Lutetia de Pierre Assouline
Editeur : Gallimard
Année de sortie : 2005
Nombre de pages : 434
Synopsis : Tapi dans les recoins les plus secrets de Lutetia, un homme voit l’Europe s’enfoncer dans la guerre mondiale. Edouard Kiefer, Alsacien, ancien flic des RG. Détective chargé de la sécurité de l’hôtel et de ses clients. Discret et intouchable, nul ne sait ce qu’il pense. Dans un Paris vaincu, occupé, humilié, aux heures les plus sombres de la collaboration, cet homme, pourtant, est hanté par une question : jusqu’où peut-on aller sans trahir sa conscience ? De 1938 à 1945, l’hôtel Lutetia – l’unique palace de la rive gauche – partage le destin de la France. Entre ses murs se succèdent, en effet, exilés, écrivains et artistes, puis officiers nazis et trafiquants du marché noir, pour laisser place enfin à la cohorte des déportés de retour des camps. En accordant précision biographique et souffle romanesque, Pierre Assouline redonne vie à la légende perdue du grand hôtel, avec un art du clair-obscur qui convient mieux que tout autre au mythique Lutetia.
Avis : J’ai entendu parler de ce livre pendant un cours sur la poésie du XXe siècle, plus la même qu’aux siècles précédents à cause de la guerre. Je pensais passer un bon moment avec Lutetia, la vie dans un hôtel parisien sous l’Occupation allemande.
Je ne sais pas tout à fait à quoi je m’attendais, mais je dois dire que j’ai été plutôt déçue. D’abord, le roman est divisé en trois parties : avant, pendant et après l’Occupation. Le fil rouge du texte est le narrateur, Edouard Kiefer, un ancien policier reconverti en détective, et qui habite Lutetia : il y est chargé de la sécurité. Sa vie est bouleversée par la guerre, et la réquisition de l’hôtel par les Allemands. Il décrit ainsi les changements qui s’opèrent dans le bâtiment, dans son atmosphère, dans sa fréquentation. Au début, j’ai trouvé que, bien que ce soit lui qui raconte, le narrateur n’était pas assez impliqué. Puis, que les paragraphes n’avaient parfois rien à voir ensemble, ce qui donnait un récit décousu. Enfin, le style d’écriture m’a agacé, sans que je sache exactement quels traits sont à l’origine de ce sentiment. De plus, des longueurs m’ont gêné, je me suis un peu ennuyée au fil du temps, j’ai même pensé arrêter la lecture. C’est peut-être l’effet huis-clos, l’impression que le temps traîne en longueur. Je voulais tout de même connaître « La vie après », et j’ai eu raison : c’est la partie que j’ai préféré. J’ai tout de même aimé l’atmosphère de l’hôtel, si chaleureuse dans « La vie avant », puis pesante, et enfin à la fois soulagée et horrifiée ; l’immersion du lecteur pourrait être totale, mais le catalogue de personnages que le narrateur nous présente alourdit le texte. De véritables moments d’émotion étaient présents dans la dernière partie du livre, ce qui a rehaussé mon intérêt. Mais globalement, je suis tout de même déçue.
Je n’ai pas réussi à m’attacher tout à fait au narrateur. Edouard Kiefer est assez secret au début du livre, le lecteur le découvre peu à peu, à travers d’autres personnages, et ce qu’il dit de lui-même. Détective, il écrit des fiches sur les clients et le personnel de l’hôtel. Il est un peu le vigile du bâtiment : si quelque chose se passe mal, c’est à lui de régler l’affaire. C’est la raison pour laquelle il est précieux pendant l’Occupation, puisqu’il peut être utilisé par les Allemands, mais aussi par la Résistance. Il est victime de l’hypocrisie du système, ainsi que de sa perversité : si tu ne fais pas ce qu’on te dit, on s’occupera de toi. Beaucoup d’autres personnages sont vus à travers les yeux de Kiefer : N***, femme d’abord mystérieuse, âme sœur très particulière du narrateur, amour inconditionnel mais platonique, « amitié amoureuse » comme il dit. Elle est la femme parfaite : l’élégance incarnée, la sensualité et la légèreté, la tendresse, l’insouciance ; le docteur Stern, avec Kiefer est ami et qui le voit partir avec regret au moment de l’Occupation ; de nombreux clients, parmi eux James Joyce, que j’ai aimé découvrir de cette façon, Thomas Mann et son frère, Heinrich, M. Kaufman, un Anglais excentrique que le narrateur apprécie, M. Arnold, qui réserve une surprise de taille à Kiefer ; le personnel, comme M. Chappaz, le directeur de l’hôtel, conscient que Kiefer est son pilier ; Félix-le-comptable, qui prédit ce qui arrivera au narrateur, comme un journaliste juif, et auquel le personnage repensera alors.
Ce livre a le mérite de montrer ce qui est arrivé au véritable hôtel Lutetia pendant la guerre, de nous faire partager l’atmosphère au fil de la guerre, mais aussi de nous faire voir que ce n’est pas si facile de ne pas trahir sa conscience dans les temps de crise. Aussi, il est clair que les Français qui ne collaboraient pas, mais qui ne faisaient pas partie de la Résistance, n’étaient pas au courant de ce qui arrivait à ceux qui étaient déportés. Ils imaginaient la torture et la mort, mais pas les camps et les chambres à gaz. « La vie d’après » le montre bien : le choc, l’incompréhension, le dégoût de ce que l’homme est capable de faire à l’homme. Cette dernière partie était pour moi la plus intéressante car elle montre l’autre facette du retour, un rapatriement qui ne se passe pas exactement comme les Français auraient pu l’imaginer. A travers le narrateur, on assiste à des scènes de retrouvailles, de déchirement, des scènes incompréhensibles aussi. Et l’on se demande, en effet, s’il est possible de vivre après avoir vécu ce que les déportés ont vécu. Le côté historique de cette dernière partie est intéressant, nous apporte des informations sur pas mal de choses concernant le rapatriement, mais n’est peut-être pas rendu assez naturel dans le reste du livre.
La fin coïncide avec la fin du rapatriement et celle de l’espoir des familles qui n’ont pas retrouvé leurs proches. L’épilogue est concentré sur le narrateur, qui se demande comment il finira sa vie, et sur « l’esprit des lieux » de Lutetia.
Donc, une petite déception, même si j’ai aimé les moments d’émotion et l’atmosphère de l’hôtel.
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