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I found myself in Wonderland.

Mémoires de porc-épic d’Alain Mabanckou

Classé dans : Avis littéraires — 26 avril 2016 @ 10 h 45 min

Mémoires de porc-épic Genre : Contemporaine

Editeur : Seuil

Année de sortie : 2006 

Nombre de pages : 221

Synopsis : L’auteur revisite en profondeur un certain nombre de lieux fondateurs de la littérature et de la culture africaine, avec amour, humour et dérision. Parodiant librement une légende populaire selon laquelle chaque être humain possède son double animal, il nous livre dans ce récit l’histoire d’un étonnant porc-épic, chargé par son alter ego humain, un certain Kibandi, d’accomplir à l’aide de ses redoutables piquants toute une série de meurtres rocambolesques. Malheur aux villageois qui se retrouvent sur la route de Kibandi, car son ami porc-épic est prêt à tout pour satisfaire la folie sanguinaire de son  » maître  » ! En détournant avec brio et malice les codes narratifs de la fable, l’auteur renouvelle les formes traditionnelles du conte africain dans un récit truculent et picaresque où se retrouvent l’art de l’ironie et la verve inventive qui font de lui une des voix majeures de la littérature francophone actuelle.

 

Avis : J’ai emprunté ce livre à la bibliothèque parce que j’ai un cours sur la littérature francophone. Je me suis dit qu’il était temps d’explorer (encore) de nouveaux horizons, et je me suis lancée, intriguée par le synopsis.

D’abord, je dois dire que le style d’écriture est assez étonnant. L’auteur n’emploie pour ponctuation que la virgule, ce qui surprend le lecteur, qui s’attendait à des phrases qui commencent par une majuscule et se terminent par un point. Cela ne m’a pas du tout gênée dans ma lecture. Originalité dans le style donc. Mais aussi dans l’histoire, au vu de mes lacunes considérables dans la culture africaine. En effet, le narrateur est, comme l’indique le titre, un porc-épic, qui raconte sa vie de double nuisible d’un homme, Kibandi, qui va se servir de lui pour tuer qui bon lui semble. Le texte prend donc une allure de confession (le mot est d’ailleurs employé plusieurs fois), d’autant plus qu’elle est adressée à un baobab, qui se retrouve en substitut du lecteur dans le texte : tous deux sont incapables de répondre et obligés d’écouter. Comme je le disais donc, on découvre ici une légende populaire africaine, celle d’un double animal de l’être humain dont ce dernier peut se servir sans que l’on sache que c’est lui qui agit. J’ai beaucoup aimé découvrir cette coutume dans une fable, c’est beaucoup plus ludique, et l’on apprend mieux, parfois sans s’en rendre compte. Petit plus : des références littéraires comme Poe et Quiroga, avec la fameuse nouvelle avec l’oreiller de plumes qui m’avait fait frissonner en cours d’espagnol quand la professeur nous l’avait raconté !

Le narrateur est donc un porc-épic, dont on finit par connaître le nom, qui n’est pas vraiment un nom au vu de ce qu’il veut dire. Celui-ci s’exprime comme un humain, en raison du fait qu’il était double nuisible de l’un d’entre eux. Cela l’a, selon lui, fait évoluer différemment, le transformant en un être solitaire par rapport à ses congénères, plus puissant, plus intelligent, doué de parole. Il se confesse parce qu’il se sent coupable, et veut, par la parole, déchargé cette culpabilité qui le hante. C’est ainsi qu’il va nous raconter son histoire, et il la commence par la fin : la mort de son maître, et sa survie incompréhensible, puisqu’il pensait mourir avec lui. Il parle ensuite de sa vie avant d’être un double, puis de la transmission du père au fils, de son rapprochement avec Kibandi, de leur vie ensemble, de ce qu’ils ont accompli, de ce qu’il ressentait et de ce qu’il ressent maintenant par rapport à ses actes. Il parle à un baobab à qui il attribue des sentiments, des pensées, et un jugement, ce qui le rapproche d’autant plus du lecteur. Kibandi, le maître, est un petit garçon normal jusqu’à la transmission opérée par son père. Il est incapable alors de se séparer de son double, sa vie en dépend. Et on dirait que le mal grandit en lui à partir du moment où il a, non pas un, mais deux doubles, puisqu’un autre lui-même se dégage de lui au moment de la transmission. On dirait qu’il représente sa part mauvaise, et celle-ci a besoin d’être nourrie. C’est ce qu’il va s’efforcer de faire par le moyen de son double nuisible, le porc-épic, incapable de résister, et qui partage les sentiments de son maître au moment des meurtres. Papa Kibandi est à l’origine de la transmission, et il est facile de deviner que le même destin attend son fils. Mama Kibandi, elle, n’a rien à voir là-dedans, puisqu’elle n’a pas de double et n’est pas au courant des affaires des hommes de la famille. Elle est pourtant la première à en souffrir. Le lecteur et Kibandi rencontrent d’autres personnages au fil du livre, certains voués à la mort, d’autres qui la causent. Les victimes sont souvent innocentes, et n’ont commis aucune faute grave envers Kibandi : il semble les tuer parce qu’il le peut, pour se venger de la plus petite erreur.

A travers cette histoire, il est possible de voir l’importance de la transmission par le père, celle de la tradition, le poids des légendes dans la culture africaine. J’ai également eu l’impression que cette histoire de doubles était une espèce de métaphore pour parler d’une sorte de mauvaise partie de l’homme, comme un Mr. Hyde caché à l’intérieur de Dr. Jekyll. Celle-ci doit être nourrie par le mal, et donc, ici, par le crime, sans quoi elle se fatigue. La justice ne semble pas avoir grand-chose à voir avec les actes de Kibandi : en effet, il est déjà condamné par ce que son père a fait avant lui, et continue un peu son « œuvre » (à défaut de trouver un mot adéquat) après sa mort.

La fin est plutôt heureuse. Le porc-épic veut reprendre sa vie là où il l’a laissé, il est certain que, même âgé, il a encore de longues années à vivre. Le livre ne dit pas ce qu’il en est par la suite. Autre chose : une lettre étrange se trouve en postface, et évoque un autre livre d’Alain Mabanckou, Verre cassé, faisant du héros de l’histoire l’auteur de Mémoires de porc-épic. C’est assez intéressant de faire correspondre de cette façon des œuvres.

 

Donc, un bon livre, intéressant, qui nous permet d’apprendre un peu la culture africaine, qui peut nous faire réfléchir à partir du double nuisible sur le mal qui se trouve en tout homme et qui se développe s’il est alimenté, et qui nous présente un style d’écriture plutôt original.

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