L’Elixir d’amour d’Eric-Emmanuel Schmitt
Editeur : Le Livre de Poche
Année de sortie : 2016 [2014]
Nombre de pages : 152
Synopsis : L’amour relève-t-il d’un processus chimique ou d’un miracle spirituel ? Existe-t-il un moyen infaillible pour déclencher la passion, comme l’élixir qui jadis unit Tristan et Iseult ? Est-on, au contraire, totalement libre d’aimer ?
Anciens amants, Adam et Louise vivent désormais à des milliers de kilomètres l’un de l’autre, lui à Paris, elle à Montréal. Ils entament une correspondance, où ils évoquent les blessures du passé et leurs nouvelles aventures, puis se lancent un défi : provoquer l’amour. Mais ce jeu ne cache-t-il pas un piège ? En fin observateur des caprices du cœur, Eric-Emmanuel Schmitt explore le mystère des attirances et des sentiments.
Avis : Ma petite sœur a beaucoup aimé ce livre ; le synopsis m’intéressait assez ; pas besoin de plus pour me donner envie de le lire !
Quelle déception !! L’idée était pourtant plutôt originale : une réécriture moderne de Tristan et Iseult, l’histoire de deux anciens amants qui cherchent l’élixir d’amour. Et j’adore les romans épistolaires. Honnêtement, j’ai ouvert le livre en me disant que j’allais beaucoup aimé. Mais je n’ai rien trouvé de bon dans ce livre. Même la réécriture – mais peut-être ai-je été tellement déçue que même l’élément positif est devenu négatif – m’a semblé trop mise en avant, comme si le lecteur n’allait pas s’en rendre compte et qu’il fallait lui mettre des panneaux énormes pour lui faire comprendre. Quant aux lettres, elles ne sont pas datées, ce qui fait que le lecteur ne sait pas sur combien de temps les personnages correspondent. Mais commençons par la toute première lettre, écrite par Adam : dès cette première page, j’ai eu des doutes sur le fait que j’allais aimer ce livre. Extrait de la lettre : « j’exclus tout message dégoulinant de frustrations, graissé d’appels à la tendresse ou de sursauts génitaux, tel ce torchon humide, hystérique, vaginal, qui a envahi mon écran ce matin et que j’ai fourré à la poubelle en appuyant sur la touche « Supprimer ». » Alors : phrase très longue, trop de mots inutiles, et surtout, cette touche de sexisme initiale qui m’a fait hausser les sourcils. Je me suis dit que ce devait être juste la première lettre, j’ai laissé le bénéfice du doute à l’auteur ; eh bien non ! Le livre entier est sexiste !! Entre « les hommes font l’amour pour jouir, pas pour dire qu’ils aiment », et les femmes qui, après une séparation, deviennent des martyres et souffrent éternellement « si elles ne se suicident pas », j’ai très vite compris que ce livre n’était pas pour moi. Mais, dans ma grande naïveté, je me suis dit que j’allais quand même voir où aller l’histoire, voir si elle s’améliorait avec les pages. Non. Le personnage masculin, Adam, enchaîne les remarques sexistes, les généralisations, du genre tous les hommes sont pareils, toutes les femmes sont pareilles – à l’exception de quelques remarques du genre « les Françaises sont comme ci, les Canadiennes sont comme ça » – ce qui exclut l’amour autre qu’hétérosexuel en quelque sorte, et qui nous fait tous ressembler à des clones, les clichés - en gros, les femmes sont incapables de faire l’amour sans aimer, quand les hommes le font sans problèmes par exemple -, les réflexions sur l’amour et sur le mariage, aux antipodes de ce que je pense ; mais surtout, surtout, cette image de la femme qui est donnée à la fin !! [SPOILER] En gros, la femme est une manipulatrice, calculatrice, qui a réussi à piéger l’homme pour qu’il lui revienne ! Super élixir d’amour dis donc ! [FIN DU SPOILER] En fait, « l’amour » tel qu’il est montré dans ce livre n’a rien à voir avec l’amour tel qu’il est réellement pour moi. Ce n’est pas de l’amour, c’est du calcul, c’est artificiel, triste même. Quant à l’écriture … Je m’attendais au moins à ce qu’elle rattrape l’histoire ; pas du tout. Elle est elle aussi bourrée de clichés ; on dirait que l’auteur met certains mots pour faire bien. Du coup, la correspondance n’est pas du tout naturelle ! Exemple, toujours dans la première lettre : « Devant moi, un soleil flétri se lève et je contemple Paris auquel octobre donne la pâleur d’une bête indisposée, tourmentée par les feuilles mortes, incommodée par les circulations tapageuses, avide d’une paix qui tarde. Vivement l’hiver. La langueur de l’été s’efface et la capitale s’impatiente d’obtenir le froid, le sec, le clair. Deux saisons suffisent à une ville, la suffocante et la glaciale. » J’ai trouvé cette lettre assez ridicule, comme la majorité des autres, parce qu’on n’écrit pas ce genre de lettres. On sent la littérature, l’auteur qui essaie de faire bien, de faire intellectuel, et ça n’a pas du tout fonctionné pour moi.
Concernant les personnages, je ne sais même pas par où commencer. Ils sont tous les deux insupportables. Adam est un macho qui se tapent le plus de femmes possible pour « prendre du plaisir et [...] leur en dispenser », comme si elles avaient besoin de le rencontrer pour enfin découvrir le plaisir sexuel. Il est vantard, arrogant, tellement sexiste que j’ai parfois eu envie de balancer le livre – je ne l’ai pas fait, Emeline, ne t’en fais pas !! J’avais envie qu’il soit remis à sa place, mais certainement pas par Louise, l’archétype de la femme fausse. Elle ment comme elle respire, et fait passer les femmes – généralisation oblige dans ce livre ! – pour des manipulatrices prêtes à tout et n’importe quoi pour obtenir ce qu’elles veulent. A la fin, elle passe quasi pour une sorcière. Un seul autre personnage est évoqué ici, Lily, qui se retrouve entre les deux autres. Elle aussi fait passer la femme pour une opportuniste, individualiste. Peut-être permet-elle d’atténuer légèrement les clichés, mais je n’en suis pas tout à fait sûre. Sa liberté est mal vue par Adam, et donc, le lecteur est censé se ranger à son avis et se dire que c’est vraiment une … Oui, donc, en fait, encore du sexisme !
La fin m’a tellement énervée ! C’était sans doute censé être une surprise, mais j’avais (peur d’avoir) compris où voulait nous mener l’auteur. Le summum du sexisme. J’applaudis.
Donc, sans aucun doute un des pires livres de l’année !