Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Archive pour septembre, 2016

Dr Jekyll and Mr Hyde, followed by The Bottle Imp de Robert Louis Stevenson

Posté : 8 septembre, 2016 @ 9:24 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Dr. Jekyll and Mr. Hyde Genre : Fantastique, Classique

Edition : Penguin English Library

Année de sortie : 2012

Nombre de pages : 106

Synopsis : Published as a ‘shilling shocker’ in 1886, Robert Louis Stevenson’s dark psychological fantasy gave birth to the popular idea of the split personality. Set in a hellish, fog-bound London, the story of outwardly respectable Dr. Jekyll, who unleashes his deepest cruelties and most murderous instincts when he transformed into sinister Edward Hyde, is a Gothic masterpiece and a chilling exploration of humanity’s basest capacity for evil.

This edition also includes Stevenson’s sinister story ‘The Bottle Imp’.

 

Avis : J’avais adoré ce livre la première fois que je l’avais lu, et je me suis décidée à le relire pour mon mémoire, qui pourrait l’impliquer.

Cette fois, j’ai préféré lire Dr. Jekyll and Mr. Hyde en anglais, dans une édition que je trouve magnifique, la Penguin English Library. Les couvertures sont toujours très belles, et en rapport avec l’histoire, comme ici, le matériel scientifique. J’ai toujours peur des relectures : et si je n’avais plus la même impression, et si je n’aimais plus, et si le livre ne me faisait plus rien ? Heureusement, ici, ce ne fut pas le cas, même si je n’ai pas eu, évidemment, la surprise de la première lecture ! Comme dans la plupart des œuvres gothiques, le lecteur ne suit pas tout de suite le personnage principal, à savoir, ici, le docteur Jekyll ; il suit un personnage secondaire, Mr. Utterson, avocat ami du docteur, à qui celui-ci a laissé son testament. L’action n’est pas non plus d’abord dirigée vers Jekyll ou Hyde : à l’entrée dans le livre, deux hommes se promènent et passent devant une maison sombre à l’air abandonné. Par la suite, en suivant Utterson, et par le récit de plusieurs autres personnages, on rencontre Hyde, le mal en personne, on rencontre Jekyll, doux et bienveillant. L’action se déroule sur plusieurs années, une ellipse importante étant réalisée à un moment donné. Ce qui m’a le plus surprise en lisant Dr. Jekyll and Mr. Hyde, c’est l’impact que peut avoir un si petit livre sur le lecteur. En 80 pages, il est conquis, il est bouleversé, il n’en revient pas. En seulement 80 pages. En si peu de temps, l’auteur a réussi à écrire une histoire prenante, captivante, intrigante, dans laquelle le lecteur ne sait pas où il va, mais se laisse guider, porter par l’enquête d’Utterson. Et quelle histoire ! Le Dr. Jekyll, éminent médecin, connu pour sa bienveillance, [SPOILER si vous ne connaissez pas l’histoire] décide de séparer son bon et son mauvais côté, afin de pouvoir vivre pleinement chacune des deux identités, sans qu’elles empiètent l’une sur l’autre. Mais, peu à peu, il se rend compte que son expérience ne marche pas tout à fait comme il l’aurait voulu, et Hyde envahit petit à petit la vie de Jekyll. [FIN DU SPOILER] J’ai adoré la réflexion sur la dualité, sur le fait que l’homme, au fondement, est double, et que c’est un de ses côtés qui prend le dessus quand il vit normalement. La scission est impossible parce qu’une identité est censée être insécable. Si elle est divisée, elle n’est plus elle-même, la personnalité est altérée. La tentative de Jekyll est honorable d’une certaine manière, mais elle montre aussi la limite de la science. D’un point de vue religieux, c’est un peu comme dans Frankenstein : Dieu a créé l’homme d’une certaine façon, et vouloir le changer ne fera que causer la perte du blasphémateur. Aussi, au fur et à mesure de l’histoire, Jekyll devient comme pris de folie, comme Hyde quand il « apparaît ». Cette folie semble inhérente à la transformation qui s’opère chez le docteur, métamorphose qui altère la raison, la vie sociale, la vie en elle-même. Aussi, on peut voir dans ce récit les préambules de la schizophrénie : cette dualité de l’homme peut aller jusqu’à la maladie, la fragmentation réelle de l’âme, mais dans l’esprit seulement, sans changer de forme physique. L‘écriture est très bonne, agréable à lire ; j’ai aimé le fait que le point de vue interne à la première personne n’arrive qu’à la fin, cela change des livres écrits tout entier d’un seul point de vue ! Enfin, l’atmosphère de Londres enveloppé de brumes ne fait que rehausser le côté gothique du livre, même si celui-ci est peut-être un peu trop court pour vraiment s’en imprégner.

Le docteur Jekyll est un personnage plutôt attachant. Scientifique éminent, il veut tenter l’impossible, ce que personne avant lui n’est parvenu à réaliser. Quand cela réussit, il est heureux, il est devenu un maître scientifique, il a découvert un aspect de la science complètement inconnu. Pourtant, il se rend vite compte de son erreur. Dans son compte rendu final, ses émotions varient grandement : il était d’abord égoïste, complètement indifférent à ce que pouvait faire Hyde qui, pour lui, n’était pas lui, mais désormais un être à part entière ; puis il est bouleversé mais soulagé, car ce qui arrive le force à rompre avec Hyde définitivement ; il est ensuite désespéré de la tournure que prennent les choses, de son manque de contrôle sur elles : tout lui échappe, et tout est sa faute en fin de compte. Il m’a fait mal au cœur : foncièrement bon, mais avec un petit côté méchant, comme tout homme, côté qu’il refoulait, il voulait simplement vivre pleinement les deux aspects de sa personnalité sans que cela empiète sur sa réputation. Quant à Hyde, il est, évidemment, détestable. Décrit comme le mal incarné, déformé, engeance du diable, le lecteur ne peut, comme les autres personnages, ressentir que du dégoût pour lui, une répulsion aussi forte peut-être que l’attachement à Jekyll. Ils sont différents qu’ils ne peuvent pas être la même personne dans l’esprit des autres personnages. Le lecteur peut aussi ressentir de la pitié pour Hyde : après tout, comme le monstre de Frankenstein, il n’a pas choisi de naître, ni d’être ainsi, c’est son essence, son être profond, il ne peut rien faire contre, il n’a pas le choix du bien ou du mal. D’autres personnages se trouvent dans ce livre, notamment Utterson, personnage plutôt sympathique, principal dans la narration puisque le lecteur le suit, conscient que son ami Jekyll a un problème et désireux de l’aider de toutes les manières possibles. Confident de ses deux amis, c’est lui qui reçoit leurs confessions, ce qui amène les deux dernières parties du livre, et la révélation finale de ce qui est réellement arrivé ; Lanyon, le second ami, est lui aussi médecin, contre ce qu’il appelle les élucubrations de Jekyll, qu’il aime beaucoup mais dont il ne peut pas tolérer les égarements médicaux ; Poole, personnage agréable et rassurant, majordome de Jekyll.

La fin répond à toutes les questions du lecteur, sans exception me semble-t-il. C’est enfin le principal intéressé qui a la parole, et il s’explique, même s’il ne rentre pas dans le détail de, par exemple, la potion qu’il met au point. Ainsi, le côté fantastique de l’histoire est gardé, elle ne devient pas pleinement scientifique.

Petit plus : j’ai vu une adaptation théâtrale de ce roman (nouvelle, vu qu’il est si court ?) il y a quelques années, et j’avais adoré l’utilisation du miroir pour figurer la métamorphose, c’était très ingénieux !! (surtout, à la relecture, en voyant l’importance et le malaise que crée celui qui est réellement dans le livre).

 

Donc, une excellente relecture, qui me conforte dans l’idée que ce livre est un chef-d’œuvre !

 

Cette édition contient aussi une nouvelle qui s’appelle « The Bottle Imp« . J’ai adoré !! Je n’ai pas envie de vous raconter, ça risquerait de vous gâcher le plaisir : je peux juste vous dire que le suspense est à son comble jusqu’à la fin, que c’est très bien imaginé, et très bien écrit, que la nouvelle parle d’amour, et de ce qu’on est capable de faire pour celui qu’on aime. Le fantastique est très présent, et cette bouteille, après être devenue un rêve, devient très vite un cauchemar ! Les personnages sont très attachants, Keawe, qui cherche juste à être heureux, et Kokua, adorable, la joie incarnée. La fin est excellente ; je vous laisse découvrir ! Une des meilleures nouvelles que j’ai lues !!

 

A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sodome et Gomorrhe de Marcel Proust

Posté : 7 septembre, 2016 @ 7:44 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Sodome et Gomorrhe Genre : Classique

Editeur : Folio

Année de sortie : 1972

Nombre de pages : 599

Synopsis : (Aucun synopsis à cette édition, si ce n’est la liste des tomes d’A la recherche du temps perdu).

 

Avis : Etant donné que cette édition n’a pas de synopsis, je me suis un peu lancée dans l’inconnu, même si j’avais une idée du sujet avec le titre.

Je m’attendais, je ne sais pas vraiment pourquoi, à moins aimer ce tome par rapport aux autres. Et finalement, j’ai apprécié cette lecture autant que Le Côté de Guermantes, voire plus ! Ici, le livre est découpé en quatre chapitres de longueur totalement irrégulière, chapitres précédés d’un résumé en quelques phrases de ce qui va être raconté. Le fait que le tome ne soit pas écrit d’un bloc permet d’avoir des repères, contrairement à La Prisonnière, qui arrive ensuite, et qui ne comporte aucun chapitre ! L’écriture est toujours aussi excellente, toujours aussi poétique, faite de très longues phrases qu’il peut être parfois difficile à suivre, mais, avec un peu d’effort, le lecteur met tous les mots à leur place et comprend. Les paragraphes sont eux aussi immenses, ils font parfois plusieurs pages, ce que je n’avais jamais vu avant chez un auteur ! (c’est même plutôt l’inverse, on dirait que certains auteurs ont peur de faire de trop longs paragraphes). Concernant la couverture, les couleurs sont harmonieuses et renvoie à la focalisation sur Albertine et sa vie sexuelle présumée ; j’ai remarqué que les couvertures choisies pour ce tome, même dans les autres maisons d’édition, ne sont pas particulièrement belles comparées à celles des autres livres, que j’aime beaucoup ! Quant au titre, je savais que c’était une référence biblique, et une référence à l’homosexualité, mais je ne me souvenais plus tout à fait du mythe : j’ai donc fait de petites recherches, qui ont confirmé mes vagues souvenirs. Sodome et Gomorrhe sont des villes qui ont été détruites par Dieu parce qu’elles étaient pécheresses. Apparemment, le type de péché n’est pas spécifié, mais il est considérée comme étant l’homosexualité : Sodome est la ville des hommes qui aiment les hommes, et Gomorrhe, celle des femmes.

Et, en effet, ce tome est entièrement dirigé vers l’homosexualité et les deux personnages qui la représentent : M. de Charlus et Albertine. Cette focalisation m’a semblé apporter quelque chose de nouveau par rapport aux autres tomes, même s’ils étaient eux aussi focalisé sur des personnages : Swann ou la duchesse de Guermantes. Ce qui est surtout nouveau, c’est le sujet : je ne m’attendais pas à trouver un tome entier sur la sexualité de certains personnages que le narrateur connaît et apprécie. Ainsi, le narrateur nous raconte comment il a compris que M. de Charlus était un « inverti », et les discours sur l’homosexualité m’ont d’abord paru à double tranchant : elle est appelée « maladie », « vice », la société et la religion sont contre, ce doit être caché au maximum, personne ne doit savoir (sans doute des propos à remettre dans leur contexte même si, malheureusement, certains disent encore ce genre de choses !) Mais, d’un autre côté, il est difficile (contrairement au tome précédent) de ne pas s’attacher à M. de Charlus : il ne peut jamais être lui-même, il est moqué et raillé par des gens qui lui sont inférieurs en rang, il se fait manipuler par un simple violoniste des plus agaçants, il devient quasiment fou d’amour pour un homme qui ne l’aime pas. Il m’a fait mal au cœur, ce qui me l’a rendu sympathique. De plus, on sent la solitude que l’homosexuel doit supporter, puisque même ses amis se méfient de lui. Albertine, quant à elle, représente Gomorrhe dans l’esprit du personnage principal. Il n’a aucune preuve tangible, mais en voit partout depuis l’intervention de Cottard une fois qu’il a vu la jeune fille danser avec ses amies. Alors, le poison de la jalousie ronge le narrateur / personnage à un point tel que le lecteur sent qu’il est vraiment prêt à tout pour empêcher Albertine de céder à nouveau à son vice supposé. Cela explique déjà les titres des tomes suivants, La Prisonnière et Albertine disparue. Le narrateur devient paranoïaque, et son attitude envers Albertine est ambivalente : l’amour qu’il ressent pour elle n’en est pas, mais il a besoin qu’elle soit à lui. Il est cruel, puis doux, agressif, puis passionné. Le lecteur peut être agacé par ces revirements de situation et avoir plus l’impression qu’il joue avec elle plutôt qu’il ne l’aime véritablement ! On sent encore aussi une certaine naïveté dans les réflexions du personnage principal, qui s’imagine que, si Albertine aime les femmes, il n’a rien à craindre des hommes. Ainsi, la sympathie du lecteur va-t-elle aussi à Albertine, dont on ne connaît pas exactement les sentiments.

Autre élément important dans ce livre : les salons, qui sont toujours présents. Ici, l’aristocrate (ou bourgeoise) qui m’a le plus agacée est Mme Verdurin. Tant d’hypocrisie, de dédain, de stupidité, de lustre dans une même personne … Elle ne pense qu’à son bien-être personnel, à la tenue de son petit salon. Elle a des « fidèles » qui doivent venir tous les mercredis ; en somme, leur vie doit tourner autour d’elle. Encore une fois, tout n’est qu’apparence dans le milieu mondain. C’est à celui qui reçoit le plus, ou qui semble le plus comme ci ou le plus comme ça. Quand on tient salon, il faut penser à ne pas inviter untel en même temps qu’untel, parce qu’ils ne se supportent pas, et il serait bien d’avoir untel, mais il est dans une société bien plus élevée, alors on fait comme si c’était notre choix qu’il ne soit pas là. C’est un monde fait de faux-semblants, de jalousie, de coups bas, de rumeurs, de préjugés, de fausseté, d’hypocrisie ; ce doit encore être le cas de nos jours bien sûr. Le narrateur, lui, va dans les salons sans prendre garde à qui est invité ou ne l’est pas, et mentionne qu’il se fiche du rang social de ses amis. Il fait pourtant attention à ne pas commettre d’impair, parle comme il se doit à chaque personne, devine même comment leur plaire, notamment avec Mme de Cambremer. Le traitement de la mort, également, dans les salons, est choquante : quelqu’un qui avait l’habitude de venir meurt, mais on ne doit surtout pas le pleurer, on doit faire comme d’habitude, après tout, ce n’est pas si grave ! (!!!!)

Aussi, le narrateur, qui a perdu ses illusions au tome précédent, continue tout de même ses comparaisons mythologiques que j’adore, mais plus seulement à propos des aristocrates : c’est plus la nature, ou un homme « normal » qui sera comparé à un dieu. Cela apporte d’autant plus de poésie au livre. Le nom est toujours important, et son étymologie est ici décortiquée, ce que j’ai trouvé intéressant (back en cours d’ancien français haha !) ; malheureusement, cela lui fait aussi perdre de sa magie, comme dans le tome précédent les noms des aristocrates. Ainsi la poésie du nom est-elle retirée au lieu. L’humour est également présent (ce qui peut sembler étrange) notamment dans les scènes de salon, où les personnages se rendent parfois tellement ridicules ! Le lecteur ressent aussi de l’émotion, puisque le narrateur ressent le contre-coup de la mort de sa grand-mère, mais aussi par rapport à M. de Charlus, comme je le disais plus haut. Enfin, comme dans le tome précédent, même si je ne l’ai pas mentionné, le narrateur fait des allusions à ce qui va arriver ensuite dans d’autres tomes, ce qui crée une espèce de suspense, comme le fait de mentionner qu’une décision est une erreur, comme le lecteur s’en rendra compte plus tard. Petit plus : petit jeu du narrateur avec le lecteur au début du tome !

Concernant les personnages : comme je le disais tout à l’heure, le narrateur / personnage, toujours double, peut paraître ici agaçant, surtout dans sa façon de traiter Albertine. Le lecteur peut avoir l’impression que sa paranoïa va le rendre fou, tant elle empiète sur sa vie et lui fait faire des choses qu’il n’avait pas l’intention de faire, comme dans la scène finale ; il est très contradictoire et se laisse diriger par ses émotions. Il est aussi naïf, comme je l’ai dit, mais aussi dans le sens où il ne voit pas, par exemple, quand les gens sont amoureux ; en revanche, il est très lucide en ce qui concerne les demandes voilées des personnes qui lui parlent. Il sait comment leur parler, comment leur demander quelque chose si besoin est, il est moins timide que dans le tome précédent. En plus d’Albertine et de M. de Charlus, le lecteur retrouve d’autres personnages ici, comme Saint-Loup, plus effacé en raison de la focalisation sur la jeune fille et le baron, mais tout de même présent. Le narrateur s’éloigne de lui pour passer la majeure partie de son temps avec son amie, et éprouve même de la jalousie envers lui, qu’il connaît pourtant très bien ! ; la duchesse de Guermantes, effacée elle aussi puisqu’elle n’apparaît qu’au début, pendant la soirée de la princesse de Guermantes, ainsi que son mari, le duc ; les « fidèles » de Mme Verdurin, Brichot, très cultivé, qui aime parler de ce qu’il sait, mais qui ne se rend pas compte qu’il ennuie la majorité des convives, alors même que ce qu’il raconte est intéressant !, Cottard, médecin qui se croit le seul à pouvoir parler de médecine, mal élevé et imbu de lui-même, sa femme, bien plus effacée que lui, qui semble pourtant sympathique, la princesse Sherbatoff, exilée de Russie, qui ne peut pas aller dans un autre salon que celui de Mme Verdurin et qui affecte donc une aversion du monde tout ce qu’il y a de plus hypocrite, Morel, lui aussi mal élevé, imbu de lui-même, qui veut qu’on le prenne pour quelqu’un de haut placé alors qu’il est au bas de l’échelle sociale, Swann, qui apparaît brièvement, et que j’apprécié toujours autant, dont la valeur est rehaussée par tous les aristocrates que l’on découvre ici, sa femme Odette, qui commence son ascension sociale, et donc, prend les manies des autres, les amies d’Albertine comme Andrée, avec qui le personnage principal la soupçonne d’avoir des relations, la mère du narrateur, qui a radicalement changé depuis la mort de sa mère, ce qui est assez impressionnant.

La fin est assez rapide, puisque le chapitre 4 fait 20 pages. La décision du narrateur / personnage est prise sur le vif de l’émotion qu’il ressent, alors même qu’il avait décidé le contraire la veille : ce sont sa jalousie et sa paranoïa qui parlent. La transition est faite avec La Prisonnière.

 

Donc, un excellent tome, qui aborde un sujet que je ne m’attendais pas à voir dans A la recherche du temps perdu, un personnage qui change de comportement et qui montre ainsi les ravages de la jalousie et de la paranoïa. Le lecteur peut déjà s’imaginer que tout ne va pas bien se passer dans le tome suivant !

A la Recherche du temps perdu, tome 3 : Le Côté de Guermantes de Marcel Proust

Posté : 1 septembre, 2016 @ 10:07 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Le Côté de Guermantes Genre : Classique

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2012

Nombre de pages : 661

Synopsis : Avec ses parents, le narrateur a déménagé dans un nouvel appartement qui est une dépendance de l’hôtel de Guermantes : sa vie se trouve tournée vers la duchesse, et c’est précisément parce qu’il perçoit chez elle une sorte d’irritation à son égard qu’il gagne Doncières pour demander à son ami Saint-Loup d’intercéder en sa faveur auprès de sa tante. Mais il fréquente aussi le salon de la marquise de Villeparisis, et cette vie désormais mondaine ne sera que renforcée par la disparition de sa grand-mère et l’absence de ses parents partis pour Combray : son éducation est achevée. On a pu voir dans ce Côté de Guermantes paru en deux volumes en 1920, puis l’année suivante, un roman de transition simplement dévolu à l’évocation des salons. Mais la transition, sans doute, est ailleurs : dans le passage de l’adolescence à l’âge adulte qui permet au héros de faire son entrée dans une nouvelle société, et au romancier de s’attacher à la « poésie du snobisme ».

 

Avis : Cela fait un moment déjà que je voulais poursuivre ma lecture d’A la recherche du temps perdu, interrompue depuis presque deux ans. Un cours sur Le Temps retrouvé m’a forcé à m’y remettre !

Je me souviens avoir adoré Du côté de chez Swann, et aimé A l’ombre des jeunes filles en fleur ; j’avais, d’ailleurs, acheté la plupart des tomes suivants pour poursuivre rapidement. Mais, je l’avoue, la série de Proust, longue de sept tomes faits de très longs paragraphes, ainsi que de phrases gigantesques, m’a un peu fait peur, et j’ai mis de côté La Recherche. Cette année m’est proposé un cours sur « L’Art et la vie » ; y est étudié Le Temps retrouvé, dernier tome de La Recherche, que je voulais lire dans l’ordre. Alors, je me suis lancée un petit défi : lire Sodome et Gomorrhe, La Prisonnière, Albertine disparue et (en dernier !) Le Temps retrouvé, pour ne pas bouleverser l’ordre des tomes en lisant. Autant dire que cela va être assez difficile, mais allons-y tout de même !

Revenons au Côté de Guermantes. Le livre est divisé en deux parties qui correspondent aux deux volumes publiés séparément, car l’éditeur trouvait que le tome était trop long. J’ai préféré la première partie à la seconde ; elle m’a paru plus poétique, plus réfléchie, plus dans la recherche de compréhension de tout un tas de choses qu’il est difficile d’expliquer, et que Proust exprime à merveille. Y sont évoqués le nom et sa magie, déjà mentionnés dans Du côté de chez Swann ; on sent une frontière brusque entre l’imagination, ce que l’on se représente du nom, et la réalité, notamment, pour le narrateur, chez les personnes qu’il compare à des dieux, qui ne doivent pas être complètement humains, et qui le sont finalement trop. Aussi, j’ai adoré le fait que l’imagination du narrateur soit liée à la mythologie, et ce dès la scène à l’Opéra, où les hommes deviennent tritons et les femmes déesses marines. Ces évocations mythiques rendent le texte d’autant plus poétique, la scène d’autant plus irréelle. Cette façon de décrire est effective tout le long du livre, dans la seconde partie également, même si elle est moins présente. L’histoire, quant à elle, même concentrée sur la duchesse, nous présente des personnages que nous connaissons déjà, comme Saint-Loup, les parents et la grand-mère du narrateur, Albertine. Des intrigues « parallèles » se greffent à l’obsession du narrateur pour la duchesse de Guermantes, notamment celle de Saint-Loup, épris d’une femme « de petite vertu », de la grand-mère du narrateur, gravement malade, et qui se révèle tout à fait différente de la femme que le protagoniste a connue. (cette façon de découvrir une femme derrière une parente est bien décrite)

Dans Le Côté de Guermantes II, le lecteur sent la désillusion du narrateur : la réalité ne correspond pas à ce qu’il avait imaginé, la duchesse n’est pas telle qu’il la pensait, les aristocrates ne sont finalement que des hommes, et même parfois, profondément stupides. Ici, le salon est omniprésent : une des scènes dure très longtemps, la mesure du temps n’est plus la même, comme si le narrateur se concentrait sur cette soirée pour nous donner le modèle de chacune d’entre elles. Le salon était déjà présent dans la première partie, comme en transition, avec celui de Mme de Villeparisis. L’intelligence que le narrateur s’attendait à trouver n’est pas là, ou si peu, cristallisée autour d’une seule personne qui, pourtant, se montre légère à certains moments. L’image que le lecteur a des aristocrates est plutôt médiocre : représentés par la duchesse de Guermantes, par son mari, par M. de Charlus, ils montrent une désinvolture, une arrogance et une malveillance envers les autres qui frisent l’indécence. Un noble va mourir ? Le dîner de ce soir est plus important, même si ce noble est mon cousin. La princesse est dite intelligente ? Oh non, détrompez-vous, ce n’est qu’une apparence, elle est bête comme personne. Quelle hypocrisie constante ! Et quelle affectation d’ennui ! Et cette façon de juger tout et tout le monde ! J’ai été un peu agacée, sans doute la raison pour laquelle j’ai moins aimé cette partie. Celle-ci commence pourtant dans l’émotion, avec la maladie et la mort de la grand-mère du narrateur. Cela aussi fait office de transition : le protagoniste entre ensuite dans la vie mondaine des salons. Ainsi, Le Côté de Guermantes montre bien les distinctions sociales entre aristocrates et bourgeois (sans parler des domestiques), une distance et un mépris parfois de la part des premiers, ou une affectation de bienveillance qui ne fait que prouver leur supériorité. Est, enfin, évoquée dans le livre l’affaire Dreyfus, ce qui divise encore la société en dreyfusards et antidreyfusards, et ce qui donne lieu à des conversations sur les Juifs, sur l’armée, et le gouvernement. J’ai aimé retrouver le contexte de l’époque, ainsi que la division que l’Affaire opérait même dans les familles (Saint-Loup et sa mère par exemple). Aussi, à cause de (ou grâce à) la couverture, je me suis représentée, au début du moins, la duchesse de Guermantes avec le visage de la femme sur le portrait. J’adore la façon dont le peintre a peint la robe !

Concernant les personnages, ici, le narrateur est plutôt effacé, spectateur de ce qui se passe autour de lui plutôt qu’acteur. En effet, voulant être mis en relation avec la duchesse de Guermantes, il demande à quelqu’un d’intercéder en sa faveur, car ses maigres tentatives n’ont rien donné. Effacé aussi dans les conversations de salon, où les autres invités lui posent des questions, mais où la réponse est rarement retranscrite, ou dans un discours rapporté du style : « j’ai alors dit que ». On sent les réflexions faites par le narrateur au moment où il écrit, plus que par l’adolescent qui vit les choses au moment où le lecteur les lit. Ainsi, le narrateur / personnage est-il double, et est-ce plutôt le personnage qui est effacé ; le narrateur, lui, commente les attitudes, les événements, les paroles, lance parfois de légères piques, montre le ridicule ou la bêtise d’un personnage, d’une situation ou d’une réplique. Après le narrateur, le second personnage principal est la duchesse de Guermantes (qui s’appelle Oriane !) Dans la première partie, mystérieuse et inaccessible, hautaine et froide, déesse parmi ses sujets, elle devient tout le contraire dans la seconde. Ce revirement de situation est expliqué par les sentiments du narrateur à son égard (mais je ne vais pas tout dire quand même !) Il n’est pas possible de remettre en doute l’intelligence de la duchesse, ni son esprit ; mais ses critiques constantes sur les autres ont fini par m’agacer, et plus j’ai fait la connaissance du personnage, moins je l’ai apprécié. Sa bonté est équilibrée par une espèce de malveillance envers aristocrates et domestiques confondus. Ce que j’ai aimé jusqu’au bout chez elle, c’est son sens de la repartie, son originalité face à une situation (l’enveloppe de Mme la comtesse Molé) ou à une parole, ainsi qu’une culture que les autres aristocrates ne semblent pas avoir. J’ai aussi eu un peu mal au cœur pour elle en voyant son mari, le duc de Guermantes. Je n’ai pas pu aimer ce personnage, du début à la fin. Coureur de jupons, hypocrite, manipulateur, certain de sa richesse et de sa renommée, incapable de ne pas se vanter de ses origines, de sa naissance, de ce qu’il a, un homme qui trouve plus important un dîner que la mort d’un ami ou d’un parent, mais qui ne saurait être accompagnée d’une femme dont l’apparence n’est pas parfaite pour lui ! Certaines phrases m’ont fait grincer des dents, tout comme celles de M. de Charlus, dans la dernière scène où il apparaît (j’aurais réagi comme le narrateur, ou pire !) Les parents du narrateur sont plus effacés ici, excepté la mère à la fin de la première partie : elle semble si douce et courageuse, la dévotion même ; elle est touchante, tout comme la grand-mère. Malade, affaiblie, elle tente de conserver les apparences, jusqu’à ce que ce ne soit plus possible. Elle m’a fait mal au cœur, sa douleur est si forte, même si elle tente d’en préserver sa famille. D’autres personnages apparaissent, comme Saint-Loup, que j’apprécie pour son amitié protectrice envers le narrateur (qui a un sens de l’amitié assez particulier quant à lui !), pour son opposition à sa famille, pour ses manières différentes de celles des aristocrates guindés qui montrent leur dédain dès la première poignée de main ; Françoise, qui m’a agacé autant qu’elle agace le narrateur, qui m’a paru très contradictoire ; Swann, qui fait une brève apparition, et qui m’a semblé très chaleureux, agréable, tout à fait différent des autres personnages, une petite bouffée d’air frais ; Albertine, qui apparaît changée au narrateur, différente, mais plus désirable.

La fin est assez abrupte. Elle présage de nouveaux événements, une invitation, des disparitions. Un dernier agacement concernant l’attitude du duc !

 

Donc, un excellent tome, que j’ai aimé pour sa poésie, ses réflexions, pour la présentation du contexte social et politique, pour la découverte des salons, pour la mythologie du narrateur, pour la différence effrayante entre son imagination et la réalité de l’aristocratie, mais surtout pour l’écriture de Proust !

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