Le Zèbre d’Alexandre Jardin
Editeur : France Loisirs
Année de sortie : 1989 [1988]
Nombre de pages : 190
Synopsis : Gaspard Sauvage, dit le Zèbre, refuse de croire au déclin des passions. Bien que notaire en province, condition qui ne porte guère aux incongruités, le Zèbre est de ces irréguliers qui vivent au rythme de leurs humeurs fantasques.
Quinze ans après avoir épousé Camille, il décide de ressusciter l’ardeur des premiers temps de leur liaison. Insensiblement la ferveur de leurs étreintes s’est muée en une complicité de vieux époux. Cette déconfiture désole Gaspard. A ses yeux, la paix des ménages est synonyme de naufrage.
Loin de se résigner, il part à la reconquête de sa femme. Grâce à des procédés cocasses et à des stratagèmes rocambolesques, il redeviendra celui qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : l’Amant de Camille, l’homme de ses rêves. Même la mort pour lui n’est pas un obstacle.
Le Zèbre n’est pas le roman de l’amour naissant mais d’un amour qui veut renaître de ses cendres.
Avis : Ce livre m’a été prêté par une amie qui m’a dit l’avoir beaucoup aimé ; dans ces cas, je ne pose pas de questions, je ne lis pas le synopsis, et j’y vais !
Eh bien, j’ai bien fait de l’écouter ! Nous suivons ici Gaspard, surnommé le Zèbre parce qu’il est indomptable : il veut reconquérir sa femme, faire renaître la passion, peu à peu éteinte au fil de quinze ans de mariage. Il est prêt à tout pour parvenir à ses fins, même au pire ! Au début, j’ai eu du mal avec le Zèbre : il impose à sa femme des choses insupportables. Certes, il lui explique que cela va leur permettre de retrouver leur amour d’origine, passionnel ; mais il ne prend pas conscience que cela ne marche pas. J’ai l’impression que deux visions du mariage et de l’amour s’opposent ici : celle du Zèbre, convaincu qu’il faut que sa femme déteste leur situation de vieux couple pour qu’elle retrouve la passion – il est aussi persuadé que les autres couples durent parce que les hommes trompent leur femme, et, donc, n’ont pas besoin de la reconquérir – ; et celle de Camille, qui ne demande qu’attention et tendresse, qui veut de l’authenticité plutôt que des mises en scène. Pour Gaspard, le mariage a signé la mort de la passion, parce qu’il a fait de Camille sa propriété en quelque sorte. Ce livre, en nous exposant ces deux points de vue, nous fait vraiment réfléchir sur ces sujets ! Est-ce qu’il ne vaut mieux pas laisser l’amour évoluer comme il « doit » le faire ? Faut-il vraiment faire tout ce que l’on peut pour faire revivre la passion ? Celle-ci a-t-elle vraiment plus de valeur qu’un amour tendre et sincère ? A plusieurs reprises, le lecteur se rend compte qu’il n’est pas facile de répondre à ses questions et, comme le dit Gaspard, il n’a pas de modèle littéraire pour un mari qui tente de reconquérir sa femme ! Il n’est ni Roméo, ni Julien Sorel. D’autres petites réflexions se greffent à l’histoire, dont une sur l’Education nationale que j’ai particulièrement appréciée ! Plusieurs scènes sont très émouvantes, et m’ont fait monter les larmes aux yeux, notamment avec Natasha, peut-être mon personnage préféré dans le livre. L’écriture est agréable, ni trop sophistiquée, ni trop simple.
Concernant les personnages, comme je l’ai dit plus haut, le Zèbre a un côté très agaçant pendant une bonne partie du livre. En effet, il ne se préoccupe pas de ce que veut sa femme, et décide de lui »infliger » des choses pour faire renaître sa passion. En fait, le lecteur comprend, au fil du livre, que Gaspard est un homme qui veut réaliser sa grande œuvre, et il veut que ce soit une passion éternelle entre sa femme et lui. Il est touchant dans sa dévotion, même si une certaine artificialité l’éloigne du lecteur. Quant à Camille, tout le long, je me suis identifiée à elle : c’est bien pour ça que le Zèbre m’a autant énervée, parce qu’il l’énerve, elle ! Elle n’a rien demandé à son mari, et elle se retrouve dans des mises en scène grotesques qui l’agacent plus qu’elles ne l’enchantent. Poussée vers l’adultère, elle admire pourtant les efforts que déploie Gaspard pour la retrouver. Malgré tout, elle est lassée par le constant calcul du Zèbre : elle veut la paix, être tranquille, quand son mari représente le mouvement même. Ce couple vit avec ses deux enfants, la Tulipe et Natasha. Le premier ne se révèle vraiment que dans la dernière partie du livre. Il veut rendre son père fier de lui, réaliser sa propre grande œuvre. Quant à Natasha, je l’ai trouvé très touchante. Aussi décalée que son père, sa morale n’a pas de limites politiques ou sociales. Une des scènes dans le cimetière m’a retournée ! D’autres personnages se trouvent dans ce livre, comme Alphonse et Marie-Louise, les voisins des Sauvage, le premier étant le meilleur ami/quasi frère du Zèbre, Grégoire, le clerc de Gaspard, dévoué à son patron.
La fin est très belle, et laisse le lecteur avec une touche d’espoir. L’amour a gagné, et j’ai aimé la petite mise en abîme !
Donc, un très bon livre, qui passe coup de cœur parce que je ne lui trouve rien de mauvais !