Genre : Contemporaine, Drame, Fantastique
Editeur : Ecco
Année de sortie :2012 [1980]
Nombre de pages : 729
Synopsis : « Bellelfleur is proof … that Oates is one of the great writers of our time … a magnificent piece of daring, a tour de force of imagination and intellect. » -John Gardner, New York Times
A wealthy and notorious clan, the Bellefleurs live in a region not unlike the Adirondacks, in an enormous mansion on the shores of mythic Lake Noir. They own vast lands and profitable businesses, they employ their neighbors, and they influence the government. A prolific and eccentric group, they include several millionaires, a mass murderer, a spiritual seeker who climbs into the mountains looking for God, a wealthy noctambulist who dies of a chicken scratch.
Bellefleur traces the lives of several generations of this unusual family. At its center is Gideon Bellefleur and his imperious, somewhat psychic, very beautiful wife, Leah, their three children (one with frightening psychic abilities), and the servants and relatives, living and dead, who inhabit the mansion and its environs. Their story offers a profound look at the world’s changeableness, time and eternity, space and soul, pride and physicality versus love. Bellefleur is an allegory of caritas versus cupiditas, love and selflessness versus pride and selfishness. It is a novel of change, baffling complexity, mystery.
Written with a voluptuousness and startling immediacy that transcends Joyce Carol Oates’s early works, Bellefleur is widely regarded as a masterwork – a feat of literary genius that forces us « to ask again how anyone can possibly write such books, such absolutely convincing scenes, rousing in us, again and again, the familiar Oates effect, the point of all her art: joyful terror gradually ebbing toward wonder » (John Gardner).
Avis : J’ai ENFIN terminé ce livre !!
J’ai choisi d’étudier Bellefleur – ainsi que trois autres romans de Joyce Carol Oates - pour mon mémoire de Master 2. Je savais que j’allais adorer ce livre pour plusieurs raisons : d’abord, c’est une réécriture de roman gothique, et j’adore le gothique ! ; ensuite parce que j’ai lu Maudits dans l’année, et j’ai adoré le style d’écriture de l’auteur, ses réflexions, ses critiques à la fois de la société et de la religion, sa façon de développer ses personnages, de les rendre vivants, et attachants parfois en quelque sorte. Commençons par le fait que ce soit une réécriture de roman gothique ! L’auteur a repris la plupart des stéréotypes du gothique pour en faire un livre à la fois moderne et ancrée dans la tradition du genre. On y retrouve donc : des fantômes ; un château hanté, château qui peut être considéré comme un personnage, comme pour The Castle of Otranto d’Horace Walpole ; des personnages qui titubent au bord de la folie ; une nature sauvage difficile voire impossible à affronter ; des êtres maléfiques (vampire, démons, esprits de la montagne) ; une malédiction qui touche toute la famille, mais personne ne sait d’où elle vient, ni pourquoi elle touche les Bellefleur en particulier ; le thème du double ; le racisme, avec lynchages, insultes, et esclavage ; la religion, critiquée d’une façon assez magistrale par l’auteur, exactement comme dans Maudits ! Le lecteur se trouve ici face à une famille divisée : les adultes, qui sont en quête de pouvoir, d’argent, toujours plus, et qui ne s’occupent que de cette quête, et les enfants, qui veulent vivre une autre vie, une vie plus simple, dégagée de la cupidité et de l’égoïsme de leurs aînés. Parfois, j’ai été agacée par les adultes, qui ne cessent de reprocher à leurs enfants de ne pas se comporter en Bellefleur ! Au fil du livre, beaucoup de personnages disparaissent, et le lecteur se demande exactement ce qu’ils deviennent. Dans ce sens, on peut presque parler d’un narrateur en lequel on ne peut avoir entièrement confiance. Il fait des allusions à des personnages morts en sous-entendant qu’ils pourraient ne pas l’être. Pour d’autres, il n’y a aucun doute : le livre comporte des scènes de meurtres, et raconte clairement la mort de tous les personnages.
En parlant de mort, l’auteur nous offre une réflexion à son propos assez déroutante, notamment avec Hiram et Bromwell (je préfère vous laisser la surprise de la découvrir vous-mêmes !). On se retrouve aussi face à une religion qui, au lieu de mener vers la paix, l’amour et le bonheur, mène vers le mal, l’égoïsme, et rend ses disciples fous. J’ai eu l’impression que c’était, peut-être, moins « virulent » que dans Maudits ; mais, clairement, la voie de la religion n’est pas la bonne pour les personnages. On suit notamment l’un d’eux qui s’est mis en tête de voir le visage de Dieu, et un autre, qui, à la fin, se tourne vers une église qui ne fait que lui prendre de l’argent, et qui ressemble plus à une secte. Concernant le style d’écriture de l’auteur, je peux comprendre que certains ne l’aiment pas. En effet, si l’auteur écrit merveilleusement bien, elle introduit dans son texte de très longues parenthèses qui cassent le rythme de ses phrases, et qui peuvent paraître lourdes. Souvent, elle parle d’un personnage en particulier, ou raconte une anecdote. Malgré tout, j’ai adoré ce style !
Avec ses 729 pages, pas étonnant que les personnages de Bellefleur soient tous très bien développés ! L’auteur s’attarde sur chacun d’eux à un moment donné, même si certains sont clairement des protagonistes, par rapport à d’autres qui sont secondaires. On les suit tous dès leur jeunesse, parfois jusqu’à leur mort – et souvent, on ne s’attendait pas à ce que ces personnages meurent ! Les protagonistes sont clairement Gideon Bellefleur, sa femme Leah et sa fille Germaine. Gideon, jeune homme, est tombé fou amoureux de Leah ; adulte, il est amer. C’est un de mes personnages préférés dans le livre ; il veut rester fidèle à lui-même, et sombre dans le désespoir. Leah, quant à elle, est une femme assez étrange. Jeune fille, elle avait une araignée énorme pour animal de compagnie … Autant vous dire que ces passages ont été difficiles à lire pour moi !! Elle est obsédée par une mission qu’elle seule peut mener à bien, selon elle. Convaincue, elle ne pense qu’à cela, et oublie les autres autour d’elle. Elle a un caractère spécial : méchante, cruelle parfois, et pourtant fragile, parfois même douce ! Elle aussi est un de mes personnages préférés ! Germaine, elle aussi, fait partie de mes préférés : on la suit de sa naissance à ses quatre ans. Douée de pouvoirs, elle est plus intelligente que la moyenne, voit et sent les choses. Mais elle reste un bébé, qui a besoin d’amour et de ses parents. Elle m’a brisé le cœur à la fin – autant vous le dire, ça ne finit pas bien ! Il y a énormément d’autres personnages, vivants et morts : Ewan, le frère de Gideon, un ours humain, une brute qui finira de manière bizarre ; Lily, sa femme, effacée, plaintive, un peu agaçante ; Noel, le grand-père, et sa femme Cornelia, lui assez bourru, qui s’adoucit au contact de Leah, elle assez réticente face à Germaine, monstrueuse à sa naissance ; Bromwell, le fils de Leah et Gideon, très intelligent, qui se fiche des affaires de sa famille ; sa sœur jumelle, Christabel, qui a l’air assez simple enfant – son frère l’appelle « half-witted » ! – et qui se rebelle en grandissant ; Yolande, la fille d’Ewan et Lily, à qui il arrive une chose affreuse ; Vernon, le poète, fils d’Hiram, un de mes personnages préférés lui aussi, il ne pense absolument pas comme sa famille, ce qui le rend marginal ; Raphael, le fils d’Ewan et Lily, lui aussi très différent de sa famille, qui ne parvient pas à se soucier d’eux, qui rêve d’une autre vie, qui se rend compte qu’il y a plus que les Bellefleur, et qui déteste ce nom comme Vernon ; Elvira, l’arrière-grand-mère, toujours indépendante, toujours lucide, même à 100 ans ! Tant d’autres personnages venus du passé ! Jedediah, qui cherche Dieu dans les montagnes, Germaine, la femme de son frère Louis, qui, elle aussi, voit les choses – un double de la petite Germaine ? -, Jean-Pierre, le fondateur de la lignée Bellefleur en Amérique, dont le cœur a été brisé prématurément, Violet, la femme de Raphael, que l’on connaît d’abord par sa mort, Raphael lui-même, dont les requêtes après la mort sont très étranges ! J’ai adoré découvrir l’histoire de chaque membre de la famille !
La fin est explosive ! Je ne m’y attendais pas du tout, mais, en y réfléchissant, c’est assez logique. [SPOILER] A nouveau, la lignée des Bellefleur est menacée, mais qui pourrait la perpétuer, comme Jedediah l’a fait dans les années 1820 ? [FIN DU SPOILER] En refermant le livre, malgré le temps que la lecture m’a pris, je me suis sentie un peu triste de quitter la famille Bellefleur !
Donc, une formidable « saga » familiale, qui amène beaucoup de réflexions au lecteur, qui reprend tous les stéréotypes du gothique pour faire de ce livre un coup de cœur !