Redbluemoon

I found myself in Wonderland.

Archive pour mars, 2016

Princess Diaries, book 11 : Royal Wedding de Meg Cabot

Posté : 31 mars, 2016 @ 4:27 dans Avis littéraires | 2 commentaires »

Royal Wedding Genre : Romance

Editeur : William Morrow

Année de sortie : 2015

Nombre de pages : 435

Synopsis : For Princess Mia, the past five years since college graduation have been a whirlwind of activity: living in New York City, running her new teen community center, being madly in love, and attending royal engagements. And speaking of Michael, managed to clear both their schedules just long enough for an exotic (and very private) Caribbean island interlude where he popped the question! Of course, Mia didn’t need to consult her diary to know that her answer was a royal oui. But now Mia has a scandal of majestic proportions to contend with: her grandmother had leaked « fake » wedding plans to the press that could cause even normally calm Michael to become a runaway groom. Worse, a scheming politico is trying to force Mia’s father from the throne, all because of a royal secret that could leave Genovia without a monarch. Can Mia prove to everyone – especially herself – that she’s not only ready to wed, but ready to rule as well?

 

Avis : Je ne savais pas qu’un onzième tome de Journal d’une princesse sortait ; c’était vraiment la série de mon adolescence, je me souviens avoir beaucoup ri en lisant les aventures de Mia. J’ai donc sauté sur l’occasion de la retrouver (en VO cette fois !) !

Déjà, j’aime beaucoup la couleur de la couverture : elle aurait très bien pu être rose, ce qui aurait déjà fait caricature du mariage rose bonbon de la princesse parfaite. Puis, j’ai retrouvé tout ce que j’avais aimé dans la série : de l’humour, des supports textuels différents qui impliquent le lecteur, un journal dans lequel Mia s’adresse à lui, comme à un psychologue, des situations incroyables et un peu exagérées (mais l’idée de départ l’est déjà, donc peu importe !), des personnages que l’on retrouve avec plaisir – certains plus que d’autres ! Bien sûr, ce qui arrive est prévisible – le titre le dit déjà – mais, ça fait parfois du bien de lire  un roman qui ne fasse que nous détendre et nous faire rire. Evidemment, l’histoire va tourner autour d’un mariage, mais je trouve que le synopsis en dit déjà trop – heureusement que j’ai la sale manie de ne pas les lire !! – et il est même un peu mensonger au regard de ce qui se passe vraiment dans les « intrigues parallèles ». Sinon, l’écriture de l’auteure est agréable à lire, plutôt fluide.

Mia, l’héroïne, m’a semblé égale à elle-même. Elle a grandi depuis le temps, et mûrie bien sûr, mais elle a toujours tendance à voir le mauvais côté des choses, et à exagérer la situation. Ce qui arrive dans le roman n’est pas commun, c’est vrai, mais elle peut parfois paraître agaçante à certains lecteurs - même si elle m’a surtout fait rire ! Elle tente souvent de se raisonner, mais c’est plus fort qu’elle : elle stresse, elle a peur, elle n’a pas confiance en elle. Il est facile de s’identifier à elle si le stress nous est familier, et si on fait des montagnes de nos problèmes. Evidemment, elle va trouver les solutions au fur et à mesure, mûrir encore, se découvrir une confiance en elle insoupçonnée. L’élu de son cœur est toujours Michael, un personnage que l’on côtoie depuis le début de la série, et qui est, évidemment, fait pour être avec l’héroïne, malgré les difficultés qu’ils rencontrent. C’est l’homme parfait, gentleman, un peu sombre, mais toujours attentionné, qui est prêt à tous les sacrifices pour sa dulcinée : un vrai prince charmant ! Lilly est également toujours présente dans le livre : toujours aussi intelligente, un peu folle, prête à tout elle aussi pour aider et obtenir ce qu’elle et ses amis veulent. C’est un peu le stéréotype de l’amie franche et honnête qui dit ce qu’elle pense vraiment, que ça blesse ou non, qui ne va rien cacher à son amie, même si on le lui a demandé, et qui a tendance à ne pas la croire quand elle lui annonce des nouvelles énormes. Tina, elle, est plutôt l’amie romantique qui vit sur un nuage, qui voit la vie en rose, qui aime les « trucs de filles ». Lilly et Tina sont un peu le démon et l’ange sur l’épaule de Mia : de vraies amies sur qui elle peut compter, mais qui ont souvent des avis divergents ! La mère de Mia est toujours aussi féministe et attachante, son père toujours aussi effacé et triste – même si sa situation évolue par la suite -, et sa grand-mère, toujours aussi mêle-tout et tout sauf affectueuse. On croise également Fat Louie, le chat de Mia, Rocky, son demi-frère, Lars, son garde du corps, Lana, la peste du lycée, J.-P. Reynolds Abernathy IV, son ex. Il y a peu de nouveaux personnages, mais ils sont de taille !

Ce que j’avais aimé dans cette série quand je l’avais lue, c’est qu’elle montre aux lecteurs que ce n’est pas parce qu’on est une princesse qu’on est forcément heureux. Le bonheur n’est pas une question d’argent, c’est une question de comment on voit la vie, comment on aborde chaque jour, comment on pense, de façon positive ou négative. C’est un peu ce que rappelle la métaphore des « diamond shoes » de Paolo : Mia n’a pas de raison de se plaindre, beaucoup aimeraient être à sa place, et pourtant, elle se plaint, elle a des problèmes, et elle ne profite pas de ce qu’elle a. Un peu comme nous !

La fin est prévisible, romantique évidemment. En refermant le livre, je me suis rendue compte qu’il m’avait vraiment fait du bien !

 

Donc, un très bon dernier tome, d’autant plus que je ne connaissais pas du tout son existence. Une incursion dans mon adolescence et un moment de détente qui fait du bien !

La terre et le sang de Mouloud Feraoun

Posté : 21 mars, 2016 @ 9:23 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

La terre et le sangGenre : Contemporain

Editeur : Seuil

Année de sortie :1953 

Nombre de pages : 254

Synopsis : Ce couple qui a quitté la France et qui entre dans ce misérable village de Kabylie, quel passé étrange laisse-t-il derrière lui ? La voix de la Terre natale a fini par atteindre Amer qui revient parmi les siens. Sa femme l’accompagne et c’est une jeune parisienne que la vie a meurtrie. L’espoir d’une existence neuve emplit ces deux cœurs, mais Marie ne se doute pas que ces montagnes qui lui ferment l’horizon ne s’ouvriront jamais plus pour elle. A Ighil-Nezman, un village comme il y en a tant sur les crêtes du Haut-Pays kabyle, Marie mènera une vie paisible de recluse enviée. Mais Amer s’éprendra follement d’une autre femme et la tragédie se nouera, violente, sauvage, dans le décor de ces montagnes peuplées d’hommes rudes et fiers, au cœur de ce monde berbère qu’ignore l’Europe, et dont Mouloud Feraoun nous révèle aujourd’hui la vie la plus secrète.

 

Avis : Un auteur dont j’ai entendu parler en cours, et que je voulais découvrir.

J’ai eu un peu de mal au début, d’abord à cause de la typographie un peu serrée, et un peu petite, ce que je n’aime pas trop, ensuite, à cause du synopsis : je me dis : « Super, une histoire d’adultère où la femme va se retrouver de côté, méprisée, mal aimée … ». J’avais donc un petit préjugé sur le roman. Aussi, c’est un univers que je ne connais pas du tout, et qui m’a semblé à la fois étranger et hostile : celui qui ne vient pas du village n’est pas accepté, et, étant Française, je me suis identifiée à Marie, et j’ai eu du mal à me projeter dans cette vie, où la place des femmes est très différente. En effet, les privilégiées vivent en recluses, quand les autres femmes sortent. Les hommes ont tout pouvoir si leur femme ne sait pas les manipuler ; la question de la stérilité, un thème important du roman, pose la question du mariage, que j’ai eu du mal à saisir : les femmes font en sorte que leur mari se remarie, ou couche avec quelqu’un qu’elles ont choisi. Pourtant, au fur et à mesure de mon avancée, j’ai commencé à apprécier la découverte des traditions d’Ighil-Nezman, et je me suis peu à peu détachée de mes premières impressions : j’ai réussi à me laisser happer par l’histoire qui se profilait, et que j’avais de plus en plus envie de connaître. Les familles sont très importantes et régissent la vie du village ; il existe une hiérarchie entre elles, elles sont reliées par alliance, mais le lecteur peut tout de même sentir l’hostilité flotter entre elles. Le terme de karouba est aussi employé pour parler, il me semble, d’un regroupement de familles. Concernant l’écriture, elle est agréable à lire, et ne participe pas du tout de l’impression d’hostilité que j’ai pu avoir au début, bien au contraire. Pour le synopsis, je trouve qu’il en dit beaucoup trop sur l’histoire, il m’a sans doute gâché le plaisir que j’aurais pu prendre à cette lecture sans l’avoir lu.

Amer, personnage principal du roman, revient dans son village avec sa femme française. A première vue, on peut avoir une sale vision de lui à la lecture du résumé, mais, en le découvrant, il est facile de s’attacher à lui, et de le comprendre. Sa vie en France le fait passer pour un ingrat, et il tente de se racheter une fois revenu à Ighil-Nezman, où il se comporte comme s’il n’était jamais parti. L’amour qu’il voue à sa femme semble sincère, et il veut que son village lui pardonne sa longue absence. Il prend peu à peu de l’importance du point de vue « politique », et tente de faire évoluer certaines choses en rapportant des idées de France, ce qui n’aboutit pas vraiment. Ses réflexions sur l’amour peuvent laisser perplexe : il est partagé en sa femme, et la vie qu’il aurait dû mener s’il n’était pas parti en France. Marie, elle, ne peut comprendre ses réflexions, que son mari ne partage pas avec elle, et qui ne l’effleurent même pas. Elle est toute à sa nouvelle vie, heureuse comme elle ne le fut jamais en France, débarrassée de ses problèmes et considérée comme une privilégiée. Elle tente de s’adapter au village, apprend la langue kabyle, comprend vite les règles, et les applique sans problème. Elle semble douce, elle accepte beaucoup de choses, ce qui peut surprendre. Le lecteur peut avoir envie de lui faire ouvrir les yeux. Un bref éclat, et elle retombe dans la douceur. Elle est très compréhensive, ce qui la rend vraiment attachante. Le surnom que les gens du village lui donnent la place clairement à l’écart de tous : elle accepte les règles, mais le village ne l’accepte pas. Kamouma, quant à elle, est une mère un peu calculatrice, qui déplore que son fils se soit marié en France, même si elle apprécie sa belle-fille. Elle connaît très bien les règles, ce qui l’aide à les contourner si besoin est. Dans la misère après le départ de son fils, elle lui pardonne facilement. Elle est elle aussi attachante à sa manière, bien qu’elle soit représentative de la tradition. Chabha est un personnage facile à aimer, étant donné le portrait qui est brossé d’elle. Elle a accepté un mariage qu’elle ne voulait pas forcément, a décidé qu’elle serait heureuse, que rien ne pouvait la rendre triste. Elle est forte, et douce, généreuse, authentique. Elle se retrouve bousculée par un événement imprévu. Tendre et aimante, elle ne veut faire souffrir personne, et se refuse momentanément le bonheur, un bonheur clandestin et jamais tout à fait accessible de toute façon. Quant à Slimane, il est envahi par le doute dans tout le roman, torturé entre la vengeance et l’honneur d’un côté, la compassion et le pardon de l’autre. Cela en fait un personnage ambivalent, qui change d’avis très souvent, et qui peut s’avérer dangereux s’il bascule. Le lecteur rencontre d’autres personnages comme Hocine et Hemama, l’un hypocrite comme jamais, faible, et l’autre, vraie commère du village ; brièvement Kaci, père d’Amer, sur lequel il est difficile de se faire une idée ; Smina et Ramdane, qui tiennent à leur fille comme à la prunelle de leurs yeux et sont prêts à tout pour l’aider.

Les codes au village, essentiels, instaurent une vraie séparation des sexes, mais posent aussi la question de l’honneur et de la vengeance, question cruciale du roman, qui le porte même. Une famille bafouée ne peut pas laisser passer l’offense sans réagir : la question de tuer le responsable est clairement posée, ce qui sous-entend une violence tacite, potentielle, que l’on sent affleurer dans les pensées de certains personnages. Une partie de vie en France est racontée, et c’est à partir d’elle que se noue le nœud de l’intrigue : un crime a été commis, et le responsable doit payer. Egalement, le titre devient parfaitement clair quand il est cité dans le livre : ce qui est important dans le village, c’est de faire partie d’une famille (par le sang), et de s’attacher à la terre, de la posséder ou de simplement y vivre. Amer revient à la terre, et fait honneur à son nom : il respecte ainsi la tradition.

Dans une autre mesure, ce livre m’a semblé une bonne représentation des tourments que peut connaître l’âme : de nombreuses fois, le lecteur est le témoin des pensées de certains personnages qui se demandent comment agir, s’ils doivent le faire, les conséquences de leurs actes, mais aussi témoin de réflexion sur l’amour, notamment chez Amer. Si la passion mentionnée par le synopsis est bien présente, elle est tout de même à remettre dans son contexte : le personnage « explique » ce qu’il ressent, pourquoi il le ressent, et que cela ne l’empêche pas d’aimer sa femme plus que tout au monde.

La fin n’est pas surprenante, mais fait tout de même mal. Elle est faite d’une découverte qui entraîne l’action. Cette fin montre tout le poids de la tradition et de l’honneur, qui a fini par vaincre.

 

Donc, un bon roman, qui n’a pas réussi à me captiver tout à fait, sans doute à cause d’un synopsis trop explicite.

Les Miscellanées Culinaires de Mr. Schott de Ben Schott

Posté : 18 mars, 2016 @ 12:30 dans Avis littéraires, Coup de cœur | Pas de commentaires »

Les Miscellanées culinaires Genre : Dictionnaire, Cuisine

Editeur : Allia

Année de sortie :2007 

Nombre de pages : 153

Synopsis : Quelque part entre un livre de recettes, une carte des vins, un guide des manières de table et une histoire de l’alimentation, il y a Les Miscellanées culinaires de Mr. Schott. Aucun autre guide gastronomique ne vous dira quel est le goût d’une punaise d’eau géante, comment Hemingway composait ses Martini, pourquoi les asperges parfument votre urine, et quelle est la manière la plus sensée de commander du pop-corn au cinéma. Dans quel autre livre de cuisine apprendrez-vous à troquer les fèves de cacao avec les indiens Nahuas, à lire dans les feuilles de thé, à faire des ronds de fumée, à porter un toast en finnois, à cuisiner un Œuf Monstre ? Où, sinon dans Les Miscellanées culinaires de Mr. Schott, pourriez-vous découvrir ce que George Orwell pensait de la nourriture en conserve, pourquoi Zeus dormait sur un lit de safran, combien il existe de couleurs de Smarties, et quels sont les arcanes de la cérémonie japonaise du thé ? Les Miscellanées culinaires de Mr. Schott donneront autant de nourriture à votre esprit que d’esprit à votre nourriture – que vous soyez un glouton, un goinfre, un goulu, un gourmand, un gourmet, un gastronome ou un gastrolâtre. [voir pages 16 & 103]

 

Avis : J’avais adoré le premier « tome » des Miscellanées, et quand j’ai vu qu’un deuxième existait sur la cuisine, j’ai tout de suite eu envie de le lire !

J’ai passé un excellent moment de lecture ! Ce livre est un véritable régal ! On apprend tout un tas de choses, même si certaines ne nous serviront peut-être jamais, mais ce n’est pas ce qui est important : ce qui l’est, c’est de prendre plaisir à découvrir des choses insolites, extraordinaires, délicieuses, et parfois, quand même, peu ragoûtantes. Le savoir apporté est très varié, on passe des parfums Ben et Jerry’s aux mots en -phage et -vore, en passant par le menu du premier et de centième Prix Nobel. J’ai souvent eu faim en lisant certains articles, ou envie d’essayer les recettes ou les mets ce dont l’auteur parlait. J’ai parfois ri à des anecdotes que je trouvais loufoques, ou à des citations d’auteurs sur la cuisine, ou l’alcool. C’est vraiment le genre de livre à garder près de soi pour se replonger dedans, ou quand on cherche quelque chose : parce qu’il y a tout de même aussi des informations utiles, comme la manœuvre d’Heimlich, ou des appellations que l’on retrouve souvent sur les produits que l’on mange. On peut également lire des choses que l’on savait déjà, mais une petite piqure de rappel ne fait jamais de mal ! Encore une fois, l’index est bien fait, et je dois dire que j’ai beaucoup aimé lire les citations qui parsèment l’œuvre.

L’écriture, quant à elle, est bonne, fluide, même si la police, bien qu’agréable, est un peu petite – pour l’avoir montrer à des personnes qui se sont exclamés : « mais c’est écrit minuscule ! ». J’avoue que je ne m’en étais pas vraiment rendue compte à la lecture, mais après qu’on me l’ait dit, c’est vrai que c’est quand même écrit petit. Seul tout petit bémol : comme pour le premier livre, parfois – mais beaucoup plus rarement – je ne savais pas de quoi voulait parler l’auteur quand il n’introduisait pas certaines notions.

Ce que j’ai beaucoup aimé également, c’est que l’auteur nous explique parfois d’où viennent certaines appellations, comme « gastronomie », ou certaines vertus que l’on accorde à certains produits, comme le safran. Un article nous donne la façon de demander l’addition dans plusieurs langues, un autre, des insultes culinaires, un autre encore, les enseignes Coca-Cola dans le monde. Certaines anecdotes introduisent l’Histoire dans le livre, d’autres la mythologie. Une diversité telle que tout le monde peut trouver son bonheur !

 

Donc, un livre à lire sans modération, que j’ai adoré, et que je pense souvent feuilleter !

Le Rocher de Tanios d’Amin Maalouf

Posté : 14 mars, 2016 @ 10:58 dans Avis littéraires | Pas de commentaires »

Le Rocher de Tanios Genre : Contemporaine

Editeur : Le Grand Livre du mois

Année de sortie : 1979

Nombre de pages : 277

Synopsis : « Dans le village où je suis né, les rochers ont un nom. Il y a le Vaisseau, la Tête de l’ours, l’Embuscade, le Mur, et aussi les Jumeaux, encore dits les Seins de la goule. Il y a surtout la Pierre aux soldats ; c’est à qu’autrefois on faisait le guet lorsque la troupe pourchassait les insoumis ; aucun lieu n’est plus vénéré, plus chargé de légendes. Pourtant, lorsqu’il m’arrive de revoir en songe le paysage de mon enfance, c’est un autre rocher qui m’apparaît. L’aspect d’un siège majestueux, creusé et comme usée à l’emplacement des fesses, avec un dossier haut et droit s’abaissant de chaque côté en manière d’accoudoir – il est le seul, je crois, à porter un nom d’homme, le Rocher de Tanios … » Tel est le début de ce roman où le lecteur fera provision d’énigmes, d’émotions et de péripéties. On y rencontre, entre autres, un muletier savant, un cheikh prénommé Francis, une prostituée géorgienne, un patriarche que la Mort attend, embusquée derrière le fusil du consul d’Angleterre, et cette femme, Lamia, qui porte sa beauté comme une croix. On y rencontre, surtout, un jeune homme aux cheveux déjà blanchis, et qui devint, par hasard ou par fatalité, le héros d’une étrange légende. Le Rocher de Tanios est, enfin, un roman d’aventures et de fidélité. On y entend le bruit de ce Destin qui « passe et repasse à travers nous, comme l’aiguille du cordonnier à travers le cuir qu’il façonne. »

 

Avis : Encore un livre lu pour un cours sur la francophonie !

J’avoue que je me suis un peu obligée à lire ce livre, et que c’est sans doute la raison pour laquelle je ne l’ai peut-être pas tout à fait apprécié à sa juste valeur. Pourtant, j’ai eu affaire ici à quelque chose que je ne connaissais pas : la vie dans un petit village situé dans les montagnes du Liban, un lieu empli de légendes et d’histoire, point central d’un conflit entre puissances, notamment entre l’Angleterre et la France, à travers les pays voisins comme l’Egypte, et les puissances locales, comme l’émir et le cheikh. Cela donne au lecteur l’impression d’un voyage coloré dans un endroit inconnu de lui, un endroit assez mystérieux, puisque l’histoire tourne autour de la légende du rocher de Tanios, sur lequel les enfants ont interdiction de jouer depuis l’époque présumée de la vie de ce même homme. En effet, le roman est centré sur lui, avant même sa naissance à travers sa mère, Lamia, puis sur ce qui lui arrive en tant qu’enfant, que jeune homme, jusqu’à sa disparition après qu’il a été vu pour la dernière fois sur le rocher qui porte, depuis, son nom. On découvre, à travers son histoire, celle de son pays, et le rôle qu’il joue lui-même dans le conflit, rôle que l’on peut penser moindre mais qui, d’abord, a une sorte d’effet papillon, puis devient plus concret. Il semblerait que Tanios soit le jouet du sort, et que sa naissance soit cause de beaucoup de malheur, malheur alors imputé à sa mère, qu’il est pourtant difficile de blâmer. En effet, de nombreux événements arrivent, semble-t-il, à cause de Tanios, de son existence même ou de ses bêtises, de sa façon de réagir. Concernant la structure du roman, elle est assez intéressante, puisque le livre est constitué d’un mélange de points de vue sur l’histoire de Tanios ; le narrateur explique même que, parfois, il ne croit pas à certaines versions parce qu’elles ne sont pas cohérentes. A travers lui s’entremêlent les voix de Nader, du moine Elias, du pasteur Stolton et de Gébrayel, à différents niveaux, puisque les trois premiers écrivent de différente façon, et le dernier raconte au narrateur sa version de l’histoire. Concernant l’écriture, elle est agréable à lire, plutôt fluide.

Tanios, le personnage principal, est à la fois attachant et agaçant. Attachant d’abord parce qu’il souffre, et que ses réactions sont dictées par ce qu’il ressent ; agaçant parce qu’il semble parfois excessif, et que sa manière de réagir provoque des événements irrémédiables qui vont faire souffrir d’autres personnes autour de lui. Le personnage prend conscience de sa différence de façon brutale, et cela change radicalement sa vie et ses sentiments : il se croyait tout à fait normal, aimait ses parents et allait à l’école comme tout le monde, ressentait l’admiration de tous pour le cheikh et ne sortait pas du rang. A partir du moment où il se rend compte qu’on se moque de lui, il devient un peu marginal, et agit de façon complètement opposée à la manière de voir les choses dans son village. Le personnage évolue et découvre la vie, se rend compte de ses excès et s’en repent. L’histoire de ce qui arrive à ses cheveux est étonnant, et le rend encore plus différent et spécial par rapport aux autres. Sa mère, Lamia, est plus attachante que son fils. Douce, généreuse, elle semble être un ange. Sa beauté sans pareille est un fardeau qu’elle porte, et cela se ressent dans la façon d’en parler du narrateur. Dans une société où la femme doit obéir à l’homme, elle tente de prévenir le sien, qui ne fait rien pour l’aider. J’ai eu mal au cœur pour elle à ce moment-là : elle voulait se sentir soutenue, aimée, rassurée, et elle s’est retrouvée trahie et abandonnée. Gérios est un personnage peu attachant jusqu’à un certain événement du livre, qui montre une tout autre facette de sa personnalité. Plutôt froid, toujours obéissant, il ne vit que dans l’ombre du cheikh, ne prend jamais d’initiative, ne s’oppose jamais à lui, ce qui provoque une situation dont il semble être le seul responsable. En effet, le cheikh a tous les pouvoirs, et en use comme bon lui semble sur ses sujets. Il ne semble pas en abuser, mais s’arrange pour obtenir ce qu’il veut ; et quand il est déterminé, il trouve des subterfuges ingénieux. D’autres personnages se trouvent dans ce roman, comme Roukoz, doublement traître, Raad, égoïste et influençable, la cheikha, qui fait erreur sur erreur vis-à-vis du peuple, Asma, que le lecteur apprécie, tout comme Tamar, le pasteur Stolton et sa femme, qui tentent de donner à Tanios une vie différente.

Il est assez étonnant dans le roman de voir l’amour du peuple pour le cheikh : celui-ci n’est pas parfait, mais il pourrait être pire, il est bon, il fait tout son possible pour épargner certaines choses à ses sujets. A un lecteur européen qui vit en démocratie, cela peut sembler aberrant, comme les habitants du village préféraient être tenus en laisse que d’être libre. En réalité, la politique est toujours une sorte de laisse pour le peuple, qui doit accepter certaines contraintes pour avoir certaines libertés ; dans le roman, la situation est juste amplifiée par le fait qu’on ne se trouve pas en démocratie, mais que les privilèges existent encore, et que rien ne peut être refusé au cheikh sans punition.

La fin est assez abrupte, mais le livre n’aurait pas pu se finir autrement. L’espoir que le narrateur laisse sur la vie de Tanios est plutôt réconfortant, même si l’idée d’une disparition différente peut surgir.

 

Donc, un bon roman, même si je n’ai pas été transportée.

Pélagie-la-Charrette d’Antonine Maillet

Posté : 13 mars, 2016 @ 8:04 dans Avis littéraires | 2 commentaires »

Pélagie-la-CharretteGenre : Historique

Editeur : Grasset

Année de sortie : 1979

Nombre de pages : 315

Synopsis : Un triste jour de 1775, les troupes du roi George s’en vinrent déloger de chez eux les Acadiens de la baie Française, abandonnés par « ceux du Vieux Pays ». Ce fut le « Grand Dérangement ». Parmi ces exilés, il y avait une certaine Pélagie Bourg dite le Blanc, qui n’avait pas oublié sa Grand’ Prée, là-haut sur la baie. Alors, après des années de misère, la voilà qui s’achète une charrette et une paire de bœufs pour y entasser les siens, Charlécoco les bessons, Madeleine sa fille, Célina la boiteuse, Catoune la sauvageonne, et le vieux Bélonie, le centenaire, mémoire de la tribu. « Pélagie-la-Charrette » devient vite le Moïse de la Déportation, la Mère-Courage du Grand Dérangement. Ils arrivent de partout, les Acadiens, ils la suivent, eux aussi s’en reviennent à la Terre Promise, et le voyage durera dix ans … De Charleston à Baltimore, de Philadelphie aux marais de Salem, malgré la guerre d’Indépendance et les Indiens, c’est la croisade des pauvres gens, avec ses dangers, ses bouffonneries, ses amours, ses surprises, tandis que, de loin en loin, le beau capitaine Broussard, dit Beausoleil, dit Robin des Mers, suit l’exode par la côte sur son quatre-mâts la « Grand’ Goule », lointaine providence des voyageurs qu’il tire à point nommé des mauvais pas jusqu’au bon port … Après Mariaagélas, La Sagouine et Les Cordes-de-Bois, qui nous ont familiarisés avec le monde merveilleux de nos cousins d’Acadie, voici que la « raconteuse » accède à l’épopée. C’est tout un peuple à présent qui parle à travers elle et nous dit son exaltante aventure, que nul autre ne pouvait ressusciter avec ce talent sans pareil, où la « langue des Côtes » rejoint celle de Rabelais pour tailler à Antonine Maillet une place qui n’est plus contestée dans la littérature de ce temps.

 

Avis : J’ai entendu parler de ce livre dans un cours sur les littératures francophones : en voyant qu’il parlait du Canada, je me suis dit que je pouvais en apprendre plus sur son passé.

Je m’attendais à un voyage, bien sûr, avec sa part de joie et sa part de mésaventures. Et c’est effectivement ce dont il est question dans le roman. Un peuple exilé prend la route pour retrouver la terre qu’on lui a arrachée de force, et à sa tête se trouve une femme, Pélagie, qui le guide avec sa charrette. Ils rencontreront plusieurs autres exilés, ainsi que des aventures plus ou moins réjouissantes – souvent moins que plus. Les villes sont les lieux de trafic en tout genre, et l’Amérique n’est pas le meilleur endroit à traverser pendant la lutte pour l’Indépendance. En effet, si les Acadiens veulent rejoindre leurs terres, les Américains, eux, obtiennent peu à peu leur liberté, tout en en privant d’autres êtres. Les passages sur la difficulté de faire survivre le passé m’ont touché : l’Acadie n’est plus que dans la mémoire des hommes qui tentent de remonter au Nord, qu’ils s’imaginent les attendre. Aussi, j’ai trouvé le voyage long, sans doute parce qu’il l’est réellement, et cela m’a un peu agacé : je pense que j’avais vraiment envie qu’ils avancent et qu’ils parviennent à leur but le plus vite possible, pour retrouver la terre idyllique à laquelle ils ne cessaient de penser. Je n’ai vraiment été transportée que dans la dernière partie du livre, quand les événements se succèdent et s’accélèrent, quand on touche enfin au but, quand le lecteur a encore l’espoir que tout est possible. J’ai eu peur pour certains personnages, j’ai eu envie de les sauver pour les voir profiter de la destination dont ils rêvaient. Mais, ce qui fait une autre difficulté du livre, et qui m’a un peu freiné au début, c’est l’écriture, la façon de raconter du narrateur, et la langue utilisée, dans les dialogues ou dans la narration. C’est un mélange de français moderne et d’ancien français qui peut paraître rebutant, un peu compliqué à comprendre du premier coup. Mais finalement, c’est assez amusant et authentique de lire la langue telle qu’elle devait être en 1775.

J’ai aussi trouvé qu’une bonne partie de l’intensité du livre était concentrée en Pélagie. Elle est la figure de proue des exilés, leur guide, celle qui fait autorité, que tout le monde écoute et que personne ne veut blesser. C’est une femme forte, courageuse, déterminée à retrouver son dû, sa terre, sa Grand’ Prée qu’elle imagine toujours aussi fertile et accueillante. Elle porte le fardeau du peuple exilé, et tente de le motiver à continuer la route quand il se lasse et veut abandonner. Généreuse, elle les recueille tous, leur promet à tous une vie plus douce en Acadie. Comme les bons leaders, elle sacrifie sans cesse son bonheur personnel pour celui de la collectivité, ce qui la rend encore plus attachante, mais aussi un peu martyre. Elle est accompagnée de Bélonie, le centenaire, qui a perdu toute sa famille et ne semble garder goût à la vie qu’en surface. Seul de sa lignée, qui s’éteindra avec lui, il est cynique, et proche de la mort, son amie, dont il tire la charrette derrière celle de Pélagie. Au début, il peut paraître agaçant, mais l’on attache vite à lui. La charrette sans lui sonnerait faux ! Célina est également présente aux côtés de l’héroïne. Il lui est impossible de se marier à son âge, et elle ne sait pas de quelle famille elle vient : la seule qu’elle ait est Pélagie, qu’elle défend bec et ongles si elle la sait menacée de quoi que ce soit. Guérisseuse, elle ressemble un peu à une sorcière. Le lecteur s’attache également à elle au cours du voyage, ainsi qu’à Catoune, qui, je pense, est le personnage qui m’a le plus fasciné. Orpheline, elle est recueillie par l’héroïne, qui la défend contre les autres exilés. Intrépide et sauvage, elle peut se permettre ce que Pélagie n’accepterait de personne d’autre. Elle est libre, sans attaches, sans famille, mais avec une aide, le personnage principal auquel elle s’accroche de toutes ses forces. Il lui arrive beaucoup de choses, toujours plus ou moins tristes. On trouve également dans ce livre les enfants de Pélagie, Jean, Madeleine, Charles, Jacques, qui l’aident à tenir la charrette et qui sont les premiers à lui obéir, les autres familles exilées, comme les Girouard ou les Bourgeois, Broussard dit Beausoleil, personnage clé, attachant, que l’on aimerait voir touché par le bonheur, Virginie, à laquelle le lecteur s’attache vite.

Lire le récit d’un retour d’exil peut sembler plus facile que de lire celui de l’exil même : et pourtant, le déchirement est ressenti à chaque pas, les souvenirs sont soit flous soit trop vivaces. Le retour ne gomme pas du tout l’exil, et ne le compense même pas : il est nécessaire pour panser les plaies encore ouvertes. Les sentiments sont souvent ambivalents : la joie d’être de retour, mais l’envie d’oublier parfois, et de s’établir ailleurs. Le sentiment d’être abandonnés par la France, maltraités par les Anglais : les exilés ne peuvent compter que sur eux-mêmes. C’est un voyage difficile à faire, mais aussi difficile à lire, parce qu’il est marqué par la désillusion et le chagrin, par le souvenir de la perte des êtres aimés, de la maison, des biens, des familles.

La fin est émouvante, à la fois triste et heureuse. C’était possible de s’y attendre, et en même temps, le lecteur n’avait pas envie que ça arrive.

 

C’est donc une bonne lecture, qui nous parle un peu du passé du Canada et de ses habitants, qu’il est toujours intéressant de connaître.

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