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I found myself in Wonderland.

Une forme de vie d’Amélie Nothomb

Classé dans : Avis littéraires — 2 mars 2016 @ 19 h 49 min

Une forme de vieGenre : Contemporaine, Autobiographie

Editeur : Le Livre de Poche

Année de sortie : 2013

Nombre de pages : 123

Synopsis : Ce matin-là, je reçus une lettre d’un genre nouveau. A. N.

 

Avis : Une couverture assez sinistre, un titre qui sous-entend une vie pas comme les autres, et un synopsis qui laisse entendre que la correspondance tiendra une place privilégiée. J’étais très intriguée par une espèce de roman épistolaire.

L’idée est originale du début à la fin : le narrateur reçoit une lettre très spéciale qui lui fera peu à peu découvrir la vie d’un homme tout sauf ordinaire. A travers lui sont abordés les thèmes de l’obésité et de la guerre des Etats-Unis en Irak. En effet, le correspondant du narrateur est obèse, et entretient une relation très particulière à son embonpoint ; il le hait comme il l’aime, et tente de trouver un sens à sa maladie, sens qu’il trouve dans le fait qu’il est au front, en Irak, et qu’il ne supporte plus la guerre. La nourriture est ici vue comme une drogue au même titre que la cocaïne ou l’héroïne, et elle est même dite pire, car il est impossible de s’en sevrer tout à fait. Le danger encouru par la personne atteinte est mentionné, ainsi que l’impossibilité de se mouvoir ou de vivre correctement. Par cette maladie, l’être pousse un cri et demande de l’aide, alors que, souvent, les autres le rejettent et y voient simplement un excès voulu. Quant à la guerre, le correspondant dit maintes fois qu’elle est inutile et injuste, qu’il ne comprend pas ce qu’il y fait : une belle critique de la part d’un Américain même, à travers les mots d’une auteure belge. L’écriture, quant à elle, est toujours aussi bonne, même si le sujet ne prêtait pas forcément à poésie. L’humour est toujours présent, même par petites touches.

Un autre thème important ici est celui de la correspondance. A travers son roman, Amélie Nothomb évoque sa pratique de l’écriture, l’importance qu’elle accorde au courrier, comment elle y répond. J’ai eu l’impression parfois de lire des indications de ce qu’il ne faut pas lui écrire si l’on veut lui envoyer une lettre, et je me suis dit que si ce n’était pas déjà fait, j’aurais eu peur de lui envoyer ! En effet, l’auteure ne supporte pas certaines lettres à sens cachés, certaines demandes ou façons de parler, et cela est tout à fait légitime : elle mentionne tout de même une professeur de français qui lui demande de corriger ses copies ! On sent également que chaque lettre est importante pour elle, notamment avec la mention de ce qu’elle fait de celles dans lesquelles les correspondants demandent à ne pas être traités comme tout le monde : je ne m’attendais pas à sa réaction, qui m’a fait rire et reconnaître qu’elle a raison. Aussi, l’auteure évoque la pratique de l’écriture, le doute qui lui est inhérent, la difficulté parfois de créer, le besoin de le faire pourtant. Elle mentionne le fantasme des lecteurs sur les écrivains, ce qu’ils pensent qu’ils sont, et ce que les auteurs sont vraiment.

Concernant les personnages, le narrateur porte le nom de l’auteure, ce qui pousse le lecteur à imaginer la véritable Amélie Nothomb embarquée dans cette aventure. Elle est égale à elle-même : gentille, elle s’efforce d’aider son correspondant quand elle sent sa détresse, et ne s’imagine pas une seconde le laisser tomber. A travers l’histoire du roman, elle semble aussi rassurer ses véritables correspondants ou les mettre en garde. On sent qu’elle s’implique vraiment dans sa correspondance, qu’elle tente de trouver des solutions si un problème se présente, qu’elle se soucie des gens qui lui écrivent, que ce ne sont pas juste des mots sur du papier, mais que des êtres se trouvent au bout. Bien sûr, elle attend la même chose de la part de ceux qui lui écrivent. La façon dont elle réagit avec son correspondant montre qu’elle ne réagit pas comme la plupart des gens, ce qui en fait quelqu’un de spécial. Quant à Melvin Mapple, le lecteur peut facilement s’attacher à lui et le plaindre. Le fait d’imaginer ce qu’il vit est difficile et fait mal au cœur. Sa démarche est originale : exorciser ce qu’il ressent par l’écriture à quelqu’un. Ce qu’il fait par la suite m’a choqué, je ne m’attendais pas à ce revirement de situation !! Le lecteur peut se sentir trahi, et en même temps, le comprend : c’était un besoin chez lui de vivre autrement, par l’écriture, dans la pensée d’un autre. Il n’y a pas vraiment d’autres personnages, excepté ceux mentionnés par le narrateur et Melvin Mapple.

La fin est très surprenante ! Il est peu probable de s’y attendre. Le narrateur se retrouve coincée dans une situation inextricable, et le lecteur se demande vraiment ce qu’elle peut faire pour s’en sortir ! C’est surréaliste, et délicieusement fou !

 

En définitive, un bon roman, intéressant à lire pour la façon de voir l’écriture et la correspondance, intéressant aussi pour les surprises successives dont l’auteure nous régale.

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