Le silence de la mer de Vercors
Editeur : Le Livre de Poche
Année de sortie : 1976
Nombre de pages : 251
Synopsis : Pas de synopsis pour cette édition.
Avis : Ce livre était dans ma wish-list depuis longtemps, et un de mes professeurs l’en a fait sortir cette année !
Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais, peut-être à quelque chose de long, malgré la taille du livre, quelque chose d’ennuyeux, ou de rebattu, comme on traite ici de la Seconde Guerre mondiale. Eh bien, je me suis (encore) trompée ! C’était émouvant, dur, mais tout en sobriété. La souffrance est muette, pas d’effusion [SPOILER] excepté à la fin de « La marche à l’étoile », et c’est tout à fait justifié … [FIN DU SPOILER] Toutes les nouvelles traitent donc de la Seconde Guerre mondiale, mais sous des aspects différents : l’Occupation pour « Le silence de la mer », la déportation pour « La marche à l’étoile », mais surtout le statut de la France, la blessure que la guerre et les collaborateurs lui infligent. L’image de la France est souillée, ce qui est visible dans toutes les nouvelles : elle reste forte dans « Le silence de la mer », justement grâce au silence que les Français opposent à l’officier allemand ; mais dans « La marche à l’étoile », le pays déchoit complètement, alors que le personnage veut y croire jusqu’au bout. Ce moment est vraiment déchirant, un des plus difficiles à lire de tout le recueil. Ce que j’ai le plus apprécié, c’est l’absence de manichéisme : les Français ne sont pas forcément les héros, et les Allemands ne sont pas forcément les méchants. Pas de héros et pas de monstres, juste des humains, qui agissent, ou qui font n’importe quoi.
Celui-ci comporte six nouvelles : une préface peut faire aussi office de nouvelle, elle s’appelle « Désespoir est mort ». Le narrateur se trouve dans un camp, et raconte que tout espoir lui semble mort, jusqu’à ce qu’il voit une famille de canards traverser la cantine ; le dernier caneton tombe constamment, et se rattrape avec un air fier, qui rend espoir au narrateur et aux autres personnages qui l’entourent. Une petite joie, un rire, un aspect de la vie qu’on avait perdu de vue, et l’espoir renaît. « Le silence de la mer » est la première nouvelle en tant que telle, et comme je l’ai dit, elle oppose le silence de deux Français et le monologue répété soir après soir d’un officier allemand résidant chez eux. Celui-ci est un idéaliste forcené, convaincu que la guerre est là pour réunir les nations : se battre pour mieux réunir. En gros, il n’a pas du tout compris l’objectif de la Seconde Guerre mondiale. Il croit en la France, en l’Allemagne, en la culture. Il parle de littérature, il tente de convaincre les Français de ses bonnes intentions. Mais eux ne lui répondent jamais : une résistance passive, une bataille sans armes. J’ai envie de vous parler de la fin, alors : [SPOILER] L’officier se rend finalement compte du véritable objectif de la guerre ; désillusionné, il revient vers les Français honteux, parce qu’il pensait vraiment tout ce qu’il disait, et qu’il se rend compte que, sans le vouloir, il leur a menti. Il décide alors de partir au front – il part au suicide -, et l’on se rend alors compte de l’amour qui est né, au fil des jours, entre la nièce du narrateur et l’officier, un amour silencieux mais profond, un amour impossible, qui est mort avant de naître. [FIN DU SPOILER] Une fin triste, mais qui retombe dans le silence. La seconde nouvelle est « Ce jour-là » : là encore, l’émotion est palpable, surtout dans les non-dits. Le narrateur est un enfant, ce qui donne un point de vue d’autant plus touchant. Le lecteur voit ainsi la Résistance sous un éclairage différent, du côté de ceux qui restent, et pas de ceux qui sont emmenés. Puis, « Le songe » est plus sombre, une descente aux enfers du narrateur qui parle d’un songe ; mais le lecteur se rend peu à peu compte que le songe est en réalité le camp, que le narrateur se force à le voir comme un cauchemar parce que l’homme n’est pas capable de faire tant de mal à tant de gens. Vient ensuite « Le cheval et la mort », deux hommes racontant une histoire chacun, tout en symboliques. La première concerne un cheval [SPOILER] que l’un des hommes fait entrer dans un hôtel pour se moquer du concierge [FIN DU SPOILER], la seconde concerne Hitler, qui prend le visage de la mort, avant même que la population soit au courant des horreurs réalisées sous ses ordres. Egalement « L’impuissance », qui met en avant un homme qui ne supporte pas l’injustice, au point qu’il fasse des choses inconsidérées pour montrer son opposition. Mais bien sûr, cela ne change rien, sa résistance est inutile : le personnage est rattrapé par son impuissance face à la bêtise humaine, et aux horreurs que les hommes sont capables de commettre. Puis « L’imprimerie de Verdun », concernant encore une fois la Résistance, mais ici, plutôt du côté de ceux qui y viennent peu à peu, ceux qui étaient convaincus que la France ne pouvait pas tomber parce qu’elle était grande, surtout représentée par le maréchal Pétain. Le lecteur suit la désillusion au fil des pages, mais aussi l’évolution du personnage, qui comprend l’ampleur de ce qui arrive, mais trop tard. Enfin, vient « La marche à l’étoile », un titre obscur, expliqué dès le début, puis qui prend un sens supplémentaire vers la fin de la nouvelle. Ici, le lecteur rencontre Thomas Muritz, fasciné par la France, qui tente d’être digne d’elle, qui l’idéalise énormément, et ne se rend pas compte de l’impact de la guerre sur elle ; pour lui, elle est intouchable. Sa vision du pays est belle, son amour, et même sa passion, pour lui fait chaud au cœur, mais mal en même temps. Il est complètement aveuglé et ne peut pas comprendre que la France collabore, qu’elle participe à la guerre, qu’elle n’en est pas la victime, mais la complice. La fin est déchirante. Cette nouvelle clôt le recueil sur une note dure, mais forte, qui caractérise bien l’ensemble de l’œuvre.
Donc, un très bon recueil de nouvelles, touchant, dur et fort, qui nous plonge au coeur de la guerre, des camps, et de la conscience des personnes qui vivaient à cette époque.
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