Un secret de Philippe Grimbert
Genre : Autobiographie, Biographie, Historique
Editeur : Grasset
Année de sortie : 2007 [2004]
Nombre de pages : 191
Synopsis : « Aussi longtemps que possible, j’avais retardé le moment de savoir : je m’écorchais aux barbelés d’un enclos de silence. » Ph. G.
Après La Petite robe de Paul, Philippe Grimbert explore de nouveau le territoire du secret, livrant, cette fois, une part intime de sa propre histoire.
Avis : Ma mère m’a prêté ce livre depuis un moment, il était temps que je le lise enfin !
Je savais que l’histoire avait un lien avec la Seconde Guerre mondiale, mais je ne savais pas dans quelle mesure, ni vraiment à quoi m’attendre exactement, étant donné la brièveté du synopsis ! Mais, je ne vais pas me plaindre : je préfère entrer dans un livre en ne sachant rien plutôt que de me faire spoiler par l’éditeur dès la quatrième de couverture ! J’ai tout de même appris, grâce à elle, que l’histoire est en fait celle de l’auteur, et plus précisément de ses parents. En effet, le narrateur est mal dans sa peau, il sent qu’il lui manque quelque chose pour être pleinement lui-même, il sent que ses parents ne lui ont pas tout dit, lui cache un secret. Le lecteur comprend dès le début de quoi il est question, mais au cas où : [SPOILER] la famille du narrateur est juive, a vécu la Seconde Guerre mondiale, et n’en est pas sortie tout à fait indemne. [FIN DU SPOILER] De plus, il est dit, dès les premières lignes, que le narrateur – qui n’a pas de nom, mais que l’on associe automatiquement à l’écrivain – se crée un grand frère. [SPOILER] J’ai immédiatement compris que celui-ci a existé, et qu’il est mort ; je ne savais pas dans quelles circonstances. [FIN DU SPOILER] Ce frère imaginaire comble le manque identitaire du narrateur ; en effet, il sent que son père est déçu par la condition fragile de son fils, quand lui et sa femme ont des corps d’athlète qu’ils entretiennent régulièrement. Il est persuadé que son père aurait préféré un garçon aussi robuste que lui, et non un être chétif et malade. J’ai vu que ce livre était considéré comme une autobiographie ; j’ai plutôt trouvé que c’était une biographie des parents du narrateur. En effet, son besoin de comprendre le pousse à écrire l’histoire de Maxime et Tania, leur rencontre, leur amour. Le lecteur se trouve alors face à deux versions : la première est celle que le narrateur s’est imaginée avant de découvrir le secret ; la seconde est la vraie. Ainsi, le narrateur-personnage se voit raconter la véritable histoire de ses parents, et décide de la relater, pour que l’on n’oublie pas ceux qui ont disparu, [SPOILER] à la fois à cause de la haine issue de la guerre et de l’amour de leurs proches. Maxime ne peut pas entretenir le souvenir de sa femme et de son fils parce qu’il se sent coupable ; il pense que leur mort est une punition parce qu’il est tombé amoureux de Tania le jour de son mariage. [FIN DU SPOILER] Ce livre sonne ainsi un hommage, une façon de les faire vivre à nouveau, momentanément, sur le papier. C’est aussi la découverte d’une histoire d’amour controversée, de l’éclosion inattendue du sentiment pour quelqu’un qui ne nous est pas destiné ; petit rappel que nous ne décidons pas qui nous aimons. Une scène m’a choquée et agacée : celle où Hannah est emmenée par les officiers. [SPOILER] Elle aurait pu sauver son fils !! [FIN DU SPOILER] Les deux seules choses qui m’ont gênée dans ce livre : sa brièveté – le livre se lit très vite, peut-être trop. Je n’ai pas eu le temps de m’attacher aux personnages, d’éprouver de l’émotion, excepté à la fin. Enfin, je n’ai pas apprécié certaines remarques pendant que le narrateur raconte la vie de ses parents : [SPOILER] ils n’ont pas le droit d’être ensemble, alors, quand Hannah et Simon, puis Robert, disparaissent, l’auteur écrit que sa mère pensait peut-être que tous les obstacles qui l’éloignaient de Maxime ont désormais disparu. C’est une pensée assez horrible qu’il met presque dans la bouche de sa mère sans savoir. Certains lecteurs peuvent même le voir comme du mépris. [FIN DU SPOILER]
Concernant les « personnages« , étant donné que ce sont des personnes réelles, je ne me vois pas trop donner un avis comme pour les êtres inventés. Excepté la fois où elle m’a prodigieusement agacée, Hannah est une femme effacée, fragile, qui comprend vite, et qui donc, réagit en conséquence. Maxime a tout du serial séducteur, et, même s’il tente de résister à son désir, il est clair qu’il finira par y succomber, comme le sait déjà le lecteur. Il ne veut pas appartenir à la communauté juive, et refuse le port de l’étoile jaune pendant la guerre. Le sport est un thème important dans le livre puisqu’il réunit les parents du narrateur ; c’est à cause de leur physique et de leur activité sportive qu’ils sont attirés l’un vers l’autre. Tania n’est pas une »briseuse de couple », elle finit même par être un peu attachante, et même touchante à la fin. Mais, à cause de la brièveté du livre, comme je l’ai dit plus haut, il est pratiquement impossible de vraiment s’attacher à qui que ce soit, excepté à la fin. Le dernier chapitre m’a donné des frissons : le secret n’est plus, le narrateur parvient à aider son père, une certaine unité et une certaine harmonie semblent être entrées dans leur vie. Le dernier paragraphe de la première partie de l’épilogue m’a achevée : [SPOILER] « Face aux tombes alignées dans le carré d’herbes j’ai repensé au dernier geste de mon père. Prenant sa femme par la taille, il l’avait aidée à se lever pour la conduire tout doucement vers le balcon du salon, pour un ultime plongeon. Qu’avait-il murmuré à son oreille avant de l’enlacer et de basculer avec elle ? » [FIN DU SPOILER] Je ne m’attendais tellement pas à ça !! La dernière phrase est un dernier hommage : [SPOILER] ce livre est écrit pour Simon, le disparu, l’inconnu, celui qui a hanté le narrateur toute son enfance, le fantôme qui le dominait, représenté en quelque sorte par sa peluche, étrangement baptisé Sim par le narrateur-personnage ignorant. [FIN DU SPOILER]
Donc, un très bon livre, surtout grâce à l’émotion de la fin, mais aussi grâce aux réflexions sur le poids des secrets, sur l’identité, sur la culpabilité. Dommage qu’il soit si court !
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Alors, biographie ou autobiographie ?
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Les deux ! C’est en écrivant la biographie de ses parents qu’il écrit son autobiographie