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I found myself in Wonderland.

Les contes de crimes de Pierre Dubois

Classé dans : Avis littéraires,Coup de cœur — 10 avril 2016 @ 16 h 12 min

Les contes de crimesGenre : Conte, Policier, Thriller

Editeur : Folio

Année de sortie : 2009

Nombre de pages : 295

Synopsis : Il était une fois, au temps où les princes n’épousaient plus des bergères mais se pacsaient aux bergers, des contes de fées noirs à souhait. Cendrillon est victime des pulsions sexuelles d’un prince héritier, la Belle au bois dormant, l’otage pathétique d’un époux déséquilibré. Derrière Peter Pan se cache un dangereux innocent, derrière le Petit Chaperon rouge une machiavélique enfant. Pour résoudre une série de meurtres, Blanche-Neige fait appel à un détective spécialiste des nains de jardin … Pierre Dubois se livre à une réécriture diabolique des contes ayant bercé notre enfance. Issus du mariage improbable de personnages de Grimm avec le roman policier, ces Contes de crimes font autant rire que frissonner …

 

Avis : J’avais envie de lire quelque chose d’original, et ce livre me faisait de l’œil depuis un petit moment. J’aime les réécritures de contes !!

Et cette fois, on peut dire que c’est réussi ! On reconnaît les contes, il n’y a aucun doute ; mais les personnages que l’on a aimés, les histoires que nos parents nous lisaient enfants sont complètement remises à neuf, transformées en thriller. Cela donne une sorte de version adulte des contes : ils deviennent sanglants, meurtriers. Cela peut être déstabilisant, mais c’est surtout surprenant, original. On se laisse prendre au jeu, on adhère aux choix de l’auteur, on le suit, et on se retrouve emporté dans un univers à la fois féérique et violent, fait de poudre de fée et de sang, de baguette magique et de couteau. On s’émerveille, et l’on frissonne, on frémit, mais on sourit. On ne sait pas trop à quelle époque on se trouve, ce qui situe les « contes » hors du temps ; ils sont pourtant situés spatialement, ce qui permet de mêler les deux genres représentés. Ils sont en symbiose parfaite, leur entrelacement s’explique de lui-même. Beaucoup de références sont faites aux véritables histoires, les noms de Grimm et Perrault sont mentionnés, et chaque « nouvelle » est introduite par une citation tirée du conte. Quant à l’écriture, elle peut être surprenante sur le coup : le langage est soutenu, certains mots utilisés sont des néologismes, cela peut paraître pesant ; mais cela ne fait que contribuer à rendre le livre plus féérique. On se laisse d’autant plus emporter que les mots deviennent magie, évoquent plus qu’ils ne disent ; les phrases sont ensorcelées comme les histoires.

Le livre comporte dix contes, dont quatre que je ne connaissais pas du tout, ou que de nom. Je ne veux pas vous gâcher la surprise de la découverte, mais je peux vous dire que l’auteur est un génie du suspens et de la surprise ! A chaque fin, le lecteur ouvre de grands yeux, il n’en revient pas d’un tel retournement de situation ! Il faut dire que la plupart des personnages sont intelligents et préparent leur coup à l’avance. J’ai été fasciné par leur ingéniosité : ils cherchent vraiment la meilleure façon de tuer, ou de survivre. D’autres personnages sont dans l’incompréhension totale, ou restent innocents alors même qu’ils sont criminels, en le voulant, ou contre leur gré. On commence avec « La Belle au bois dormant » : le synopsis dit qu’elle est « l’otage pathétique d’un époux déséquilibré ». C’est vrai, et la façon dont elle le devient est originale. On souffre pour elle, et l’espoir qu’elle s’en sorte est quasi nul. La fin est magistrale, et commencer par celle-ci présage que les autres seront aussi bonnes et aussi surprenantes ! Vient ensuite « Riquet à la houppe », que je ne connais que de nom. Cette histoire m’a déchiré le cœur ; elle est désespérante parce qu’elle nous laisse espérer tout en nous faisant comprendre au fur et à mesure que c’est peine perdue, tellement émouvante que j’ai refermé le livre avant de poursuivre, de peur de ne tomber que sur des fins de ce genre ! Je crois que c’est ma préférée, celle qui m’a le plus remuée. « Cendrillon » est moins horrible dans son genre. La jeune fille est ici aussi la cible de sa marâtre et de ses belles-sœurs, en plus difficile à supporter que dans le conte d’origine. Une certaine magie se distille, elle nous est rappelée à plusieurs reprises. Le dénouement est énervant, mais représente sans doute bien une facette du monde qui n’apparaît jamais dans les contes de fées. Je ne connaissais pas du tout « Le conte de l’amandier ». L’histoire n’est pas surprenante en elle-même : un couple s’éloigne, et l’un des deux ne supporte plus ce fossé. Le crime est horrible, et le dernier rebondissement fait froid dans le dos ! Pour « Rapunzel », j’ai trouvé l’enquête assez compliquée à mener, et je me demandais où se trouvait l’héroïne tout au long de la nouvelle, qui est, je pense, la plus longue du recueil. Je suis vraiment complètement entrée dans l’histoire. Apparaît ici C. Marmaduke Perthwee, un détective spécialisé dans les contes de fées – et non dans les nains de jardin !! – qui refera surface plus tard. J’ai beaucoup apprécié ce personnage, pour qui il est facile de se prendre d’affection. Il représente un peu la part enfantine du lecteur, il permet de la réveiller, de nous faire penser autrement. Je me suis également beaucoup attachée au personnage principal féminin, si pure et douce, qui m’a un peu fait penser à une reine des neiges sans pouvoirs. Le retournement de situation est total, je suis tombée des nues ! Encore une fois, je ne connaissais pas « Barbe de Grive », que, dans mon esprit, j’ai rapproché de « Barbe Bleue » quand j’ai compris le contenu du conte. Ici, résignation face à un égoïsme qui semble sans bornes, détresse face à une réaction excessive, dégoût face au crime. On ne peut pas se dire qu’elle l’a mérité. Quel bonheur de voir une nouvelle intitulée « Peter Pan », et quelle appréhension de voir ce que l’auteur en avait fait ! Sans doute la seconde que je préfère derrière « Riquet à la houppe ». Le synopsis parle d’un « dangereux innocent », et c’est bien le cas. Malgré l’horreur du crime, j’ai été émue par sa raison, par la tentative désespérée de comprendre pourquoi les filles partent toutes. On retrouve Perthwee, qui résout l’affaire avec brio. La fin est bouleversante : est-ce qu’ils ont cru assez fort ? Pour la dernière fois, je ne connaissais pas « Petite table couvre-toi », et pourtant, sa réécriture m’a paru hallucinante ! Encore une histoire d’amour qui tourne mal, et encore une fois, je ne peux pas me dire qu’elle l’a mérité. C’était encore plus affreux que pour « Barbe de Grive », parce que prémédité, réfléchi, élaboré de façon tellement ingénieuse que rien n’est laissé au hasard ! Pour « Le Petit Chaperon rouge », j’ai été surprise par l’aspect de la petite. Douce, pure, mais pas si innocente qu’on pourrait le penser ; en tout cas, c’est l’avis du personnage masculin qui se transforme peu à peu en loup. La fin est formidable, et un peu spoilé par le synopsis – pourquoi en disent-ils toujours trop ? Enfin, « Blanche-Neige » est une enquête palpitante que l’on mène aux côtés de Perthwee, qui se trouve dans un lieu qui lui permet d’être véritablement lui-même ; en effet, ses collègues se moquent de sa spécialité et de sa capacité à résoudre des affaires à l’aide des contes de fées. Encore des meurtres, encore des hypothèses policières qui échouent, jusqu’à ce que le détective découvre tout. La fin de l’enquête est un peu décevante, mais pas celle du conte, dans lequel, soit dit en passant, on rencontre Tiger Lily !

 

C’est donc un superbe recueil, entre crime et féerie, qui nous emporte dans un pays des contes remanié, effrayant, mais toujours aussi magique.

2 commentaires »

  1. LaLibrosphère dit :

    Ah j’adore! Je l’ajoute à ma wish list de suite !

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