide est régulièrement évoqué de manière détournée, et le lecteur comprend que certaines femmes en arrivent là ! Au fil des pages, on comprend bien que la narratrice n’est pas parfaite : elle tente de survivre dans un monde fait pour la détruire. Les personnages qui gravitent autour d’elle ne sont vus qu’à travers ses yeux, et donc, sont difficilement jugeables objectivement. D’abord, Moira. J’ai beaucoup aimé ce personnage, qui correspond à la rebelle typique – et pourtant, quelle déception quand on la retrouve ! Amie de la narratrice, elle avait prédit qu’un système de ce genre allait être mis en place. Avide de liberté, elle est inconciliable avec ce monde, et est même son antithèse parfaite. Le Commandeur est un personnage assez difficile à cerner. [SPOILER] D’un côté, il est l’un des fondateurs du système mis en place, donc, il est d’accord avec le fait d’avoir une Epouse « inutile » et une Servante qui produit des enfants ; d’un autre côté, il comprend qu’il manque quelque chose à cette société pour être véritablement bonne, mais il ne comprend pas quoi. Il décide alors de voir la Servante la nuit – ce qui est interdit par la loi – et lui demande un jour ce qui manque, selon elle. « L’amour ». EVIDEMMENT ! [FIN DU SPOILER] Cette société est complètement dépourvue de sentiments, elle ne repose que sur la question de la production d’enfants qui seront, à leur tour, embrigadés dans le système. Le lecteur ne sait trop quoi penser du Commandeur – exactement comme la narratrice ! – : avoir pitié, le haïr, l’apprécier ? Serena Joy, elle aussi, est difficilement cernable. Tour à tour détestable, objet de pitié et « agréable » – ce mot est peut-être trop fort pour la décrire -, elle aussi est, en quelque sorte, prisonnière dans cette société qu’elle n’a pas choisie. Quant à Nick, lui aussi est énigmatique. La narratrice se méfie de lui tout en voulant lui faire confiance, comme c’est le cas avec sa compagne, Ofglen. Gilead a détruit toute confiance entre les êtres en créant des Eyes qui surveillent constamment la population et qui peuvent se cacher derrière n’importe quel homme, jardinier, épicier ou Gardien. 

La fin est surprenante : je ne m’attendais pas du tout à ça ! Sur le coup, j’ai été un peu déçue de ne pas avoir certaines réponses à mes questions, j’avais tellement envie, par exemple, de connaître le véritable nom de la narratrice ! Mais ce livre reste tellement important, primordial même !! Tout le monde devrait le lire, histoire de comprendre ce que peut devenir notre société à force de sexisme, de religion et de pollution ! Une série TV est sortie : j’ai hâte et en même temps peur de la regarder !

A la fin de mon édition, Margaret Atwood donne son point de vue sur son livre : pour elle, une dictature aux Etats-Unis devait obligatoirement impliquée la religion, étant donné que le pays est très religieux. Tout ce qu’elle a mis dans ce système a déjà été mis en place ailleurs à une autre époque (la Chine dans les années 1970 par exemple, avec la politique de l’enfant unique), et ce qu’elle écrit est possible dans n’importe quelle société. Elle parle de son inspiration pour les costumes ainsi que celle pour le monde « souterrain ». Elle conclut en disant qu’elle espère que The Handmaid’s Tale restera un livre, et ne deviendra jamais une réalité.

Je vous joins ici un article de Marianne qui fait le lien entre The Handmaid’s Tale et les Etats-Unis de nos jours … Effrayant !! Il est tout de même aberrant que, de nos jours, ce livre puisse être utilisé contre un gouvernement qui était censé représenter la liberté à un moment donné de l’Histoire ! Quelle chute !

 

Donc, un livre important, effrayant, émouvant, révoltant, qui donne envie de tout faire pour que Gilead ne voie jamais le jour !! Coup de cœur, évidemment ! 

4 commentaires »

  1. Sylphideland dit :

    Pétard !! Faut vraiment que je le lise ce livre !!! O.O
    Très chouette chronique :3

  2. Les lectures de Marinette dit :

    C’est un roman que je n’avais pas envie de lire, ayant eu beaucoup de mal avec la plume de l’autrice dans « C’est le cœur qui lâche en dernier », mais tu me donnes envie de tout de même tenter le coup… De toute façon, la série tv me fait de loeil.

    • redbluemoon dit :

      C’est le premier livre que j’ai lu de l’auteure, et j’ai adoré ! Je sais que certaines personnes n’adhèrent pas à son style d’écriture, mais je l’apprécie, ainsi que ces intrigues. Celui-ci fait un peu peur puisqu’on a l’impression que cela pourrait arriver … Dis-moi ce que tu en as pensé si tu tentes le coup !

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