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I found myself in Wonderland.

La chute d’Albert Camus

Classé dans : Avis littéraires — 21 avril 2016 @ 20 h 37 min

Genre : Classique La chute

Editeur : Folio

Année de sortie : 2009

Nombre de pages : 153

Synopsis : « Sur le pont, je passai derrière une forme penchée sur le parapet, et qui semblait regarder le fleuve. De plus près, je distinguai une mince jeune femme, habillée de noir. Entre les cheveux sombres et le col du manteau, on voyait seulement une nuque, fraîche et mouillée, à laquelle je fus sensible. Mais je poursuivis ma route, après une hésitation … J’avais déjà parcouru une cinquantaine mètres à peu près, lorsque j’entendis le bruit, qui, malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d’un corps qui s’abat sur l’eau. Je m’arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt, j’entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s’éteignit brusquement. »

 

Avis : J’ai lu ce livre pour la première fois il y a six ans ; autant dire que j’avais vraiment besoin d’une piqure de rappel !

En effet, cette relecture a été la bienvenue ; j’avais oublié beaucoup de choses entre temps, et surtout, je l’ai lu bien plus jeune, donc je n’avais peut-être pas tout compris du premier coup. Je suis d’abord charmée par la façon d’écrire : c’est un dialogue à une seule voix, celle du narrateur, même si l’on devine un interlocuteur, qui n’est en fait, qu’un support à la parole du « héros ». Cela implique vraiment le lecteur, puisque cela lui donne l’impression qu’on lui parle directement, et cette manière de l’impliquer le fait d’autant plus réfléchir à ce que dit le narrateur. En effet, à première vue, il raconte simplement sa vie à rebours à un homme qu’il a rencontré dans un bar ; mais au fur et à mesure, on se rend compte qu’il fait bien plus que parler de lui. Il décortique peu à peu ce qu’il comprend de la nature humaine, l’expose aux yeux de son interlocuteur et du lecteur pour lui faire prendre conscience de ce que lui a fini par découvrir en s’examinant. Il plaque le modèle de sa vie sur toutes les autres ; on peut ne pas être d’accord, mais on peut aussi se rendre compte que beaucoup de choses sont vraies. En effet, le narrateur aborde des questions existentielles, telles que celles de la vérité et du mensonge, de l’innocence et de la justice, du sérieux qui finit par devenir ridicule, du jugement constant que l’on peut sentir autour de nous : on ne peut pas vivre sans le regard de l’autre, qui nous force à agir parfois en contradiction avec ce que l’on veut vraiment. Cet examen minutieux est le fruit d’un bouleversement dans la vie du narrateur, qui se rend compte de son hypocrisie, et de celle de tous les autres autour de lui. Il se rend compte que sa vie n’est qu’une façade, son visage, un masque, et tente d’expliquer à son interlocuteur comment il vivait, ce qui est arrivé, et comment tout a peu à peu changé. Il évoque notamment le concept de liberté, réduisant quasi à néant la belle image que l’on peut en avoir. L’écriture est agréable à lire, certaines phrases sonnent comme des maximes, et le personnage se laisse parfois emporter jusqu’à divaguer, ce qui peut perdre certains lecteurs ; il saute parfois d’idée en idée.

On peut voir le narrateur de plusieurs façons : un homme qui s’est rendu compte que sa vie ne rimait à rien, et qui a décidé de montrer que toutes les vies sont les mêmes, que tous nous vivons dans le mensonge, et, si pas, que nous sommes tous malheureux. Ou, on peut le voir comme un homme qui se débat avec sa vie, trop dure à supporter une fois qu’il s’est rendu compte de l’ampleur de sa vanité, et qui tente de trouver une rédemption dans le fait que tous les hommes sont comme lui : c’est sa consolation ultime, et il tente d’en convaincre son interlocuteur et le lecteur à travers lui. Enfin, certains peuvent le voir comme quelqu’un qui a découvert la nature humaine profonde, qui a décelé ce que nous nous cachons nous-mêmes, un homme qui sait. Chacun sa façon de le comprendre, et d’appréhender le livre !

Je trouve, encore une fois, que le synopsis en dit un peu trop : c’est un passage clé de l’œuvre, le moment de rupture, une sorte de point de non-retour dans la vie du narrateur. Il aurait peut-être été mieux de laisser le lecteur le découvrir autrement. Il donne tout son sens au titre, et, quelque part, cette chute peut aussi représenter celle du narrateur, dont la vie ne sera plus jamais la même ensuite.

Le dernier « chapitre » laisse imaginer plusieurs fins. Revient à ce moment-là l’évocation de la chute, qui semble représenter un tournant de la vie du narrateur, mais aussi une métaphore de celui qui survient dans chaque vie humaine.

 

Donc, un très bon livre, mon préféré de Camus pour l’instant, qui fait réfléchir le lecteur, le place face à des questions qu’il peut refuser de se poser, et lui fait découvrir une autre façon de voir l’homme.

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