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I found myself in Wonderland.

Un roman français de Frédéric Beigbeder

Classé dans : Avis littéraires — 15 juin 2017 @ 19 h 06 min

Genre : Autobiographie Un roman français

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2010 [2009]

Nombre de pages : 246

Synopsis : C’est l’histoire d’un grand frère qui a tout fait pour ne pas ressembler à ses parents, et d’un cadet qui a tout fait pour ne pas ressembler à son grand frère.

C’est l’histoire d’un garçon mélancolique parce qu’il a grandi dans un pays suicidé, élevé par des parents déprimés par l’échec de leur mariage.

C‘est l’histoire d’un pays qui a réussi à perdre deux guerres en faisant croire qu’il les avait gagnées. [...]

C’est l’histoire d’une humanité nouvelle, ou comment des catholiques monarchistes sont devenus des capitalistes mondialisés.

Telle est la vie que j’ai vécue : un roman français. F. B.

 

Avis : J’avais lu ce livre il y a six ans parce qu’une de mes professeures de français considérait qu’il ferait sans doute partie des classiques dans plusieurs années. Je me suis dit qu’une piqûre de rappel ne me ferait pas de mal !

Je me souviens avoir beaucoup aimé ce livre plus jeune. J’avais trouvé qu’il était fort, authentique ; j’étais convaincue qu’il ferait partie des livres que l’on n’oublierait pas par la suite. Et aujourd’hui, quel est mon avis ? Eh bien, je n’ai pas retrouvé l’émotion et l’intérêt de la première lecture. Je me souviens avoir adoré l’écriture : aujourd’hui, elle ne me paraît plus aussi authentique, aussi sincère que la première fois. J’ai l’impression de rajouts parfois, d’exagération – je dis bien, « impression », cela ne veut pas dire que j’ai la science infuse et que c’est vrai. Le livre est divisé en plusieurs récits : celui du présent, l’arrestation de l’auteur parce qu’il a sniffé de la coke sur un capot de voiture, son passage par la prison pendant deux nuits, et celui du passé, ses souvenirs qui ressurgissent enfin, et qu’il note pour ne jamais plus les oublier. Un roman français sonne parfois comme une thérapie nécessaire à l’auteur pour être complet, pour retrouver la mémoire ; et ce retour de la mémoire est, étrangement, entraîné par l’enfermement, l’impossibilité de faire quoi que ce soit d’autre que de penser pendant deux nuits entières. Les verrous lâchent, les vannes s’ouvrent, et les souvenirs déferlent. Je n’imagine pas ne pas me souvenir de mon enfance : ce doit être affreux. Et donc, j’imagine le soulagement de l’auteur quand, enfin, tout lui revient. Certains passages sont émouvants, notamment ceux avec sa fille, qui passe elle aussi par l’enfance, enfance que son père espère joyeuse, et non un mensonge comme la sienne.

De plus, je me suis plusieurs fois trouvée en désaccord avec ce que dit l’auteur : certaines réflexions, notamment sur les femmes, m’ont paru réductrice. Quant à celle sur la prison, je trouve, évidemment, inacceptable que l’on enferme quelqu’un deux nuits dans un endroit qui pousse à la claustrophobie quand ce n’est absolument pas justifié. Ce genre d’endroits ne devrait pas exister. Mais quand l’auteur se dit que, du coup, il aurait dû être plus clément avec des criminels accusés de viol ou de meurtre quand il était juré, là, non : « Quand j’étais juré à la cour d’assises de Paris, j’ai envoyé, le cœur léger, des violeurs et des assassins en prison pour huit ans, dix ans, douze ans. Je serais plus laxiste aujourd’hui. Tous les citoyens qui sont cités comme jurés devraient passer un court séjour derrière les barreaux pour connaître ce qu’ils vont infliger aux accusés. » Dans ce cas, il faudrait violer les violeurs et assassiner les assassins pour leur faire comprendre ce qu’ils ont fait subir à leur victime ? Je ne suis pas non plus d’accord quand il dit que, ce qui compte dans un livre, ce n’est pas l’histoire, ni les personnages, mais l’auteur, l’homme que l’on découvre derrière : « dans un roman, l’histoire est un prétexte, un canevas ; l’important c’est l’homme qu’on sent derrière, la personne qui nous parle. » Ce n’est pas vrai pour tous les livres, et ce n’est pas l’homme qui compte, mais ce qu’il raconte.

Il y a tout de même des points positifs, notamment les réflexions sur les générations, les enfants et le divorce, ainsi que sur la société, en arrière-plan des trois. Les générations sont comme inversées : parce que l’enfance n’en a pas vraiment été une, les parents se lâchent une fois adultes, (re)deviennent des enfants, se comportent comme des ados, ne parviennent pas à vivre une vie de famille heureuse parce que ce n’est pas ce dont ils ont besoin. D’où le divorce. Ici, l’auteur explique bien ce que ressentent les enfants quand leurs parents se séparent, mais il analyse cela avec ses yeux d’adulte : les enfants veulent que leurs parents restent ensemble, ce qui est égoïste de leur part. Les parents, eux, veulent vivre leur vie, tout en n’affectant pas les enfants, ce qu’ils font en leur mentant. Les enfants se sentent rejetés, de trop, et tentent de comprendre ce qu’on ne veut pas leur expliquer. Honnêtement, le divorce est une des pires choses à vivre pour un enfant, c’est traumatisant, parce que les parents tentent de faire comme si de rien n’était alors que, pour l’enfant, le monde s’effondre. Il faudrait expliquer, il faudrait faire comprendre, il faudrait se mettre à sa place et surtout lui expliquer que ce n’est pas sa faute. Sa fille, pour l’auteur, agit comme un révélateur – mot employé par Beigbeder dans le texte – : toutes ses premières expériences, il les revit avec elle, ce qui doit vraiment être un sentiment merveilleux. La sensibilité qu’apporte l’enfant à l’adulte est aussi incroyable : en quelques mots, il peut nous faire pleurer ou rire, parce qu’il est innocent et ne comprend pas vraiment ce qu’il dit. Ce qu’apporte aussi ce livre, un peu comme Le crime du comte Neuville d’Amélie Nothomb, est la compréhension que les riches ne sont pas plus heureux que ceux qui sont moins pourvus socialement. Bien sûr, l’argent contribue au bonheur, parce qu’il est nécessaire pour se loger, se nourrir, vivre décemment, et même aisément, avoir des loisirs. Mais être élevé dans la noblesse, la bourgeoisie, dans le « trop d’argent », cela ne veut pas nécessairement dire que l’on soit forcément heureux. On peut ne manquer de rien matériellement, et manquer d’amour, de confiance en soi, de positivité. Dans ce cas, même riche, on ne peut pas être heureux. On ne peut pas se plaindre de ses conditions matérielles, mais on peut dire que l’on n’est pas heureux sans se voir rabrouer par le « Mais vous avez de l’argent, vous êtes forcément heureux ! » Je vois des avis qui disent qu’il se plaint alors qu’il a tout, mais « tout » ne veut rien dire. On peut être malheureux et avoir de l’argent. On peut aussi tout faire pour être plus heureux et arrêter de se plaindre tout le temps, pas seulement parce que d’autres sont plus malheureux, mais aussi parce que la vie est courte, donc autant tout faire pour être le plus heureux possible nous-mêmes, sans nous comparer aux autres.

La fin rapproche définitivement présent et passé, en liant le grand-père de l’auteur et sa fille, qui ne se sont pas connus, dans un lieu marquant de son enfance. La transmission finale est belle.

 

Donc, un bon livre malgré quelques gros désaccords. De belles réflexions, et un rappel que l’argent ne fait que contribuer au bonheur.

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