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Archive pour le 14 janvier, 2016

Contes et entretiens de Diderot

Posté : 14 janvier, 2016 @ 3:19 dans Avis littéraires | 2 commentaires »

Contes et entretiens Genre : Classique

Editeur : GF

Année de sortie : 2013 

Nombre de pages : 200

Synopsis : Quel est le statut de l’individu dans le couple (Ceci n’est pas un conte) ? Le sage doit-il toujours respecter la loi (Entretien d’un père avec ses enfants) ? La morale peut-elle se passer de fondement religieux (Entretien d’un philosophe avec Madame la Maréchale de …) ? … Dans les récits brefs et piquants qu’il rédige entre 1768 et 1774, Diderot s’inspire d’anecdotes et de personnages réels pour interroger les mœurs de son temps et mettre à mal l’édifice vermoulu des conventions sociales. Faisant du conte un laboratoire de morale expérimentale, il aborde les questions du mariage, de l’infidélité, de la condition féminine, de la vertu ou encore de l’athéisme, et invite le lecteur à rassembler ces fragments d’histoires et de dialogues pour tenter de saisir la vérité toujours mouvante de l’humain.

 

Avis : Après Supplément au voyage de Bougainville, je devais lire Ceci n’est pas un conte et Madame de la Carlière pour un cours sur Diderot. J’ai préféré lire tout le livre, ne voyant pas l’intérêt de sauter des œuvres intéressantes, et au vu du nombre de pages !

Il est indéniable que toute l’intelligence de l’auteur est visible dans son œuvre. Ici, le recueil nous offre six contes ou entretiens qui vont aborder différentes questions plus ou moins polémiques à l’époque. Tous sont écrits sous forme de dialogue, et donnent même parfois lieu à des dialogues dans le dialogue. Je trouve cette forme très fluide, agréable à lire ; l’interaction donne une vie au récit, et le lecteur se sent concerné ; souvent, l’interlocuteur du narrateur pose les questions qui sont venues à l’esprit du lecteur. L’écriture de Diderot est agréable à lire, sans artifices, le but étant de faire comprendre les idées qui se cachent derrière les mots.

Le premier « conte » s’appelle Mystification : Diderot raconte comment il s’y est pris pour obtenir,  par la ruse, des objets dont une dame ne voulait pas se séparer. On se rend facilement compte de l’ingéniosité du procédé. La chute m’a fait rire, même si elle n’est pas drôle en soi : tout ça pour ça ?! Les deux amis de Bourbonne met en scène deux hommes, Félix et Olivier, qui s’aiment comme des frères, mais dont la vie va se jouer. Ici, l’auteur aborde le sujet de l’amitié, fidèle et sans failles, et défend Félix, malmené par son interlocuteur, qui ne voit en lui qu’un bon-à-rien. Cette histoire est touchante par le fait que, même si la vie est dure pour les deux hommes, leur amitié ne vacille pas. Elle n’a rien à voir avec ce que l’on appelle aujourd’hui « amitié ». Il n’y a pas de recherche d’intérêt, ni d’hypocrisie, pas de rivalités, ni de plaintes et de reproches. Les deux amis s’acceptent tels qu’ils sont, et acceptent les décisions de l’autre sans se plaindre. Entretien d’un père avec ses enfants présente un père malade qui raconte une de ses missions en tantqu’exécutant de la loi. Ici, Diderot nous expose ses convictions sur la justice, et l’humanité. Un homme sage est-il obligé de suivre la loi quand il la considère injuste ? La justice doit-elle toujours s’appliquer ? N’y-a-t-il pas en l’homme une conscience qui le régit mieux que les lois dans certaines situations ? En effet, l’homme doit d’abord se comporter comme un être humain avant de se comporter comme un homme de lois. J’ai vu il y a peu de temps le terme de casuistique en cours : j’ai eu l’impression que ce conte était fait exprès pour me faire comprendre cette notion ! Les lois sont comme la morale : elles sont très bonnes en théorie, mais une fois que l’on est confronté à la pratique, ce n’est plus la même histoire !

Ceci n’est pas un conte raconte deux histoires qui correspondent l’une à l’autre : celle de Tanié et de Madame Reymer, et celle de Mademoiselle de La Chaux et de Gardeuil. Deux des personnages vont se faire abuser par la personne qu’ils considèrent comme leur moitié, qu’ils aiment, et qui se sert d’eux pour obtenir tout ce qu’il peut avant de se débarrasser d’eux. Ainsi, Diderot interroge ici le rôle de l’individu dans le couple : doit-on totalement se sacrifier pour celui que l’on aime, au risque de tout faire à sa place et de se retrouver à la rue, misérable, alors que l’on possédait tout sans lui ? L’ingratitude de certains êtres est effrayante à voir : celui qui aime est prêt à se damner, quand l’autre ne fait que recevoir sans jamais donner. Cela débouche sur des issues fatales, et sur des destins brisés. Madame de la Carlière fait le portrait d’une femme, Madame de la Carlière, qui, après avoir souffert dans la vie, rencontre un homme qu’elle aime, et à qui elle demande de lui promettre de ne jamais la faire souffrir. Dès le début, l’accent est mis sur le fait que les gens aiment parler de faits divers dont ils ne savent rien, affabulant de toutes leurs forces sur une histoire qu’ils inventent en réalité, et qu’ils enlaidissent afin de cracher plus convenablement leur venin. Diderot se retrouve face à une de ses personnes et la remet à sa place en lui racontant l’histoire de Desroches, misérable et malheureux en raison d’une erreur que l’auteur qualifie de légère, et qui aurait pu lui être aisément pardonner, si celle qui se sentait offensée avait consenti à l’écouter et à lui laisser le bénéfice du doute. Pourtant, pas mal de gens aurait réagi comme elle, c’est ce qui brise la plupart des relations : le manque de confiance. On ne se dit pas tout, on apprend quelque chose, on n’en parle pas, jusqu’à ce que l’on explose, et que tout soit perdu. Le personnage de Madame de la Carlière, qui semble tout d’abord avoir raison, est présenté comme excessif : elle œuvre à son propre malheur et à celui des siens. Enfin, Entretien d’un philosophe avec Madame la Maréchale de *** traite de la religion et de l’athéisme. Diderot semble ici endosser le rôle de Socrate dans les dialogues de Platon et questionne la Maréchale sur la religion, l’amenant à dire des choses vraies, mais qu’elle ne tiendrait pas pour telles si elles lui étaient dites par quelqu’un. Ainsi, la morale chrétienne est remise en question, et les personnages se demandent si l’incrédulité n’est pas plus bénéfique que la religion. L’athéisme ne rend-t-il pas plus heureux, puisque l’on vit selon sa propre morale, qui n’est pas si éloignée de celle du chrétien, mais qui ne comporte pas ses menaces et ses restrictions ?Faut-il être chrétien pour être un honnête homme ? De plus, Diderot montre qu’il est impossible de ne pas fâcher le Dieu chrétien, car ses préceptes et restrictions nous empêcheraient de faire bon nombre de choses que nous faisons sans y penser, parce qu’elles sont naturelles. Ainsi, la loi religieuse et celle de la nature se contrediraient. Bien sûr, cette question de la religion se posait à l’époque parce qu’il était inconcevable que l’on ne croit pas en Dieu. Une réflexion de Diderot m’a semblé terriblement actuelle : au nom de la religion, on déclenche des guerres et l’on perpètre des carnages sans précédent.

 

En définitive, ces contes, chacun à leur manière, font réfléchir, donnent à penser, et peuvent faire voir la vie différemment.

 

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