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I found myself in Wonderland.

En finir avec Eddy Bellegueule d’Edouard Louis

Classé dans : Avis littéraires — 17 février 2016 @ 21 h 44 min

En finir avec Eddy BellegueuleGenre : Contemporaine

Editeur : Points

Année de sortie : 2015

Nombre de pages : 204

Synopsis : « En vérité, l’insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n’a été que seconde. Car avant de m’insurger contre le monde de mon enfance qui s’est insurgé contre moi. Je n’ai pas eu d’autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre. »

 

Avis : J’étais un peu intriguée par ce livre ; pas mal de gens m’en ont parlé en me disant qu’ils avaient beaucoup aimé, d’autres en me disant qu’ils avaient détesté. Je me suis alors lancée !

Et je dois dire que je fais partie de la deuxième catégorie ! D’abord, je pense qu’on ne peut pas rester indifférent face à ce livre, mais aussi, qu’il nous place entre deux extrêmes : soit il nous touche, et on « aime » (même si le terme ne s’applique pas ici), soit on déteste. Je dois aussi dire que j’avais des petits a priori après une conversation sur ce livre avant même de le lire … Mais je voulais me faire ma propre opinion ! Le style d’écriture m’a semblé assez froide, ce qui ne fait qu’accroître le malaise que ressent le lecteur face à ce que le narrateur nous raconte : on dirait presque l’analyse de l’enfance, un retour en arrière sur elle avec les yeux d’un jeune homme qui la juge. Quant à l’histoire, dès la première phrase, elle donne le ton : « De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux ». En effet, le narrateur va nous raconter une enfance malheureuse, sale, triste, déprimante, qui l’a forgé en opposition totale avec sa famille : il est homosexuel, et personne dans son village ne peut le supporter. Je m’attendais au choc de la discrimination homosexuelle, à sa violence, à son horreur, et tout cela est bien présent. Souvent, j’ai ressenti un sentiment de dégoût profond pour cette homophobie que je rejette complètement : les scènes d’agression sont horribles à lire, encore pire avec la façon d’écrire de l’auteur. Et pourtant, j’ai souvent eu des impressions d’exagération et de caricature, de malaise et d’agacement. D’abord, l’histoire se passe en Picardie, dans le Nord de la France, et j’ai trouvé que le livre était bourré de clichés sur ces régions : alcool, violence, misogynie, ciel gris et déprimant, briques rouges que l’on déteste parce qu’on les voit tous les jours ; les autres régions, les autres pays sont exemptés de tout ça ? J’ai eu une impression de surcharge qui m’a énervé. Puis, la façon dont l’auteur parle de ses parents ; j’ai trouvé qu’il les rabaissait sans cesse, comme s’il se vengeait, j’ai eu l’impression d’un règlement de compte, c’était assez gênant d’y assister. Le petit « moins » qui m’a complètement fait basculer : l’auteur parle des Tupperware que sa mère prépare à son père en employant le terme de « gamelle », une occasion pour le comparer à un animal : j’ai trouvé que c’était le summum de l’exagération ! Qui ne prend pas de « gamelle » quand il ne peut pas manger dans une cantine, une cafétéria ou à l’extérieur ? Cela ne fait pas de nous des animaux ! C’était la goutte de trop.

Concernant les personnages, le narrateur m’a à la fois apitoyé et agacé ; il souffre de la discrimination dont il est l’objet, et il tente, comme Mishima dans Confession d’un masque, de se conformer à ce que les autres veulent qu’il soit. Le malaise ressenti à la lecture de ce livre est parallèle à celui-ci : le masque, les désirs sexuels refoulés qui ne se font ressentir que plus intensément. Enfant, le narrateur se sait différent, et les autres aussi : ils se moquent de lui derrière ET devant lui, et la violence dont il fait l’objet à l’école est révoltante ! Il semblerait que les amis se fassent rares, et pourtant, le narrateur dit en avoir. En réalité, ici, seuls les mauvais moments sont évoqués, mais, le lecteur peut avoir l’impression que derrière cela se cache quelque chose d’autre : des amies dont le narrateur ne parle pas, qu’il mentionne une fois. La résistance du narrateur fait peine à voir, son sourire donne des frissons, et sa détermination, comme celle de Mishima, à porter un masque pour être comme les autres attriste et montre la détresse de l’enfant. Pour les autres personnages, ils sont tous vus à travers les yeux du narrateur, donc toujours subjectivement. Le père est assez ambigu : d’un côté, il ne frappera jamais sa famille, de l’autre, il terrifie son fils. Il est une convergence des clichés sur la région du Nord : alcoolique, « un dur », autoritaire, qui ne pleure pas parce que, les vrais hommes, ça ne pleure pas, qui ne dit pas qu’il aime, et qui le montre parfois de façon maladroite. Je n’ai pas aimé ce personnage, mais il m’a parfois fait de la peine : il veut lui aussi entrer dans un moule, celui de « l’homme viril », un modèle de force et d’autorité, que personne n’oserait défier, alors qu’il a lui aussi des sentiments qu’il va laisser paraître à deux reprises. La mère est femme au foyer, et ne semble pas ressentir l’amour maternel de façon conventionnelle ; le narrateur en parle à certains moments. Elle se vante – comme le père – de choses dérisoires pour cacher la misère dans laquelle elle vit. Elle tente aussi de protéger ses enfants, mais aussi de faire en sorte que son fils soit comme les autres. En réalité, le narrateur présente ses parents comme des gens fiers de pas grand-chose, encore une façon de les rabaisser. La sœur est un peu effacée, mais toujours conforme aux « mœurs » du village, elle entre parfaitement dans le moule. Sa tentative de rendre son frère « normal » est un peu ridicule, et montre encore la difficulté d’accepter la différence de quelqu’un, même d’un membre de sa famille. Le frère est le stéréotype même du gros dur très lourd, totalement intolérant, jaloux, qui ne pense qu’à cogner quand tout ne va pas comme il le voudrait. Les deux garçons du collège m’ont indigné, comme la majorité des lecteurs je pense, et j’ai trouvé assez étrange qu’il minimise ce qu’ils faisaient par compassion ; j’ai trouvé que ça augmentait encore l’aspect de victime du narrateur. Le lecteur croise d’autres personnages, moins importants que les autres, notamment des filles que le narrateur tente de séduire pour se convaincre qu’il n’est pas homosexuel, Laure et Sabrina.

La fin m’a déçue. Dans l’épilogue, le style d’écriture change complètement, sans doute pour marquer une rupture avec le reste du livre, mais cela m’a encore semblé exagéré. Et la dernière phrase, assez ambiguë, pousse le lecteur à se demander si la souffrance recommence, ou si tout se passe bien à partir de ce moment : il est accepté, tout est différent dans l’établissement où il se trouve. Je penche plus pour la seconde option.

 

En définitive, un roman que je n’ai pas du tout aimé, qui m’a mis mal à l’aise, qui m’a agacé, énervé. Je ne suis pas prête de lire un autre livre de cet auteur !

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