The Monk de Matthew Lewis
Genre : Fantastique, Classique
Editeur : Wordsworth Editions
Année de sortie : 2009 [1796]
Nombre de pages : 324
Titre en français : Le Moine
Synopsis : Prepare to be shocked. This novel, written in 1796, is a Gothic festival of sex, magic and ghastly, ghostly violence rarely seen in literature.
The Monk is remarkably modern in style and tells a breathless tale of temptation, imprisonment and betrayal. Matthew Lewis recounts the downfall of Ambrosio, the holier-than-thou monk seduced within the walls of a Madrid abbey until he heads for the utter corruption of the soul.
Meanwhile, two sets of young lovers are thwarted and the reader thrills to pursuits through the woods by bandits and is chilled by the spectre of nuns imprisoned in vermin-ridded and skeleton-crowded vaults.
Late eighteenth-century audiences were polarised in opinion as to the novel’s merits. Lord Byron and the Marquis de Sade were impressed by Lewis’s daring, while Coleridge warned parents against the suitability of The Monk for their sons or daughters describing the novel as ‘poison for youth’.
If you want a novel that still terrifies, over two hundred years after it was written, there is none finer than The Monk.
Avis : Toujours en pleine recherche et lecture d’œuvres gothiques, j’avais été intriguée par le synopsis de The Monk !
Le moins qu’on puisse dire, c’est que je ne suis pas déçue !! C’était une lecture intense, qui m’a fait éprouver des sentiments très différents : dégoût, agacement, tristesse. J’étais pressée d’avancer pour savoir ce qui allait arriver aux personnages ! Je pensais mettre pas mal de temps à le lire, et j’étais tellement dedans que je n’ai pas vu les pages défiler ! Comme le dit le résumé, c’est l’histoire d’un moine, et de deux couples : le premier se croit au-dessus de tous, plus vertueux que n’importe qui. Bien sûr, nous sommes dans un roman gothique, alors les amoureux vont se retrouver séparés par plusieurs obstacles ; le lecteur se demande s’ils vont finir par être réunis ou pas. En effet, contrairement à certains romans dans lesquels le lecteur sait, sans aucun doute, que les personnages vont finir ensemble, ici, rien n’est sûr. N’importe qui peut mourir, les amants peuvent être séparés, le « méchant » peut s’en sortir. Du vrai suspense quoi ! Le lecteur se retrouve aussi avec des tas d’éléments gothiques : corruption, fantômes, innocence menacée, vilain effrayant, débauche, démons, sorcières, cimetière, abbaye, château hanté, bandits – un peu de picaresque ici -, amour menacé - un peu de tragédie ici -, meurtres, sang, crimes, ambiance gothique à base de passages obscurs éclairés à la bougie, de couloirs de catacombes. On ne peut vraiment pas dire qu’on s’ennuie ! Cela donne aussi des scènes révoltantes, pendant lesquelles on a envie soit de balancer le livre, soit de tuer le personnage !
J’allais dire, « Ce que j’ai particulièrement aimé dans ce livre, c’est », mais, en fait, j’ai tout aimé dans ce livre ! Il est écrit dans le synopsis que The Monk est moderne dans son style ; honnêtement, on ne dirait pas que le texte a été écrit en 1796. Il se lit très bien, sans difficultés particulières. J’ai aimé le fait que le narrateur fasse des commentaires, s’adresse à nous, comme pour nous prévenir de ne pas nous attendre à un miracle pour certains personnages. Le lecteur sent qu’il est dans une autre époque avec les traditions et la place de la femme, avec l’importance de la religion, mais, sans cela, on pourrait presque penser à un roman moderne. Surtout, l’auteur met en avant le ridicule et l’hypocrisie de l’Eglise et de la religion ! On trouve ici une critique de la vie monastique, qui éteint les qualités et n’apprend pas la vie aux novices, ce qui donne des êtres orgueilleux comme Ambrosio ; de plus, Agnes, par exemple, ne veut pas de cette vie, qu’elle considère comme austère et ennuyeuse, comme c’est le cas pour d’autres personnages ! Certains autres, que l’on suit, sont opposés à la vie monastique, à la superstition, ou à la religion en général : c’est le cas d’Elvira, qui mange de la viande le vendredi, ce que sa logeuse considère comme un blasphème. De manière générale, les personnages dévots comme Jacintha sont tournés en ridicule. De plus, l’hypocrisie des religieux est mise en avant ; c’est même le thème principal de l’œuvre. Ambrosio s’est considéré comme l’homme le plus vertueux, incorruptible et au-dessus de tous les hommes, pour qui les portes du Paradis sont déjà ouvertes et qui a déjà sa place près de Dieu. Et c’est cette haute opinion de lui-même, ainsi que sa réputation, qui font de lui cet être hypocrite. Il se cache derrière l’apparence, et commet ses forfaits en tentant de se rassurer, en se disant qu’il a encore le temps de se repentir ! Hypocrisie aussi dans le couvent de St Clare : la mère supérieure est tout simplement odieuse, et se cache derrière la religion pour être cruelle. Les valeurs de la religion, la pitié, la clémence, l’indulgence, sont des principes oubliés par Ambrosio et la mère supérieure ; c’est pourquoi ils se retrouveront dans des situations où les autres personnages ne feront pas preuve de pitié pour eux. Autre manière de critiquer la religion : les « gentils », qui prient, qui sont purs et innocents, qui se sont placés sous la protection d’un saint, ne sont absolument pas aidés par le dit-saint. Au contraire, ils semblent complètement abandonnés ; le narrateur dit souvent que l’un des personnages est né sous une mauvaise étoile, et que personne ne peut le sauver. Concernant la condition de la femme, comme presque tous les romans gothiques et les romans de l’époque, évidemment, elles ne sont pas libres, n’ont pas le droit de vote, n’ont rien à dire, et doivent obéir à leurs parents. Ici, j’ai trouvé que l’auteur les défendait – parfois – plutôt qu’il ne les incriminait. Je me suis d’abord dit que c’était un peu misogyne [SPOILER] parce qu’Ambrosio est « séduit » par une femme, même si, en fait, il est aussi responsable qu’elle, c’est juste qu’il est lâche et préfère rejeter la faute sur elle. Mais, en fait, on apprend à la fin que Matilda n’était pas une vraie femme, mais un démon envoyé par Satan pour corrompre Ambrosio. Donc, ce n’est pas la femme qui séduit, mais le démon sous la forme d’une femme. Il y a une nuance : si la femme séduit, elle est responsable, et on se retrouve dans un livre misogyne. Si c’est un démon sous la forme d’une femme, Satan connaît juste la faiblesse d’Ambrosio, et s’en sert. Etant donné que l’homosexualité est interdite par l’Eglise, et que son livre est déjà très scandaleux à l’époque, le démon ne peut que prendre la forme d’une femme. [FIN DU SPOILER] Pour les autres femmes : Antonia ne sait absolument rien de la sexualité, et la situation dans laquelle elle se trouve peut faire penser que l’auteur déplore ce manque d’éducation chez les filles. Agnes, elle, est soumise à ses parents, objet de la jalousie de sa tante, puis soumise à l’ordre de St. Clare. Malgré sa « faute », on sent qu’elle n’est pas considérée comme une femme perdue, mais qu’elle est, au contraire, mise en avant par le narrateur comme étant forte. Quant à Elvira, enfin, elle est un peu dans le même cas qu’Agnes : abandonnée par sa famille, sans alliés, elle doit protéger sa fille du monde, et le fait comme elle peut, même si c’est une erreur.
Concernant les personnages, j’ai rarement détesté un protagoniste autant que je déteste Ambrosio. Il est l’incarnation de la lâcheté, tout ce qui peut exister de mauvais en l’homme. Quand il commet un crime, c’est la faute de la victime, souvent une femme, parce qu’elle la séduit, parce qu’elle était trop belle pour qu’il résiste ; mais, bien sûr, lui n’en porte pas la responsabilité ! Il a été manipulé enfin ! Cette hypocrisie m’a sidérée pendant tout le livre. Il se cache derrière son habit monastique, il se cache derrière sa vertu, derrière son innocence, mais c’est lui le criminel, et non ses victimes !! Il tente de se convaincre que Dieu est miséricordieux et qu’après avoir expié ses péchés, il trouvera sa place au Paradis ; je l’ai écrit plusieurs fois dans le livre : Ambrosio est un idiot et un égoïste. Il ne pense qu’à lui-même ; c’était même déjà le cas quand il était un « bon » moine ! Il ne faisait les choses que par orgueil, pour que les autres l’admirent, et pas pour respecter les principes de la religion. Et ses ouailles qui se prosternent à ses pieds … Bouh ! Cet homme est affreux ! On peut désespérer de l’Humanité en voyant un être pareil ! Le lecteur rencontre aussi Lorenzo, ou l’opposé, en quelque sorte, d’Ambrosio. Loin de la vie monastique, Lorenzo lui est même opposé. Quand il apprend que sa sœur a décidé de devenir nonne, il veut tout faire pour l’en empêcher. Il ne comprend pas qu’elle s’enferme dans un couvent alors qu’elle est si vive. Lorenzo est, aussi, le stéréotype du personnage noble : héritier, courageux, il ne croit pas à la superstition et reste dubitatif face aux pratiques des religieux. Un personnage que l’on veut voir réussir ! Vient ensuite Antonia, ou l’ange, la fille tout innocente et pure, à qui sa mère n’a pas appris comment sont les hommes, ce qu’ils veulent, ce qu’est le sexe. Elle ne connaît absolument rien des vices, et elle lit une Bible tronquée des histoires les plus horribles, ou qui pourraient la corrompre – oui parce que le narrateur nous dit que la Bible peut corrompre la jeunesse ! Evidemment, on se dit tout de suite qu’elle est dans de sales draps, avant même que le roman commence vraiment. Elle est l’héroïne – et la victime – gothique par excellence. Quant à Agnes, elle est moins naïve et innocente qu’Antonia. J’ai vraiment ressenti de la compassion pour elle. Elle est plus « réaliste » - de nos jours – qu’Antonia, ce qui m’a permis de me sentir plus proche d’elle. Raymond est un peu comme Lorenzo, en moins fort et moins résistant.
J’ai failli être déçue par la fin ! [SPOILER] Après la mort d’Antonia, les proches de Lorenzo veulent absolument lui faire oublier la jeune fille et veulent le pousser dans les bras de Virginia. Cela m’a agacé, comme si l’amour de Lorenzo était facilement à oublier, comme si Antonia n’avait aucune importance. Heureusement, Lorenzo ne cède pas - en tout cas, pas immédiatement ! [FIN DU SPOILER] La toute fin apporte une révélation : le lecteur reste bouche bée, il ne se demande d’où ça sort, comment c’est possible, et il se souvient des indices ! J’ai aimé la petite ironie du sort ! [SPOILER] Tant j’ai détesté Ambrosio, j’étais heureuse qu’il soit puni et, surtout, qu’il se soit mis dans cette situation désespérée alors qu’il était sauvé ! Imbécile ! [FIN DU SPOILER]
Donc, un excellent roman, intense, violent, qui m’a transporté, et qui devient un coup de cœur !
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.