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I found myself in Wonderland.

Les cerfs-volants de Romain Gary

Classé dans : Avis littéraires,Coup de cœur — 13 janvier 2017 @ 18 h 01 min

Genre : Contemporaine Les cerfs-volants

Editeur : Folio

Année de sortie : 2016

Nombre de pages : 369

Synopsis : Pour Ludo le narrateur, l’unique amour de sa vie commence à l’âge de dix ans, en 1930, lorsqu’il aperçoit dans la forêt de sa Normandie natale la petite Lila Bronicka, aristocrate polonaise passant ses vacances avec ses parents. Depuis la mort des siens, le jeune garçon a pour tuteur son oncle Ambroise Fleury dit « le facteur timbré » parce qu’il fabrique de merveilleux cerfs-volants connus dans le monde entier. Doué de l’exceptionnelle mémoire « historique » de tous les siens, fidèle aux valeurs de « l’enseignement public obligatoire », le petit Normand n’oubliera jamais Lila. Il essaie de s’en rendre digne, étudie, souffre de jalousie à cause du bel Allemand Hans von Schwede, devient le secrétaire du comte Bronicki avant le départ de la famille en Pologne, où il les rejoint au mois de juin 1939, juste avant l’explosion de la Seconde Guerre mondiale qui l’oblige à rentrer en France. Alors la séparation commence pour les très jeunes amants … Pour traverser les épreuves, défendre son pays et les valeurs humaines, pour retrouver son amour, Ludo sera toujours soutenu par l’image des grands cerfs-volants, leur symbole d’audace, de poésie et de liberté inscrit dans le ciel.

 

Avis : Je devais lire ce livre pour les cours ; première lecture de Romain Gary !

Et quelle découverte !! Je ne sais même pas par quoi commencer tant cette lecture m’a emportée, émue : je l’ai commencé lentement avec une lecture parallèle de Qu’est-ce que la littérature ? de Sartre, puis je l’ai lu d’un coup cet après-midi. Impossible de m’arrêter, j’avais tellement envie de savoir ce qui allait arriver. Aussi, je pensais que ce livre serait plus long à lire, la typographie me semblait serrée, mais pas du tout !! C’était comme un saut dans le temps et un retour brusque à la réalité ! D’abord, l’histoire : celle de Ludo, amoureux éternel et fou sacré, narrateur de sa propre vie. Cette narration à la première personne rend le récit encore plus émouvant ; parce que l’émotion est très présente, et tellement poignante ! Les larmes me sont montées aux yeux plusieurs fois, surtout à la fin ! Le narrateur raconte sa vie avant la Seconde Guerre mondiale, et parle de ses illusions, de sa naïveté, de son aveuglement ; puis vient la guerre, et son amour se retrouve séparé de lui. D’ordinaire, je n’aime pas les histoires d’amour, et encore moins les romans centrés dessus ; mais là, je ne sais pas, j’ai trouvé cette histoire si différente des autres, même si Ludo est un amoureux éperdu. Rien à voir avec l’amour qu’on trouve dans les romans YA, en mode « un nouvel élève arrive et l’héroïne tombe immédiatement amoureuse de lui », ou en mode gros triangle amoureux bien lourd qui n’a rien à faire là. C’était beau et authentique, pas de fioritures ni de grand n’importe quoi. La guerre est montrée dans toute son absurdité : Hitler est détesté par l’Allemagne, qui lui obéit tout de même ; la France est contre lui, mais ne vient pas en aide à l’Espagne contre Franco ; Churchill se rend compte de ce qui arrive, mais l’Angleterre ne fait pas barrage tout de suite au nazisme. Au fil du temps, Ludo se rend pourtant compte qu’on ne peut pas mettre tous les Allemands dans le même sac : ce sont aussi des hommes, et une réflexion s’amorce sur l’inhumanité. Le nazisme, le fascisme est trop humain justement ; tous les hommes sont capables de ce genre de choses, ou capables de ne pas réagir, de fermer les yeux, de faire semblant de ne rien voir. Pas de manichéisme, pas de grands méchants et de gentilles victimes : c’est d’ailleurs une des seules répétitions du livre, le fait qu’on met en avant, en France, les Allemands criminels et les héros français. La résistance est vécue de l’intérieur dans ce roman, et plusieurs types de résistants apparaissent ici, plus ou moins compris par leurs compatriotes. J’ai adoré l’image de la mémoire, envahissante chez le narrateur, qui ne peut rien oublier, et celle des cerfs-volants, symboles de liberté, façon de s’affirmer silencieusement, de résister différemment. Bien sûr, les cerfs-volants symbolisent aussi autre chose, quelque chose de plus profond encore : « la poursuite du bleu », la folie, l’amour, la passion, la vie, les personnes que l’on doit retenir, et celles qui partent. L’écriture est excellente, et mon édition est marquée de nombreux traits dans les marges pour marquer des passages à retenir. Un de mes préférés : quand Lila parle de Jésus en disant qu’il a appelé le monde à se féminiser : « quel est l’homme qui, le premier, a prêché la pitié, l’amour, la tendresse, la douceur, le pardon, le respect de la faiblesse ? Quel est le premier homme à avoir dit merde – enfin, c’est une façon de parler – à la force, à la dureté, à la cruauté, aux poings, au sang versé ? Jésus a été le premier à réclamer la féminisation du monde et moi je la réclame aussi ! »

Concernant les personnages, je me suis beaucoup attachée à Ludo. Paysan face à Lila, aristocrate, il prend peu à peu conscience de leur différence, mais ne peut rien faire d’autre que l’aimer. Atteint de folie sacrée et de mémoire absolue, l’oubli est impossible pour lui. Il se voue corps et âme à son amour, ce qui peut paraître ringard, mais que j’ai trouvé tellement beau, et assez rare chez un personnage masculin ! Touchant, il fait tout ce qu’il peut pour retrouver celle qu’il a perdue, et ne dévie jamais de sa route. Fidèle à l’esprit de son oncle, il se fiche de ce qu’on dit de lui et de son amour éternel. Il est fou, l’assume, et finit par vivre sans se préoccuper des autres. Il change au fil du temps, se durcit, mais reste un personnage tendre et émouvant. J’ai lu quelque part un commentaire disant que Lila n’avait aucun intérêt, qu’elle était ridicule et agaçante. Ce n’était pas du tout ce que j’ai ressenti pour elle. Elle représente une jeune fille qui ne veut pas se laisser consumer par l’amour seul, elle veut vivre aussi par elle-même, et son personnage a de l’intérêt, étant donné qu’elle est le centre de l’histoire ! La guerre n’est pas pour la France, mais pour elle dans l’esprit de Ludo. Elle est émouvante elle aussi – je ne dirai pas quand, ni où, ni pourquoi, je vous spoilerai sinon ! J’ai aimé son personnage, qui change des personnages féminins habituels. J’ai aimé aussi Tad : visionnaire, sarcastique, idéaliste déçu au fond. Bruno est également un personnage que j’apprécie, tout en réserve, profondément bon, et au destin surprenant. J’ai détesté Stas Bronicki : autant de mauvaise foi en un seul homme, waouh !! En revanche, j’ai adoré Ambroise Fleury, si attachant, pacifiste, qui déteste l’idée de la guerre et de la souffrance d’autres hommes ; et Julie Espinoza, une femme pleine de ressources ! Le personnage de Hans est ambivalent, je ne vous en dis pas plus ! Quant à Marcellin Duprat, je me suis peu à peu attachée à lui : un gentil déguisé en ours, un homme qui ne se laisse pas faire, sûr de ses convictions et de ses valeurs. Mention spéciale pour Von Tiele ! Je ne m’attendais pas à ça !

La fin est très belle, même si elle est teintée, comme toute histoire située en temps de guerre, de tristesse. Pas d’amertume pourtant. Et cette dernière référence !!

 

Donc, un livre bouleversant, une histoire d’amour difficile, authentique, des personnages attachants, et de véritables réflexions sur la vie en temps de guerre.

2 commentaires »

  1. Sylphideland dit :

    bah tu vois, en voyant cette chronique, ça m’a rappelé que je n’ai jamais lu Gary O.O
    « La promesse de l’aube » et « la vie devant soi » m’ont toujours fait peur … je ne sais pas pourquoi.
    Tous les avis que j’en avais étaient partagés, et puis les récits qui se passent en temps de guerre, sincèrement, j’en ai lu tellement que maintenant j’y vais à reculons.
    Mais celui-là, je ne m’y étais jamais arrêtée :O Et tu as titillé ma curiosité.
    Du coup, je le note quand même, je me laisserai peut-être tenté !
    Ah ! C’est pour ça que j’aime tant les blogs et les chaînes littéraires !!!
    C’est un vrai bonheur quand un autre lecteur te fait découvrir des livres que tu étais sûre de ne jamais lire un jour :D
    Des bisous :3
    Bonne nuit

    • redbluemoon dit :

      Honnêtement, si je n’avais pas dû lire ce livre pour les cours, je ne l’aurais peut-être jamais lu de moi-même, alors qu’il est extraordinaire ! Les autres romans de Gary sont dans ma wish-list, mais je ne me suis pas dit que j’allais me précipiter pour les lire, j’étais un peu réticente même !
      Tu vois, c’est exactement pour ça que j’ai créé ce blog, pour donner envie à d’autres personnes de lire des livres qu’ils n’auraient peut-être jamais lu s’ils n’en avaient pas entendu parler ! :D Je suis tellement contente que tu découvres des livres ici !!
      Je fais encore grossir tes listes … :P
      Gros bisous ! :*
      Bonne journée !

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